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La nanoélectronique ne peut être que quantique - CEA

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Des nanosciences aux nanotechnologiesExploiter les propriétésles plus intimes de la matièreSpintroni<strong>que</strong> et nanomagnétismerepoussent les limitesdu stockage de l’informationDepuis l’introduction des dis<strong>que</strong>s durs en 1954, le magnétisme gouver<strong>ne</strong> le stockagede l’information à haute densité dans les ordinateurs. <strong>La</strong> découverte de lamagnétorésistance géante, en 1988, en a révolutionné le principe de lecture.Pour aller plus loin encore dans les performances, les chercheurs veulent utiliserun nouveau degré de liberté intrinsè<strong>que</strong> de l’électron, son spin.Banc magnéto-opti<strong>que</strong>au <strong>CEA</strong>/Grenoble pourmesurer l’aimantationde films minces :l’échantillon magnéti<strong>que</strong>réfléchit le faisceau laserrouge envoyé sur luien modifiant l’état depolarisation de sa lumière.Le magnétisme détient u<strong>ne</strong> part dominante dans lestockage de masse de l’information,estimée en 2002par l’Université de Berkeley à 92% de l’informationnuméri<strong>que</strong> nouvellement créée.Ses remarquables progrèspermettent aujourd’hui de coder l’informationdans les dis<strong>que</strong>s durs sous la forme de très petits domai<strong>ne</strong>smagnéti<strong>que</strong>s d’environ 40 160 nanomètres (nm).Les capteurs qui les lisent exploitent la dépendance enchamp de la résistivité électri<strong>que</strong> par le biais de phénomè<strong>ne</strong>sphysi<strong>que</strong>s comme la magnétorésistance géante(encadré 1).Aller plus loin dans les performances susciteun important effort de la recherche de base, tant ducôté du média (support physi<strong>que</strong> de l’information)<strong>que</strong> du côté des phénomè<strong>ne</strong>s en œuvre dans les capteursmagnétorésistifs. En particulier, il est nécessaired’explorer de nouveaux matériaux et de nouvellesgéométries de média pour éviter l’apparition dusuperparamagnétisme (encadré 2).<strong>La</strong> magnétoélectroni<strong>que</strong> est née en 1988 à Orsay avecla découverte du phénomè<strong>ne</strong> de magnétorésistancegéante.Depuis quinze ans,le <strong>CEA</strong> est impliqué de façontrès active dans la recherche de base sur ces nouveauxmatériaux et sur ces phénomè<strong>ne</strong>s ainsi <strong>que</strong> dans leurvalorisation dans un domai<strong>ne</strong> qui s’est considérablementétendu et diversifié. Le magnétisme se trouveainsi à la base d’u<strong>ne</strong> nouvelle discipli<strong>ne</strong> née du rapprochementavec l’électroni<strong>que</strong>. Jusqu’à présent, cettedernière s’est entièrement construite sur la manipulationde la charge électri<strong>que</strong> des électrons.Par exemple,dans les mémoires vives des ordinateurs, l’informatio<strong>ne</strong>st stockée sous la forme de charges électri<strong>que</strong>slocalement piégées dans de petites capacités électri<strong>que</strong>s.Or,les électrons,en plus de leur masse et de leur charge,possèdent u<strong>ne</strong> autre caractéristi<strong>que</strong> intrinsè<strong>que</strong> : lespin.Il s’agit d’u<strong>ne</strong> grandeur typi<strong>que</strong>ment quanti<strong>que</strong>mais dont <strong>peut</strong> <strong>être</strong> donnée u<strong>ne</strong> image en se repré-Artechni<strong>que</strong>/<strong>CEA</strong>8CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


<strong>La</strong> magnétorésistance1<strong>La</strong> magnétorésistance traduit la dépendancede la résistivité électri<strong>que</strong> en fonction de l’aimantationd’un matériau, et donc en fonction d’unchamp magnéti<strong>que</strong> appliqué. Depuis très longtemps(1857) est connue la magnétorésistanceanisotrope : la résistivité électri<strong>que</strong> varied’environ 4 % en fonction de l’angle entre lecourant et l’aimantation de la couche et estminimale lors<strong>que</strong> le courant se propage perpendiculairementà l’aimantation locale.<strong>La</strong> magnétorésistance géante a été découverteen 1988, conjointement par Albert Fert (Orsay) et Peter Grunberg(Allemag<strong>ne</strong>), dans des multicouches Fe/Cr. Ce phénomè<strong>ne</strong> estexploité dans les van<strong>ne</strong>s de spin (1) où deux couches ferromagnéti<strong>que</strong>ssont séparées par u<strong>ne</strong> fi<strong>ne</strong> couche non magnéti<strong>que</strong>(par exemple du cuivre, non représenté sur la figure) : la résistancevarie de 10 à 20% en fonction de l’orientation relative desaimantations des deux couches magnéti<strong>que</strong>s et est minimalelors<strong>que</strong> les aimantations des deux couches magnéti<strong>que</strong>s sontparallèles. Si l’u<strong>ne</strong> des couches voit sa direction d’aimantationfixée, et si la seconde est très sensible au champ appliqué, ceR


Des nanosciences aux nanotechnologiesFigure 1.Schéma illustrantla transition obtenuepar irradiationpar des ions hélium, entrela phase chimi<strong>que</strong>mentdésordonnée (à gauche),et la phase chimi<strong>que</strong>mentordonnée (à droite),qui présente u<strong>ne</strong> directionfacile d’aimantation,suivant l’axe C,perpendiculaire auplan des couches puresde fer (en rouge) etde plati<strong>ne</strong> (en bleu).Banc de mesures électri<strong>que</strong>s spectrales large bande(0-26 GHz) dédiés à l’étude de nanostructures magnéti<strong>que</strong>sà courant polarisé en spin au <strong>CEA</strong>/Grenoble.petits grains d’alliage ferromagnéti<strong>que</strong> (1) à base de cobalt,de chrome et de plati<strong>ne</strong> (CoCrPt).Afin de préserver unrapport signal sur bruit acceptable en dépit de la dispersiondes propriétés des grains, un nombre minimal de100 grains par bit d’information est nécessaire. Auxdensités de stockage actuelles (30 Gbit/cm 2 ),la taille desgrains est maintenant d’environ 7 nm et, dans le cadredes technologies actuelles, <strong>ne</strong> pourra plus <strong>être</strong> réduitefortement sans remettre en cause la stabilité de l’informatio<strong>ne</strong>n fonction de la température, la barrièred’é<strong>ne</strong>rgie séparant deux directions de l’aimantationdevenant trop faible pour éviter un comportementsuperparamagnéti<strong>que</strong>.Face à cette difficulté,deux voiessont explorées, au niveau international et au <strong>CEA</strong> :l’utilisation de matériaux nouveaux présentant de trèsfortes anisotropies magnétocristalli<strong>ne</strong>s et la mise enœuvre de nouvelles géométries de média.Parmi les nouveaux matériaux envisagés, le meilleurcandidat est certai<strong>ne</strong>ment l’alliage de fer et de plati<strong>ne</strong>(FePt), à l’anisotropie magnétocristalli<strong>ne</strong> gigantes<strong>que</strong>CArtechni<strong>que</strong>/<strong>CEA</strong>sous sa phase chimi<strong>que</strong>ment ordonnée (dite L1 0 ), qui<strong>peut</strong> <strong>être</strong> vue comme u<strong>ne</strong> alternance de plans atomi<strong>que</strong>spurs de fer et de plati<strong>ne</strong> (figure 1).L’aimantationserait stable à température ambiante pour des grainsde 3 nm! Le problème est <strong>que</strong> cette phase particulièren’apparaît qu’à des températures de croissance de 500 °Cenviron, délicates à mettre en œuvre en fabrication.Aussi,en collaboration avec des équipes d’Orsay (CNRS)et du centre de recherche allemand de Rossendorf, le<strong>CEA</strong>/Grenoble a exploré u<strong>ne</strong> voie novatrice reposantsur l’utilisation d’ions hélium pour accélérer les processusde mise en ordre chimi<strong>que</strong> à températuremodérée. En effet, à des é<strong>ne</strong>rgies de 20 à 130 keV,l’interaction ion-matière est faible (un atome déplacépour 100 plans atomi<strong>que</strong>s traversés) et le transfertd’é<strong>ne</strong>rgie limité: l’atome cible est déplacé de <strong>que</strong>l<strong>que</strong>sdistances interatomi<strong>que</strong>s, dans u<strong>ne</strong> position interstitielle,laissant u<strong>ne</strong> lacu<strong>ne</strong> dans le réseau cristallin.Dans ces conditions particulières, il n’est pas introduitde désordre, et les lacu<strong>ne</strong>s créées – par le faisceau incident– diffusent au sein du matériau. Elles permettentaux atomes de changer de site sur le réseau dans deséchanges hors équilibre, à basse température. En irradiantà u<strong>ne</strong> température de l’ordre de seulement 200à 300 °C,elles offrent au système la possibilité de relaxervers son état ordonné,plus stable.Le mécanisme reposesur le biais é<strong>ne</strong>rgéti<strong>que</strong> du mouvement de la lacu<strong>ne</strong>,piloté par les liaisons créées et rompues, qui favorisela mise en ordre chimi<strong>que</strong> en reconstruisant la phasestable au fil des échanges successifs entre atomes voisins.À partir de conditions initiales particulières, unordre chimi<strong>que</strong> pres<strong>que</strong> parfait est ainsi obtenu,démontrantainsi u<strong>ne</strong> versatilité nouvelle des techni<strong>que</strong>s d’irradiation,etrendant le matériau FePt synthétisable dansdes conditions technologi<strong>que</strong>ment acceptables.À plus long terme, l’avenir repose probablement surl’abandon des médias continus au bénéfice de médiasdiscrets. Dans les médias actuels, plusieurs dizai<strong>ne</strong>s degrains cristallographi<strong>que</strong>s d’un alliage à base de CoCrPtsont utilisés pour supporter un seul bit d’information,afin de compenser par un effet de moyen<strong>ne</strong> ladispersion des propriétés de ces grains.Dans des médiasdiscrets, des plots magnéti<strong>que</strong>s, tous identi<strong>que</strong>s, sontphysi<strong>que</strong>ment isolés les uns des autres. Il est alorspossible d’utiliser un seul grain par bit, ce qui permetd’accroître fortement les densités accessibles. Dans lelaboratoire Spintec du <strong>CEA</strong>/Grenoble, associant laDirection des sciences de la matière du <strong>CEA</strong>,le CNRS,l’université Joseph Fourier et l’INPG (Institut nationalpolytechni<strong>que</strong> de Grenoble), en collaboration avecle <strong>CEA</strong>-Leti (<strong>La</strong>boratoire d’électroni<strong>que</strong> et de technologiede l’information), u<strong>ne</strong> solution originale estexplorée. Elle consiste dans la gravure préalable dususbtrat (silicium, verre, aluminium) sous la formed’un réseau de plots,avant le dépôt du matériau magnéti<strong>que</strong>,qui vient alors recouvrir le sommet des plots etles tranchées qui les séparent. Cependant, du fait dela plus grande proximité avec la tête de lecture,la partieutile du dépôt magnéti<strong>que</strong> est située au seul sommetdes plots. <strong>La</strong> figure 2 montre l’exemple d’u<strong>ne</strong> imagemagnéti<strong>que</strong> obtenue sur un tel média. Des densitésde 40 Gbit/cm 2 ont été démontrées, et la voie semble(1) Ferromagnéti<strong>que</strong> : propriété qu’ont certains corpsmétalli<strong>que</strong>s de présenter u<strong>ne</strong> aimantation forte, dans le mêmesens <strong>que</strong> le champ appliqué.10CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


ouverte jusqu’au Tbit/cm 2 .Prati<strong>que</strong>ment, le substratinitial <strong>peut</strong> <strong>être</strong> réalisé par u<strong>ne</strong> technologie de nanoimpression(nanoimprint) utilisant un moule d’abordréalisé par lithographie électroni<strong>que</strong> (étape coûteuse),puis utilisé un grand nombre de fois pour transférerle motif sur de nouveaux substrats par simple pressagede la rési<strong>ne</strong> lithographi<strong>que</strong>.100 nmmulticoucheCo/Ptgrains CoPtLes phénomè<strong>ne</strong>s de magnétorésistanceappliqués aux mémoires MRAMaFigure 2.En (a), image obtenue par microscopie à force magnéti<strong>que</strong>, de plots magnéti<strong>que</strong>s de 100 200 nmconstitués d’u<strong>ne</strong> multicouche (Pt/Co) n déposée sur un substrat de silicium prégravé. Cha<strong>que</strong>plot présente u<strong>ne</strong> aimantation pointant vers le haut, ou le bas, indépendamment de ses voisins,et <strong>peut</strong> donc supporter un bit d’information. Un tel système a été lu avec succès par u<strong>ne</strong> tête delecture classi<strong>que</strong>. En (b), image en coupe obtenue par microscopie électroni<strong>que</strong> entransmission d’un plot de silicium recouvert d’u<strong>ne</strong> multicouche Co/Pt.lecturelig<strong>ne</strong>de motécriturelig<strong>ne</strong>sde motécriture “1”lig<strong>ne</strong> de bit“1”“0”écriture “0”lig<strong>ne</strong>s de bitLe lien entre propriétés de transport électroni<strong>que</strong> etmagnétisme est à la base de nombreux phénomè<strong>ne</strong>sde magnétorésistance (dépendance de la résistanceélectri<strong>que</strong> du champ magnéti<strong>que</strong> appliqué),largementétudiés dans les laboratoires de la Direction des sciencesde la matière du <strong>CEA</strong>, dans u<strong>ne</strong> perspective tantfondamentale qu’appliquée. Sur ce dernier plan, lesefforts portent essentiellement sur le développementde nouvelles technologies pour les mémoires magnéti<strong>que</strong>sà accès aléatoire (MRAM), qui sont l’un deschamps d’application les plus importants de la spintroni<strong>que</strong>.Elles utilisent comme éléments de stockagedes jonctions tun<strong>ne</strong>l constituées d’u<strong>ne</strong> fi<strong>ne</strong> barrièreisolante (~1 nm) séparant deux couches magnéti<strong>que</strong>s.Ces jonctions sont lithographiées et gravées sous laforme de piliers de dimension submicroni<strong>que</strong>. Desélectrodes conductrices, à la base et à leur sommet,permettent d’injecter un courant électri<strong>que</strong> au traversde la barrière. U<strong>ne</strong> jonction tun<strong>ne</strong>l magnéti<strong>que</strong> secomporte avec le spin des électrons comme le fait uncouple polariseur/analyseur en opti<strong>que</strong> avec la polarisationdes photons:on <strong>peut</strong> faire varier la transmissiondes électrons à travers la barrière tun<strong>ne</strong>l enjouant sur l’angle entre les aimantations des deuxcouches magnéti<strong>que</strong>s. Pour ce faire, la direction d’aimantationde l’u<strong>ne</strong> des deux couches est fixée, tandis<strong>que</strong> la seconde est réalisée de manière à tour<strong>ne</strong>r facilementsous l’action d’un champ magnéti<strong>que</strong>. <strong>La</strong> coucheémettrice polarise en spin les électrons, la coucheréceptrice les analyse. <strong>La</strong> résistance de la jonction évolued’environ 50% entre les configurations parallèle etantiparallèle des aimantations. Ces deux niveaux derésistance permettent de stocker l’information (figure 3).Les jonctions tun<strong>ne</strong>ls sont disposées en un réseau carréintercon<strong>ne</strong>cté à la base et au sommet par deux réseauxperpendiculaires de lig<strong>ne</strong>s conductrices parallèles.<strong>La</strong> lecture consiste à faire passer un courant à traversle point mémoire et à mesurer son niveau de résistance.L’écriture se fait par envoi simultané de deux impulsionsde courant dans les deux lig<strong>ne</strong>s conductrices quise croisent au niveau du point mémoire à écrire.Ces courants génèrent deux champs magnéti<strong>que</strong>s quis’ajoutent localement et permettent de faire basculerla jonction tun<strong>ne</strong>l dans la configuration magnéti<strong>que</strong>désirée (aimantations parallèles ou antiparallèles).L’intensité des courants doit <strong>être</strong> ajustée pour <strong>que</strong> seulle point mémoire qui “ressent” la somme des deuxchamps commute. Cette technologie est actuellementla principale développée par plusieurs consortia internationauxdont Motorola/STMicroelectronics/Philipsqui ont réalisé des démonstrateurs de 4 et 16 Mbitet annoncé la production pour 2005. Aux faiblesdensités d’intégration, cette technologie fonction<strong>ne</strong>bien, mais il est de plus en plus difficile de réaliser despoints mémoires présentant le même champ de retour<strong>ne</strong>mentde l’aimantation aux petites dimensions,ce qui va rapidement poser des problèmes d’erreursd’écriture. Pour résoudre cette <strong>que</strong>stion, le <strong>CEA</strong>travaille sur deux nouvelles approches.Écriture assistée thermi<strong>que</strong>mentou renversement d’aimantation par courantpolarisé en spin<strong>La</strong> première consiste en u<strong>ne</strong> écriture assistée thermi<strong>que</strong>ment.Le principe consiste à faire passer uncourant à travers le point mémoire pendant l’écriture,ce qui a pour effet de l’échauffer par effet Joule.Or, dans les matériaux magnéti<strong>que</strong>s, d’u<strong>ne</strong> façongénérale, le champ permettant le renversement del’aimantation diminue avec l’accroissement de latempérature, car l’activation thermi<strong>que</strong> assiste leretour<strong>ne</strong>ment.Cet échauffement permet donc d’écrirele point adressé avec un champ plus faible et doncmoins de ris<strong>que</strong>s de commutation accidentelled’autres points mémoires. Cette technologie a faitl’objet de plusieurs brevets <strong>CEA</strong> et u<strong>ne</strong> jeu<strong>ne</strong> entreprise,Crocus Technology, a été créée pour la développer, seproposant à terme de produire des TAS-MRAM(Thermally Assisted Switching-MRAM).<strong>La</strong> deuxième approche repose sur un phénomè<strong>ne</strong>découvert très récemment: le renversement d’aimantationinduit par un courant polarisé en spin.Un métalferromagnéti<strong>que</strong> constitue u<strong>ne</strong> source d’électronsbjonctions tun<strong>ne</strong>lFigure 3.Principe de fonction<strong>ne</strong>mentd’u<strong>ne</strong> MRAM de premièregénération. L’écriture estassurée par l’envoi simultanéde deux impulsions de courantdans les deux lig<strong>ne</strong>sconductrices perpendiculaires(lig<strong>ne</strong> de bit et lig<strong>ne</strong> de mot quise croisent au niveau du pointà adresser).CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 11


Des nanosciences aux nanotechnologiesBâti de dépôtde couches minces,au <strong>CEA</strong>/Saclay, àl’intérieur du<strong>que</strong>l deséléments magnéti<strong>que</strong>s,sous forme métalli<strong>que</strong>,sont chauffés puisfondus sous un videpoussé pour éviterl’oxydation. Leur vapeurvient se condenser surdes substrats monocristallinspour formeru<strong>ne</strong> couche minced’épaisseur contrôlableavec u<strong>ne</strong> précision del’ordre d’u<strong>ne</strong> coucheatomi<strong>que</strong>.A. Gonin/<strong>CEA</strong>polarisés en spin lors<strong>que</strong> ces électrons sont injectésdans un second matériau magnéti<strong>que</strong> au travers d’u<strong>ne</strong>couche non magnéti<strong>que</strong>. L’interaction entre les spinsdes électrons injectés et les spins responsables del’aimantation locale se traduit par un couple qui tendà alig<strong>ne</strong>r l’aimantation locale parallèlement à la polarisatio<strong>ne</strong>n spin du courant injecté. Si la densité decourant polarisé est suffisamment grande, il conduitau basculement de l’aimantation de la couche magnéti<strong>que</strong>dans un sens ou dans l’autre suivant la directiondu courant injecté. Les chercheurs du <strong>CEA</strong> ont validécet effet sur un nanopillier métalli<strong>que</strong> de 130 nm dediamètre comprenant deux couches magnéti<strong>que</strong>s decobalt de 4 nm d’épaisseur, l’u<strong>ne</strong> de référence, l’autrepouvant commuter, séparées par u<strong>ne</strong> couche métalli<strong>que</strong>de cuivre de 5 nm. En faisant varier le courantà travers la structure, il est possible de changer l’étatde résistance du sandwich et de la faire passer d’unétat de faible résistance (correspondant à un alig<strong>ne</strong>mentparallèle des aimantations des deux couchesmagnéti<strong>que</strong>s) à un état antiparallèle. Comme dans lecas de l’écriture assistée thermi<strong>que</strong>ment, la sélectivitéà l’écriture est alors parfaite. Toutefois, pour l’instant,les densités de courant requises pour cette commutationpar courant polarisé en spin sont de l’ordre de10 7 A/cm 2 .Ceci est acceptable pour des empilementstout métalli<strong>que</strong>s, mais pas pour des jonctions tun<strong>ne</strong>lsusceptibles de claquage électri<strong>que</strong> lorsqu’exposées àdes tensions supérieures à 1 V. Différentes pistes sonten cours d’études au <strong>CEA</strong>,visant à réduire ces densitésde courant criti<strong>que</strong>s pour les rendre compatibles avecl’utilisation de jonctions tun<strong>ne</strong>l.U<strong>ne</strong> autre consé<strong>que</strong>nce très intéressante de l’injectionde courant polarisé en spin dans u<strong>ne</strong> nanostructuremagnéti<strong>que</strong> est la possibilité,dans certai<strong>ne</strong>s gammes dechamp et de courant,d’exciter des modes de précession(rotation décrivant un cô<strong>ne</strong>) de l’aimantation.Dans cesmodes, la précession s’auto-entretient en pompant del’é<strong>ne</strong>rgie au courant continu de spin. Les fré<strong>que</strong>nces enjeu sont typi<strong>que</strong>ment de 5 à 30 GHz. Si la couche dontl’aimantation “précesse”est associée à u<strong>ne</strong> couche magnéti<strong>que</strong>de référence, la variation d’angle entre les aimantationsdes deux couches produit u<strong>ne</strong> variation temporellede résistance, donc de tension, à des fré<strong>que</strong>nces deplusieurs GHz. Ceci ouvre des perspectives d’applicationstrès importantes dans le domai<strong>ne</strong> des composantsradiofré<strong>que</strong>nce (télécommunications), notammentpour la réalisation d’oscillateurs RF.Des surprises sur un plan fondamentalSur un plan fondamental, les phénomè<strong>ne</strong>s de magnétorésistanceoffrent encore bien des surprises. Ainsi,des équipes de Saclay et Grenoble ont récemmentapporté u<strong>ne</strong> réponse expérimentale claire au problèmedélicat de la contribution des parois magnéti<strong>que</strong>s à larésistance électri<strong>que</strong>. U<strong>ne</strong> paroi sépare deux régionsd’aimantation opposées dans un matériau, et correspondà la région où l’angle de l’aimantation évoluerapidement (et de manière continue).<strong>La</strong> <strong>que</strong>stion poséeest la suivante: lors du passage du courant, le spin desporteurs de charge (des électrons) suit, de manièreplus ou moins fidèle, la rotation de l’aimantation.Toutefois,un petit angle apparaît qui favorise u<strong>ne</strong> plusgrande diffusion des porteurs de charge et génèreainsi u<strong>ne</strong> faible résistance supplémentaire, qui n’avaitpu <strong>être</strong> mise clairement en évidence jusqu’à ce jour.Enisolant <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s parois magnéti<strong>que</strong>s (chacu<strong>ne</strong> de 7 nmdomai<strong>ne</strong>scourantrésistivité (µ.cm)8,18,068,027,980 0,2 0,4 0,6contactschamp (Tesla)Figure 4.À gauche, image, obtenue en microscopie à force magnéti<strong>que</strong>, de domai<strong>ne</strong>s dans u<strong>ne</strong> lig<strong>ne</strong> de FePd de 400 nm de large.Les zo<strong>ne</strong>s claires et sombres correspondent aux domai<strong>ne</strong>s magnéti<strong>que</strong>s dont les aimantations respectives pointent vers le hautou le bas de la couche mince (domai<strong>ne</strong>s dits “up” et “down”). Le courant électri<strong>que</strong> est injecté suivant la flèche.Les quatre lig<strong>ne</strong>s verticales sont des contacts permettant la mesure de la tension électri<strong>que</strong>.À droite, évolution de la résistivité électri<strong>que</strong> sous l’effet d’un champ exter<strong>ne</strong>, qui entraî<strong>ne</strong> la disparition successive de domai<strong>ne</strong>smagnéti<strong>que</strong>s, et donc des parois, dans des sauts discrets de résistivité.12CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


de large) dans u<strong>ne</strong> nanostructure réalisée par lithographieélectroni<strong>que</strong>, puis en les faisant disparaîtresuccessivement sous l’action d’un champ magnéti<strong>que</strong>exter<strong>ne</strong>,les chercheurs du <strong>CEA</strong> ont pu détermi<strong>ne</strong>r précisémentleur contribution à la résistivité électri<strong>que</strong>(figure 4). Cette expérience a apporté un soutien décisifà l’u<strong>ne</strong> des théories auparavant proposées. Si l’effetest très faible, des voies peuvent <strong>être</strong> envisagées pouren tirer un meilleur parti en localisant la paroi magnéti<strong>que</strong>dans u<strong>ne</strong> nanoconstriction, où <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s atomesseulement séparent deux régions d’aimantation opposées.Les résultats publiés dans des géométries adéquatessontencore sujets à controverse, mais des mesurestrès récentes ont montré <strong>que</strong> la magnétorésistancede ces parois <strong>peut</strong> alors atteindre 30%. L’amplitudede l’effet obtenu est alors intéressante et permet d’imagi<strong>ne</strong>rà terme de nouvelles applications.Des semi-conducteurs magnéti<strong>que</strong>sBien au-delà des applications actuelles de la spintroni<strong>que</strong>,un vaste champ de recherche est maintenantouvert à la jonction des physi<strong>que</strong>s du magnétisme etdes semi-conducteurs. Celui-ci devrait aboutir à u<strong>ne</strong>nouvelle génération de composants électroni<strong>que</strong>s(classi<strong>que</strong>s et quanti<strong>que</strong>s) basés sur la manipulationde la charge et du spin (degré de liberté intrinsè<strong>que</strong> del’électron). Étape indispensable, l’injection contrôléede spins dans un semi-conducteur <strong>peut</strong> <strong>être</strong> réalisée àpartir d’un métal ferromagnéti<strong>que</strong> au travers d’u<strong>ne</strong>forte résistance d’interface ou bien directement à partird’un semi-conducteur ferromagnéti<strong>que</strong>. Ces deuxvoies d’injection présentent des avantages et des difficultésparticulières et sont explorées au <strong>CEA</strong>.Ainsi, lesmétaux ferromagnéti<strong>que</strong>s sont des sources d’électronspolarisés bien maîtrisées et opération<strong>ne</strong>lles jusqu’àdes températures élevées. Cependant, l’injection despin depuis ces métaux vers un semi-conducteur posedes problèmes délicats liés à la grande différence desrésistivités électri<strong>que</strong>s des deux matériaux. Pour ladeuxième solution, des semi-conducteurs de type IV(Si, Ge), III-V (GaAs, InAs) ou II-VI (ZnTe, CdTe),intégrables à la micro ou l’opto-électroni<strong>que</strong>, sontdopés par des ions magnéti<strong>que</strong>s comme le manganèse.Ces ions en substitution peuvent interagir par l’intermédiairedes porteurs pour aboutir à un ordre ferromagnéti<strong>que</strong>,mais les températures de mise en ordrerestent très basses, et la recherche d’u<strong>ne</strong> phase semiconductrice,ferromagnéti<strong>que</strong>à température ambianteconstitue l’un des défis actuels de l’électroni<strong>que</strong> de spin.Le travail récemment réalisé au <strong>CEA</strong>/Grenoble (en collaborationavec le laboratoire de spectrométrie physi<strong>que</strong>du CNRS) sur le contrôle du ferromagnétisme par l’injectionde porteur dans un semi-conducteur permetd’illustrer les progrès actuels.Dans les semi-conducteursmagnéti<strong>que</strong>s tels <strong>que</strong> GaMnN ou CdMnTe, le ferromagnétismes’expli<strong>que</strong> par l’alig<strong>ne</strong>ment des spins portéspar les atomes de manganèse sous l’effet d’u<strong>ne</strong> interactiond’échange via la polarisation des porteurs de charge(trous) du semi-conducteur (phénomè<strong>ne</strong> appelé interactionRKKY).De tels matériaux sont très intéressantscar il est possible d’ajuster leurs propriétés magnéti<strong>que</strong>sen jouant sur la concentration des porteurs par la simpleapplication d’u<strong>ne</strong> tension électri<strong>que</strong> au dispositif.Pour ce faire,le semi-conducteur magnéti<strong>que</strong> est insérédans u<strong>ne</strong> diode, et ses propriétés magnéti<strong>que</strong>s sontdéduites de mesures de photolumi<strong>ne</strong>scence (figure 5):sous tension nulle,le système est ferromagnéti<strong>que</strong> avecu<strong>ne</strong> température de Curie (2) de 3 K. Au-delà de cette(2) Température de Curie : température (souventimproprement nommée point de Curie) spécifi<strong>que</strong>de cha<strong>que</strong> substance, au-dessus de la<strong>que</strong>lle les matériauxferromagnéti<strong>que</strong>s devien<strong>ne</strong>nt paramagnéti<strong>que</strong>s(qui s’aimantent faiblement dans ce même sens).Première jonction tun<strong>ne</strong>lmagnéti<strong>que</strong> submicroni<strong>que</strong>pour mémoire MRAMréalisée par le laboratoireSpintec (largeur : environ300 nm).Spintecphotolumi<strong>ne</strong>scence (u.a.)barrièredopée pnon dopéedopée na4,2 K3,032,802,192,051,87Vpuits quanti<strong>que</strong>magnéti<strong>que</strong>couche type n1,651.65 1,65- 1V1,49 K1,49 K01690 1700 1710 1700 17102 3 4b é<strong>ne</strong>rgie (meV)c é<strong>ne</strong>rgie (meV)d température (K)O V- 1 V0 V - 1 V4,2 K2,972,822,192,051,88aimantation (u.a.)V10couche type pO Vp ~ 3 10 11 cm -2E Fp ~ 0T c ~3 KH. BOUKARI et al., Phys. Rev. Lett. 88, 207204 (2002)Figure 5.Contrôle des propriétésmagnéti<strong>que</strong>s d’un puitsquanti<strong>que</strong> de CdMnTe parajustement des populationsde porteurs. Le puitsquanti<strong>que</strong> (a) est inséré dansu<strong>ne</strong> diode p-i-n, en référenceau dopage des couches desemi-conducteur : p : positif,n: négatif, i : intrinsè<strong>que</strong>(absence de dopage) quipermet d’appli<strong>que</strong>r u<strong>ne</strong>tension et de modifier lesconcentrations de porteurs(trous). En b, la séparation dela raie de photolumi<strong>ne</strong>scenceobservée en champ nul révèleu<strong>ne</strong> aimantation spontanéequi apparaît à bassetempérature, l’alig<strong>ne</strong>mentdes spins des atomes demanganèse étant permispar l’interaction transmisepar les porteurs de charge.En c, le système dépourvu deses porteurs par u<strong>ne</strong> tensionde – 1 V reste dans l’étatparamagnéti<strong>que</strong>.En d, l’aimantation enfonction de la température,sous tension nulle et sous 1 V.CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 13


Des nanosciences aux nanotechnologiesFigure 5.Gros plan sur le dispositif(le porte-échantillona un diamètre de 4 cm)de mesure de résonanceferromagnéti<strong>que</strong> dans unmicroscope en champproche, au <strong>CEA</strong>/Saclay,avant sa mise en cryostat(4,2 K dans l’héliumliquide). <strong>La</strong> résonanceferromagnéti<strong>que</strong>est observée lors<strong>que</strong>l’aimantation d’unmatériau se metà précesser sous l’effetd’un champ magnéti<strong>que</strong>radiofré<strong>que</strong>nce.Cet appareil permetde mesurer des signauxextrêmement petitsqui provien<strong>ne</strong>ntde nanostructuresmagnéti<strong>que</strong>s.température, l’agitation thermi<strong>que</strong> détruit l’alig<strong>ne</strong>mentlocal des spins qui caractérise un matériau ferromagnéti<strong>que</strong>en créant u<strong>ne</strong> aimantation non nulle parunité de volume. Pour la première fois, les équipes du<strong>CEA</strong> ont montré <strong>que</strong> cette propriété essentielle <strong>peut</strong><strong>être</strong> contrôlée électri<strong>que</strong>ment: la température de Curieest abaissée à 1,5 K sous u<strong>ne</strong> tension modeste de 1 volt.Certes, le chemin est encore long vers des applicationsprati<strong>que</strong>s. Cependant, si cette propriété uni<strong>que</strong>pouvait <strong>être</strong> obtenue à température ambiante, deA. Gonin/<strong>CEA</strong>nombreuses d’entre elles deviendraient possibles,comme des mémoires magnéti<strong>que</strong>s où le renversementd’aimantation serait assisté par l’applicationde tensions faibles.Un potentiel extraordinaireDans ces domai<strong>ne</strong>s du nanomagnétisme,de la magnétoélectroni<strong>que</strong>et de la spintroni<strong>que</strong>,en profonde mutation,le <strong>CEA</strong> poursuit ses programmes avec la doubleambition de contribuer à l’avancée des connaissanceset de les transférer vers les applications. Au-delà del’avè<strong>ne</strong>ment de générations de mémoires MRAMrendues plus compétitives par l’introduction de nouvellestechnologies et du développement de nouveauxmatériaux semi-conducteurs magnéti<strong>que</strong>s, d’autresapplications se dessi<strong>ne</strong>nt dans le domai<strong>ne</strong> du calcullogi<strong>que</strong> et des composants radiofré<strong>que</strong>nce.En ce qui concer<strong>ne</strong> les médias magnéti<strong>que</strong>s, la recherchesur les médias discrets se poursuit, non seulementavec l’exploration de voies nouvelles mettant en œuvredes processus de lithographie décrits plus haut, maisaussi de processus d’auto-organisation de particulespréparées par des synthèses dites de chimie douce(en solution). Ces efforts sont soutenus par des étudesà caractère plus fondamental sur les mécanismes deretour<strong>ne</strong>ment de l’aimantation dans des particules dedimensions nanométri<strong>que</strong>s. Discipli<strong>ne</strong> fortementimplantée en France et plus particulièrement à Grenoblepar Louis Néel, prix Nobel de physi<strong>que</strong> et premierdirecteur du centre <strong>CEA</strong> de cette ville, le magnétismeouvre ainsi aujourd’hui de nouvelles perspectives dedécouvertes et d’applications, nées de l’extraordinairepotentiel de découvertes très récentes.> Bernard Diény*, Yves Samson*et Michel Viret**Direction des sciences de la matière<strong>CEA</strong> centres de Grenoble* et de Saclay**<strong>La</strong> <strong>nanoélectroni<strong>que</strong></strong><strong>ne</strong> <strong>peut</strong> <strong>être</strong> <strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>Ce n’est <strong>que</strong> dans le cadre quanti<strong>que</strong> qu’u<strong>ne</strong> réponse a pu <strong>être</strong> apportée à la <strong>que</strong>stionde savoir pourquoi un matériau est isolant, conducteur ou semi-conducteur. C’est paru<strong>ne</strong> approche quanti<strong>que</strong> fi<strong>ne</strong> <strong>que</strong> pourront <strong>être</strong> décrits et maîtrisés les phénomè<strong>ne</strong>sélectroni<strong>que</strong>s dans des conducteurs de taille nanométri<strong>que</strong>.Notre compréhension de la conduction électri<strong>que</strong>dans les solides est aujourd’hui essentiellementquanti<strong>que</strong>.Le courant est porté par les électrons quisont des fermions.Pourquoi tel matériau est isolant,conducteur ou semi-conducteur, est u<strong>ne</strong> <strong>que</strong>stion quin’a pu recevoir de réponse <strong>que</strong> dans ce cadre quanti<strong>que</strong>,au milieu du siècle dernier.Mais u<strong>ne</strong> fois les propriétés microscopi<strong>que</strong>s posées,notre compréhension du transport électroni<strong>que</strong> dansles conducteurs a longtemps reposé sur l’idée <strong>que</strong> lesélectrons réagissaient classi<strong>que</strong>ment aux potentielsélectri<strong>que</strong>s. <strong>La</strong> phase de la fonction d’onde électroni<strong>que</strong><strong>ne</strong> joue pas de rôle particulier et la variable decharge électroni<strong>que</strong> d’un ensemble d’électrons <strong>ne</strong> don<strong>ne</strong>pas lieu à des manifestations de sa quantification,c’està-direde son caractère quanti<strong>que</strong>. Dans cette approche,bien adaptée à la description de la plupart desconducteurs macroscopi<strong>que</strong>s, il <strong>ne</strong> reste plus rien de lanature quanti<strong>que</strong> des électrons, ni leur statisti<strong>que</strong>fermioni<strong>que</strong>, ni la quantification de la charge, ni doncla phase de l’onde associée.En revanche,la descriptiondes phénomè<strong>ne</strong>s de conduction dans des conducteursde petite taille exige u<strong>ne</strong> approche quanti<strong>que</strong> plus fi<strong>ne</strong>.Consé<strong>que</strong>nces de la quantificationCurieusement, si les bases théori<strong>que</strong>s étaient en placedepuis longtemps, c’est seulement au cours des deuxdernières décennies <strong>que</strong> les physiciens ont obtenu u<strong>ne</strong>description totalement quanti<strong>que</strong> de la conduction,faisantle pont entre les échelles microscopi<strong>que</strong> (atomi<strong>que</strong>)et macroscopi<strong>que</strong>. L’accès aux techni<strong>que</strong>s de micro-14CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


puis de nanotechnologie a en effet favorisé les progrèsconceptuels, par de nombreux allers et retours entremodélisation et expérience. Inversement, les besoinsexpérimentaux pour observer et manipuler des objetstoujours plus petits et élaborer des conducteurs toujoursplus purs ont suscité de nouveaux outils d’observatio<strong>ne</strong>t de nouveaux matériaux. Comme on pouvaits’y attendre, l’entrée des conducteurs dans l’ère quanti<strong>que</strong>a apporté de nouvelles quantifications qui ont eud’importants retentissements en métrologie: l’ohm aainsi été détrôné au profit du quantum de résistance,le Klitzing (1) , défini comme le rapport de la constantede Planck h au carré de la charge de l’électron e. <strong>La</strong>quantification de la charge d’un petit circuit autorisantla manipulation d’électrons uni<strong>que</strong>s a permis de reliercourant et fré<strong>que</strong>nce. Mais le plus remarquable estl’universalité de la description quanti<strong>que</strong> obtenue, quis’appli<strong>que</strong> aussi bien aux métaux, aux couches bidimension<strong>ne</strong>llesd’électrons utilisées dans les transistors,qu’à l’électroni<strong>que</strong> de spin ou à l’électroni<strong>que</strong> moléculaire.Ces matériaux, d’aujourd’hui ou de demain,peuvent voir leur conductance modulée par des effetsd’interférences orbitaux ou de spin,ou par des effets dequantification de la charge. De plus, ils conduisent lecourant de façon peu “bruyante”en temps en vertu duprincipe de Pauli qui régule le flot des électrons.Trois bri<strong>que</strong>s de base des conducteursquanti<strong>que</strong>sTrois bri<strong>que</strong>s de base des conducteurs quanti<strong>que</strong>s serontpassées en revue ici: le contact ponctuel, l’interféromètreélectroni<strong>que</strong> et la boîte quanti<strong>que</strong>. Ils illustrentrespectivement les concepts clés suivants: la quantificationde la conductance, les interférences à un électro<strong>ne</strong>t la quantification des états électroni<strong>que</strong>s et de la charge.<strong>La</strong> description d’un conducteur quanti<strong>que</strong> est simple.À un électron est associée u<strong>ne</strong> onde de probabilité.Celle-ci est répartie entre plusieurs modes électroni<strong>que</strong>squi résultent du confi<strong>ne</strong>ment de l’électron par le matériauqui agit comme un guide d’onde.<strong>La</strong> conductanceest alors la somme des coefficients de transmissiondes modes électroni<strong>que</strong>s multiplié par le quantum deconductance e 2 /h (relation de <strong>La</strong>ndauer).Pour décrire la conduction, les contacts sont dissociésdu conducteur, pris en “sandwich” entre eux. Ils(1) Klitzing : du nom du découvreur de l’effet Hall quanti<strong>que</strong>qui apparaît dans les conducteurs bidimension<strong>ne</strong>ls en fortchamp magnéti<strong>que</strong>.GaAlAsGaAsVgrille (V g )couche d’électronsVg100 nmIconductance (2e 2 /h)3210compren<strong>ne</strong>nt un grand nombre d’électrons qu’ilsabsorbent ou émettent, comme le ferait en opti<strong>que</strong> uncorps noir avec des ondes lumi<strong>ne</strong>uses. Ce n’est jamaisle même électron qui est absorbé puis réémis.<strong>La</strong> phasede l’électron émis est aléatoire. C’est l’image qu’on sefait d’un conducteur classi<strong>que</strong>. Au contraire, dans leconducteur quanti<strong>que</strong>, il n’y a pas de relaxation de laphase de l’onde électroni<strong>que</strong>. Un électron émis par lecontact de gauche dans un mode électroni<strong>que</strong> seraabsorbé dans le contact de droite avec u<strong>ne</strong> probabilitédonnée par le coefficient de transmission du mode.Plus nombreux sont les modes électroni<strong>que</strong>s et meilleureest leur transmission: plus le conducteur conduit. Lequantum de conductance s’obtient en remarquant <strong>que</strong>si le contact de gauche est porté à u<strong>ne</strong> é<strong>ne</strong>rgie eV audessusde celui de droite, seuls les électrons dans cettetranche d’é<strong>ne</strong>rgie trouveront des états libres à droiteet participeront donc au courant. Par la relationd’incertitude temps-é<strong>ne</strong>rgie, les électrons émis de lagauche <strong>ne</strong> peuvent se succéder qu’à la fré<strong>que</strong>nce eV/h.Pour un mode de transmission unité, le courant estalors e 2 V/h. Du rapport du courant sur la tension, ontire le quantum de conductance e 2 /h.Le contact ponctuel : quantificationde la conductanceIl est possible de réaliser par nanolithographieélectroni<strong>que</strong> un guide d’onde à électrons sans défautsformant u<strong>ne</strong> constriction de longueur submicroni<strong>que</strong>et de largeur comparable à la longueur d’onde desélectrons (figure 1). Quand la largeur de ce contactponctuel est bien inférieure à celle-ci, aucun modeélectroni<strong>que</strong> n’est transmis car les ondes sont éva<strong>ne</strong>scentesdans la constriction. On a u<strong>ne</strong> barrière tun<strong>ne</strong>lde conductance très inférieure au quantum de conductance.Quandla largeur vaut u<strong>ne</strong> demi-longueur d’ondeélectroni<strong>que</strong>, un premier mode est transmis, tandis<strong>que</strong> les autres sont encore réfléchis. <strong>La</strong> conductanceprésente alors un palier de valeur égale au quantumde conductance.Quand la constriction s’élargit encore,un second mode est transmis puis un troisième, etc.,chacun signalé par un plateau multiple du quantumde conductance. L’effet <strong>peut</strong> <strong>être</strong> démontré avec desconducteurs bidimension<strong>ne</strong>ls semblables à ceux utiliséspour les transistors à haute mobilité électroni<strong>que</strong>.Par effet de champ, u<strong>ne</strong> grille fait varier continûmentla constriction (figure 1). Le phénomè<strong>ne</strong> a été ensuiteobservé avec des contacts ponctuels atomi<strong>que</strong>s. <strong>La</strong>relation de <strong>La</strong>ndauer, qui relie conductance et transmission,est donc vérifiée à toute échelle.- 50 0 50 100V g (mV)Figure 1.Contact ponctuel : l’effet dechamp de deux grillesdéfinies par nanolithographieet évaporées au-dessus dela surface d’un conducteurcontenant u<strong>ne</strong> couched’électrons permet de définiru<strong>ne</strong> constriction de largeurvariable. <strong>La</strong> conductancemesure la transmissiondes modes électroni<strong>que</strong>s,chacun avec deuxorientations de spin.Ici, en variant la tension,de zéro à trois modes sonttransmis. Leur transmissioncomplète est signalée parun plateau de conductance,multiple entier du quantumde conductance 2e 2 /h (dontla valeur est ici doublée parla dégénérescence de spin).CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 15


Des nanosciences aux nanotechnologiesA 2 , GA 2heφ M B = rot (A)∆φ = eA dr = e φ MFigure 2.L’effet Aharanov-Bohm : en présence d’un champ magnéti<strong>que</strong> B, donc du potentielvecteur A, les fonctions d’ondes dans les deux bras de la boucle accumulent u<strong>ne</strong>différence de phase ∆φ. L’amplitude transmise et la conductance varient périodi<strong>que</strong>mentavec le flux magnéti<strong>que</strong> Φ M .AA 2 /4 1 + e i∆φ 2L’effet Aharanov-Bohm :interférences à un électron<strong>La</strong> conductance d’un conducteur <strong>peut</strong> <strong>être</strong> moduléepar des effets d’interférence. Si l’onde électroni<strong>que</strong> estdivisée pour suivre deux chemins différents puisrrecombinée,les amplitudes de probabilité des cheminss’ajoutent. Si les phases associées sont égales modulo2π la transmission, qui est le carré de l’amplitude, estrenforcée.Si elles diffèrent de π,elle s’annule.Un conducteuren forme d’an<strong>ne</strong>au placé entre deux contacts réaliseainsi l’analogue des trous d’Young en opti<strong>que</strong>. Unchamp magnéti<strong>que</strong> perpendiculaire est appliqué àl’an<strong>ne</strong>au pour faire varier la différence de phases entrechemins. Celle-ci dépend du flux du champ magnéti<strong>que</strong>à travers l’an<strong>ne</strong>au (effet Aharanov-Bohm,figure 2).<strong>La</strong> conductance est alors modulée avec u<strong>ne</strong> périodeégale au quantum de flux magnéti<strong>que</strong> h/e.<strong>La</strong> boîte quanti<strong>que</strong> : quantification de la chargeLes effets d’interférence pilotent aussi la conductanced’un petit îlot de <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s dizai<strong>ne</strong>s à <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s centai<strong>ne</strong>sd’électrons relié à deux contacts par des barrièrestun<strong>ne</strong>l (boîte quanti<strong>que</strong>). Un électron injecté par uncontact effectue dans l’îlot de multiples réflexions avantd’atteindre l’autre contact. Quand la phase accumuléeentre deux réflexions est multiple de 2π,les amplitudess’ajoutent: il y a résonance de transmission, commedans un interféromètre de Fabry-Pérot opti<strong>que</strong>.Autrement dit, l’observation des pics de conductanceassociés permet la spectroscopie tun<strong>ne</strong>l des états électroni<strong>que</strong>s.Comme dans un atome, le confi<strong>ne</strong>mentBQuel<strong>que</strong>s repères de physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong><strong>La</strong> physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> (histori<strong>que</strong>mentdénommée mécani<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>)est l’ensemble des lois physi<strong>que</strong>squi s’appli<strong>que</strong>nt à l’échelle microscopi<strong>que</strong>.Fondamentalement différentesde la plupart de celles qui semblents’appli<strong>que</strong>r à notre propre échelle, ellesn’en constituent pas moins le socle globalde la physi<strong>que</strong> à toutes ses échelles.Mais à l’échelle macroscopi<strong>que</strong>, sesmanifestations <strong>ne</strong> nous apparaissentpas étranges, à l’exception d’un certainnombre de phénomè<strong>ne</strong>s a prioricurieux, comme la supraconductivitéou la superfluidité , qui justement <strong>ne</strong>s’expli<strong>que</strong>nt <strong>que</strong> par les lois de laphysi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>. Au demeurant, lepassage du domai<strong>ne</strong> de validité des loisparadoxales de cette physi<strong>que</strong> à celuides lois, plus simples à imagi<strong>ne</strong>r, de laphysi<strong>que</strong> classi<strong>que</strong> <strong>peut</strong> s‘expli<strong>que</strong>rd’u<strong>ne</strong> façon très générale, comme celasera évoqué plus loin.<strong>La</strong> physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> tire son nomd’u<strong>ne</strong> caractéristi<strong>que</strong> essentielle desobjets quanti<strong>que</strong>s: des caractéristi<strong>que</strong>scomme le moment angulaire (spin) desparticules sont des quantités discrètesou discontinues appelées quanta, qui<strong>ne</strong> peuvent prendre <strong>que</strong> des valeursmultiples d’un quantum élémentaire. Ilexiste de même un quantum d’action(produit d’u<strong>ne</strong> é<strong>ne</strong>rgie par u<strong>ne</strong> durée)“Vue d’artiste” de l’équation de Schrödinger.appelé constante de Planck (h), dont lavaleur est de 6,626·10 -34 joule·seconde.Alors <strong>que</strong> la physi<strong>que</strong> classi<strong>que</strong> distingueondes et corpuscules, la physi<strong>que</strong>quanti<strong>que</strong> englobe en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte cesdeux concepts dans un troisième, quidépasse la simple dualité onde-corpusculeentrevue par Louis de Broglie,et qui, quand nous tentons de l’appréhender,semble tantôt proche du premieret tantôt du deuxième. L’objet quanti<strong>que</strong>constitue u<strong>ne</strong> entité inséparablede ses conditions d’observation, sansattribut propre. Et cela, qu’il s’agissed’u<strong>ne</strong> particule – en aucun cas assimilableà u<strong>ne</strong> bille minuscule qui suivraitu<strong>ne</strong> <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong> trajectoire – de lumière(photon) ou de matière (électron, proton,<strong>ne</strong>utron, atome…).Cette caractéristi<strong>que</strong> don<strong>ne</strong> toute sa forceau principe d’incertitude d’Heisenberg,autre base de la physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>.Selon ce principe (d’indéterminationplutôt <strong>que</strong> d’incertitude), il est impossiblede définir avec précision à un instantdonné à la fois la position d’u<strong>ne</strong> particuleet sa vitesse. <strong>La</strong> mesure, qui restepossible, n’aura jamais u<strong>ne</strong> précisionmeilleure <strong>que</strong> h, la constante de Planck.Ces grandeurs n’ayant pas de réalitéintrinsè<strong>que</strong> en dehors du processusd’observation, cette déterminationsimultanée de la position et de la vitesseest simplement impossible.D. Sarraute/<strong>CEA</strong>16CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


oîte quanti<strong>que</strong>conductanceN N + 1 N + 2 N + 3 … électronsFigure 3.U<strong>ne</strong> boîte quanti<strong>que</strong>(au centre de l’image) est unpetit îlot d’électrons dediamètre submicroni<strong>que</strong>,séparé des contacts par u<strong>ne</strong>barrière tun<strong>ne</strong>l. Saconductance montre des picsen fonction de la tensiond’u<strong>ne</strong> grille placée àproximité (ici la grillecentrale) qui signale l’entréed’un nouvel électrondans l’îlot.5000 nmtension de l’électrodedes électrons don<strong>ne</strong> des niveaux d’é<strong>ne</strong>rgie discrets :quand l’é<strong>ne</strong>rgie de l’électron injecté par les contactscoïncide avec l’un de ces niveaux, la conductance estmaximale. Prati<strong>que</strong>ment, pour changer les niveauxd’é<strong>ne</strong>rgie, un potentiel est appliqué sur u<strong>ne</strong> électrodevoisi<strong>ne</strong> (figure 3).On pourrait s’attendre à ce <strong>que</strong> lacharge de l’îlot varie continûment comme si l’électrodeet l’îlot formaient les deux armatures d’u<strong>ne</strong> capacitémacroscopi<strong>que</strong>. Mais, hors résonance, l’îlot échangedifficilement un électron avec les contacts: sa chargeest quantifiée. <strong>La</strong> charge varie alors par saut de e aupassage de cha<strong>que</strong> résonance de transmission. Celacorrespond à l’occupation d’un nouvel état accessible.<strong>La</strong> quantification de la charge est aussi renforcée parl’é<strong>ne</strong>rgie de Coulomb (ou d’ionisation) qui est l’é<strong>ne</strong>rgiecapacitive à “payer” pour extraire ou addition<strong>ne</strong>rC’est qu’à tout instant l’objet quanti<strong>que</strong>présente la caractéristi<strong>que</strong> de superposerplusieurs états, comme u<strong>ne</strong> onde <strong>peut</strong><strong>être</strong> le résultat de l’addition de plusieursautres. Dans le domai<strong>ne</strong> quanti<strong>que</strong>, lahauteur d’u<strong>ne</strong> onde (assimilable à celled’u<strong>ne</strong> vague par exemple) a pour équivalentu<strong>ne</strong> amplitude de probabilité (ouonde de probabilité), nombre complexeassocié à chacun des états possibles d’unsystème qualifié ainsi de quanti<strong>que</strong>.Mathémati<strong>que</strong>ment, un état physi<strong>que</strong>d’un tel système est représenté par unvecteur d’état, fonction qui, en vertu duprincipe de superposition, <strong>peut</strong> s’ajouterà d’autres. Autrement dit, la somme dedeux vecteurs d’état possibles d’un systèmeest aussi un vecteur d’état possibledu système. De plus, le produit de deuxespaces vectoriels est aussi la sommede produits de vecteurs, ce qui traduitl’intrication: un vecteur d’état étant généralementétalé dans l’espace, l’idée delocalité des objets <strong>ne</strong> va plus de soi. Dansu<strong>ne</strong> paire de particules intriquées, c’està-direcréées ensemble ou ayant déjàinteragi l’u<strong>ne</strong> sur l’autre, décrite par leproduit et non par la somme de deux vecteursd’état individuels, le destin de chacu<strong>ne</strong>est lié à celui de l’autre, <strong>que</strong>lle <strong>que</strong>soit la distance qui pourra les séparer.Cette caractéristi<strong>que</strong>, également appeléel’enchev<strong>être</strong>ment quanti<strong>que</strong> d’états, ades implications vertigi<strong>ne</strong>uses, sansparler des applications imaginables, dela cryptographie quanti<strong>que</strong> à – pourquoi<strong>ne</strong> pas rêver? – la téléportation.Dès lors, la possibilité de prévoir le comportementd’un système quanti<strong>que</strong> n’estqu’u<strong>ne</strong> prédictibilité probabiliste et statisti<strong>que</strong>.L’objet quanti<strong>que</strong> est en <strong>que</strong>l<strong>que</strong>sorte u<strong>ne</strong> “juxtaposition de possibles”.Tant <strong>que</strong> la mesure sur lui n’est pas faite,la grandeur censée quantifier la propriétéphysi<strong>que</strong> recherchée n’est passtrictement définie. Mais dès <strong>que</strong> cettemesure est engagée, elle détruit lasuperposition quanti<strong>que</strong>, par réductiondu pa<strong>que</strong>t d’ondes, comme Wer<strong>ne</strong>rHeisenberg l’énonçait en 1927.Toutes les propriétés d’un système quanti<strong>que</strong>peuvent <strong>être</strong> déduites à partir del’équation proposée l’année précédentepar Erwin Schrödinger. <strong>La</strong> résolution decette équation de Schrödinger permetde détermi<strong>ne</strong>r l’é<strong>ne</strong>rgie du système ainsi<strong>que</strong> la fonction d’onde, notion qui a donctendance à <strong>être</strong> remplacée par celled’amplitude de probabilité.Selon un autre grand principe de la physi<strong>que</strong>quanti<strong>que</strong>, le principe (d’exclusion)de Pauli, deux particules identi<strong>que</strong>sde spin 5 (c’est-à-dire des fermions, enparticulier les électrons) <strong>ne</strong> peuvent avoirà la fois la même position, le même spi<strong>ne</strong>t la même vitesse (dans les limitesposées par le principe d’incertitude),c’est-à-dire se trouver dans le mêmeétat quanti<strong>que</strong>. Les bosons (en particulierles photons), <strong>ne</strong> suivent pas ce principeet peuvent se trouver dans le même étatquanti<strong>que</strong>.<strong>La</strong> coexistence des états superposésdon<strong>ne</strong> sa cohérence au système quanti<strong>que</strong>.Dès lors, la théorie de la décohérencequanti<strong>que</strong> <strong>peut</strong> expli<strong>que</strong>r pourquoiles objets macroscopi<strong>que</strong>s ont uncomportement “classi<strong>que</strong>” tandis <strong>que</strong>les objets microscopi<strong>que</strong>s, atomes etautres particules, ont un comportementquanti<strong>que</strong>. Plus sûrement encore qu’undispositif de mesure pointu, “l’environ<strong>ne</strong>ment”(l’air, le rayon<strong>ne</strong>ment ambiant,etc.) exerce son influence, éliminantradicalement toutes les superpositionsd’état à cette échelle. Plus le systèmeconsidéré est gros, plus il est en effetcouplé à un grand nombre de degrés deliberté de cet environ<strong>ne</strong>ment. Et doncmoins il a de “chances” – pour resterdans la logi<strong>que</strong> probabiliste – de sauvegarderu<strong>ne</strong> <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong> cohérencequanti<strong>que</strong>.POUR EN SAVOIR PLUSÉtien<strong>ne</strong> KLEIN, Petit voyagedans le monde des quanta, Champs,Flammarion, 2004.CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005 17


Des nanosciences aux nanotechnologiesun électron. Ce dernier effet, plus robuste, subsistemême à haute température, quand l’espacement entreniveaux d’é<strong>ne</strong>rgie devient plus petit <strong>que</strong> l’é<strong>ne</strong>rgie associéeaux transferts thermi<strong>que</strong>s.Des conducteurs sans bruit : le silencedes électronsbruit de grenaille100 1 2conductance (2e 2 /h)Figure 4.“Bruit de grenaille” du courant normalisé au bruit de Schottkypour différentes valeurs de la conductance d’un contactponctuel. Le bruit, en général très réduit, va même jusqu’às’annuler quand un nombre entier de modes est parfaitementtransmis, c’est-à-dire quand la conductance est multiple duquantum de conductance (doublé par dégénérescence de spin).Un bon conducteur doit transmettre un courant en yajoutant le minimum de fluctuations. Or, la chargeétant discrète et le nombre d’électrons traversant leconducteur pendant un temps défini u<strong>ne</strong> donnéeprobabiliste, il en résulte un incontournable “bruitde grenaille” du courant. Pour les conducteurs quanti<strong>que</strong>s,ce bruit est très faible, voire nul (figure 4). E<strong>ne</strong>ffet, un contact injecte les électrons régulièrement à lafré<strong>que</strong>nce eV/h. Les fluctuations provien<strong>ne</strong>nt alors duseul caractère probabiliste quanti<strong>que</strong> de passage desélectrons.<strong>La</strong> loi de probabilité est binomiale:un électro<strong>ne</strong>st transmis ou réfléchi.<strong>La</strong> variance du courant est proportion<strong>ne</strong>lleau produit de la transmission par laréflexion. Si la transmission est faible, le bruit est faiblemais le courant I aussi: le bruit est donné par la loi deSchottky (S I =2eI où S I est la puissance de bruit par unitéde fré<strong>que</strong>nce et I la valeur moyen<strong>ne</strong> de l’intensité) observéepour les barrières tun<strong>ne</strong>l ou les diodes à semiconducteurs.Sila transmission approche l’unité,le courantest important, mais le bruit s’annule comme laréflexion. L’annulation du bruit est observée dans uncontact ponctuel. Pour un conducteur <strong>que</strong>lcon<strong>que</strong>, ontrouve <strong>que</strong> le bruit est trois à quatre fois plus petit <strong>que</strong>le bruit de Schottky.Bien qu’observés au départ dans des systèmes modèlesà basse température,les effets décrits plus haut sont observablesmaintenant à température ambiante sur deséchelles atomi<strong>que</strong>s. En effet, si l’échelle de longueur audelàde la<strong>que</strong>lle les électrons perdent leur cohérencequanti<strong>que</strong> par interaction avec un environ<strong>ne</strong>ment macroscopi<strong>que</strong>est micrométri<strong>que</strong> à basse température, elleest encore de l’ordre de la dizai<strong>ne</strong> de nanomètres pourla plupart des matériaux à température ambiante.À cetteéchelle nanométri<strong>que</strong>, désormais accessible à l’expérimentation,l’électroni<strong>que</strong> <strong>ne</strong> <strong>peut</strong> <strong>être</strong> <strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>!> Denis-Christian Glattli* et Marc San<strong>que</strong>r**Direction des sciences de la matière<strong>CEA</strong> centres de Saclay* et de Grenoble**18CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 52 - ÉTÉ 2005


ADu monde macroscopi<strong>que</strong> au nanomonde, ou l’inverse…Afin de se représenter plus aisémentles dimensions des objetsmicro et nanoscopi<strong>que</strong>s*, il est prati<strong>que</strong>de procéder à des comparaisonset courant de faire correspondre différenteséchelles, par exemple celle dumonde du vivant, de la molécule àl’homme, et celle des objets manipulésou fabriqués par lui (figure). Cettecorrespondance entre “artificiel” et“naturel” permet, par exemple, de voir<strong>que</strong> des nanoparticules fabriquéesartificiellement sont plus petites <strong>que</strong>des globules rouges.Un autre mérite de cette juxtapositio<strong>ne</strong>st d’illustrer les deux grandes façons*Du grec nano qui signifie “tout petit”et est utilisé comme préfixe pour désig<strong>ne</strong>rle milliardième (10 -9 ) d’u<strong>ne</strong> unité. Enl’occurrence, le nanomètre (1 nm = 10 -9 m,soit un milliardième de mètre) est l’unitérei<strong>ne</strong> du monde des nanosciences et desnanotechnologies.Tranche de silicium de 300 mm réalisée par l’Alliance Crolles2, illustration de la démarchetop-down actuelle de la microélectroni<strong>que</strong>.Artechni<strong>que</strong>d’élaborer des objets ou des systèmesnanométri<strong>que</strong>s : la voie descendante(top-down) et la voie ascendante(bottom-up). Deux chemins mè<strong>ne</strong>nt e<strong>ne</strong>ffet au nanomonde : la fabricationmoléculaire, qui passe par la manipulationd’atomes individuels et laconstruction à partir de la base, etl’ultraminiaturisation, qui produit dessystèmes de plus en plus petits.<strong>La</strong> voie descendante est celle du mondeartificiel, qui part de matériaux macroscopi<strong>que</strong>s,ciselés par la main del’homme puis par ses instruments: c’estelle qu’a empruntée l’électroni<strong>que</strong>depuis plusieurs dizai<strong>ne</strong>s d’années,principalement avec le silicium commesubstrat, et ses “tranches” (wafers)comme entités manipulables. C’estd’ailleurs la microélectroni<strong>que</strong> qui alargement contribué à don<strong>ne</strong>r à cettevoie le nom anglais sous la<strong>que</strong>lle elleest connue. Mais il <strong>ne</strong> s’agit plus seulementd’adapter la miniaturisation dela filière silicium actuelle, mais ausside prendre en compte, pour s’en prémunirou les utiliser, les phénomè<strong>ne</strong>sphysi<strong>que</strong>s, quanti<strong>que</strong>s en particulier,qui apparaissent aux faibles dimensions.<strong>La</strong> voie ascendante <strong>peut</strong> permettre depasser outre ces limites physi<strong>que</strong>s etaussi de réduire les coûts de fabrication,en utilisant notamment l’autoassemblagedes composants. C’est elle<strong>que</strong> suit la vie en pratiquant l’assemblagede molécules pour créer des protéi<strong>ne</strong>s,enchaî<strong>ne</strong>ment d’acides aminés<strong>que</strong> des super-molécules, les acidesnucléi<strong>que</strong>s (ADN, ARN), savent faire produireau sein de cellules pour formerdes organismes, les faire fonction<strong>ne</strong>r etse reproduire tout en se complexifiant.Cette voie, dite “bottom-up”, vise à organiserla matière à partir de “bri<strong>que</strong>s debase”, dont les atomes eux-mêmes sontles plus petits constituants, à l’instardu monde vivant. <strong>La</strong> <strong>nanoélectroni<strong>que</strong></strong>du futur cherche à emprunter cette voied’assemblage pour aboutir à moindrecoût à la fabrication d’éléments fonction<strong>ne</strong>ls.Les nanosciences peuvent ainsi <strong>être</strong>définies comme l’ensemble des recherchesvisant à la compréhension despropriétés (physi<strong>que</strong>s, chimi<strong>que</strong>s etbiologi<strong>que</strong>s) des nano-objets ainsiqu’à leur fabrication et à leur assemblagepar auto-organisation.Les nanotechnologies regroupent l’ensembledes savoir-faire qui permettentde travailler à l’échelle moléculairepour organiser la matière afin deréaliser ces objets et matériaux, éventuellementjusqu’à l’échelle macroscopi<strong>que</strong>.


A(Suite)mondevivantmolécule<strong>que</strong>l<strong>que</strong>s Å<strong>CEA</strong>ADN3,4 nmM. Freeman/Photolinkvirus0,1 µmGeostockglobule rouge5µmD. R.cheveu 50 µm(diamètre)grain de pollen10 µm à 20 µmE. Pollard/PhotolinkIBM Researchpuce1mmE. Pollard/Photolinkfourmi1cmFrédéric Balle<strong>ne</strong>ggerpapillon5cmPat Powers and Cherryl Schaferhomme2mS. Wanke/Photolinkvoieascendante“bottom-up”0,1 nm1 nm10 nm 100 nm 1µm 10 µm 100 µm 1mm 1cm 10 cm 1mnanomonde10 -10 m 10 -9 m 10 -8 m 10 -7 m 10 -6 m 10 -5 m 10 -4 m 10 -3 m 10 -2 m 10 -1 mvoiedescendante“top-down”atome1 nmboîte quanti<strong>que</strong>5 nmA. Ponchet, CNRS/CEMESnanoparticule10 nmnanotransistor20 nm<strong>CEA</strong>/DRFMC/J.-M. Pénisson<strong>CEA</strong>-Letitransistor“Cooper”1µmintercon<strong>ne</strong>xionsde circuit intégré1-10 µm<strong>CEA</strong>-Leti<strong>CEA</strong>-Letimicrosystème10-100 µmTronicsArtechni<strong>que</strong>/<strong>CEA</strong>puce de carte1cmtélépho<strong>ne</strong>portable 10 cmD. Michon-Artechni<strong>que</strong>/<strong>CEA</strong>véhiculeindividuel 2 mPSA-Peugeot Citroënmondeartificiel


DLe transistor, composant de base des circuits intégrésEn décembre 1947, John Bardee<strong>ne</strong>t Walter H. Brattain réalisaient lepremier transistor en germanium.Avec William B. Shockley, aux Bell<strong>La</strong>boratories, ils développaient l’annéesuivante le transistor à jonction et lathéorie associée. Au milieu des années1950, les transistors seront réalisés ensilicium (Si), qui reste aujourd’hui lesemi-conducteur généralement utilisé,vu la qualité inégalée de l’interface crééepar le silicium et l’oxyde de silicium (SiO 2 ),qui sert d’isolant.commutateurtransistorvue en coupeL g =longueur de grillesourcesourcesourceisolementgrille de commandegrillegrillecanalsubstrat Sidraindrainisolant de grilleFigure.Un transistor MOS est un commutateur qui permet de commander le passage d’un courantélectri<strong>que</strong> de la source (S) vers le drain (D) à l’aide d’u<strong>ne</strong> grille (G) isolée électri<strong>que</strong>mentdu canal de conduction. Le substrat en silicium est noté B (pour Bulk).L gisolementdrainEn 1958, Jack Kilby invente le circuitintégré en fabriquant cinq composantssur le même substrat. Les années 1970verront le premier microprocesseur d’Intel(2250 transistors) et les premières mémoires.<strong>La</strong> complexité des circuits intégrés<strong>ne</strong> cessera de croître expo<strong>ne</strong>ntiellementdepuis (doublement tous les deux-troisans, selon la “loi de Moore”) grâce à laminiaturisation des transistors.Le transistor (de l’anglais transfer resistor,résistancede transfert), composantde base des circuits intégrés microélectroni<strong>que</strong>s,le restera mutatis mutandisà l’échelle de la <strong>nanoélectroni<strong>que</strong></strong>:adapté également à l’amplification,entre autres fonctions, il assume e<strong>ne</strong>ffet u<strong>ne</strong> fonction basi<strong>que</strong> essentielle:laisser passer un courant ou l’interrompreà la demande, à la manière d’uncommutateur (figure). Son principe debase s’appli<strong>que</strong> donc directement autraitement du langage binaire (0, le courant<strong>ne</strong> passe pas; 1, il passe) dans descircuits logi<strong>que</strong>s (inverseurs, portes,addition<strong>ne</strong>urs, cellules mémoire).Le transistor, fondé sur le transport desélectrons dans un solide et non plusdans le vide comme dans les tubesélectroni<strong>que</strong>s des ancien<strong>ne</strong>s triodes,est composé de trois électrodes (anode,cathode et grille) dont deux servent deréservoirs à électrons: la source, équivalentdu filament émetteur du tubeélectroni<strong>que</strong>, le drain, équivalent de lapla<strong>que</strong> collectrice, et la grille, le “contrôleur”.Ces éléments <strong>ne</strong> fonction<strong>ne</strong>nt pasde la même manière dans les deuxprincipaux types de transistors utilisésaujourd’hui, les transistors bipolaires àjonction, qui ont été les premiers à <strong>être</strong>utilisés, et les transistors à effet de champ(en anglais FET, Field Effect Transistor).Les transistors bipolaires mettent enœuvre les deux types de porteurs decharge, les électrons (charges négatives)et les trous (charges positives), etse composent de deux parties de substratsemi-conducteur identi<strong>que</strong>ment


D (Suite)dopées (p ou n), séparées par u<strong>ne</strong> mincecouche de semi-conducteur inversementdopée. L’assemblage de deux semiconducteursde types opposés (jonctionp-n) permet de <strong>ne</strong> faire passer le courant<strong>que</strong> dans un sens. Qu’ils soient de typen-p-n ou p-n-p, les transistors bipolairessont fondamentalement des amplificateursde courant, commandés par uncourant de grille (1) : ainsi dans un transistorn-p-n, la tension appliquée à la partiep contrôle le passage du courant entreles deux régions n. Les circuits logi<strong>que</strong>sutilisant des transistors bipolaires, appelésTTL (Transistor Transistor Logic), sontplus consommateurs de courant <strong>que</strong> lestransistors à effet de champ, qui présententun courant de grille nul en régimestati<strong>que</strong> et sont commandés par l’applicationd’u<strong>ne</strong> tension.Ce sont ces derniers, sous la forme MOS(Métal oxyde semi-conducteur), quicomposent aujourd’hui la plupart descircuits logi<strong>que</strong>s du type CMOS (C pourcomplémentaire) (2) . Sur un cristal desilicium de type p, deux régions de typen sont créées par dopage de la surface.Appelées là aussi source et drain, cesdeux régions <strong>ne</strong> sont donc séparées <strong>que</strong>par un petit espace de type p, le canal.Sous l’effet d‘u<strong>ne</strong> tension positive suru<strong>ne</strong> électrode de commande placéeau-dessus du semi-conducteur et quiporte tout naturellement le nom de grille,les trous sont repoussés de sa surfaceoù vien<strong>ne</strong>nt s’accumuler les <strong>que</strong>l<strong>que</strong>sélectrons du semi-conducteur. Un petitcanal de conduction <strong>peut</strong> ainsi se formerentre la source et le drain (figure).Lorsqu’u<strong>ne</strong> tension négative est appliquéesur la grille, isolée électri<strong>que</strong>mentpar u<strong>ne</strong> couche d’oxyde, les électronssont repoussés hors du canal. Plus latension positive est élevée, plus larésistance du canal diminue et plus cedernier laisse passer de courant.Dans un circuit intégré, les transistors etles autres composants (diodes, condensateurs,résistances) sont d’origi<strong>ne</strong> incorporésau sein d’u<strong>ne</strong> “puce” aux fonctionsplus ou moins complexes. Le circuit estconstitué d’un empilement de couchesde matériaux conducteurs ou isolantsdélimitées par lithographie (encadré E,<strong>La</strong> lithographie clé de la miniaturisation,p. 37). L’exemple le plus emblémati<strong>que</strong>est le microprocesseur placé au cœurdes ordinateurs et qui regroupe plusieurscentai<strong>ne</strong>s de millions de transistors (dontla taille a été réduite par 10000 depuisles années 1960) et bientôt un milliard,ce qui amè<strong>ne</strong> les industriels à fraction<strong>ne</strong>rle cœur des processeurs en plusieurssous-unités travaillant en parallèle!Le tout premier transistor.Transistor 8 nanomètres développépar l’Alliance Crolles2 réunissantSTMicroelectrronics, Philips et FreescaleSemiconductor.STMicroelectronicsLucent Technologies Inc./Bell <strong>La</strong>bs(1) Figurent dans cette catégorie les transistors de type Schottky ou à barrière Schottky qui sont des transistors à effet de champ comportant u<strong>ne</strong>grille de commande de type métal/semi-conducteur qui améliore la mobilité des porteurs de charge et le temps de réponse au prix d’u<strong>ne</strong> plus grandecomplexité.(2) On parle alors de transistor MOSFET (Metal-Oxide Semiconductor Field Effect Transistor).


E<strong>La</strong> lithographie, clé de la miniaturisation<strong>La</strong> lithographie opti<strong>que</strong> (ouphotolithographie), applicationmajeure de l’interactionparticules/matière, est le procédétradition<strong>ne</strong>l de fabrication descircuits intégrés. Étape clé de ladéfinition des motifs de ces circuits,elle reste le verrou de leurdéveloppement. <strong>La</strong> résolutionétant en première approximationdirectement proportion<strong>ne</strong>lle à lalongueur d’onde, la fi<strong>ne</strong>sse desmotifs a d’abord progressé avecla diminution, qui s’est effectuéepar sauts, de la longueur d’onde λdu rayon<strong>ne</strong>ment utilisé.L’opération consiste en l’expositionvia u<strong>ne</strong> opti<strong>que</strong> réductrice d’u<strong>ne</strong> rési<strong>ne</strong>photosensible à des particules é<strong>ne</strong>rgéti<strong>que</strong>s,depuis les photons ultraviolet (UV)actuellement utilisés jusqu’aux électronsen passant par les photons X et les ions,au travers d’un mas<strong>que</strong> représentant ledessin d’un circuit. Le but ? Transférercette image sur l’empilement de couchesisolantes ou conductrices qui le constitueront,déposées précédemment (phasede couchage) sur u<strong>ne</strong> pla<strong>que</strong>tte (wafer)de matériau semi-conducteur, en généralde silicium. Ce processus est suivi de ladissolution de la rési<strong>ne</strong> exposée à lalumière (développement). Les partiesexposées de la couche initiale peuvent<strong>être</strong> alors gravées sélectivement, puis larési<strong>ne</strong> est retirée chimi<strong>que</strong>ment avant ledépôt de la couche suivante. Cette étapede lithographie <strong>peut</strong> intervenir plus d’u<strong>ne</strong>vingtai<strong>ne</strong> de fois au cours de la fabricationd’un circuit intégré (figure).Dans les années 1980, l’industrie de lamicroélectroni<strong>que</strong> utilisait des lampes àmercure délivrant dans l’UV proche (raiesg, h, i), à travers des opti<strong>que</strong>s en quartz,un rayon<strong>ne</strong>ment d’u<strong>ne</strong> longueur d’ondede 436 nanomètres (nm). Elle gravait ainsides structures d’u<strong>ne</strong> largeur de trait de3 microns (µm). Employées jusqu’au milieudes années 1990, ces lampes ont étéremplacées par des lasers à excimèresémettant dans l’UV lointain (krypton-fluorKrF à 248 nm, puis argon-fluor ArF à193 nm, les photons créés ayant u<strong>ne</strong> é<strong>ne</strong>rgiede <strong>que</strong>l<strong>que</strong>s électronvolts), permettantd’atteindre des résolutions de 110 nm,et même inférieures à 90 nm avec denouveaux procédés.Le <strong>La</strong>boratoire d’électroni<strong>que</strong> et de technologiede l’information (Leti) du <strong>CEA</strong> aété un des pionniers, dans les années1980, dans l’utilisation des lasers enZo<strong>ne</strong> de photolithographie en salle blanche dans l’usi<strong>ne</strong>STMicroelectronics de Crolles (Isère).lithographie et dans la réalisation descircuits intégrés par les lasers à excimères,qui constituent aujourd’hui lessources employées pour la productiondes circuits intégrés les plus avancés.Pour l’industrie, l’étape suivante devait <strong>être</strong>le laser F 2 (λ = 157 nm), mais cette lithographiea été quasiment abandonnée faceà la difficulté de réaliser des opti<strong>que</strong>sen CaF 2 , matériau transparent à cettelongueur d’onde.Si la diminution de la longueur d’onde desoutils d’exposition a été le premier facteurà permettre le gain en résolution considérabledéjà obtenu, deux autres ont étédéterminants. Le premier a été la mise aupoint de rési<strong>ne</strong>s photosensibles baséessur des matrices de polymères peu absorbantesaux longueurs d’onde utilisées etmettant en œuvre des mécanismes dedépôt d’u<strong>ne</strong>nouvelle coucheretrait rési<strong>ne</strong>étalementde la rési<strong>ne</strong>gravurepropagation de l’é<strong>ne</strong>rgie reçuetoujours plus innovants. Lesecond a consisté en l’améliorationdes opti<strong>que</strong>s avec u<strong>ne</strong> diminutiondes phénomè<strong>ne</strong>s parasitesliés à la diffraction (meilleure qualitéde surface, augmentation del’ouverture numéri<strong>que</strong>).Au fil des années, la complexitéaccrue des systèmes opti<strong>que</strong>sa ainsi permis d’obtenir des résolutionsinférieures à la longueurd’onde de la source. Cette évolution<strong>ne</strong> pourra se poursuivresans u<strong>ne</strong> rupture technologi<strong>que</strong>majeure, un saut important enlongueur d’onde. Pour les générationsdes circuits intégrés dont la résolutionminimale est comprise entre 80 et50 nm (le prochain “nœud” se situant à 65nm), différentes voies basées sur laprojection de particules à la longueurd’onde de plus en plus courte ont été misesen concurrence. Elles mettent respectivementen œuvre des rayons X “mous”,en extrême ultraviolet (dans la gammedes 10 nm), des rayons X “durs” (à la longueurd’onde inférieure à 1 nm), des ionsou des électrons.L’étape consistant à atteindre des résolutionsinférieures à 50 nm conduira às’orienter plutôt vers la nanolithographieà l’aide d’électrons de basse é<strong>ne</strong>rgie(10 eV) et d’outils plus adaptés comme lemicroscope à effet tun<strong>ne</strong>l ou l’épitaxiepar jets moléculaires (encadré C) pour laréalisation de “super-réseaux”.centrifugationséchageFigure. Les différentes phases du processus de lithographie dont le but est de délimiter les couchesde matériaux conducteurs ou isolants qui constituent un circuit intégré. Cette opération estl’enchaî<strong>ne</strong>ment d’un étalement de rési<strong>ne</strong> photosensible, de la projection du dessin d’un mas<strong>que</strong> paru<strong>ne</strong> opti<strong>que</strong> réductrice, suivis de la dissolution de la rési<strong>ne</strong> exposée à la lumière (développement).Les parties exposées de la couche initiale peuvent <strong>être</strong> alors gravées sélectivement, puis la rési<strong>ne</strong>est retirée avant le dépôt de la couche suivante.Artechni<strong>que</strong>sourcedéveloppementmas<strong>que</strong>opti<strong>que</strong>de projectio<strong>ne</strong>xposition pas à pas(“step and repeal”)


GL’effet tun<strong>ne</strong>l, un phénomè<strong>ne</strong> quanti<strong>que</strong><strong>La</strong> physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> prédit des comportementsinhabituels et difficiles àaccepter par notre intuition immédiate,comme l’effet tun<strong>ne</strong>l. Prenons le cas d’u<strong>ne</strong>bille devant franchir u<strong>ne</strong> bosse. En physi<strong>que</strong>classi<strong>que</strong>, si l’é<strong>ne</strong>rgie communiquéeà la bille est insuffisante, elle <strong>ne</strong> <strong>peut</strong> pasfranchir la bosse et retombe vers son pointde départ. En physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong>, u<strong>ne</strong>particule (proton, électron) <strong>peut</strong> franchirla bosse, même si son é<strong>ne</strong>rgie initiale estinsuffisante: elle <strong>peut</strong> passer de l’autrecôté comme par un petit tun<strong>ne</strong>l. L'effettun<strong>ne</strong>l <strong>peut</strong> ainsi permettre à deux protonsde surmonter leur répulsion électri<strong>que</strong> àdes vitesses relatives plus basses <strong>que</strong>celles qu'indi<strong>que</strong> le calcul classi<strong>que</strong>. <strong>La</strong>microscopie à effet tun<strong>ne</strong>l est basée surle fait qu’il y a u<strong>ne</strong> probabilité non nullequ’u<strong>ne</strong> particule d’é<strong>ne</strong>rgie inférieure à lahauteur d’u<strong>ne</strong> barrière de potentiel (labosse) puisse la franchir. Les particulessont des électrons traversant l’espaceséparant deux électrodes, u<strong>ne</strong> fi<strong>ne</strong> pointemétalli<strong>que</strong> terminée par un atome uni<strong>que</strong>et la surface métalli<strong>que</strong> ou semi-conductricede l’échantillon. <strong>La</strong> physi<strong>que</strong> classi<strong>que</strong>don<strong>ne</strong> d’u<strong>ne</strong> surface l’image d’u<strong>ne</strong>frontière étanche, les électrons étant strictementconfinés à l’intérieur du solide. Parcontre, la physi<strong>que</strong> quanti<strong>que</strong> enseig<strong>ne</strong><strong>que</strong> cha<strong>que</strong> électron a un comportementondulatoire : sa position est “floue”. Enparticulier, au voisinage de la surface existeun nuage d’électrons dont la densité décroîttrès rapidement, de façon expo<strong>ne</strong>ntielle,lors<strong>que</strong> l’on s’éloig<strong>ne</strong> du solide. L’électrona u<strong>ne</strong> certai<strong>ne</strong> probabilité de se trouver“en dehors” du solide. Quand la fi<strong>ne</strong> pointemétalli<strong>que</strong> est approchée de la surface, àu<strong>ne</strong> distance inférieure au nanomètre, lafonction d’onde associée à l’électron n’estpas nulle de l’autre côté de la barrière depotentiel, et les électrons passent de lasurface à la pointe, et récipro<strong>que</strong>ment, pareffet tun<strong>ne</strong>l. <strong>La</strong> barrière de potentiel franchiepar les électrons est appelée barrièretun<strong>ne</strong>l. Lorsqu’u<strong>ne</strong> faible tension est appliquéeentre la pointe et la surface, un couranttun<strong>ne</strong>l <strong>peut</strong> <strong>être</strong> détecté. <strong>La</strong> pointe etla surface étudiée forment localement u<strong>ne</strong>jonction tun<strong>ne</strong>l. L’effet tun<strong>ne</strong>l se manifesteégalement dans les jonctions Josephsonoù un courant continu <strong>peut</strong> passer à traversu<strong>ne</strong> étroite discontinuité entre deuxéléments supraconducteurs. Dans untransistor, l’effet tun<strong>ne</strong>l <strong>peut</strong> se révélerde manière parasite quand l’isolant degrille devient très mince (de l’ordre dunanomètre). Il est par contre mis à profitdans de nouvelles architectures, telsles transistors à barrière tun<strong>ne</strong>l Schottkyou à base de nanotubes de carbo<strong>ne</strong>.


CL’épitaxie par jets moléculaires<strong>La</strong> fabrication des puits quanti<strong>que</strong>sutilise la techni<strong>que</strong> d’épitaxie (dugrec taxi (ordre) et epi (dessus) par jetsmoléculaires (en anglais MBE, pourMolecular Beam Epitaxy). Le principe decette techni<strong>que</strong> de dépôt physi<strong>que</strong>,développée initialement pour la croissancecristalli<strong>ne</strong> des semi-conducteursde la famille III-V, est fondé sur l’évaporationdes différents constituantspurs du matériau à élaborer dans u<strong>ne</strong>enceinte où est maintenu un vide poussé(pression pouvant <strong>être</strong> de l’ordre de5·10 -11 mbar) afin d’éviter toute pollutionde la surface. Un ou des jets thermi<strong>que</strong>sd’atomes ou de moléculesréagissent sur la surface propre d’unsubstrat monocristallin, placé sur unsupport maintenu à haute température(<strong>que</strong>l<strong>que</strong>s centai<strong>ne</strong>s de °C), qui sert detrame pour former un film dit épitaxi<strong>que</strong>.Il est ainsi possible de fabri<strong>que</strong>rdes empilements de couches aussifi<strong>ne</strong>s <strong>que</strong> le millionième de millimètre,c’est-à-dire composées de seulement<strong>que</strong>l<strong>que</strong>s plans d’atomes.Les éléments sont évaporés ou sublimésà partir d’u<strong>ne</strong> source de hautepureté, placée dans u<strong>ne</strong> cellule à effusion(chambre dans la<strong>que</strong>lle un fluxmoléculaire passe d’u<strong>ne</strong> région oùrèg<strong>ne</strong> u<strong>ne</strong> pression donnée à u<strong>ne</strong> régionde plus basse pression) chauffée pareffet Joule.<strong>La</strong> croissance du film <strong>peut</strong> <strong>être</strong> suiviein situ et en temps réel en utilisant diversessondes structurales et analyti<strong>que</strong>s,en particulier des techni<strong>que</strong>s d’étudede la qualité des surfaces et de leurstransitions de phase par diffractionélectroni<strong>que</strong> en incidence rasante, LEED(pour Low e<strong>ne</strong>rgy electron diffraction) ouRHEED (pour Reflection high-e<strong>ne</strong>rgyelectron diffraction) et diverses méthodesspectroscopi<strong>que</strong>s (spectroscopied’électrons Auger, SIMS (spectrométriede masse d’ions secondaires), spectrométriede photoélectrons XPS parrayons X et UPS (Ultraviolet photoelectronspectroscopy).<strong>La</strong> techni<strong>que</strong> d’épitaxie par jets moléculairess’est étendue à d’autres semiconducteurs<strong>que</strong> les III-V, à des métauxet à des isolants, se développant avecles progrès des techni<strong>que</strong>s d’ultravide.Le vide régnant dans la chambre decroissance, dont la conception varieen fonction de la nature du matériauà déposer, doit en effet <strong>être</strong> meilleure<strong>que</strong> 10 -11 mbar pour permettre lacroissance d’un film de haute puretéet d’excellente qualité cristalli<strong>ne</strong> àdes températures de substrat relativementbasses. Il s’agit de qualité devide lors<strong>que</strong> le bâti est au repos. Pourla croissance d’arséniures, par exemple,le vide résiduel est de l’ordre de10 -8 mbar dès <strong>que</strong> la cellule d’arsenicest portée à sa température deconsig<strong>ne</strong> pour la croissance.Le pompage pour atteindre ces performancesfait appel à plusieurs techni<strong>que</strong>s(pompage ioni<strong>que</strong>, cryopompage,sublimation de tita<strong>ne</strong>, pompes àdiffusion ou turbomoléculaires). Lesprincipales impuretés (H 2 , H 2 O, CO etCO 2 ) peuvent présenter des pressionspartielles inférieures à 10 -13 mbar.

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