TRAVAILLEURSEn effet, l’uranium se fixe préférentiellementdans les os ». Les chercheurs sontmaintenant confrontés à une difficulté pourvalider ce biomarqueur chez l’Homme car,fort heureusement, les cas de contaminationsont très rares. « Nous n’avons pu l’évaluerqu’auprès d’un petit nombre de travailleursd’Areva exposés à <strong>des</strong> poussières d’uranium.Néanmoins, cette étude va nous permettrede mieux appréhender son mécanismed’action toxique », souligne Odette Prat.Toujours à la recherche de biomarqueurs,les chercheurs de l’iBEB utilisent égalementune autre approche, la protéomique.« Nous analysons l’ensemble <strong>des</strong> protéinesprésentes dans l’urine après contaminationà la recherche d’une signature protéiqueglobale de la toxicité <strong>des</strong> radionucléi<strong>des</strong> »,explique Véronique Malard. « Nous nousintéressons bien sûr à l’uranium, maiségalement au cobalt, un radionucléidepro<strong>du</strong>it lors <strong>des</strong> réactions de fission ».DES TRAITEMENTSPLUS EFFICACESUne fois la contamination détectée,il faut intervenir le plus rapidementpossible pour éliminer un maximumde radionucléi<strong>des</strong>. Pour cela les médecinsutilisent <strong>des</strong> traitements non spécifiquestels que <strong>des</strong> lavages d’estomac ou deplaies, l’administration de laxatifs oudiurétiques… Des approches plus cibléessont donc indispensables. En particulier,il faut pouvoir faire appel à <strong>des</strong> agentsdécorporants, c’est-à-dire à <strong>des</strong> moléculesformant avec le radionucléide un complexestable et facilement excrété par l’organisme.Les chercheurs de la DSV se concentrentsur deux grands objectifs : synthétiser denouveaux décorporants et améliorer ceuxexistants, notamment en définissant lesconditions d’utilisation les plus efficaces.Éliminer l’uranium est un vrai défi.Les médecins ne disposent pas, à ce jour,de décorporant dédié à ce radionucléide.« À l’iBiTec-S, nous recherchons, parsynthèse chimique et criblage haut débit,<strong>des</strong> molécules capables de complexerfortement l’uranium », explique FrédéricTaran. « Nous avons ainsi obtenuune série de composés de la famille<strong>des</strong> bisphosphonates et l’un d’entre euxs’avère capable d’augmenter l’éliminationd’uranium en diminuant notammentsa rétention au niveau <strong>des</strong> reins, là oùil est le plus toxique ». De leur côté, leschercheurs de l’iBEB ont également trouvé<strong>des</strong> molécules (cf. encadré p.9), biologiquescette fois, qui fixent très fortementl’uranium. Des pistes intéressantesqui permettront peut-être d’esquisserun traitement utilisable par les médecins.« De notre côté, nous essayons plutôtd’améliorer l’efficacité <strong>du</strong> DTPA (diéthylènetriamine penta acétate), le traitementde référence utilisé pour la décorporation<strong>du</strong> plutonium et de l’américium,et ceci toujours en alliant techniquesde biologie et modélisation informatique »,explique Olivier Grémy. Actuellement,le test permettant d’évaluer l’efficacitéde la décorporation consiste à mesurerla radioactivité retrouvée dans les urinescollectées sur une période de 24 heures.« Nous avons montré qu’en réalité ladécorporation <strong>du</strong> plutonium par le DTPAper<strong>du</strong>re au moins pendant un mois ! Stockémomentanément dans les cellules puiséliminé progressivement avec le plutoniumqu’il a piégé, le DTPA est finalementbeaucoup plus efficace que ce que l’onpensait auparavant », précise le chercheur.« De plus, actuellement les médecinsn’administrent pas systématiquementle DTPA sur le long terme, mais nosrésultats suggèrent qu’il le faudrait ! ».Les chercheurs de l’iRCM évaluent égalementd’autres formes galéniques <strong>du</strong> DTPApour trouver les meilleures conditions detraitement. Ils ont notamment testé, chezl’animal, l’efficacité d’un traitement au DTPAsous forme de poudre sèche pouvant êtreinhalée, développé par <strong>des</strong> chercheurs dela Faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry.Image obtenue par microscopie électroniqueà balayage d’une particule optimisée de poudresèche de DTPA.« Sous cette forme, le DTPA est au moinsaussi efficace que lorsqu’il est administrépar voie sanguine », s’enthousiasme PaulFritsch. « L’ensemble de ces résultatspourrait permettre aux médecins d’élaborer<strong>des</strong> protocoles de traitement DTPA optimiséset adaptés à chaque cas de contamination ».Si ces résultats apportent <strong>des</strong> élémentsde réponse aux médecins <strong>du</strong> travail pourles aider à prendre en charge les personnesen cas de contamination, il reste encorebeaucoup d’incertitu<strong>des</strong> à lever.Pour appréhender ces problématiquesle plus concrètement possible,les chercheurs de la DSV travaillenten interface avec les exploitantsnucléaires, notamment Areva et EDF.Actini<strong>des</strong>Les actini<strong>des</strong> sont les éléments chimiques<strong>du</strong> tableau périodique de Mendeleïevpossédant un numéro atomique entre 89et 103 inclus. Ils sont tous radioactifs.MillisievertLe millisievert est l’unité de mesure <strong>des</strong> effets<strong>des</strong> rayonnements sur l’Homme.MoxAbréviation de Mélange d’oxy<strong>des</strong>, le Moxest un combustible à base d’oxyde d’uraniumet d’oxyde de plutonium.© CNRS UMR 8612CONTAMINATION par blessureBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 2011© <strong>CEA</strong>Dépôt de particules de Mox dans les muscles,deux heures après contamination.Dans les ateliers de préparation <strong>du</strong>combustible, il existe un risque decontamination cutanée <strong>des</strong> travailleurs.Si elle se pro<strong>du</strong>it sur une peau saine,les radionucléi<strong>des</strong> ne pénètrent pas dansl’organisme, la contamination reste surfaciqueet peut être facilement éliminée. En cas deblessure, la situation est plus complexe, carles éléments peuvent en partie contaminerle sang. « Nous avons développéun modèle de blessure chez l’animalet un système de mesure externe localiséequi nous permet de suivre le déplacement<strong>des</strong> radionucléi<strong>des</strong> autour de la plaieau cours <strong>du</strong> temps », explique Nina Griffiths,de l’iRCM. Les chercheurs ont ainsi puobserver que, lors d’une contaminationavec <strong>du</strong> Mox, l’américium passe plusrapidement dans le sang que le plutonium.De plus, les particules de Mox se fixent pluslongtemps au niveau de la blessure quelors d’une contamination par <strong>des</strong> actini<strong>des</strong>de forme plus soluble. « Ces outils vontnous permettre de mieux comprendrel’apparition <strong>des</strong> pathologies autour dela blessure et de rechercher les protocolesde décorporation les plus adaptés à cetype d’accidents », souligne la chercheuse.10
ENVIRONNEMENTLA BIODIVERSITÉEN ACTION© P.Avavian/<strong>CEA</strong>Détecter et décontaminer. Des bactéries aux plantes, les équipes de la DSV explorentla biodiversité pour développer les connaissances et outils technologiques nécessairesà la mise au point de procédés de biodécontamination.Trente kilomètres de zone d’exclusion autourde la centrale de Fukushima-Daiichi, un sitein<strong>du</strong>striel quasiment inaccessible, <strong>des</strong> tonnesd’eau contaminée, d’importants rejets dansl’océan… L’impact environnemental del’accident <strong>du</strong> 11 mars dernier est conséquentet doit de toute évidence être pris en compteà court et long termes. Par la nature mêmede ses activités de recherche, le <strong>CEA</strong> estimpliqué dans le développement detechniques d’assainissement d’installationset de sites nucléaires : métho<strong>des</strong> chimiquesou mécaniques, traitement <strong>des</strong> déchets…Mais ces procédés sont souvent peu adaptésà la gestion de contaminations environ nementalesà très grande échelle. Des innovations setrouvent certainement <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> etl’idée de s’appuyer sur ses propriétés pourdévelopper de nouvelles métho<strong>des</strong> dedécontamination semble prometteuse. C’estla piste suivie par les chercheurs de la DSV.DÉTECTER LA CONTAMINATIONLors d’un accident nucléaire in<strong>du</strong>striel,les radionucléi<strong>des</strong> qui sont relâchés dansl’environnement sont multiples et leurtoxicité, pour l’Homme comme pourl’environnement, varie selon leur nature(cf. encadré p.13). Les détecteurs quimesurent l’intensité de la radioactivité émisedonnent une idée précise <strong>du</strong> niveau decontamination. Cependant, pour mettreen œuvre plus rapidement <strong>des</strong> métho<strong>des</strong>de décontamination adaptées, il faudraitpouvoir connaître le comportement dechaque radionucléide présent, et ceimmédia tement après la survenue d’unévénement. Pour les chercheurs de l’iBEB,la solution se trouve peut-être dans ledéveloppement de •biodétecteurs inspirés<strong>des</strong> propriétés extraordinaires de certainesbactéries capables de résister à denombreux pro<strong>du</strong>its toxiques. « Nous avonsnotamment identifié <strong>des</strong> senseurs bactérienspour différents métaux, c’est-à-dire <strong>des</strong>molécules qui perçoivent la présence d’ionsmétalliques dans leur environnement »,explique David Pignol. « En ajoutant unsystème fluorescent de transmissionet d’amplification <strong>du</strong> signal nous avonsdéveloppé <strong>des</strong> biodétecteurs capablesde révéler et de quantifier la présencede mercure, d’arsenic, de nickel mais ausside cobalt ». Après ces succès, les chercheurss’attaquent désormais aux radionucléi<strong>des</strong>majeurs de l’in<strong>du</strong>strie nucléaire, notammentl’uranium. Ces dispositifs, fonctionnels enlaboratoire, doivent encore être adaptéspour être utilisés sur le terrain.Prototype d’un biodétecteur de contaminantsmétalliques.© P.Dumas/<strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201111