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HORS SÉRIE - Direction des sciences du vivant - CEA

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ÉCLAIRERFukushima, et après ?Interview de Gilles Bloch,Directeur <strong>des</strong> <strong>sciences</strong> <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> <strong>du</strong> <strong>CEA</strong>L’accident nucléaire de Fukushima a suscité de fortes réactions partout dans le monde.Pour les acteurs <strong>du</strong> nucléaire français, peut-on dire qu’il y a un « avant » et un « après » Fukushima ?Bien enten<strong>du</strong>, Fukushima est un événement majeur qui questionne l’ensemble de la filière nucléaire, maispas seulement. Immédiatement après l’accident, comme les autres acteurs <strong>du</strong> nucléaire, de la santé et del’environnement, le <strong>CEA</strong> a répon<strong>du</strong> aux différentes sollicitations institutionnelles et médiatiques. De plus,par les questionnements qu’il fait naître ou renaître au sein de l’opinion publique, cet accident entraînenécessairement un ajustement <strong>des</strong> stratégies <strong>des</strong> organismes de recherche en ce qui concerne notammentla sûreté <strong>des</strong> réacteurs ou l’appréciation <strong>des</strong> conséquences de la radioactivité sur l’Homme et l’environnement.Pour la DSV, cela impacte essentiellement ses programmes liés à la radiobiologie et à la radiotoxicologie.Cela signifie-t-il que de nouveaux axes de recherche vont être développés en radiobiologie et radiotoxicologie ?Les recherches dans ces domaines sont déjà menées en poursuivant deux objectifs : d’une part, évaluerprécisément les risques et les conséquences de la radioactivité en termes d’impact sur la santé etl’environnement ; d’autre part, permettre la mise au point de contre-mesures efficaces. Nous proposonsdésormais de renforcer les travaux dans trois secteurs : l’évaluation rapide <strong>des</strong> doses reçues en casd’accident, la caractérisation de la sensibilité indivi<strong>du</strong>elle aux rayonnements ionisantset les thérapies ciblées après contamination ou irradiation. Avant même la survenuede Fukushima, nous avions décidé de mettre en place, au sein de la DSV, un programmeincitatif interne intitulé « Les radiations ionisantes : effets cellulaires et moléculairesen vue de l’évaluation <strong>des</strong> risques » dont l’appel à propositions a suscité plus devingt réponses, preuves de la mobilisation de nos équipes sur ce sujet.Comment cette recherche s’organise-t-elle ?Il ne s’agit pas seulement de redéployer <strong>des</strong> forces déjà engagées dansces domaines de recherche, il faut aller plus loin et aborder ces thématiquesen y intégrant le savoir de nouvelles disciplines, par exemple pour prendre en comptele polymorphisme humain en s’appuyant sur les progrès de la génomique. Pourmieux mobiliser les nouvelles compétences, un travail collectif a été lancé parl’Aviesan dès le mois de mars, afin d’élaborer <strong>des</strong> propositions de programmesde recherche qui pourront être opérationnels dès l’automne.L’ensemble<strong>des</strong> recherchesen radiobiologieet radiotoxicologiemobilise aujourd’hui prèsde 300 personnesà la DSV.L’accident de Fukushima a contaminé une grande partie <strong>du</strong> territoirejaponais et près de 90 000 personnes ont été déplacées.Quelle aide la DSV <strong>du</strong> <strong>CEA</strong> peut-elle concrètement apporter ?Il nous faut étudier l’impact <strong>des</strong> contaminations par lesradionucléi<strong>des</strong> et explorer le potentiel <strong>des</strong> biotechnologies(plantes et/ou micro-organismes) dans les solutionsde remédiation. Pour cela, nous disposonsde fortes compétences en microbiologie et enphysiologie végétale qui nous permettent decomprendre le transfert de métaux lourdset de radionucléi<strong>des</strong> entre le sol et lesvégétaux. Ces compétences sont proposéespour lancer <strong>des</strong> programmes à courtterme avec <strong>des</strong> partenaires japonais.Quels sont les moyens alloués à cetterecherche ?L’ensemble <strong>des</strong> recherches en radiobiologieet radiotoxicologie mobilise aujourd’hui prèsde 300 personnes à la DSV et plus de 30 millionsd’euros de subvention. C’est un investissement déjàsignificatif, mais l’ampleur <strong>des</strong> défis scientifiques auxquelsnous devons faire face mérite un effort ciblé supplémentaire,pour lequel nous sollicitons nos ministères de tutelle.Gilles Bloch, Directeur <strong>des</strong> <strong>sciences</strong> <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> <strong>du</strong> <strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 20113


EXPERTISEUNEIMPLICATIONCoordonner et optimiser. Actrice incontournable dans la recherche sur les rayonnementsionisants, la DSV apporte son expertise aux instances européennes et internationales.BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 2011Radon et radioactivité naturelle ;radioactivité artificielle issue de l’activitémédicale, in<strong>du</strong>strielle ou nucléaire ;situations accidentelles comme à Tchernobylou Fukushima. Les rayonnements ionisantssont partout et il faut encore améliorer lacompréhension de leur action sur le <strong>vivant</strong>.Dans ce domaine vaste et complexe,optimiser les recherches de façon harmonisée,au niveau national comme international,est indispensable. La DSV, à la pointe<strong>des</strong> recherches en radiotoxicologieet radiobiologie, apporte son regard d’expertà différents organismes chargés d’analyserles étu<strong>des</strong> sur les effets <strong>des</strong> rayonnementsionisants, d’éditer <strong>des</strong> recommandationsde radioprotection pertinentes et d’organiserou de financer <strong>des</strong> recherches adaptées.UNE LÉGISLATIONSPÉCIFIQUE30 juin 2011, Vienne. Les experts de la DSVen tant que membres de la délégationfrançaise au Comité scientifique <strong>des</strong> NationsUnies sur les effets <strong>des</strong> rayonnementsionisants (Unscear), engagent leurscompétences dans la rédaction d’un rapportsur l’impact <strong>des</strong> retombées radioactivesà Fukushima. Recueillir et évaluerles informations sur les sources et les effets<strong>des</strong> rayonnements, c’est précisémentl’objectif assigné à l’Unscear. « Depuissa création en 1965, la mission de ce comitéest d’établir <strong>des</strong> synthèses périodiquesà partir de l’ensemble <strong>des</strong> donnéesscientifiques sur les rayonnementsionisants », explique Laurence Lebaron-Jacobs, docteur en radiobiologie del’•Unité Prositon de la DSV et responsablede la délégation française. Les donnéesà analyser sont fournies, non seulementpar les États membres de l’Organisation<strong>des</strong> Nations Unies, mais aussi par <strong>des</strong>organisations internationales et d’autresnon gouvernementales. Lors de la dernièresession plénière, dix thématiques ont étéabordées par les délégations. « En plusde l’étude faisant suite à l’accidentnucléaire de Fukushima, la DSV estimpliquée dans un rapport sur lesconséquences sanitaires de Tchernobyl,participe à une analyse <strong>des</strong> effets <strong>du</strong>tritium et de l’uranium ainsi qu’à celle<strong>des</strong> mo<strong>des</strong> d’actions <strong>des</strong> rayonnementsaux faibles doses », précise-t-elle.Ces rapports sont <strong>des</strong> sourcesfondamentales d’information faisantautorité. Ils sont notamment utilisés lorsde l’élaboration de leurs recommandationspar l’Agence internationale de l’énergieatomique (AIEA) et la Commissioninternationale de protection radiologique(CIPR). La CIPR est une organisation nongouvernementale composée d’expertsinternationaux de plusieurs disciplines(biologie, physique, radioprotection…).Elle s’intéresse à la protection contreles rayonnements ionisants <strong>du</strong> publicet <strong>des</strong> travailleurs exposés (recherche,in<strong>du</strong>strie, médical).Elle publie <strong>des</strong> recommandations quitiennent compte de l’état <strong>des</strong> connaissancesscientifiques et techniques,mais aussi sociétales et économiques.Les autorités nationales s’appuientensuite sur ces recommandations pourl’établissement de leur réglementation.« L’Union européenne applique les normesde base de radioprotection élaboréespar l’AIEA pour bâtir ses directives »,explique Philippe Bérard, expert sénioren dosimétrie de l’Unité Prositon et membre<strong>du</strong> Comité sur les normes de sûretéradiologique (RASSC) de l’AIEA, « celles-cisont ensuite transcrites dans laréglementation de chaque état membre ».UNE PROGRAMMATIONDE RECHERCHECOMMUNE SURLES FAIBLES DOSESDepuis plusieurs années, la DSV joue un rôlemajeur dans la dynamique <strong>des</strong> recherches enradioprotection au niveau européen. Ceci setra<strong>du</strong>it concrètement par une participationtrès active au programme Euratom dela Commission européenne. Celui-ci apour but de faciliter les investissementset de coordonner les recherches sur l’énergienucléaire, notamment dans le domaine4


EXPERTISESANS FRONTIÈREde la santé et de la radioprotection.« De nombreuses incertitu<strong>des</strong> demeurentsur l’impact biologique <strong>des</strong> faibles dosesde rayonnements ionisants. Pour l’estimation<strong>des</strong> risques à faibles doses, les normesinternationales de radioprotection se basentsur une extrapolation <strong>des</strong> effets observésà fortes doses. Mais cette extrapolationne reflète pas forcément la réalité »,explique Renaud Blaise, chargé <strong>des</strong> relationsinternationales à la DSV et expert français<strong>du</strong> programme Euratom/Radioprotection.Des étu<strong>des</strong> récentes le prouvent :il n’y a pas une forme unique de relationdose-effet pour tous les processusbiologiques cellulaires étudiés. Pourrépondre à la problématique soulevée parles faibles doses et structurer, sur le longterme, les recherches au niveau européen,plusieurs organismes, dont le <strong>CEA</strong> et l’IRSNau niveau français, se sont associés autourd’une plate-forme transnationale appeléeMelodi. « Cette structure est avant tout uninstrument de pilotage visant à coordonnerles recherches au niveau européen autourd’un agenda stratégique conjoint », souligneRenaud Blaise.Deuxième workshop international Melodi (Paris, octobre 2010).La DSV joueun rôle majeurdans la dynamique<strong>des</strong> recherches enradioprotection auniveau européen.Pour soutenir cette initiative, la Commissioneuropéenne vient de financer, à hauteurde 13 millions d’euros, le réseau d’excellenceDoremi qui rassemble plus de vingtpartenaires. « Grâce au regroupement<strong>des</strong> meilleures équipes européenneset à la mise en œuvre, sur le long terme,de stratégies scientifiques conjointes,les partenaires pourront assurer la cohérencede leurs recherches », conclut-il.Unité PrositonUnité d’expertise de la DSV sur la Protectionsanitaire contre les rayonnements ionisantset toxiques nucléaires.© O.Seignette/IRSN© IAEALA RADIO-PROTECTIONLa radioprotection concernel’ensemble <strong>des</strong> moyens mis en œuvrepour protéger la populationet les travailleurs potentiellementexposés aux rayonnements. Elle reposesur trois principes fondamentaux.Les sources de rayonnements ionisantsne doivent pas être utilisées s’il existed’autres alternatives. C’est le principede justification. L’exposition doitcorrespondre à la dose la plus bassequ’il est raisonnablement possibled’atteindre (principe Alara). C’estl’optimisation. Enfin, il existe <strong>des</strong>limites annuelles à ne pas dépasser.On parle de limitation. Les normesfrançaises les plus récentes,qui reprennent les dispositionsde la directive Euratom 96-29,elle-même inspirée <strong>des</strong> recommandationsde la CIPR, sont de 1 millisievert (mSv)par an pour le public et de 20 mSv/anpour les travailleurs. À titre de repère,la valeur moyenne de l’irradiationnaturelle en France est de 2,4 mSvpar an et par habitant.www www-dsv.cea.fr/prositonÉCHANGESet retoursd’expériencesLe Comité de radioprotection et <strong>des</strong>anté publique (CRPPH) dépend del’Agence de l’énergie nucléaire (AEN),dont la mission est de promouvoirl’énergie nucléaire et sa bonnepratique dans le monde. « Le CRPPHest un lieu d’échange de pointsde vue et de retours d’expérience,pour les pays utilisateurs de l’énergienucléaire, soucieux d’anticiperet d’améliorer la radioprotection dansleur pays », explique Florence Ménétrier,membre de ce comité et responsablede l’unité Prositon de la DSV. « Il identifieles problèmes nouveaux, collecteles données <strong>des</strong> différents pays et propose<strong>des</strong> mesures de radioprotection ».Ce comité favorise ainsi le développementet l’harmonisation <strong>des</strong> pratiqueset <strong>des</strong> normes de radioprotectionentre les états membres.www www.oecd-nea.org/rp/crpph.htmlBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 20115


POPULATION© P.Avavian/<strong>CEA</strong>VERS UNEPRISE EN CHARGEPERSONNALISÉEBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 2011Prédire et prévenir. Du suivi indivi<strong>du</strong>el aux contre-mesures,les équipes de la DSV participent à l’amélioration de la priseen charge de la population en cas d’accident nucléaire.En cas d’accident nucléaire grave,la protection <strong>des</strong> populations doit s’inscriredans une prévention large qui inclutla mise à l’abri <strong>des</strong> personnes et la miseen œuvre rapide de contre-mesures,quand elles existent, comme notammentla distribution de pastilles d’iode.« Agir rapidement à court terme pouréviter les conséquences à long termede l’accident, et notamment ré<strong>du</strong>irele risque de développer un cancer,c’est l’un <strong>des</strong> enjeux majeurs sur lesquelstravaillent les chercheurs de la DSV »,explique Paul-Henri Roméo, chef de l’iRCM.Mais nous ne sommes pas tous égauxdevant les rayonnements ionisants. Certainespersonnes y sont plus sensibles que d’autres !« Pour assurer aux personnes un suiviadapté, il est donc indispensable de tenircompte de la radiosensibilité indivi<strong>du</strong>elle.Les chercheurs s’attachent à mieuxcomprendre les raisons de cetteradiosensibilité indivi<strong>du</strong>elle et à trouver<strong>des</strong> marqueurs qui permettent de l’estimer »,poursuit-il. « Enfin, ils recherchent<strong>des</strong> signatures moléculaires capablesde déterminer à long terme l’origineradioin<strong>du</strong>ite ou non <strong>des</strong> cancers ».PRÉVENIR LE CANCERDE LA THYROÏDEVingt-cinq ans après Tchernobyl, les étu<strong>des</strong>épidémiologiques montrent que l’effetà long terme le plus significatif est uneaugmentation <strong>des</strong> cancers de la thyroïde,liée à la contamination par de l’ioderadioactif, chez les enfants <strong>des</strong> régionstouchées par cet accident. Pour se protégerde ce •radionucléide, la contre-mesureactuellement recommandée est ladistribution d’iode non radioactif sousforme de pastilles. Celui-ci va agir ensaturant la thyroïde, empêchant ainsi lafixation de l’iode radioactif. « Mais, donnéaprès contamination, ce traitement estcontre-indiqué ! », explique Thierry Pourcher,de l’iBEB. « En effet, l’organisme seretrouve alors en présence d’une trèsgrande quantité d’iode et met en place <strong>des</strong>régulations physiologiques qui provoquentl’effet inverse de celui atten<strong>du</strong> ! Si l’onprend <strong>des</strong> pastilles d’iode trop tard aprèsla contamination, l’iode radioactif estretenu dans la thyroïde ». D’où l’idéede son équipe de développer un traitementcombinant de l’iode non radioactifet une molécule inhibant la régulationpar l’iode de l’activité de la thyroïde pourcontrer cet effet négatif. « Nous avonsétabli la preuve de concept de l’intérêtde ce double traitement qui est une pisteprometteuse de contre-mesure plusadaptée aux conditions accidentelles »,précise le chercheur. Des équipesde l’iBEB et de l’iBiTec-S s’intéressentégalement aux mécanismes fondamentauxde la régulation <strong>du</strong> transport de l’iode,au développement de molécules mo<strong>du</strong>lantce transport, à ses propriétés antitumoraleset au mode de répartition de l’iode radioactifdans l’organisme. Tout l’enjeu est de mieuxcomprendre comment améliorer la priseen charge <strong>des</strong> personnes contaminées parl’iode afin de diminuer la dose reçuepar la thyroïde et de ré<strong>du</strong>ire leur risquede développer un cancer.LA RADIOSENSIBILITÉINDIVIDUELLEPlusieurs paramètres doivent être pris encompte pour estimer ce risque. En premierlieu, la dose d’irradiation bien sûr. À cettefin, <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> sont menées à l’iRCM pouraméliorer les techniques de •dosimétriepar cytogénétique. La radiosensibilitéindivi<strong>du</strong>elle est aussi un facteur essentielqui est aujourd’hui mal connu. Les chercheursde la DSV concentrent donc leurs effortssur la recherche de biomarqueurs de cetteradiosensibilité. Une première approcheconsiste à rechercher, rétrospectivement,La distribution d’iodeest organisée à proximité<strong>des</strong> sites nucléaires en cas de risquede dispersion d’iode radioactif.© C.Dupont/<strong>CEA</strong>6


POPULATION© P.Stroppa/<strong>CEA</strong>chez <strong>des</strong> personnes ayant été contaminées,<strong>des</strong> gènes de prédisposition favorisantl’apparition d’un cancer radioin<strong>du</strong>it.C’est la piste suivie par les chercheursde l’IG dans le cadre d’une collaborationinternationale s’intéressant aux personnescontaminées lors de l’accident de Tchernobyl.Une autre approche consiste à étudierles maladies caractérisées par unehypersensibilité aux rayonnementsionisants. Ces maladies représentent<strong>des</strong> cas extrêmes de radiosensibilité,intéressants pour mieux comprendreles mécanismes mis en jeu (cf. encadré).« En regardant l’ensemble <strong>des</strong> protéinesprésentes dans les cellules, nous avonsrecherché <strong>des</strong> signatures protéiquescommunes entre deux de ces maladiesdûes à <strong>des</strong> mutations dans les gènesimportants pour la réparation de l’ADN »,explique Pascale Bertrand, de l’iRCM.« Nous avons déjà trouvé quatre protéinesd’intérêt et nous allons vérifier leurvalidité sur d’autres maladies liéesà <strong>des</strong> mutations différentes ».Réglage d’un trieur de cellules traitantjusqu’à 50 000 cellules par seconde.Enfin, l’équipe d’Annette Schmitz,également de l’iRCM, a choisi de travaillersur une collection unique d’échantillonssanguins prélevés sur 600 volontairessains dont la radiosensibilité étaitinconnue. « Nous avons identifié deuxgroupes de personnes, les « sensibles »et les « résistants » et 100 gènes d’intérêt,dont nous recherchons désormaisla pertinence en tant que biomarqueurs »,précise-t-elle (cf. Bio’actif n°4).Des voies s’ouvrent donc, maisla difficulté qui se profile est de pouvoirà terme développer un test de dépistageapplicable sur le terrain, à l’échelled’une population !La radiosensibilitéindivi<strong>du</strong>elle est aussiun facteur essentielqui est aujourd’huimal connu.SIGNATURE DES CANCERSRADIOINDUITSAprès un accident d’irradiation, il estégalement indispensable de connaîtrela nature, radioin<strong>du</strong>ite ou non, <strong>des</strong> cancersqui apparaissent dans la population<strong>des</strong> années plus tard. Ceci notamment pourrépondre aux interrogations <strong>des</strong> mala<strong>des</strong>et de la société sur les conséquencesde l’accident. Actuellement, les médecinsne disposent pas de marqueurs permettantde répondre à cette question. « Nouscherchons de tels marqueurs pourles cancers de la thyroïde en analysantl’ensemble <strong>des</strong> gènes actifs dansles cellules », explique Sylvie Chevillard,de l’iRCM. « Et nous avons trouvé unesignature, composée de 322 gènes,qui permet de séparer les tumeurs in<strong>du</strong>itessecondairement à une radiothérapie<strong>des</strong> tumeurs spontanées ». Son équipea également analysé <strong>des</strong> données,obtenues par d’autres chercheurs,concernant <strong>des</strong> enfants ukrainienset biélorusses âgés de moins de 20 ansen 1986. « Là encore nous avons trouvéune signature prometteuse de la natureradioin<strong>du</strong>ite <strong>des</strong> tumeurs de la thyroïde,en condition accidentelle cette fois-ci.Mais nous sommes encore loin de disposerd’un test utilisable par les médecins »,souligne la chercheuse.Des biomarqueurs pour améliorerle dépistage <strong>des</strong> personnes à risques,<strong>des</strong> contre-mesures optimisées, <strong>des</strong>signatures de la spécificité <strong>des</strong> tumeursradioin<strong>du</strong>ites de la thyroïde. Les besoinssont encore nombreux pour assurer unemeilleure adaptation de la prise en chargemédicale de la population en casd’accident. Les étu<strong>des</strong> fondamentalesmenées par les chercheurs de la DSVs’inscrivent dans une démarche qui viseà apporter <strong>des</strong> éléments de réponse à cesbesoins.RadionucléideAtome dont le noyau est instable et qui émetun rayonnement radioactif.Dosimétrie par cytogénétiqueTechnique qui permet de reconstituer la doseà partir de l’observation <strong>des</strong> anomalieschromosomiques provoquées parles rayonnements.© C.Dupont/<strong>CEA</strong>Cellulessouches etHYPER-SENSIBILITÉCulture de cellules.« Nous avons choisi d’étudierle syndrome de Gorlin », expliqueMichèle Martin, de l’iRCM.« Les patients atteints de cette maladiedéveloppent de nombreusestumeurs cutanées et cérébrales.Et <strong>du</strong> fait de leur hypersensibilitéaux rayonnements ionisants,il est extrêmement difficile deles traiter ! » Étudier en laboratoireles caractéristiques <strong>des</strong> cellulesde ces patients n’est pas simplecar c’est une maladie génétiquerare. Pour contourner ce problèmeles chercheurs vont utiliserune technologie qui permetde transformer quelques cellulesde la peau en « cellules souchespluripotentes in<strong>du</strong>ites », ou IPS.« À partir de ces IPS on peutpro<strong>du</strong>ire aussi bien <strong>des</strong> neurones,que <strong>des</strong> cellules musculairesou <strong>des</strong> kératinocytes », s’enthousiasmela chercheuse. « Ces IPS permettrontde modéliser la maladie dans tousles organes dans lesquels se poseun problème clinique. Avec cetoutil, que nous développonsen collaboration avec l’institutI-STEM, nous allons pouvoiridentifier de nouveaux marqueursd’hypersensibilité extrêmementutiles pour caractériser <strong>des</strong>populations à risques ».BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 20117


TRAVAILLEURSL’INDISPENSABLERADIOPROTECTIONBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 20118Protéger et soigner. Des biomarqueurs aux traitements,les équipes de la DSV travaillent à l’amélioration de la protection<strong>des</strong> travailleurs et de leur prise en charge en cas de contamination.Au-delà <strong>des</strong> accidents graves, la question<strong>des</strong> risques liés à l’exposition auxrayonnements ionisants se pose auquotidien pour les salariés de la filièrenucléaire, comme en médecine nucléaireou en radiothérapie. Si tout est fait pourdiminuer le risque, celui-ci demeure et doitêtre pris en compte. La radioprotection,c’est-à-dire la protection <strong>des</strong> travailleurscontre les risques liés à l’usage derayonnements ionisants, est très stricte,réglementée et associée à un suivi médicalprofessionnel important et adapté. Carla nature <strong>du</strong> risque varie selon le postede travail. Ainsi, dans les ateliers de fabricationou de retraitement <strong>du</strong> combustible nucléaire,les travailleurs peuvent être exposés à<strong>des</strong> gaz, <strong>des</strong> liqui<strong>des</strong> ou <strong>des</strong> poussièrescontenant <strong>des</strong> éléments radioactifs.On parle alors de contamination. « C’estl’un <strong>des</strong> risques sur lesquels travaillentles chercheurs de la DSV. Ils s’attachenten particulier à mieux comprendre commentune contamination par les •actini<strong>des</strong>se propage dans l’organisme, commentelle est éliminée et quelles sont les relationsentre doses et effets. Des informationsindispensables pour mieux estimer le risqueet adapter les mesures de radioprotection »,explique Florence Ménétrier, responsable dela cellule d’expertise Prositon. « Le deuxièmeobjectif <strong>des</strong> chercheurs est de donneraux médecins <strong>des</strong> éléments de réponseaux questions qu’ils se posent au cas parcas : Dois-je traiter ? Avec quel protocole ?Quand puis-je arrêter le traitement ? »AMÉLIORER LARADIOPROTECTIONUn •millisievert (mSv) par an pour lapopulation ; 20 par an pour les travailleurs ;et jusqu’à 250 ponctuellement pourle personnel d’intervention de la centralede Fukushima. Ce sont les doses maximalesacceptées, en fonction <strong>des</strong> situationsd’exposition. Fixées réglementairement, ellessont définies à partir de recommandationsélaborées par la Commission internationalede protection radiologique (CIPR ; cf. p.4) ens’appuyant sur l’ensemble <strong>des</strong> informationsacquises par la communauté scientifique.« À l’iRCM, nous menons <strong>des</strong> recherchesafin d’améliorer les modèles biocinétiquesde contamination par les actini<strong>des</strong> surlesquels s’appuie la CIPR », explique OlivierGrémy. « Les modèles biocinétiques ont pourobjectif de prévoir le comportement dechaque radionucléide dans le corps humain,depuis son entrée jusqu’à son élimination.Nous avons donc développé <strong>des</strong> modèlesexpérimentaux pour suivre chez l’animalle devenir <strong>du</strong> plutonium et de l’américiumnotamment, ceci après différentes formesde contamination : pulmonaire ou parblessure. Nous regardons aussi lesconsé quences de ces contaminations,particulièrement en termes de cancer ».Avec ces modèles, les chercheurs évaluentl’effet de nombreux paramètres, notammentphysicochimiques et anatomiques. Ils ontainsi montré que, pour une même dosede radionucléide, le risque de développerun cancer pulmonaire est trois fois plusélevé avec de l’oxyde de neptunium qu’avecde l’oxyde de plutonium qui se répartitde façon beaucoup moins homogènedans les poumons. « Cela démontre queconnaître la dose ne suffit pas et qu’il fautprendre en compte sa répartition dansles tissus pour mieux estimer la probabilitéde développement d’un cancer », soulignele chercheur. Une autre question se poseimmédiatement : que se passe-t-il encas de contamination par un mélanged’actini<strong>des</strong> ? « Nous nous attachonsà décrypter le comportement <strong>des</strong> actini<strong>des</strong>lorsqu’ils sont mélangés, comme c’est© P.Dumas/<strong>CEA</strong>Chaîne pour les étu<strong>des</strong> de rechercheet développement sur les procédés de fabrication<strong>des</strong> combustibles au plutonium (<strong>CEA</strong> Cadarache).


TRAVAILLEURSDESPROTÉINESqui fixentl’uranium© <strong>CEA</strong>© P.Dumas/<strong>CEA</strong>Observation par microscopie confocalede l’uranyle (en rouge) dans une cellule rénale.Notre originalité,c’est d’allier rechercheexpérimentale surl’animal et modélisationinformatique.le cas dans le combustible •Mox utilisédans certains réacteurs nucléaires. C’estparticulièrement important pour adapterla radioprotection <strong>des</strong> personnes quifabriquent ce combustible », expliqueOlivier Grémy. À partir de leurs résultatsexpérimentaux les chercheurs de l’iRCMdéveloppent et ajustent <strong>des</strong> modèlesinformatiques. « Notre originalité, c’estd’allier recherche expérimentale sur l’animalet modélisation informatique », soulignePaul Fritsch. « Et ces modèles nous lestransposons à ce qui se passe chez l’Homme.Actuellement, les doses limites définiespar la CIPR tiennent compte <strong>des</strong> risquespour différentes catégories de personnes.Avec cette démarche, nous augmentons lesparamètres pris en compte avec pour objectifde pouvoir évaluer la situation indivi<strong>du</strong>elle. »À LA RECHERCHEDE BIOMARQUEURSLa première chose à faire en cas <strong>des</strong>uspicion de contamination accidentelle,c’est de la vérifier et d’en évaluer le niveau.Pas si simple ! À l’heure actuelle, le testutilisé consiste à détecter la quantité deradionucléi<strong>des</strong> dans les urines.« Ce dosage indispensable est toutefoisinsuffisant », affirme Odette Prat,de l’iBEB. « Les médecins <strong>du</strong> travail ontbesoin d’avoir un test qui leur permettenon seulement de connaître le niveaude la contamination mais aussi d’enprévoir les conséquences pathologiquespotentielles pour le travailleur. Nous avonsmis en évidence, par toxicogénomique,un biomarqueur qui pourrait les y aiderdans le cas d’une contamination parl’uranium : l’ostéopontine, une protéineimpliquée dans la minéralisation osseuse.Découpage de spots de protéines à partir d’ungel d’électrophorèse bidimensionelle pourleur identification en spectrométrie de masse.© P.Dumas/<strong>CEA</strong>« À l’iBEB, nous cherchonsà identifier les cibles moléculairesde l’uranium pour comprendreles mécanismes de sa toxicité etdéterminer ses sites de fixation.Cette démarche est essentielle dansla conception de décorporants »,explique Claude Vidaud. Deuxapproches complémentaires sontutilisées. La première consisteà isoler <strong>des</strong> protéines ciblespotentielles de l’uranium à partirde flui<strong>des</strong> biologiques par <strong>des</strong>techniques biochimiques. « Nousen avons identifié 53 ! Un testrapide basé sur un immunodosagede l’uranyle, forme prédominantede l’uranium en milieu aqueux,a permis de quantifier leur affinité »,ajoute la chercheuse. La seconde,basée sur un outil de modélisationdéveloppé par son collègue OlivierPible, a permis de proposer <strong>des</strong>protéines candidates. L’une d’elles,la C-reactive protein, présente apriori les caractéristiques structuralesnécessaires. « Les expériences ontconfirmé qu’elle fixe l’uranium100 fois plus efficacement quele calcium qu’elle utilise dansles conditions physiologiques »,souligne Claude Vidaud. « Il fautmaintenant tester leur efficacitéen milieu complexe pour tenircompte <strong>des</strong> compétitions avecd’autres molécules biologiques maisaussi avec les métaux endogènesde l’organisme. C’est essentiel pourtrouver les molécules candidatesà une utilisation en décorporation »,précise Agnès Hagège.BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 20119


TRAVAILLEURSEn effet, l’uranium se fixe préférentiellementdans les os ». Les chercheurs sontmaintenant confrontés à une difficulté pourvalider ce biomarqueur chez l’Homme car,fort heureusement, les cas de contaminationsont très rares. « Nous n’avons pu l’évaluerqu’auprès d’un petit nombre de travailleursd’Areva exposés à <strong>des</strong> poussières d’uranium.Néanmoins, cette étude va nous permettrede mieux appréhender son mécanismed’action toxique », souligne Odette Prat.Toujours à la recherche de biomarqueurs,les chercheurs de l’iBEB utilisent égalementune autre approche, la protéomique.« Nous analysons l’ensemble <strong>des</strong> protéinesprésentes dans l’urine après contaminationà la recherche d’une signature protéiqueglobale de la toxicité <strong>des</strong> radionucléi<strong>des</strong> »,explique Véronique Malard. « Nous nousintéressons bien sûr à l’uranium, maiségalement au cobalt, un radionucléidepro<strong>du</strong>it lors <strong>des</strong> réactions de fission ».DES TRAITEMENTSPLUS EFFICACESUne fois la contamination détectée,il faut intervenir le plus rapidementpossible pour éliminer un maximumde radionucléi<strong>des</strong>. Pour cela les médecinsutilisent <strong>des</strong> traitements non spécifiquestels que <strong>des</strong> lavages d’estomac ou deplaies, l’administration de laxatifs oudiurétiques… Des approches plus cibléessont donc indispensables. En particulier,il faut pouvoir faire appel à <strong>des</strong> agentsdécorporants, c’est-à-dire à <strong>des</strong> moléculesformant avec le radionucléide un complexestable et facilement excrété par l’organisme.Les chercheurs de la DSV se concentrentsur deux grands objectifs : synthétiser denouveaux décorporants et améliorer ceuxexistants, notamment en définissant lesconditions d’utilisation les plus efficaces.Éliminer l’uranium est un vrai défi.Les médecins ne disposent pas, à ce jour,de décorporant dédié à ce radionucléide.« À l’iBiTec-S, nous recherchons, parsynthèse chimique et criblage haut débit,<strong>des</strong> molécules capables de complexerfortement l’uranium », explique FrédéricTaran. « Nous avons ainsi obtenuune série de composés de la famille<strong>des</strong> bisphosphonates et l’un d’entre euxs’avère capable d’augmenter l’éliminationd’uranium en diminuant notammentsa rétention au niveau <strong>des</strong> reins, là oùil est le plus toxique ». De leur côté, leschercheurs de l’iBEB ont également trouvé<strong>des</strong> molécules (cf. encadré p.9), biologiquescette fois, qui fixent très fortementl’uranium. Des pistes intéressantesqui permettront peut-être d’esquisserun traitement utilisable par les médecins.« De notre côté, nous essayons plutôtd’améliorer l’efficacité <strong>du</strong> DTPA (diéthylènetriamine penta acétate), le traitementde référence utilisé pour la décorporation<strong>du</strong> plutonium et de l’américium,et ceci toujours en alliant techniquesde biologie et modélisation informatique »,explique Olivier Grémy. Actuellement,le test permettant d’évaluer l’efficacitéde la décorporation consiste à mesurerla radioactivité retrouvée dans les urinescollectées sur une période de 24 heures.« Nous avons montré qu’en réalité ladécorporation <strong>du</strong> plutonium par le DTPAper<strong>du</strong>re au moins pendant un mois ! Stockémomentanément dans les cellules puiséliminé progressivement avec le plutoniumqu’il a piégé, le DTPA est finalementbeaucoup plus efficace que ce que l’onpensait auparavant », précise le chercheur.« De plus, actuellement les médecinsn’administrent pas systématiquementle DTPA sur le long terme, mais nosrésultats suggèrent qu’il le faudrait ! ».Les chercheurs de l’iRCM évaluent égalementd’autres formes galéniques <strong>du</strong> DTPApour trouver les meilleures conditions detraitement. Ils ont notamment testé, chezl’animal, l’efficacité d’un traitement au DTPAsous forme de poudre sèche pouvant êtreinhalée, développé par <strong>des</strong> chercheurs dela Faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry.Image obtenue par microscopie électroniqueà balayage d’une particule optimisée de poudresèche de DTPA.« Sous cette forme, le DTPA est au moinsaussi efficace que lorsqu’il est administrépar voie sanguine », s’enthousiasme PaulFritsch. « L’ensemble de ces résultatspourrait permettre aux médecins d’élaborer<strong>des</strong> protocoles de traitement DTPA optimiséset adaptés à chaque cas de contamination ».Si ces résultats apportent <strong>des</strong> élémentsde réponse aux médecins <strong>du</strong> travail pourles aider à prendre en charge les personnesen cas de contamination, il reste encorebeaucoup d’incertitu<strong>des</strong> à lever.Pour appréhender ces problématiquesle plus concrètement possible,les chercheurs de la DSV travaillenten interface avec les exploitantsnucléaires, notamment Areva et EDF.Actini<strong>des</strong>Les actini<strong>des</strong> sont les éléments chimiques<strong>du</strong> tableau périodique de Mendeleïevpossédant un numéro atomique entre 89et 103 inclus. Ils sont tous radioactifs.MillisievertLe millisievert est l’unité de mesure <strong>des</strong> effets<strong>des</strong> rayonnements sur l’Homme.MoxAbréviation de Mélange d’oxy<strong>des</strong>, le Moxest un combustible à base d’oxyde d’uraniumet d’oxyde de plutonium.© CNRS UMR 8612CONTAMINATION par blessureBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 2011© <strong>CEA</strong>Dépôt de particules de Mox dans les muscles,deux heures après contamination.Dans les ateliers de préparation <strong>du</strong>combustible, il existe un risque decontamination cutanée <strong>des</strong> travailleurs.Si elle se pro<strong>du</strong>it sur une peau saine,les radionucléi<strong>des</strong> ne pénètrent pas dansl’organisme, la contamination reste surfaciqueet peut être facilement éliminée. En cas deblessure, la situation est plus complexe, carles éléments peuvent en partie contaminerle sang. « Nous avons développéun modèle de blessure chez l’animalet un système de mesure externe localiséequi nous permet de suivre le déplacement<strong>des</strong> radionucléi<strong>des</strong> autour de la plaieau cours <strong>du</strong> temps », explique Nina Griffiths,de l’iRCM. Les chercheurs ont ainsi puobserver que, lors d’une contaminationavec <strong>du</strong> Mox, l’américium passe plusrapidement dans le sang que le plutonium.De plus, les particules de Mox se fixent pluslongtemps au niveau de la blessure quelors d’une contamination par <strong>des</strong> actini<strong>des</strong>de forme plus soluble. « Ces outils vontnous permettre de mieux comprendrel’apparition <strong>des</strong> pathologies autour dela blessure et de rechercher les protocolesde décorporation les plus adaptés à cetype d’accidents », souligne la chercheuse.10


ENVIRONNEMENTLA BIODIVERSITÉEN ACTION© P.Avavian/<strong>CEA</strong>Détecter et décontaminer. Des bactéries aux plantes, les équipes de la DSV explorentla biodiversité pour développer les connaissances et outils technologiques nécessairesà la mise au point de procédés de biodécontamination.Trente kilomètres de zone d’exclusion autourde la centrale de Fukushima-Daiichi, un sitein<strong>du</strong>striel quasiment inaccessible, <strong>des</strong> tonnesd’eau contaminée, d’importants rejets dansl’océan… L’impact environnemental del’accident <strong>du</strong> 11 mars dernier est conséquentet doit de toute évidence être pris en compteà court et long termes. Par la nature mêmede ses activités de recherche, le <strong>CEA</strong> estimpliqué dans le développement detechniques d’assainissement d’installationset de sites nucléaires : métho<strong>des</strong> chimiquesou mécaniques, traitement <strong>des</strong> déchets…Mais ces procédés sont souvent peu adaptésà la gestion de contaminations environ nementalesà très grande échelle. Des innovations setrouvent certainement <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> etl’idée de s’appuyer sur ses propriétés pourdévelopper de nouvelles métho<strong>des</strong> dedécontamination semble prometteuse. C’estla piste suivie par les chercheurs de la DSV.DÉTECTER LA CONTAMINATIONLors d’un accident nucléaire in<strong>du</strong>striel,les radionucléi<strong>des</strong> qui sont relâchés dansl’environnement sont multiples et leurtoxicité, pour l’Homme comme pourl’environnement, varie selon leur nature(cf. encadré p.13). Les détecteurs quimesurent l’intensité de la radioactivité émisedonnent une idée précise <strong>du</strong> niveau decontamination. Cependant, pour mettreen œuvre plus rapidement <strong>des</strong> métho<strong>des</strong>de décontamination adaptées, il faudraitpouvoir connaître le comportement dechaque radionucléide présent, et ceimmédia tement après la survenue d’unévénement. Pour les chercheurs de l’iBEB,la solution se trouve peut-être dans ledéveloppement de •biodétecteurs inspirés<strong>des</strong> propriétés extraordinaires de certainesbactéries capables de résister à denombreux pro<strong>du</strong>its toxiques. « Nous avonsnotamment identifié <strong>des</strong> senseurs bactérienspour différents métaux, c’est-à-dire <strong>des</strong>molécules qui perçoivent la présence d’ionsmétalliques dans leur environnement »,explique David Pignol. « En ajoutant unsystème fluorescent de transmissionet d’amplification <strong>du</strong> signal nous avonsdéveloppé <strong>des</strong> biodétecteurs capablesde révéler et de quantifier la présencede mercure, d’arsenic, de nickel mais ausside cobalt ». Après ces succès, les chercheurss’attaquent désormais aux radionucléi<strong>des</strong>majeurs de l’in<strong>du</strong>strie nucléaire, notammentl’uranium. Ces dispositifs, fonctionnels enlaboratoire, doivent encore être adaptéspour être utilisés sur le terrain.Prototype d’un biodétecteur de contaminantsmétalliques.© P.Dumas/<strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201111


ENVIRONNEMENTLes chercheurs travaillent donc à leurminiaturisation pour développer une mallettede détection facilement transportableet d’utilisation simple par les pompiersou les personnels d’intervention d’urgence.BIODÉCONTAMINERUne fois la contamination détectée, il fautla traiter ! Ceci consiste a minima à fixerles radionucléi<strong>des</strong> pour éviter leur transfertvers les nappes phréatiques et la chaînealimentaire et, au mieux, à les solubiliserpour les extraire <strong>du</strong> milieu contaminé.Les micro-organismes et les plantes utilisentpour leur fonctionnement naturel <strong>des</strong>réactions biochimiques intéressantespouvant répondre à ces objectifs.« En s’appuyant sur leurs connaissancesde la biologie <strong>des</strong> plantes et <strong>des</strong> microorganismes,les équipes de la DSVcherchent, parmi ces réactions, cellesqui peuvent être utiles pour développer<strong>des</strong> techniques de biodécontamination »,explique Éric Quéméneur, responsable<strong>du</strong> programme Toxicologie <strong>du</strong> <strong>CEA</strong>. « Dansce but, elles explorent la biodiversité etcaractérisent les mécanismes enzymatiquesou de transport importants pour développer<strong>des</strong> organismes aux capacités dedécontamination augmentées. »DES BACTÉRIES QUI COHABITENTAVEC L’URANIUM ET LE CÉSIUMAinsi, les chercheurs de l’iBEB se sont penchéssur l’étude <strong>des</strong> populations bactériennesd’échantillons de sols particulièrement richesen uranium naturel, prélevés dans le bassinminier <strong>du</strong> Limousin. « Nous menons deuxapproches en parallèle. D’un côté, nousétudions de façon globale l’ensemble <strong>des</strong>populations bactériennes (cf. encadréci-<strong>des</strong>sous) et, de l’autre, nous isolons <strong>des</strong>souches résistantes à l’uranium, souchesque nous allons étudier afin de comprendrecomment elles interagissent avecPrélèvement derrière un écran protecteur de plantes d’Arabidopsis thaliana après marquageavec <strong>des</strong> radionucléi<strong>des</strong> dans l’installation Salto (iBEB) dédiée à la toxicologie nucléaire.ce radionucléide », explique Virginie Chapon.« La microscopie électronique et l’analysechimique <strong>des</strong> bactéries présentes dansle sol, ou de celles cultivées en laboratoireen présence d’uranium, montrent l’existencede cellules totalement recouvertes d’uranium.Elles le piègent notamment sur leur paroi »,précise la chercheuse. Mais par quelsmécanismes le font-elles et comment résistentellesà la toxicité de l’uranium ? C’est ce queles chercheurs tentent de découvrir maintenanten regardant ce qui se passe aux niveauxcellulaire et moléculaire. « Nous travaillonsnotamment sur une famille de protéines quiré<strong>du</strong>isent le chromate et l’uranyle pourles rendre insolubles et non toxiques pourles cellules. Par ingénierie génétique nouscherchons à rendre ces protéines les plusefficaces possibles », s’enthousiasme-t-elle.Avec la même approche les chercheurs ontégalement isolé, sur un site prochede Tchernobyl, 300 souches de bactériescultivables et testent leur capacité àaccumuler le césium. « Avec ces collectionsrares de bactéries nous avons désormaisà notre disposition un outil essentiel pouravancer dans la compréhension <strong>des</strong> liensentre radionucléi<strong>des</strong>, sols et bactéries.Mais il reste beaucoup à faire avant d’arriverà <strong>des</strong> outils concrets de décontaminationutilisant les bactéries », ajoute CatherineBerthomieu.DES PLANTES QUI PIÈGENTLES MÉTAUXPeupliers, colza, chanvre… Certaines plantess’avèrent être de véritables pièges à métaux.Pour dépolluer les sols, la plante idéale doitsurvivre dans un milieu fortement contaminé,absorber très vite une grande quantité deradionucléi<strong>des</strong>, et les stocker dans sesparties aériennes, les plus faciles à récolter.À la recherche de techniques pour développerde telles plantes, les chercheurs de la DSVexplorent leurs mécanismes de résistanceau stress, en particulier à la présence demétaux lourds dans leur environnement.« Nous utilisons notamment <strong>des</strong> approchesà grande échelle comme la transcriptomiqueou la protéomique pour avoir une visionglobale <strong>des</strong> mécanismes mis en jeux enprésence notamment de cadmium, d’uraniumet de césium », explique Jacques Bourguignonde l’iRTSV. « D’autre part, avec nos collèguesde la <strong>Direction</strong> <strong>des</strong> <strong>sciences</strong> de la matière<strong>du</strong> <strong>CEA</strong>, nous avons observé par imagerieque le comportement de l’uranium varie© P.Dumas/<strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201112© P.Dumas/<strong>CEA</strong>Collection de souches bactériennesenvironnementales <strong>du</strong> Limousincultivées sur plaque multipuits.CONTAMINATIONet BIODIVERSITÉ bactérienneLes bactéries sont mises à contributionpour révéler ce qui se passe dans leurenvironnement et pour le dépolluer.Mais qu’en est-il de l’effet de cetenvironnement contaminé sur les populationsbactériennes <strong>du</strong> sol ? Dans un gramme de solil y a en moyenne un milliard de cellulescorrespondant à plusieurs milliers d’espèces !« La seule approche possible pour étudierl’effet d’une contamination sur une tellediversité est l’approche moléculaire », expliqueCatherine Berthomieu de l’iBEB. « Cetteapproche permet d’obtenir une empreintegénétique de la diversité. En observantles populations bactériennes présentes sur<strong>des</strong> terrains riches en uranium <strong>du</strong> Limousinnous avons constaté que la concentrationen uranium in<strong>du</strong>it une pression de sélection :un nouvel écosystème se crée avec une aussigrande biodiversité mais avec <strong>des</strong> espècesbactériennes dominantes différentes de cellesprésentes dans les terrains pauvresen uranium. Nous devons maintenantdécouvrir les mécanismes moléculairesmis en jeu par les bactéries pour survivredans cet environnement. »


ENVIRONNEMENTUn traitementspécifique <strong>des</strong> solspeut rendrela décontaminationpar les plantes plusefficace.en fonction d’autres molécules dansl’environnement. Ainsi, en présencede phosphate, l’uranium reste au niveau<strong>des</strong> racines. C’est un avantage car dansce cas le risque de diffusion vers la chaînealimentaire est plus faible. Mais c’estbeaucoup moins intéressant pour <strong>des</strong>stratégies de décontamination ! D’un autrecôté, si l’on ajoute <strong>du</strong> citrate ou <strong>des</strong>carbonates, on favorise le transportde l’uranium vers les feuilles », soulignele chercheur. Cela suggère qu’un traitementspécifique <strong>des</strong> sols peut rendre la décontaminationpar les plantes plus efficace.De leur côté, les chercheurs de l’iBEBregardent s’il est possible d’améliorergénétiquement <strong>des</strong> plantes pour augmenterleur capacité d’absorption <strong>du</strong> cadmium« La plante Arabidopsis thaliana possède<strong>des</strong> transporteurs dédiés au zinc. Maisces protéines peuvent aussi transporterle cadmium », explique Alain Vavasseur.« Nous avons montré que cette plante estparfaitement organisée pour récupérersans danger ces métaux dans le sol.Non seulement elle possède un transporteurqui participe au passage <strong>des</strong> métaux depuisles racines vers les feuilles, mais elle enpossède aussi un autre qui séquestreces métaux dans <strong>des</strong> sortes de petits sacscontenus dans les cellules, les vacuoles, afinde se protéger de leur toxicité.© P.Avavian/<strong>CEA</strong>Culture de microalgues radiorésistantesdans un milieu nutritif liquide.La modification génétique de cestransporteurs a permis d’augmenterle transport dans les feuilles etla tolérance <strong>des</strong> plantes à la toxicité de cesmétaux, deux propriétés indispensables pourun bon candidat dépollueur ! », précise-t-il.UNE MICROALGUE RADIORÉSIS-TANTE ET AVIDE DE MÉTAUXUn problème majeur à Fukushima estl’énorme quantité d’eau contaminéerésultant <strong>des</strong> opérations de refroidissementen urgence <strong>des</strong> réacteurs endommagés.Cette problématique se pose également,mais dans une moindre mesure, en situationnormale de fonctionnement d’une centralenucléaire, lorsque son exploitant doitdécontaminer l’eau <strong>des</strong> piscines utiliséespour l’entreposage <strong>des</strong> combustibles usés.Là encore les micro-organismes peuventservir ! « Avec nos collègues de l’InstitutLaue-Langevin de Grenoble, nous avonsdécouvert une microalgue capable de vivredans une piscine contenant <strong>des</strong> combustiblesnucléaires usés », explique Corinne Rivasseaude l’iRTSV. « 1 000 fois plus résistante auxirradiations que l’Homme, elle est capablede prélever l’uranium, le césium, le cobalt etl’argent présents dans le milieu qui l’entoureet de les stocker sans que cela soit toxiquepour elle. Et ceci avec une très grandeefficacité puisqu’elle peut stocker del’argent jusqu’à 30 % de sa masse ». Testéeà grande échelle, cette microalgue s’estavérée aussi efficace pour décontaminerl’eau d’une piscine d’entreposage que lestechniques physico-chimiques classiquementutilisées. Mais avec un avantage certain :le volume de déchets radioactifs ainsigénéré est beaucoup plus faible. « Il est biensûr inenvisageable de mettre les alguesdirectement dans les piscines ! Il nous fautdonc développer un procédé technologiquede décontamination compatible avec uneutilisation in<strong>du</strong>strielle. C’est ce quenous faisons avec nos collègues de la<strong>Direction</strong> de l’énergie nucléaire <strong>du</strong> <strong>CEA</strong>à Marcoule ».Sols, rivières, mers, piscines d’entreposage<strong>du</strong> combustible… Césium, cadmium,uranium… Plantes, microalgues,bactéries… Pour chaque situation,il faut trouver une réponse adaptée !La problématique de la décontaminationest extrêmement complexe et de nombreuxverrous subsistent sur les plansscientifique, technique et sociétal.En amont <strong>des</strong> applications pratiques surle terrain, les recherches menées à la DSVouvrent <strong>des</strong> pistes prometteuses. À suivre…BiodétecteurDispositif utilisant une réaction biochimiqueeffectuée par les organismes <strong>vivant</strong>s pourdétecter et quantifier un composé chimique.Analyse d’échantillonscontenant <strong>des</strong> métauxtoxiques.Deuxradionucléi<strong>des</strong>majeurs L’IODEET LE CÉSIUMLes radionucléi<strong>des</strong> dispersés lorsde l’accident de Fukushima présentant<strong>des</strong> risques sanitaires importantssont principalement l’iode et lecésium. Les caractéristiques de cesradionucléi<strong>des</strong> influencent la façond’envisager la décontamination del’environnement. Le césium (Cs 134 etCs 137 ) est un élément très problématique<strong>du</strong> fait de sa demi-vie longue (deuxet trente ans respectivement).De plus, son dépôt sur le sol entraîne<strong>des</strong> risques d’irradiation et decontamination très longtemps aprèsun accident ! En revanche, il pénètrepeu et lentement dans le sol. Cettepropriété permet d’envisager de traiterles zones contaminées par un traitementmécanique, en grattant le sol surquelques centimètres de profondeur.Ceci n’est envisageable que sur <strong>des</strong>zones peu éten<strong>du</strong>es et soulève leproblème de la gestion <strong>des</strong> tonnes dedéchets ainsi obtenues. L’iode (I 131 ) peutêtre très rapidement fixé par la thyroïdeet représente un risque à long termepour la santé humaine. En revanche,d’un point de vue environnemental,son impact est plus faible <strong>du</strong> faitde sa demi-vie très courte (huit jours).© P.Avavian/<strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201113


ADNUN ACTEUR TRÈS EXExplorer et comprendre. De la levure à l’Homme, les chercheurs de la DSV décryptentles mécanismes cellulaires perturbés par les rayonnements ionisants pour en comprendreles conséquences à court et long termes.Irradiation externe ou contamination.Fortes ou faibles doses. Court ou longterme. •Instabilité génétique et cancer.La problématique <strong>des</strong> effets <strong>des</strong>rayonnements ionisants est extrêmementcomplexe <strong>du</strong> fait de la multiplicité <strong>des</strong>situations d’expositions et <strong>des</strong> mécanismesbiologiques perturbés. Des équipesde la DSV étudient ces effets aux niveauxcellulaire, moléculaire et de l’organisme.Elles utilisent pour cela plusieurs techniqueset modèles biologiques leur permettantde progresser dans la compréhension<strong>des</strong> mécanismes de réparation de l’ADNLes cellulespossèdent<strong>des</strong> mécanismescapables de contrôlerl’intégrité de l’ADNet de le réparer.et <strong>des</strong> conséquences de leur dysfonctionnementen termes d’instabilité génétiqueet de développement de cancers.SURVEILLANCE DE L’ADNET MORT CELLULAIREEn effet, l’ADN est l’une <strong>des</strong> principalescibles <strong>des</strong> rayonnements qui peuvent luiinfliger de nombreux types de dommages.Pour se défendre, les cellules possèdent <strong>des</strong>mécanismes capables de contrôler l’intégritéde l’ADN et de le réparer le cas échéant.Telle une vigie, un système de surveillanceest actif en permanence dans la cellule,à la recherche d’anomalies. Par exemple,un complexe protéique, appelé complexeMRN, est capable de reconnaître une<strong>des</strong> altérations les plus graves de l’ADN :les « cassures double brins ». Il activealors la protéine ATM, un élément cléde la signalisation <strong>des</strong> dommages et de leurréparation. « C’est une très grosse protéinedont la structure est mal connue », souligneBéatrice Alpha-Bazin, de l’iBEB. « Nousnous concentrons sur l’étude de grandsfragments d’ATM. Ils nous permettent© P.Stroppa/<strong>CEA</strong>Zone d’hébergement <strong>des</strong> animaux.d’obtenir <strong>des</strong> indices d’ordre structuralque nous envisageons d’approfondiravec nos collègues de l’iBS. C’est uneétape essentielle pour pouvoir identifierses partenaires et mieux comprendreson rôle », précise la chercheuse. Et <strong>des</strong>partenaires, ATM en a beaucoup ! Elle activeun réseau complexe de protéines qui vontmettre en place <strong>des</strong> points de contrôle,ou checkpoints. « C’est à ces checkpointsque la cellule décide si elle continue saprolifération après réparation de son ADN,ou lance un processus de sénescence ouBiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201114LEVURES ET BACTÉRIES : <strong>des</strong> modèles ad hocLe contrôle génétique <strong>du</strong> maintien de l’intégrité de l’ADNchez les levures est très similaire à celui de l’Homme. De plus,les levures offrent de larges possibilités d’étu<strong>des</strong> génétiquesrelativement simples à mettre en œuvre, comme la mutationou l’isolement de gènes. C’est donc un modèle utilisé par denombreuses équipes de la DSV, notamment de l’iRCM, de l’iRTSV,de l’iBiTec-S et de l’iBEB. Certaines bactéries sont également <strong>des</strong>modèles de choix pour les chercheurs. Ceux de l’iBEB et de l’IGont notamment lancé une étude de comparaison <strong>des</strong> génomesde deux bactéries extrêmement résistantes aux rayonnementsionisants afin de décrypter les raisons de leur faculté exceptionnelleà réparer l’ADN. « De notre côté c’est Helicobacter pylori qui nousintéresse », ajoute Pablo Radicella de l’iRCM. « Cette bactériequi colonise l’estomac a une capacité incroyable à modifierson génome pour s’adapter à son environnement. Nous l’utilisonspour mieux comprendre les mécanismes de l’instabilité ».


ADNUNE CIBLEPRIMORDIALE :les cellulessouchesPOSÉde mort programmée en cas de dommagestrop importants », explique FrançoisLeteurtre de l’iBiTec-S. « Nous étudionsles acteurs de ce mécanisme en nousfocalisant notamment sur la désactivation<strong>du</strong> checkpoint qui doit prendre placeà l’issue de la réparation de l’ADN »,souligne-t-il. « De notre côté, nous nousintéressons au mécanisme de la sénescence,un mécanisme essentiel pour éviterla prolifération <strong>des</strong> cellules cancéreuses »,explique Carl Mann, également de l’iBiTec-S.« Nous essayons de déterminer comment lasénescence est déclenchée quand la celluledétecte <strong>des</strong> lésions irréparables de l’ADNsuite à une irradiation ou à l’expressionde certains oncogènes ». À l’iRCM, PascaleBertrand explore également ce mécanisme,« mais dans <strong>des</strong> cellules hypersensiblesaux rayonnements ionisants, en regardantle lien entre sénescence et mécanismesde réparation de l’ADN », précise-t-elle.« Nous avons montré que lorsque ce systèmede réparation ne fonctionne pas, un autremécanisme peut prendre le relais, le « NHEJalternatif ». Mais il est très infidèle, génère<strong>des</strong> mutations con<strong>du</strong>isant à de l’instabilitégénétique », précise le chercheur. Quels quesoient les dysfonctionnements con<strong>du</strong>isantà l’instabilité génétique, celle-ci peut jouerun rôle majeur dans le développementde cancers longtemps après l’irradiation.En comprendre les mécanismes est undéfi particulièrement important relevépar plusieurs équipes de la DSV. « Nousavons notamment montré que cetteinstabilité apparaît dans <strong>des</strong> cellules nondirectement irradiées mais issues de cellulesirradiées vingt générations auparavant. »,explique Jérôme Lebeau. « C’est un peucomme si les <strong>des</strong>cendantes <strong>des</strong> cellulesirradiées avaient gardé la mémoirede l’irradiation. Mais nous ne savons pascomment se transmet cette mémoire ».© P.Dumas/<strong>CEA</strong>Les cellules souches sont essentiellesau maintien de l’activité de la plupart<strong>des</strong> organes. Leur <strong>du</strong>rée de vie prolongéeen fait <strong>des</strong> cibles majeures <strong>des</strong>rayonnements ionisants. Les chercheursde l’iRCM s’y intéressent donc de trèsprès. « Regarder, après irradiation, lamort <strong>des</strong> cellules souches, leur instabilitégénétique, l’altération de leurs fonctions,tels sont nos objectifs », explique IsabelleAllemand, spécialiste <strong>des</strong> cellules souchesgerminales. Dans la même optique,l’équipe de Paul-Henri Roméo vientd’observer, grâce à un modèle de greffede cellules souches hématopoïétiques,les effets potentiels à long terme sur cescellules d’une contamination par le tritium.Observation de cellules par microscopie.© P.Stroppa/<strong>CEA</strong>RÉPARATION ET INSTABILITÉGÉNÉTIQUELorsque les dommages provoqués à l’ADNsont moins conséquents, les mécanismesde réparation adaptés à chaque typede dommage sont activés. Différentes équipesde la DSV s’attachent à les décrypter et leurcontribution à l’amélioration <strong>des</strong> connaissancesdans ce domaine est significative.Ainsi, leurs travaux ont notamment permisde mieux comprendre l’un <strong>des</strong> acteursprincipaux de réparation <strong>des</strong> « cassuresdouble brins » de l’ADN : le NHEJ,un mécanisme qui assure la sou<strong>du</strong>re<strong>des</strong> extrémités d’ADN cassées.« Au laboratoire, nous décryptons les acteursqui sont mis en jeu dans ce mécanisme.C’est d’autant plus intéressant que lorsque<strong>des</strong> gènes de cette voie de réparationsont mutés, les personnes sont trèssensibles aux rayonnements et ont unrisque accru de développer un cancer !»,explique Bernard Lopez, de l’iRCM.Mécanismes de réparation <strong>des</strong> lésionscomplexes et multiples, rôle <strong>des</strong>•régulations épigénétiques sur le contrôlede la stabilité <strong>du</strong> génome, effets àdistance de l’irradiation... Autant d’autresthématiques abordées par les chercheursde la DSV qui participent ainsi à l’effortdéployé par la communauté scientifiqueafin de mieux comprendre les réactionsde défense mises en place par lesêtres <strong>vivant</strong>s en cas d’irradiation.Instabilité génétiqueAccumulation de mutations et d’anomalieschromosomiques dans l’ADN, souventcaractéristique <strong>des</strong> cellules cancéreuses.NeurogenèseEnsemble <strong>des</strong> processus permettant la miseen place <strong>des</strong> principales structures <strong>du</strong> systèmenerveux au cours <strong>du</strong> développement.Régulations épigénétiquesRégulations de l’expression <strong>des</strong> gènes quine sont pas liées à un changement dans laséquence de l’ADN.« Dans ce modèle, les cellules souchescontaminées avec de fortes dosesde tritium conservent leur fonctionà court terme et n’entraînent pas dedéveloppement de cancer chez l’animal »,explique le chercheur. En revanche, aprèsune irradiation <strong>du</strong> cerveau, un blocage dela •neurogenèse associé à <strong>des</strong> troublescognitifs est observé chez l’a<strong>du</strong>lte.Ce blocage est notamment lié à unealtération de l’environnement <strong>des</strong> cellulessouches neurales. « En cherchantà comprendre les mécanismes de cetteperturbation, nous avons trouvé unemolécule fabriquée par les cellulesde l’environnement <strong>des</strong> neurones,qui semble capable de restaurer laneurogenèse », explique François Boussin.« C’est bien sûr important en casd’irradiation, mais cela peut aussi avoir<strong>des</strong> implications plus largesdans les domaines <strong>du</strong> vieillissementou <strong>des</strong> maladies neurodégénératives »,précise le chercheur.BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201115


© C.D C.DuC.D.Dup Dupopont/ont/t/ /CE<strong>CEA</strong> EA AÀ NOTERABONNEZ-VOUS SURwww-dsv.cea.fr/bioactifbremétierycéensers etogiques.LA RECHERCHE DE LA DIRECTION DES SCIENCES DU VIVANT DU <strong>CEA</strong> I N°8 / SEPTEMBRE 2011Assumer le passé,préparer l’avenir.Démantèlement <strong>des</strong> installations nucléairesde Fontenay-aux-RosesE© F.Rho<strong>des</strong>/<strong>CEA</strong>A, « X », G, C :une bactériechange de baseP. 10© <strong>CEA</strong>BiO’actif I <strong>HORS</strong> SÉRIE I SEPTEMBRE 201116Vient de paraîtrewww-dsv.cea.fr

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