106 D. ABRAMOWICZ ET COLL.très faibles sont observés avec la combinaison Acs anti-IL-2R + ICN + MMF + stéroïdes,dont l’usage pourrait dev<strong>en</strong>ir fort répandu. En outre, un traitem<strong>en</strong>t d’inductionavec les Acs anti-IL-2R pourrait contribuer à limiter les doses des ICN et des stéroïdesdurant la période initiale de <strong>transplantation</strong> (voir plus bas).OKT3 et ATGL’OKT3 est un anticorps monoclonal de souris dirigé contre le complexe CD3,une série de protéines associées <strong>au</strong> récepteur à l’antigène des lymphocytes T. Lespréparations polyclonales d’ATG (pour anti-thymocyte globulins) sont obt<strong>en</strong>ues <strong>en</strong>immunisant des lapins ou des chev<strong>au</strong>x à l’aide de lymphocytes humains. Elles conti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tdes anticorps dirigés contre de nombreux antigènes membranaires dont certainssont représ<strong>en</strong>tés uniquem<strong>en</strong>t sur les cellules T, tels CD3, CD4 ou CD8, alorsque d’<strong>au</strong>tres, telles les molécules d’adhésion CD11b et CD18 se retrouv<strong>en</strong>t <strong>au</strong>ssi surd’<strong>au</strong>tres cellules circulantes [49]. Ceci explique probablem<strong>en</strong>t la leucopénie et lathrombopénie se produisant lors du traitem<strong>en</strong>t à l’ATG. Le mécanisme d’action principalde l’OKT3 et de l’ATG consiste <strong>en</strong> une déplétion du sang circulant <strong>en</strong> lymphocytesT. L’OKT3 et l’ATG <strong>en</strong>traîn<strong>en</strong>t un syndrome de relarguage de cytokines aprèsla première dose [50, 51]. En outre, tant l’OKT3 que l’ATG peuv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>traîner unes<strong>en</strong>sibilisation chez le receveur, avec comme conséqu<strong>en</strong>ce possible une neutralisationavec perte d’efficacité <strong>en</strong> ce qui concerne l’OKT3, et une maladie sérique <strong>en</strong> ce quiconcerne l’ATG. L’efficacité de l’OKT3 et de l’ATG dans le traitem<strong>en</strong>t du rejet aigua conduit à leur utilisation p<strong>en</strong>dant une à deux semaines durant la période post-opératoireimmédiate, une stratégie appelée « induction », ayant comme objectif d’utiliserles immunosuppresseurs les plus puissants <strong>au</strong> mom<strong>en</strong>t où le risque de rejet est leplus grand, c’est-à-dire durant les premières semaines de greffe [52]. Des donnéesprov<strong>en</strong>ant d’études prospectives, randomisées [53] ainsi que des registres [54, 55]indiqu<strong>en</strong>t que l’induction à l’OKT3 ou à l’ATG permet non seulem<strong>en</strong>t de réduireconsidérablem<strong>en</strong>t l’incid<strong>en</strong>ce de rejet, mais <strong>au</strong>ssi d’<strong>au</strong>gm<strong>en</strong>ter la survie du greffonà long terme de ± 5 p. 100 par rapport <strong>au</strong>x pati<strong>en</strong>ts recevant CsA (Sandimmun® ) + AZA + stéroïdes. Chez les groupes à plus h<strong>au</strong>t risque immunologique telsles <strong>en</strong>fants, les pati<strong>en</strong>ts de race noire ou les pati<strong>en</strong>ts prés<strong>en</strong>tant des t<strong>au</strong>x élevés d’anticorpsanti-HLA, le bénéfice était <strong>en</strong>core bi<strong>en</strong> plus considérable, atteignant parfois20 p. 100 d’amélioration de survie du greffon après 3 à 5 ans (revu dans [52]).Que p<strong>en</strong>ser des traitem<strong>en</strong>ts d’induction à l’OKT3/ATG à l’ère du CsA-Néoral ® ,du tacrolimus et du MMF ? Même avec ces nouve<strong>au</strong>x immunosuppresseurs,l’adjonction d’ATG ou d’OKT3 permet une diminution supplém<strong>en</strong>taire des t<strong>au</strong>xde rejet. Ainsi, l’incid<strong>en</strong>ce de rejet s’élève à 32 p. 100 chez les pati<strong>en</strong>ts traités partacrolimus + AZA + stéroïdes, versus 18 p. 100 si l’on y associe une induction àl’ATG [56]. De même, 20 à 25 p. 100 des pati<strong>en</strong>ts recevant de la CsA, du MMFet des stéroïdes ont développé un épisode de rejet, contre seulem<strong>en</strong>t 11 à 14 p. 100chez ceux ayant reçu <strong>en</strong> sus une induction à l’OKT3 ou l’ATG [57]. Il est clairtoutefois que dans cette indication — prév<strong>en</strong>ir <strong>au</strong> mieux le rejet aigu — les Acsanti-IL-2R sembl<strong>en</strong>t tout <strong>au</strong>ssi efficaces et moins toxiques [44, 45, 58]. Il f<strong>au</strong>tnéanmoins t<strong>en</strong>ir à l’esprit que les pati<strong>en</strong>ts à h<strong>au</strong>t risque immunologique, tels ceuxayant perdu un ou plusieurs greffons préalables ou ceux h<strong>au</strong>tem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sibiliséscontre les antigènes HLA, n’ont pas été inclus dans les essais cliniques évaluantles Acs anti-IL-2R. Des études prospectives sont nécessaires afin de comparer Acsanti-IL-2R et OKT3/ATG chez ces pati<strong>en</strong>ts. Dans l’att<strong>en</strong>te, l’induction à l’ATG
STRATÉGIES D’IMMUNOSUPPRESSION EN TRANSPLANTATION RÉNALE 107ou l’OKT3 constitue la stratégie de choix dans cette indication, <strong>en</strong> association avecun inhibiteur de la calcineurine, du MMF et des stéroïdes.PEUT-ON LIMITER L’USAGEDES INHIBITEURS DE LA CALCINEURINEAU DÉBUT DE LA TRANSPLANTATION ?La disponibilité réc<strong>en</strong>te de trois classes d’ag<strong>en</strong>ts dépourvus d’effets néphrotoxiques— les Acs anti-IL-2R, le MMF et le sirolimus — a incité un certain nombred’investigateurs à réduire, voire à t<strong>en</strong>ter d’éviter complètem<strong>en</strong>t l’usage des ICNaprès la <strong>transplantation</strong>. Cette approche semble <strong>au</strong>jourd’hui particulièrem<strong>en</strong>t à propos<strong>au</strong> vu de l’âge sans cesse croissant tant des donneurs que des receveurs degreffe <strong>rénale</strong>. En effet, les reins prov<strong>en</strong>ant de donneurs âgés sont plus susceptiblesà la néphrotoxicité des ICN. Par ailleurs, le risque de rejet diminue considérablem<strong>en</strong>tavec l’âge, ce qui devrait permettre un allégem<strong>en</strong>t des doses d’ICN sans<strong>en</strong>courir de risques excessifs. Plusieurs <strong>stratégies</strong> ont été récemm<strong>en</strong>t évaluées.MMF + stéroïdes, avec une induction à l’ATGUn groupe a étudié l’association d’ATG avec du MMF, donné à la dose de 3grammes par jour, et des stéroïdes, chez 17 pati<strong>en</strong>ts à faible risque immunologique,ayant reçu un rein de donneurs margin<strong>au</strong>x [59]. Les t<strong>au</strong>x de retard de reprise defonction et de rejet étai<strong>en</strong>t bas : 12 p. 100 et 24 p. 100, respectivem<strong>en</strong>t. La CsA adu être initiée chez 24 p. 100 des pati<strong>en</strong>ts. À 6 mois, la créatinine moy<strong>en</strong>ne del’<strong>en</strong>semble des pati<strong>en</strong>ts était 1,8 mg/dl. Une approche similaire a été suivie dansune <strong>au</strong>tre étude pilote où 12 pati<strong>en</strong>ts à bas risque immunologique, âgés de plus de50 ans, ont reçu des reins de donneurs âgés (moy<strong>en</strong>ne : 60 ans) [60]. L’immunosuppressionconsistait <strong>en</strong> ATG, MMF (2 g/j), et stéroïdes, dont la dose de maint<strong>en</strong>anceétait de 20 mg/j. Un retard de reprise de fonction s’est produit chez40 p. 100 des pati<strong>en</strong>ts, un t<strong>au</strong>x habituel avec des donneurs âgés. Seul un pati<strong>en</strong>t aprés<strong>en</strong>té un rejet. La fonction du greffon s’est avérée excell<strong>en</strong>te, la créatinine étantde 1,3 mg/dl à 6 mois. En résumé, les données de ces deux études pilotes suggèr<strong>en</strong>tque des pati<strong>en</strong>ts à faible risque immunologique qui reçoiv<strong>en</strong>t des reins prov<strong>en</strong>antde donneurs margin<strong>au</strong>x peuv<strong>en</strong>t bénéficier d’un protocole dépourvu d’ICN, grâceà l’association ATG + MMF + stéroïdes.MMF + stéroïdes, avec une induction <strong>au</strong>x anticorps anti-IL-2RLe MMF à la dose de 3 g/j, avec des stéroïdes, a <strong>au</strong>ssi été évalué <strong>en</strong> associationavec un Ac anti-IL-2R (daclizumab), chez 98 receveurs d’un premier greffon [61].Après un suivi médian de 6 mois, 45 p. 100 des pati<strong>en</strong>ts avai<strong>en</strong>t développé un rejetaigu prouvé par biopsie. Un ICN a été initié chez la majorité de ces pati<strong>en</strong>ts. L’articl<strong>en</strong>e conti<strong>en</strong>t pas de données sur la fonction <strong>rénale</strong>. Donc, bi<strong>en</strong> que la survie dugreffon à 6 mois soit excell<strong>en</strong>te, et bi<strong>en</strong> que près de 60 p. 100 des pati<strong>en</strong>ts ai<strong>en</strong>tpu éviter l’usage d’un ICN, les t<strong>au</strong>x de rejets observés avec cette approche sembl<strong>en</strong>tprohibitifs.