Evaluation : repères et enjeuxL'EVALUATION EN EDUCATION POUR LA SANTE BUCCO-DENTAIRE :en fait-on, doit-on en faire, peut-on en faire ?Dr. Omar BRIXIMé<strong>de</strong>cin et enseignant <strong>de</strong> Santé <strong>publique</strong> -Conseiller médical auprès <strong>de</strong>s Mutuelles <strong>de</strong>FranceParler d'évaluation et d'éducation pour <strong>la</strong> santé,n'est pas évi<strong>de</strong>nt. C'est comme si l'on additionneles difficultés d'une pratique à celles d'une autre.Nous savons à quel point les enten<strong>de</strong>ments surl'évaluation sont multiples et par moments divergents.Comme nous savons à quel point se cristallisenten ce moment <strong>de</strong> nombreux malentendus etconceptions à propos <strong>de</strong> l'éducation pour <strong>la</strong> santé.Mais parler d'évaluation <strong>de</strong>s pratiques éducativesautour <strong>de</strong>s questions bucco-<strong>de</strong>ntaires est encoremoins évi<strong>de</strong>nt surtout si on est tenté <strong>de</strong> ne pas enrester aux affirmations faciles.La santé bucco-<strong>de</strong>ntaire n'est pas suffisammentétudiée, documentée et explorée, à mon niveaucertainement, autour <strong>de</strong> moi, le plus souvent.Pourtant <strong>la</strong> santé bucco<strong>de</strong>ntaire est une questionsanitaire importante et omni présente dans le quotidien<strong>de</strong>s gens. La santé <strong>publique</strong> " aux mains propreset aux idées généreuses " en fait <strong>la</strong> lecture <strong>la</strong>plus sommaire, dans le meilleur <strong>de</strong>s cas épidémiologique,rarement suffisamment reliée aux conditions<strong>de</strong> vie et aux conditions <strong>de</strong> sa prise encharge. En somme, <strong>la</strong> lecture qui fâche le moins.Un rappel <strong>de</strong> précautionPermettez moi en préambule <strong>de</strong> <strong>la</strong> problématiquegénérale <strong>de</strong> l'évaluation <strong>de</strong> rappeler une <strong>de</strong>sprécautions que connaissent tous ceux qui onttravaillé en évaluation : l'exigence d'être au c<strong>la</strong>iravec l'objet. Que veut-on évaluer ?Le choix <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s n'ayant <strong>de</strong> sens que parrapport à l'objet tant <strong>la</strong> méthodologie <strong>la</strong> plusappropriée dépend avant tout <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>sproblèmes examinés, du contexte <strong>de</strong> l'évaluation…Ce rappel pour nous prémunir contre une tendancepréoccupante en évaluation : celle <strong>de</strong> privilégierle débat méthodologique sur le débat <strong>de</strong>31
Evaluation : repères et enjeux32fond. L'objet <strong>de</strong> l'évaluation, ses contextes, <strong>la</strong> oules finalités d'abord ; les choix <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s lesplus appropriées, ensuite.La santé bucco<strong>de</strong>ntaire, une résultanteL'exploration <strong>de</strong>s déterminants en santébucco<strong>de</strong>ntaire a é<strong>la</strong>rgi au fur et à mesure notrecompréhension <strong>de</strong>s facteurs et <strong>de</strong>s sphères quil'influent.Nous proposons d'examiner et <strong>de</strong> commenterl'organigramme ci-avant sans s'arrêter à saprésentation figée qui peut <strong>la</strong>isser croire à unevision quelque peu mécaniste.Le patrimoine, l'hygiène, <strong>de</strong>ux c<strong>la</strong>ssiquesLa référence au patrimoine recouvre surtout lesinfluences génétiques, <strong>la</strong>rgement évoquées à différentesépoques sans compter les vrais et fauxdébats entre l'hérédité, l'inné, l'acquis, …Nous nenous y attar<strong>de</strong>rons pas.Ce qui par contre fait consensus, c'est l'hygiène :l'hygiène du milieu, <strong>de</strong> l'eau, l'hygiène bucco<strong>de</strong>ntaire,l'hygiène diététique, etc.C'est aussi au fur et à mesure que <strong>la</strong> problématique<strong>de</strong>s soins s'est posée. <strong>Les</strong> professionnels en soinsbucco-<strong>de</strong>ntaires ont au fur et à mesure adopté <strong>la</strong>stratégie <strong>de</strong>s soins précoces comme stratégie préventive,secondaire ou tertiaire.Le fait est que le mon<strong>de</strong> bucco-<strong>de</strong>ntaire a finalementreconnu que dépister précocement <strong>de</strong>sinfections et <strong>de</strong>s affections permettait d'éviter <strong>de</strong>scomplications plus gran<strong>de</strong>s. La problématique dusoin précoce, du soin approprié, s'est posée enbucco-<strong>de</strong>ntaire aussi fortement qu'ailleurs. Et ce,en dépit du manque d'intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé <strong>publique</strong>et du désintérêt <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> santé.L'environnement, un pôle complexeOn peut représenter dans un grand pôle les" environnements " pour référer aux conditionssocio-économiques et culturelles, au statutsocioprofessionnel, à l'accessibilité, à l'offre <strong>de</strong>soins et <strong>de</strong> prévention, aux pratiquesprofessionnelles…Quand on parle d'environnements, il importe <strong>de</strong>parler <strong>de</strong> tous les environnements sans occulter <strong>la</strong>vie professionnelle, <strong>la</strong> vie sociale, le cadrephysique, etc.Il va falloir en particulier regar<strong>de</strong>r comment secumulent les facteurs <strong>de</strong> protection ou les facteurs<strong>de</strong> risque, du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> ces composantesregroupées dans le générique "environnements ".La sphère subjective, <strong>de</strong> plus en plusincontournableEnfin, dans un " nuage insaisissable " <strong>la</strong> sphèresubjective, telle que caricaturée par certainsquantitativistes. Sans cé<strong>de</strong>r au réductionnisme <strong>de</strong>certains courants nord américains qui fantasmentsur l'individu et l'image <strong>de</strong> soi, on ne saurait àl'inverse sous estimer <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> subjectivitédans le vécu et dans <strong>la</strong> santé bucco-<strong>de</strong>ntaire.Tenir compte <strong>de</strong>s perceptions, <strong>de</strong>s représentations,<strong>de</strong>s croyances, <strong>de</strong>s appréhensions est toutaussi important que <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>nture ou lessoins qui y contribuent.Nombre <strong>de</strong> professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé bucco<strong>de</strong>ntairesavent à quel point <strong>la</strong> dimensionsubjective est importante. Sans verser dans lesconceptions qui ramènent tout à <strong>la</strong> psychologie ilfaut reconnaître que pour prendre soin <strong>de</strong> ses<strong>de</strong>nts, il importe <strong>de</strong> s'aimer un tout petit peu,n'être pas enfermé dans <strong>la</strong> logique <strong>de</strong> <strong>la</strong> survie,avoir un len<strong>de</strong>main.Que <strong>de</strong> patriciens n'ont entendu leurs patients leurrappeler vertement une dure réalité " Il faudraitque je m'aime trois fois plus juste pour être enmesure <strong>de</strong> lire ou entendre le <strong>de</strong>vis que vous mefaites ! "Comment voulons nous qu'une personnefragilisée par <strong>de</strong>s échecs en série, <strong>de</strong>s exclusionsdans plusieurs sphères, puisse se projeter etgar<strong>de</strong>r l'estime nécessaire <strong>de</strong> soi pour faireattention ou s'engager dans <strong>de</strong>s soins longs,coûteux, par moment douloureux ?La problématique <strong>de</strong> l'image <strong>de</strong> soi avec, <strong>de</strong>rrièrenaturellement celle du statut social, estfondamentale. On ne peut discourir dans l'absolusur <strong>la</strong> prévention, <strong>la</strong> santé, si l'on ne l'incruste pasdans un contexte socioculturel, économique etsubjectif.La plupart <strong>de</strong>s campagnes d'éducation pour <strong>la</strong>santé évitent difficilement <strong>de</strong>s approchesréductrices aboutissant <strong>de</strong> fait à <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> culpabilisationet <strong>de</strong> stigmatisation. Le message qui