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Au Bonheur des Dames - Lecteurs.com

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Denise l’écoutait, saisie, toute pâle. Il insista, en ajoutant :– Ça ne vaudrait rien, ni pour toi, ni pour nous.– C’est bien, mon oncle, finit-elle par dire péniblement. Je tâcherai dem’en tirer tout de même.Les Baudu n’étaient pas de mauvaises gens. Mais ils se plaignaient den’avoir jamais eu de chance. <strong>Au</strong> temps où leur <strong>com</strong>merce marchait, ilsavaient dû élever cinq garçons, dont trois étaient morts à vingt ans ; lequatrième avait mal tourné, le cinquième venait de partir pour leMexique, <strong>com</strong>me capitaine. Il ne leur restait que Geneviève. Cette familleavait coûté gros, et Baudu s’était achevé, en achetant à Rambouillet, lepays du père de sa femme, une grande baraque de maison. <strong>Au</strong>ssi touteune aigreur grandissait-elle, dans sa loyauté maniaque de vieux<strong>com</strong>merçant.– On prévient, reprit-il en se fâchant peu à peu de sa propre dureté. Tupouvais m’écrire, je t’aurais répondu de rester là-bas… Quand j’ai apprisla mort de ton père, parbleu ! je t’ai dit ce qu’on dit d’habitude. Mais tutombes là, sans crier gare… C’est très embarrassant.Il haussait la voix, il se soulageait. Sa femme et sa fille restaient les regardsà terre, en personnes soumises qui ne se permettaient jamaisd’intervenir. Cependant, tandis que Jean blêmissait, Denise avait serrécontre sa poitrine Pépé terrifié. Elle laissa tomber deux grosses larmes.– C’est bien, mon oncle, répéta-t-elle. Nous allons nous en aller.Du coup, il se contint. Un silence embarrassé régna. Puis, il reprit d’unton bourru :– Je ne vous mets pas à la porte… Puisque vous êtes entrés maintenant,vous coucherez toujours en haut, ce soir. Nous verrons après.Alors, M me Baudu et Geneviève <strong>com</strong>prirent, sur un regard, qu’ellespouvaient arranger les choses. Tout fut réglé. Il n’y avait point às’occuper de Jean. Quant à Pépé, il serait à merveille chez M me Gras, unevieille dame qui habitait un grand rez-de-chaussée, rue <strong>des</strong> Orties, oùelle prenait en pension <strong>com</strong>plète <strong>des</strong> enfants jeunes, moyennant quarantefrancs par mois. Denise déclara qu’elle avait de quoi payer le premiermois. Il ne restait donc qu’à la placer elle-même. On lui trouverait bienune place dans le quartier.– Est-ce que Vinçard ne demandait pas une vendeuse ? dit Geneviève.– Tiens ! c’est vrai ! cria Baudu. Nous irons le voir après déjeuner. Ilfaut battre le fer pendant qu’il est chaud.Pas un client n’était venu déranger cette explication de famille. La boutiquerestait noire et vide. <strong>Au</strong> fond, les deux <strong>com</strong>mis et la demoisellecontinuaient leur besogne avec <strong>des</strong> paroles chuchotées et sifflantes.10

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