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Au Bonheur des Dames - Lecteurs.com

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s’ouvrait une cage vitrée, où les camions déchargeaient les marchandises.Elles étaient pesées, puis elles basculaient sur une glissoire rapide,dont le chêne et les ferrures luisaient, polis sous le frottement <strong>des</strong> ballotset <strong>des</strong> caisses. Tous les arrivages entraient par cette trappe béante ; c’étaitun engouffrement continu, une chute d’étoffes qui tombait avec un ronflementde rivière. <strong>Au</strong>x époques de grande vente surtout, la glissoire lâchaitdans le sous-sol un flot intarissable, les soieries de Lyon, les lainagesd’Angleterre, les toiles <strong>des</strong> Flandres, les calicots d’Alsace, les indiennesde Rouen ; et, parfois, les camions devaient prendre la file ; lespaquets en coulant faisaient, au fond du trou, le bruit sourd d’une pierrejetée dans une eau profonde.Lorsqu’il passa, Mouret s’arrêta un instant devant la glissoire. Ellefonctionnait, <strong>des</strong> files de caisses <strong>des</strong>cendaient toutes seules, sans qu’onvît les hommes dont les mains les poussaient, en haut ; et elles semblaientse précipiter d’elles-mêmes, ruisseler en pluie d’une source supérieure.Puis, <strong>des</strong> ballots parurent, tournant sur eux-mêmes <strong>com</strong>me <strong>des</strong>cailloux roulés. Mouret regardait, sans prononcer une parole. Mais, dansses yeux clairs, cette débâcle de marchandises qui tombait chez lui, ceflot qui lâchait <strong>des</strong> milliers de francs à la minute, mettait une courteflamme. Jamais encore il n’avait eu une conscience si nette de la batailleengagée. C’était cette débâcle de marchandises qu’il s’agissait de lanceraux quatre coins de Paris. Il n’ouvrit pas la bouche, il continua soninspection.Dans le jour gris qui venait <strong>des</strong> larges soupiraux, une équiped’hommes recevait les envois, tandis que d’autres déclouaient les caisseset ouvraient les ballots, en présence <strong>des</strong> chefs de rayon. Une agitation dechantier emplissait ce fond de cave, ce sous-sol où <strong>des</strong> piliers de fontesoutenaient les voûtins, et dont les murs nus étaient cimentés.– Vous avez tout, Bouthemont ? demanda Mouret, en s’approchantd’un jeune homme à fortes épaules, en train de vérifier le contenu d’unecaisse.– Oui, tout doit y être, répondit ce dernier. Mais j’en ai pour la matinéeà <strong>com</strong>pter.Le chef de rayon consultait la facture d’un coup d’œil, debout devantun grand <strong>com</strong>ptoir, sur lequel un de ses vendeurs posait, une à une, lespièces de soie qu’il sortait de la caisse. Derrière eux, s’alignaient d’autres<strong>com</strong>ptoirs, en<strong>com</strong>brés également de marchandises, que tout un petitpeuple de <strong>com</strong>mis examinaient. C’était un déballage général, une confusionapparente d’étoffes, étudiées, retournées, marquées, au milieu dubourdonnement <strong>des</strong> voix.32

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