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Au Bonheur des Dames - Lecteurs.com

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– Comment ! la nourriture n’est pas bonne ? demanda d’un air naïfMouret, ouvrant enfin la bouche.Il ne donnait qu’un franc cinquante par jour et par homme au chef, unterrible <strong>Au</strong>vergnat, lequel trouvait encore moyen d’emplir ses poches ; etla nourriture était réellement exécrable. Mais Bourdoncle haussa lesépaules : un chef qui avait quatre cents déjeuners et quatre cents dîners àservir, même en trois séries, ne pouvait guère s’attarder aux raffinementsde son art.– N’importe, reprit le patron bonhomme, je veux que tous nos employésaient une nourriture saine et abondante… Je parlerai au chef.Et la réclamation de Mignot fut enterrée. Alors, revenus à leur point dedépart, debout près de la porte, au milieu <strong>des</strong> parapluies et <strong>des</strong> cravates,Mouret et Bourdoncle reçurent le rapport d’un <strong>des</strong> quatre inspecteurs,chargés de la surveillance du magasin. Le père Jouve, un ancien capitaine,décoré à Constantine, encore bel homme avec son grand nez sensuelet sa calvitie majestueuse, leur signala un vendeur qui, sur unesimple remontrance de sa part, l’avait traité de « vieux ramolli » ; et levendeur fut immédiatement congédié.Cependant, le magasin restait vide de clientes. Seules, les ménagèresdu quartier traversaient les galeries désertes. À la porte, l’inspecteur quipointait l’arrivée <strong>des</strong> employés, venait de refermer son registre et inscrivaità part les retardataires. C’était le moment où les vendeurss’installaient dans leurs rayons, que les garçons avaient balayés et époussetésdès cinq heures. Chacun casait son chapeau et son par<strong>des</strong>sus, enétouffant un bâillement, la mine blanche encore de sommeil. Les unséchangeaient <strong>des</strong> mots, regardaient en l’air, semblaient se dérouillerpour une nouvelle journée de travail ; d’autres, sans se presser, retiraientles serges vertes, dont ils avaient, la veille au soir, couvert les marchandises,après les avoir repliées ; et les piles d’étoffes apparaissaient, rangéessymétriquement, tout le magasin était propre et en ordre, d’un éclattranquille dans la gaieté matinale, en attendant que la bousculade de lavente l’ait une fois de plus obstrué et <strong>com</strong>me rétréci d’une débâcle detoile, de drap, de soie, et de dentelle.Sous la lumière vive du hall central, au <strong>com</strong>ptoir <strong>des</strong> soieries, deuxjeunes gens causaient à voix basse. L’un, petit et charmant, les reins soli<strong>des</strong>,la peau rose, cherchait à marier <strong>des</strong> couleurs de soie, pour un étalageintérieur. Il se nommait Hutin, était fils d’un cafetier d’Yvetot, etavait su, en dix-huit mois, devenir un <strong>des</strong> premiers vendeurs, par unesouplesse de nature, une continuelle caresse de flatterie, qui cachait un40

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