imposées lors de la crise précédant investiture. Le chant se poursuit par une description ducostume rituel :Les bandel<strong>et</strong>tes syzym de mon costumeSe sont tordues comme des roseaux,Cinquante cloch<strong>et</strong>tes de mon costume blindé,Vous chantez comme des oiseaux.Puis commence l’évocation précise d’esprits individuels :Mes serpents, comme des flèches sifflantes,Comme des flèches, sont tirés.Mes grenouil<strong>les</strong> rugueuses,Volant dans la clarté jaune,Mes grenouil<strong>les</strong> aux doigts écartées,Mes ours aux pattes tordues.Les animaux cités dans ce passage, serpents, grenouil<strong>les</strong> <strong>et</strong> ours, se localisent dans la strate laplus basse de l’écosystème. Ils sont aussi associés à des <strong>espace</strong>s de référence immédiatementprésents dans la scène rituelle où leurs figurations peuvent se rencontrer. Ainsi, <strong>les</strong> serpentssont présents dans le bas du costume khakasse sous la forme de bandes de tissu. Mais serpents<strong>et</strong> ours sont aussi présents dans la yourte près de la porte, où se trouve précisément lechamane. Enfin <strong>les</strong> trois espèces ont généralement leurs représentants dans le bas du tambour.Le chant glisse ainsi d’une description explicite du costume (« <strong>les</strong> bandel<strong>et</strong>tes de moncostume ») à une référence possible aux dessins du tambour <strong>et</strong> aux murs de la yourte,mobilisant ainsi trois <strong>espace</strong>s de référence immédiats.Mon esprit téléoute, âme du troupeau,Ours brun, qui regarde à travers un anneau,Mes esprits oiseaux [hus-tös], âme de l’homme ;A la tête du meuble de tête [pas paraan]Âme de la tête du p<strong>et</strong>it-enfant,Grande Mère Ymaj,Des coquillages blancs, du bouton de bronze,Tu tires du fil de soie rouge.C<strong>et</strong>te fois la yourte est explicitement mobilisée comme <strong>espace</strong> de référence immédiat. L’esprittéléoute, absent des costumes <strong>et</strong> des tambours <strong>chamaniques</strong>, a son amul<strong>et</strong>te dans la partie nordde la yourte. L’ours cité ensuite est c<strong>et</strong>te fois clairement celui de la yourte : « l’anneau » àtravers lequel il regarde fait partie des éléments de son amul<strong>et</strong>te. L’ours apparaît donc à deuxreprises, une première fois dans l’<strong>espace</strong> de référence du tambour en compagnie des serpents<strong>et</strong> grenouil<strong>les</strong>, une seconde fois sous son aspect d’amul<strong>et</strong>te dans la yourte. Avec ensuite Ymaj,localisée explicitement par le chant « à la tête du meuble de tête », c’est-à-dire dans <strong>les</strong>environs du coin d’honneur, on se situe très clairement dans la yourte. Le chant se poursuitainsi :Créé par le khan chinois,Venu de la célèbre Touva,Arrivé du mont Sabyna,Toi dont <strong>les</strong> flèches ne tombent jamais à terre,20
Tu tires sans rater, Seigneur-Gaucher.Sorti de la noire Mongolie,Attaché au pieu d’acier au centre de la terre,Tuma-le-Noir au visage plus noir que la terre.Légumes de la terre noire,Etoi<strong>les</strong> du grand ciel,En montant ouvrez la route.Dans ce passage, le chamane nomme <strong>les</strong> cavaliers situés dans la partie gauche du tambour <strong>et</strong>sud de la yourte, deux <strong>espace</strong>s de référence immédiats possib<strong>les</strong>. Les trois derniers verssuggèrent un mouvement de « montée » qui va de la terre noire vers le ciel.À ce moment, la source indique que, « ayant tiré tous <strong>les</strong> tös [esprits] de la porte au lieud’honneur, s’inclinant vers le feu, il chante la Mère-Feu ». Le chamane a donc accompliphysiquement dans la yourte un mouvement de l’est vers l’ouest.Figure 18.Le chamane se tient dans la partie d’honneur devant l’autel <strong>et</strong> face au feu, dans le coin sud-ouest de layourte. Photo Olsen, 1914. Bibliothèque nationale de Norvège.Se tenant maintenant dans le coin d’honneur tör face au foyer, il entonne une louange del’esprit du feu, suivie de l’invocation : « Que <strong>les</strong> Trois biches [Orion] donnent le bonheur ! »L’assistance des profanes lui répond : « Oui, qu’il en soit ainsi. Que <strong>les</strong> Ciels [Kudajlar] nousle donnent. Qu’ils ne cassent pas l’âme. »21