TribuneDE LA SEXOLOGIE A LA MEDECINE SEXUELLE : L’INTEGRATION DES SAVOIRSDr Jean-Roger Dintrans(Paris)«Une science qui ne s’interroge pas sur son autonomieet les conditions de son émergence en tant que science, une science qui ne se pense pas,est une science qui ne pense plus : plus elle avance, plus elle rétrécit »Rachline F. (1)Jusqu’aux années 80, la prise en charge des patients souffrantde difficultés sexuelles et/ou de couples se faisait quasi-uniquementdans le cadre d’une approche psychothérapeutique,elle-même essentiellement psychodynamique .En effet, la sexologie était au départ:• construite au sein d’une pensée ‘’rationaliste ‘’, c’est à dire unepensée qui conduit à la connaissance, ou du moins à de nouveauxcontenus, par de pures inductions logiques, faites sansrecours à l’expérimentation reproductible : cette pensée s’exprimaitdans les études de cas cliniques dits uniques (cliniquedite idiographique) et les études des systèmes symboliques(approches herméneutiques);• essentiellement constituée autour de l’étude des dynamiquesintrapsychiques et intersubjectives des sentiments et des représentations;• affectée d’un très grave déficit de volonté de contrôle scientifique,les théories n’étant que confrontées les unes aux autres ;• toutefois moins dogmatique que bien d’autres cadres de penséethéorique à la même époque.Avec les années 90, les développements de la recherche fondamentaleont abouti à la mise aux points des médicaments sexoactifset ont conduit les médecins à être en première ligne. S’estalors exprimée la nécessité de l’élaboration d’un corpus théoriqueglobal rendant compte des différents aspects de la prise en chargedes problèmes sexuels par les médecins.Le savoir sexologique ’’rationaliste’’ accumulé antérieurements’est donc trouvé convoqué au sein du corpus théorique médicalmais , n’étant pas construit selon la méthodologie expérimentale,il s’est vu marginalisé par le savoir purement expérimental/scientifiquequi a fait peser à son encontre un soupçon d’obsolescencevoire de caducité.Et désormais, la sexologie:• est essentiellement envisagée comme constituée autour del’étude de l’anatomo-physio-bio-éthologie des comportementssexuels ;• est progressivement assignée à une ’’position naturaliste’’ , c’està dire destinée exclusivement à des commentaires des connaissancesscientifiques sur le sexuel.Pour résumer, on peut dire que la sexologie est passée dans lesannées 90- d’un savoir• d’essence’’rationaliste’’ et• d’ordres ’’phénoménologique’’ (car constitué au sein de la pratiqueclinique) et ’’métasexuel’’ (car constitué au sein ’’d’herméneutiques’’/étudesde systèmes symboliques, ) ;- au savoir ’’naturaliste/naturalisé’’ de ’’l’evidence based sexology’’,.C’est à cette croisée des chemins que se constitue la MédecineSexuelle.L’émergence de la Médecine Sexuelle est ainsi consubstantielled’un travail d’intégration des savoirs - constituant un de ses principauxobjets statutaires - qui a charge de relever le défi de cetterencontre et répond de trois contraintes:- ne retenir que les savoirs dont le champ de validité est clairementdéfini et les constructions validées,- ne pas entraîner de ’’perte de pouvoir explicatif’’, c’est à dire nepas laisser perdre des savoirs valides,- ne pas laisser les savoirs dans l’état de juxtaposition éclectique- porteur de risques de confusions entraînant apories sur leplan théorique et échecs sur le plan clinique - qu’a produitdans un temps premier, avec un pragmatisme nécessaire etlouable mais insuffisant, le patchwork des initiatives cliniques.Cette intégration des savoirs propre à la Médecine sexuelleimpose- la redéfinition des champs de validité sous-jacents à chacun dessavoirs sexologiques,- leur articulation,- l’élaboration d’algorithmes décisionnels - à la fois expression,substance et outils de cette intégration - là où les pratiques premièresne peuvent offrir que juxtapositions, antagonismes ouamalgames.Ce travail d’intégration des savoirs permettra que les partiesconstitutives de notre discipline redeviennent indivises mais clarifiéesau sein d’un savoir et un savoir-faire médicaux réunissantconnaissance et narration, savoir et humanisme, théorie et télos,science et conscience: la Médecine Sexuelle.24 Bulletin de la Société Francophone de Médecine Sexuelle 2005 N°1
MEDECINE SEXUELLE : FACTEUR DE PROMOTION DE LA SANTE MASCULINE ?Selon les rapports émanant des organismesinternationaux , les femmesvivent en moyenne 6 à 8 ans de plusque l’homme ; cette disparité concernetoutes les régions du monde , même lespays les plus avancés ( Europe , Amérique duNord ).Cette inégalité dans le vieillissemententre l’homme et la femme a même été àl’origine de la fondation de l’InternationalSociety for the Study of the Aging Male(ISSAM) qui a tenu son premier congrès àGenève en 1998.L’écart de longévité en faveur des femmespourrait être lié l’augmentation de la fréquentationmédicale liée à la surveillancegynécologique. Force est de constater que lesévénements liés à la vie génitale jouent unrôle crucial dans le fait que les femmes ontplus recours au système de santé : la contraception,les troubles du cycle et/ou de la fertilité,la grossesse, les avortements, la ménopausereprésentent autant de motifs deconsultation justifiant un bilan de santé ;nombre de pathologies gynécologiquescertes, mais aussi cardio-vasculaires et métaboliques,peuvent ainsi bénéficier d’un dépistageet d’un traitement précoces ( 3 )De nombreux problèmes de santé masculinset notamment les « serial killers » quesont les maladies cardio-vasculaires et lescancers du poumon ou de la prostate seraientégalement accessibles à un dépistage précoce…si l’homme y était davantage sensibilisé.Pour que l’homme fréquente davantage lesystème de santé, il faut qu’il y soit motivé ;or l’introduction récente de nouveaux traitementsde la dysfonction érectile (DE), efficacesper os, a contribué à faire exploser lenombre des consultants. Le symptôme sexuelpourrait représenter une opportunité précieused’effectuer un bilan de santé chezl’homme ! ( 1,2 ).Plusieurs arguments plaidenten faveur d’un tel bilan de santé systématique:- Il est actuellement démontré que la DE estune pathologie vasculaire, qui reconnaît lesmêmes facteurs de risques que les coronaropathies,cad. le diabète , les dyslipidémies,l’hypertension artérielle, l’obésité abdomino-viscérale,le tabagisme…( 4,5,6,7)- Pour nombre d’auteurs le dépistage - et lacorrection - de ces facteurs de risque cardiovasculairedoit être une étape clé dans l’investigationde la DE; celle-ci doit même êtreconsidérée comme un marqueur d’unemaladie cardio-vasculaire occulte ! «Consulter pour le sexe peut contribuer àsauver le cœur » tel pourrait être le messagedes médias (1,2 ) Ainsi, depuis 1998 ,datede lancement du Viagra , et parallèlement àl’augmentation du nombre de consultants,on a observé que la consultation s’était élargieà plusieurs disciplines médicales : généralistes, cardiologues , endocrinologues …- Son incidence augmentant avec l’age, la DEest fréquemment associée à des troubles dutractus urinaire ,invitant à l’examen systématiquede la prostate trop souvent négligé(8).La Médecine Sexuelle sera-t-elle pourl’homme ce que la Médecine de laReproduction a été pour la femme, cad. un facteurde promotion de la santé ? C’est le défiqui devra mobiliser tous les acteurs de la santémasculine au cours des prochaines années !RéférencesPar Adly LadjimiEndocrinologue & AndrologuePrésident de laSociété Tunisienne d’AndrologieLadjimi A. La Dysfonction Erectile : une ( précieuse)opportunité de bilan de santé chez l’homme. RevMaghr Endocrinol Diab Reprod 1999 , 5 :112Ladjimi A. Will sexual health contribute to promotegood health status for men ? Presented at : 1 stCongress of the Pan Arab Society of ImpotenceResearch and Sexual Health ( PASIR-SH ) Cair , Egypt,October 2000Lunenfeld B. <strong>Editorial</strong> : Aging Male. In : The AgingMale. 1998, 1: 1-7Solomon H , Man JW,Jackson G. Erectile dysfunctionand the cardiovascular patient : endothelial dysfunctionis the common denominator.Heart, 2003, 89:251-253Roumeguere T, Wespes E.,Carpentier Y, Hoffman P,Schulman CC. Erectile dysfunction is associated witha high prevalence of hyperlipidemia and coronaryheart disease risk. Eur Urol, 2003, 44: 355-359Speel TG, van Langen H,Meuleman E.J. The risk ofcoronary heart disease in men with erectile dysfunction.Eur Urol, 2003, 44: 366-370Natali A, Mondaini N, Lombardi G, Del Popolo G,Rizzo M. Heavy smoking is an important factor forerectile dysfunction in young men. Int J Impot Res,2004, 17: 227-230Vallancien G, Emberton M, Harving N, vanMoorselaar RJ. Sexual dysfunction in 1274 Europeanmen suffering from lower genital symptoms. J Urol.,2003, 169: 2265-227016 et 17 Juin 2006, Paris : Assises de Médecine SexuelleLes Assises de Médecine Sexuelle, prévues les 16 et 17 Juin 2006, répondent à un besoin naturel de l’évolutionde notre monde.Un homme sur trois, une femme sur deux, souffrent de difficultés sexuelles. Il existe cependant un clivage encoretrop important entre l’attente des patients et les possibilités thérapeutiques innovantes qui pourraient être mises àleur disposition. Tous les médecins sont concernés par la pathologie sexuelle, mais tous n’ont pas pour autant intégrédans leur pratique courante le dépistage et la prise en charge de ce type de difficultés.La pathologie sexuelle pose donc aujourd’hui en France et dans le monde un véritable problème de santé publique,à la fois par sa fréquence, son intrication avec de nombreuses pathologies générales, sa signification possible de sentinellede pathologies significatives comme maladie vasculaire ou dépression, son impact sur la qualité de vie de l’individuet de son couple, l’attente des patients qui en souffrent, et par l’insuffisance de sa prise en charge.Les Assises de Médecine Sexuelle se veulent un temps fort, destiné à marquer l’importance du Symptôme sexuelet à faciliter sa prise en compte par un plus grand nombre de praticiens.Nous les invitons à participer les 16 et 17 Juin 2005 à un vaste carrefour de réflexion et d’échange sur ce thème,avec des Associations de patients et des Sociétés savantes de praticiens spécialisés dans la prise en charge des difficultéssexuelles.Les assises alterneront communications scientifiques et forums de discussions interactifs, et s’intégreront dansun vaste projet éducationnel, novateur et mobilisateur, destiné à former les praticiens et à les aider à fonctionner enréseau pour une meilleure prise en charge de la pathologie sexuelle.Bulletin de la Société Francophone de Médecine Sexuelle 2005 N°1 25