12PETRA _ <strong>Vers</strong> <strong>une</strong> <strong>cartographie</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>traduction</strong> littéraire <strong>en</strong> <strong>Europe</strong>L’étu<strong>de</strong> du CEATL sur les droits numériques (http ://www.ceatl.eu/wp-cont<strong>en</strong>t/uploads/2010/10/CEATL_E-RIGHTS_2010EN.pdf – version ang<strong>la</strong>ise uniquem<strong>en</strong>t) qui donne <strong>une</strong> idée <strong>de</strong> <strong>la</strong> situationactuelle, établit <strong>une</strong> distinction <strong>en</strong>tre les téléchargem<strong>en</strong>ts pour liseuses (e-rea<strong>de</strong>rs), pourPC (lecture seule et impression), pour smartphones, pour livres audio et pour impression à<strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> (POD). Le taux <strong>de</strong> téléchargem<strong>en</strong>t pour téléphones est inférieur à 50 %. Pour lesautres supports, ce taux est <strong>de</strong> 70 %, <strong>la</strong> disponibilité n’étant pas <strong>la</strong> même dans tous les pays.On peut p<strong>en</strong>ser que dans un av<strong>en</strong>ir proche, cette distinction pr<strong>en</strong>dra <strong>une</strong> autre forme ou cesserad’exister. Par exemple, dès que l’usage d’écrans pliables ou ext<strong>en</strong>sibles sera répandu, <strong>la</strong> division <strong>en</strong>trePC, tablettes et smartphones t<strong>en</strong>dra à disparaître. Les rev<strong>en</strong>dications <strong>de</strong>s traducteurs <strong>en</strong> matière <strong>de</strong>légis<strong>la</strong>tion ont donc intérêt à ne pas être trop techniques. Pourquoi ? Parce que si un terme comme« liseuse » <strong>en</strong>tre dans <strong>une</strong> légis<strong>la</strong>tion, quelle qu’elle soit, il peut <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ir rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t obsolète.L’étu<strong>de</strong> du CEATL sera <strong>en</strong>richie <strong>de</strong> nouvelles questions et conduite <strong>une</strong> nouvelle fois avantle Congrès PETRA. Le pourc<strong>en</strong>tage <strong>de</strong> pays dans lesquels sont pratiqués <strong>de</strong> tels téléchargem<strong>en</strong>ts<strong>de</strong>vrait augm<strong>en</strong>ter fortem<strong>en</strong>t (n’oublions pas qu’il n’est souv<strong>en</strong>t plus possible <strong>de</strong> qualifierces téléchargem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> « nationaux ». En général, ils pass<strong>en</strong>t par <strong>de</strong>s serveurs situés dans <strong>de</strong>srégions du mon<strong>de</strong> où <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion compte moins que les frais d’hébergem<strong>en</strong>t).Il sera intéressant <strong>de</strong> vérifier si <strong>la</strong> hausse att<strong>en</strong>due <strong>de</strong> <strong>la</strong> disponibilité coïnci<strong>de</strong> avec <strong>une</strong> modification<strong>de</strong>s contrats. Dans 70 % <strong>de</strong>s pays ayant participé à l’étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> cession <strong>de</strong> droits pour <strong>de</strong>spublications numériques est courante.Dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s pays (74 %), auc<strong>une</strong> distinction n’est faite <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>tes formes<strong>de</strong> publications numériques. Ce<strong>la</strong> corrobore l’affirmation faite plus haut selon <strong>la</strong>quelle leprincipe juridique ne <strong>de</strong>vrait pas comporter <strong>de</strong> spécifications techniques détaillées, sansquoi <strong>de</strong>s changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>vront constamm<strong>en</strong>t y être apportés. Toutefois, dans le cas <strong>de</strong> certainssupports disponibles sur le marché, <strong>une</strong> approche complètem<strong>en</strong>t indiffér<strong>en</strong>ciée risque<strong>de</strong> désavantager l’éditeur ou le traducteur.Il se peut que <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir si les droits numériques sont <strong>de</strong>s droits primaires ousecondaires ait été mal comprise par certaines associations/particuliers. La nouvelle étu<strong>de</strong>conti<strong>en</strong>dra donc <strong>une</strong> brève explication sur ces termes qui, <strong>en</strong>tre-temps, seront peut-être aussiplus c<strong>la</strong>irs. Cette rectification aura probablem<strong>en</strong>t un impact sur les résultats.Les principaux changem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t concerner les droits d’auteurs et divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s. L’expéri<strong>en</strong>cemontre qu’au sein d’un même pays, les montants versés par les principaux éditeurs pour<strong>la</strong> version imprimée d’un texte peut varier <strong>de</strong> zéro au montant recommandé. Il est intéressant <strong>de</strong>constater que dans certains pays, les éditeurs ont fixé eux-mêmes les droits standards alors quedans d’autres, ils ont suivi les recommandations <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> traducteurs.Dans près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s pays ayant participé à l’étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> rémunération pour <strong>la</strong> cession <strong>de</strong>sdroits numériques pr<strong>en</strong>d <strong>la</strong> forme d’<strong>une</strong> quote-part sur les bénéfices. Dans les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong>nguemoins courante, on note <strong>une</strong> t<strong>en</strong>dance au paiem<strong>en</strong>t unique car les v<strong>en</strong>tes ne peuv<strong>en</strong>t générerque <strong>de</strong>s recettes très faibles. Cep<strong>en</strong>dant, il est impossible <strong>de</strong> prévoir l’évolution du domaine <strong>de</strong>sdroits numériques (les informations disponibles au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> étai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core moins nombreuses).Il est évi<strong>de</strong>nt que, dans les années passées, les traducteurs étai<strong>en</strong>t rémunérés <strong>une</strong>seule fois et n’avai<strong>en</strong>t auc<strong>une</strong> chance <strong>de</strong> faire valoir leurs droits à l’ère numérique. Pour récupérerces droits, ils se sont montrés prêts à accepter d’autres types d’arrangem<strong>en</strong>ts. Mais les éditeursont très peu <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong>s concernant le marché numérique et préfèr<strong>en</strong>t dép<strong>en</strong>ser un peu plusd’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong> choisissant un paiem<strong>en</strong>t unique qui, <strong>en</strong> même temps, les protège d’un év<strong>en</strong>tuel échec.Les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue plus courante opt<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t pour <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> quote-part sur bénéfices,au point même qu’un traducteur peut arriver à accepter <strong>une</strong> rémunération initiale plus bassesi les éditeurs tabl<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s v<strong>en</strong>tes élevées. On prévoit donc un partage <strong>de</strong>s bénéfices dans cespays. La nouvelle étu<strong>de</strong> pourrait montrer que ce chiffre comm<strong>en</strong>ce à baisser, les traducteurs <strong>de</strong>spays <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue moins courante se r<strong>en</strong>dant compte qu’un paiem<strong>en</strong>t unique est finalem<strong>en</strong>t peut-êtrepréférable, tout comme <strong>la</strong> rémunération initiale. Les éditeurs pourrai<strong>en</strong>t accepter cette solution àcondition que le paiem<strong>en</strong>t soit s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t inférieur à <strong>la</strong> rémunération initiale.
Andy Jelčić _ Droit d’auteur et droits électroniques <strong>en</strong> <strong>traduction</strong> littéraire13La nouvelle étu<strong>de</strong> du CEATL sur <strong>la</strong> visibilité conti<strong>en</strong>t désormais <strong>une</strong> question pertin<strong>en</strong>te sur les droitsd’auteur et droits électroniques : les droits du traducteur sont-ils explicitem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>tionnés dans leslégis<strong>la</strong>tions nationales sur le droit d’auteur ? Si tel est le cas, <strong>la</strong> forme prise par <strong>la</strong> m<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> cesdroits <strong>de</strong>vrait varier d’un pays à l’autre. Les résultats seront r<strong>en</strong>dus publics au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> confér<strong>en</strong>ce.Alors que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s pays europé<strong>en</strong>s poursuit l’ajustem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s critères et t<strong>en</strong>te <strong>de</strong> trouver uncompromis satisfaisant pour toutes les parties concernées, quelques exemples extrêmes mérit<strong>en</strong>tnotre att<strong>en</strong>tion. En Italie, les traducteurs ne cess<strong>en</strong>t <strong>de</strong> répéter qu’ils sont impuissants face aux éditeursqui font bloc ; <strong>en</strong> Lituanie, les traducteurs mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> contre l’accord avec les éditeurslocaux qui veul<strong>en</strong>t un rachat total <strong>de</strong>s parts, <strong>en</strong> d’autres termes, <strong>la</strong> suppression <strong>de</strong> tous les droitsdu traducteur <strong>une</strong> fois <strong>la</strong> rémunération initiale effectuée. Il s’agit d’un précé<strong>de</strong>nt très dangereux caril est contraire aux principes fondam<strong>en</strong>taux établis par <strong>la</strong> FIT, le PEN et le CEATL, à <strong>la</strong> Conv<strong>en</strong>tion<strong>de</strong> Berne, à <strong>la</strong> Recommandation <strong>de</strong> Nairobi ainsi qu’aux principes fondateurs <strong>de</strong> l’UE. Situationégalem<strong>en</strong>t a<strong>la</strong>rmante <strong>en</strong> Turquie : le traducteur et l’éditeur port<strong>en</strong>t tous <strong>de</strong>ux <strong>la</strong> responsabilité d’<strong>une</strong>év<strong>en</strong>tuelle vio<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s mœurs locales par <strong>la</strong> publication d’<strong>une</strong> œuvre traduite, même si elle estconsidérée comme un chef-d’œuvre ailleurs dans le mon<strong>de</strong>. Une situation d’autant plus absur<strong>de</strong>que le droit d’auteur est souv<strong>en</strong>t violé à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> publication non autorisée <strong>de</strong> <strong>traduction</strong>s.D’un côté donc, le traducteur est t<strong>en</strong>u responsable du cont<strong>en</strong>u d’<strong>une</strong> œuvre littéraire ; <strong>de</strong> l’autre, iln’a pas <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> protéger <strong>la</strong> <strong>traduction</strong> <strong>de</strong> cette œuvre dont il est effectivem<strong>en</strong>t responsable.Pour <strong>une</strong> situation optimaleLes efforts combinés <strong>de</strong> tous les acteurs du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>traduction</strong> doiv<strong>en</strong>t servir à s<strong>en</strong>sibiliseraux problèmes décrits dans ce docum<strong>en</strong>t. Actuellem<strong>en</strong>t, les parties concernées n’ont consci<strong>en</strong>ceque d’<strong>une</strong> partie <strong>de</strong> ces problèmes liés à production et l’exploitation d’<strong>une</strong> œuvre littéraire.Cette s<strong>en</strong>sibilisation progressive <strong>de</strong>vrait faire compr<strong>en</strong>dre <strong>la</strong> nécessité d’un changem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>légis<strong>la</strong>tion et <strong>de</strong> certaines pratiques.La nouvelle légis<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>vrait viser <strong>la</strong> création <strong>de</strong> normes europé<strong>en</strong>nes universelles permettantl’exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> variantes locales adaptées à <strong>la</strong> nature et à <strong>la</strong> fréqu<strong>en</strong>ce d’<strong>une</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>de</strong> <strong>la</strong>culture locale qui y est associée. Ce<strong>la</strong> s’applique <strong>en</strong> particulier au droit d’auteur à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong>réaction <strong>en</strong> chaîne, autant positive que négative : si les droits du traducteur sont violés, son statutsocial est automatiquem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>acé, ce qui <strong>en</strong>traîne <strong>une</strong> visibilité négative. Au contraire, si sesdroits sont reconnus, son statut économique et social s’améliore et sa visibilité <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t positive.Que peut faire l’UE ?––Re<strong>la</strong>yer les informations v<strong>en</strong>ant du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>traduction</strong>. Ce<strong>la</strong> faciliterait certainem<strong>en</strong>tles évaluations et décisions futures dans <strong>la</strong> mesure où le financem<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>quêtes etd’étu<strong>de</strong>s individuelles serait moins nécessaire. Par ailleurs, le bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation seraitplus approfondi et précis.––Faire pression sur les organes légis<strong>la</strong>tifs nationaux afin qu’ils adapt<strong>en</strong>t leurs lois etréglem<strong>en</strong>tations. Les normes <strong>de</strong>vrai<strong>en</strong>t être définies conformém<strong>en</strong>t aux conclusionsémanant du dialogue <strong>en</strong>tre ces organes et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s traducteurs (et ses institutionsperman<strong>en</strong>tes et temporaires).––Geler toute ai<strong>de</strong> financière accordée aux marchés qui font fi <strong>de</strong>s bonnes pratiques etrediriger ces ressources vers les marchés qui font <strong>de</strong>s progrès s<strong>en</strong>sibles dans ce domaine.––Financer <strong>de</strong>s projets initiés par <strong>de</strong>s institutions chargées <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>dre les traducteurs etpar les organismes qui s’efforc<strong>en</strong>t d’améliorer <strong>la</strong> situation actuelle.Andy Jelčić _ CEATL (conseil europé<strong>en</strong> <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong>s traducteurs littéraires)Traduit <strong>de</strong> l’ang<strong>la</strong>is par Isabelle Cluzel