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Pauline Duc (191102011) Thérèse Dreyer - AUXILIAIRES DU ...

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SOMMAIRE ÉDITO<br />

Durant cette année, alors que nous avions décidé en<br />

congrégation de parler de la solidarité, notre monde<br />

s’est embrasé, pays après pays. Qui aurait pu penser<br />

que des chefs d’Etat, au pouvoir depuis des décennies,<br />

tomberaient ainsi en quelques semaines ?<br />

Au même moment, d’autres pays sont anéantis par des cataclysmes<br />

naturels comme la Nouvelle Zélande, le Japon… Un véritable chaos<br />

s’abat sur notre terre.<br />

Notre société est questionnée, non seulement par tous ces faits,<br />

mais aussi par la crise financière, par la problématique des réfugiés<br />

qui frappent à la porte de l’Europe, par l’augmentation de la pauvreté<br />

dans notre pays et du taux de chômage. C’est dans ce contexte<br />

du monde, de la France, que nous avons abordé la question de la<br />

solidarité. Anne nous aide à réfléchir sur notre manière de regarder<br />

le monde et Gérard nous parle de la façon de concevoir la solidarité<br />

au Japon.<br />

Le terme de « solidarité » n’apparaît dans l’Eglise qu’en 1939 avec<br />

Pie XII. Nous le retrouvons dans Gaudium et Spes (1965). Jean Paul II<br />

en fera le thème d’une de ses encycliques « Sollicitudo rei socialis ».<br />

Le mot « solidarité » y revient plus de vingt fois !<br />

Dans son encyclique « l’Amour dans la Vérité », Benoît XVI reprend<br />

ce message mais avec des accents nouveaux dans le contexte difficile<br />

d’aujourd’hui. Marie Laure Denès déchiffre avec nous la parole<br />

de l’Eglise au cours des dernières décennies.<br />

A travers l’histoire de Moïse, Krystel nous invite à découvrir un Dieu<br />

solidaire des hommes.<br />

L’Encyclique « l’Amour dans la Vérité » ne donne pas de solution<br />

toute faite. Elle nous appelle à discerner, dans le quotidien de nos<br />

vies, pour oser de nouveaux chemins de fraternité. Anne-Lise relit<br />

la solidarité vécue dans la congrégation au fil des années, à travers<br />

quelques évolutions. Aujourd’hui, laissons-nous interpeler dans<br />

notre quotidien avec Marie-Noëlle, Jeanne-Antoinette, Mireille, Jean<br />

et Odile.<br />

« Penser globalement et agir localement », emblème de la mondialisation<br />

en cours ! Est-ce nouveau ? Jean Marie Carrière interroge saint<br />

Ignace.<br />

En cette fin d’année je suis heureuse de vous présenter tous mes<br />

meilleurs vœux pour l’année 2012. Marchons en Eglise vers Diaconia<br />

2013.<br />

Marie-Laure Quellier<br />

4 Ce monde dont nous sommes<br />

Une manière de regarder le monde<br />

Anne Genolini<br />

Dans l’épreuve au Japon<br />

Gérard Aleton<br />

L’histoire n’est pas finie<br />

Anne-Lise Sieffert<br />

16 À l'écoute de la Parole de Dieu<br />

La solidarité, un exode ? L’exode, un chemin de solidarité ?<br />

Krystel Bujat<br />

Congrégation des<br />

Auxiliaires du Sacerdoce<br />

20 À l'écoute des textes d'Église<br />

D’une encyclique à l’autre<br />

Marie-Laure Dénès<br />

57, rue Lemercier,<br />

75017 Paris<br />

Tél. et fax :<br />

01 42 26 70 89<br />

E-mail :<br />

auxsac@club-internet.fr<br />

Internet :<br />

www.auxiliairesdu-sacerdoce.com<br />

22 La solidarité,<br />

c’est ce qui fait tenir le monde debout<br />

CCP Auxiliaires Paris<br />

14543 18 L<br />

24 Aujourd'hui des solidarités vécues<br />

Familles de jeunes prisonniers : dans l’antichambre des parloirs<br />

Marie-Noëlle Brunault<br />

Artisans du monde… une nouvelle solidarité ?<br />

Jeanne-Antoinette Dussardier<br />

« Chaque jour, donner et recevoir »<br />

Claude Degueurce<br />

Le Christ est aussi venu pour Zachée<br />

Mireille<br />

Un enrichissement mutuel<br />

Jean Théréau et Odile <strong>Duc</strong>arouge<br />

Directeur de publication<br />

Marie-Laure Quellier<br />

Comité de rédaction<br />

Marie-Claude Daguzan<br />

Anne-Lise Sieffert<br />

Crédit photos<br />

Archives<br />

de la congrégation.<br />

Gérard Aleton<br />

34 Vers demain<br />

Poser un geste significatif<br />

Marie-Claude Daguzan<br />

36 À l'écoute de saint Ignace<br />

Penser globalement, agir localement<br />

Jean-Marie Carrière, sj<br />

Réalisation<br />

Bayard Service Edition –<br />

Île-de-France – Centre<br />

18, rue Barbès,<br />

92128 Montrouge Cedex<br />

Tél. : 01 74 31 74 10<br />

Secrétariat de rédaction :<br />

Isabelle Tranchimand<br />

Conception graphique :<br />

Alexandra Brizon<br />

Imprimerie :<br />

Chevillon<br />

38 Nouvelles


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

Une manière<br />

de regarder le monde<br />

Pour commencer notre année de réflexion<br />

sur la solidarité, nous avons pris<br />

le temps de regarder ce monde dont<br />

nous sommes, avec des yeux nouveaux.<br />

Anne, Auxiliaire, en communauté à<br />

Meudon et étudiante en théologie et<br />

philosophie au Centre Sèvres à Paris,<br />

partage avec nous ce que ce temps a<br />

façonné en elle.<br />

DR<br />

information ? Savoir peut donner un<br />

sentiment trompeur de pouvoir, surtout<br />

quand l’autre ne sait pas ! En vérité,<br />

si les données ne correspondent<br />

pas à une réalité perceptible, que<br />

sait-on vraiment ? En revanche, une<br />

sœur qui aura cherché du travail pendant<br />

un an, ou une retraitée qui aura<br />

lu, par exemple, Le quai de Ouistreham<br />

4 , recevra « humblement » la<br />

nouvelle d’une réforme de Pôle Emploi<br />

ou les statistiques concernant le<br />

travail précaire. Dans ces cas, l’information<br />

leur permettra de faire le<br />

lien avec leurs expériences, elle prendra<br />

« visage » et les travaillera de<br />

l’intérieur.<br />

���������������������<br />

���������������������<br />

��������������������<br />

�����������������<br />

������������� par mail, nous permettent de partager<br />

nos expériences. En plus de cela,<br />

toutes les communautés suivent les<br />

informations par les médias à leur<br />

disposition. Et pendant certaines de<br />

nos réunions communautaires, nous<br />

revenons sur un sujet d’actualité ou<br />

un autre.<br />

Mais quels sont les fruits de cette<br />

Trouver une manière féconde<br />

de regarder le monde<br />

« Regarde le monde, il est plus extraordinaire<br />

que tous les rêves fabriqués<br />

ou achetés en usine. 2 » Cette phrase<br />

apprise par cœur quand j’étais adolescente<br />

provient d’un livre paru en<br />

1953 aux États-Unis, Fahrenheit 451.<br />

Ray Bradbury y imagine un monde<br />

où les livres sont interdits et brûlés.<br />

Des panneaux publicitaires cachent<br />

le paysage. Les écrans de télévision<br />

peuvent occuper la surface des murs<br />

des maisons. Le monde est mis en<br />

scène par un pouvoir dictatorial pour<br />

endormir l’intelligence et annihiler<br />

la volonté. « Gorgez-les de faits,<br />

qu’ils se sentent gavés, mais absolument<br />

brillants côté information. Ils<br />

auront l’impression de penser, ils auront<br />

le sentiment du mouvement tout<br />

en faisant du sur place. 3 » Dans ces<br />

conditions, aucun risque de voir se<br />

lever des « indignés » !<br />

Les Auxiliaires pourraient prétendre<br />

avoir une vision large du monde. Nos<br />

missions sont diverses, au contact<br />

de personnes très différentes. Les<br />

échanges institués dans la congrégation,<br />

hier par courrier, aujourd’hui<br />

Depuis le dernier chapitre<br />

qui a eu lieu en<br />

février-mars 2008,<br />

nous nous étions<br />

exercées à regarder<br />

le monde à la manière de la Trinité,<br />

comme le propose Ignace de Loyola,<br />

dans les Exercices spirituels 1 . Cette<br />

année, nous avons été invitées à un<br />

autre type de regard, que l’on pourrait<br />

qualifier d’« objectif ». S’informer,<br />

réfléchir : c’est ce que nous voulions<br />

vivre pour réajuster ou élargir notre<br />

conception de la solidarité et discerner<br />

comment agir en conséquence.<br />

Mais comment porter un regard sur<br />

le monde qui soit mobilisateur et<br />

porteur d’espérance ?<br />

�����������������������������������������������<br />

�������<br />

���������������������Les quais de Ouistreham,<br />

Éd. de l’Olivier, 2010.<br />

* Dietrich Bonhoeffer, Résistance<br />

et soumission, Labor et Fides, 2006, p. 36-37.<br />

���Ibid. p. 90.<br />

���Anne-Marie Petitjean, « Une lecture spirituelle<br />

du monde qui est le nôtre », dans la Lettre aux amis<br />

2008, p. 4 à 7.<br />

4 5


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

de nos rencontres sur des lieux de vie<br />

et de travail.<br />

À la fin d’une des interventions,<br />

nous étions invitées à écouter le témoignage<br />

6 de personnes qui ont été<br />

ou sont encore « dans la galère »<br />

pour recevoir d’elles d’autres clés<br />

de lecture de notre société. Ce n’est<br />

pas sans rappeler ces mots de Dietrich<br />

Bonhoeffer : « Cela reste une<br />

expérience d’une valeur incomparable<br />

que d’avoir appris tout à coup<br />

à regarder les grands événements de<br />

l’histoire mondiale à partir d’en bas,<br />

depuis la perspective des exclus, des<br />

suspects, des maltraités, des gens<br />

sans pouvoirs, des opprimés et des<br />

honnis, en un mot : de ceux qui souffrent…<br />

Tout dépend de ce que cette<br />

perspective d’en bas ne devienne<br />

pas une prise de position pour les<br />

éternels insatisfaits, mais que nous<br />

rendions justice à la vie dans toutes<br />

ses dimensions à partir d’une satisfaction<br />

plus haute qui est fondée<br />

au-delà du bas et du haut. 7 »<br />

d’enjeux contradictoires. Nous avons<br />

pu voir, par exemple, comment à<br />

court terme, une entreprise est poussée<br />

à des choix forcément contestables<br />

entre la protection de l’environnement<br />

et l’emploi. Nous avons<br />

pu, à cette occasion, nous rendre<br />

compte des tâtonnements des lois en<br />

matière d’environnement.<br />

Partir d’un point de vue<br />

Une intervenante nous parlait de ses<br />

« deux yeux ». Depuis son retour du<br />

Tchad où elle a été volontaire DCC 5<br />

il y a quelques années, elle regarde<br />

conjointement les choses de son<br />

point de vue d’Européenne et du<br />

point de vue africain.<br />

Nous sommes invités à jouer la complémentarité<br />

de nos points de vue<br />

plutôt que de vouloir tout embrasser<br />

de notre seul regard. Il ne s’agit pas<br />

d’essayer d’arriver à un consensus ou<br />

au relativisme. Élargir mon regard<br />

sur le monde, ce n’est pas renoncer à<br />

mes particularités, au contraire, c’est<br />

renforcer mon effort personnel de<br />

réflexion, choisir de me recentrer sur<br />

certains sujets, à partir de ce que je<br />

suis et du monde auquel j’appartiens,<br />

pour être mieux à même de débattre<br />

avec les autres. Ce faisant, je peux<br />

me laisser déranger, déplacer ou bien<br />

je peux être confirmée dans mon<br />

propre point de vue. Cela fait alors la<br />

richesse d’une vie communautaire et<br />

les combattre. Ils ont pris la peine de<br />

nous exposer des données chiffrées,<br />

de les décrypter pour nous, mais<br />

aussi de les analyser et de tirer des<br />

conclusions. Ils se sont donc risqués,<br />

humblement mais avec conviction, à<br />

partager leur vision du monde.<br />

Tous les trois étaient animés par la<br />

volonté de nous faire sortir de l’opinion<br />

courante, des amalgames, et de<br />

nous aider à prendre conscience que<br />

certaines réalités, même noyées au<br />

milieu des autres informations, ne<br />

peuvent pas devenir des banalités.<br />

Élargir notre regard a donc d’abord<br />

consisté à sortir du fait brut et isolé<br />

pour apprendre à faire des liens entre<br />

les informations, à comprendre la<br />

signification des statistiques et à en<br />

peser le poids.<br />

Mais élargir notre regard, c’est aussi<br />

ne pas nous contenter du plan local<br />

où beaucoup sont déjà engagées, que<br />

ce soit dans les gestes écologiques, la<br />

participation aux actions de proximité<br />

ou le dépannage des voisins. C’est<br />

au niveau national et international<br />

que des structures plus justes doivent<br />

être mises en place. Il y a urgence<br />

notamment à construire l’Europe<br />

sociale avant toute tentative de réformes<br />

nationales. Nous avons donc<br />

été appelées à nous appuyer sur des<br />

réseaux d’informations et de compétences<br />

d’instances qui portent ce<br />

souci de justice au niveau mondial.<br />

Élargir notre regard, c’est enfin ne<br />

pas nier l’ambiguïté et la complexité<br />

Connaître peut aussi rassurer, donner<br />

l’impression de savoir où va le<br />

monde… Parfois, cependant, nous<br />

nous essoufflons à nous efforcer de<br />

dépasser les limites de nos capacités<br />

de compréhension et d’analyse.<br />

Nous sommes aussi tentées de simplifier<br />

ou de figer ce qui est complexe<br />

et mouvant. Certaines en ressortent<br />

avec une confiance ébranlée dans<br />

l’avenir sans savoir quoi penser et<br />

quoi faire. Or, ce que nous désirons<br />

profondément, c’est, au contraire,<br />

vivre la suite du Christ comme un<br />

appel à « poser des gestes significatifs<br />

de solidarité » et témoigner de<br />

l’espérance du Royaume à venir.<br />

Il faut donc se rendre à l’évidence :<br />

seules, nous avons bien des difficultés<br />

à savoir regarder d’une manière<br />

féconde. Aussi avons-nous fait appel<br />

à d’autres pour nous y aider.<br />

ANNE GENOLINI<br />

��������������������������������������������<br />

�����������������������������������������������<br />

���������������������������������en collaboration<br />

avec le Secours catholique du Var et la Fraternité<br />

saint Laurent.<br />

����������������������������������<br />

et soumission, Labor et Fides, 2006, p. 40.<br />

���������������������������������������������<br />

Élargir notre regard<br />

et se laisser interpeller<br />

Entre l’automne 2010 et 2011, trois<br />

amis sont venus nous parler. D’entrée<br />

de jeu, ils se sont présentés<br />

comme des chrétiens, des militants,<br />

des hommes et femme avec une expérience<br />

de terrain, qui s’informent<br />

et réfléchissent avec d’autres sur la<br />

situation actuelle du monde, dans le<br />

but d’agir. Ils nous ont plutôt livré<br />

leur analyse de la situation, une analyse<br />

que l’on peut qualifier de politique<br />

: il s’agit de dénoncer les causes<br />

de l’injustice et de la pauvreté pour<br />

7<br />

6


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

Dans l’épreuve au Japon<br />

reconstruction, sans tenir compte des<br />

pertes induites.<br />

Ayant un fils vivant au Japon, marié<br />

à une Japonaise, nous avons suivi<br />

avec attention et émotion tout ceci,<br />

nous nous sommes rendus sur place<br />

du 15 avril au 15 mai pour vivre,<br />

quelque temps, avec nos enfants<br />

et partager l’épreuve du peuple japonais<br />

qui a fait front avec grand<br />

courage.<br />

À l’écoute du monde, nous devenons<br />

témoins de la solidarité qui s’y vit.<br />

Elle prend, certes, des formes différentes<br />

selon les peuples et les cultures.<br />

Gérard Aleton, un ami de la congrégation,<br />

parle du Japon si éprouvé cette<br />

année. Il a, lui-même, vécu et travaillé<br />

dans ce pays.<br />

GÉRARD ALETON<br />

les écoles. Dès l’école primaire, les<br />

enfants prennent en main l’espace<br />

de leur école et par roulement, en<br />

équipe de six à huit, font le ménage<br />

dans les classes et espaces collectifs.<br />

Les élèves tiennent propres les cours<br />

de récréation et n’imaginent pas laisser<br />

traîner un papier ! Cette attitude<br />

où chacun est responsable de tout<br />

pour tous se retrouve tout au long de<br />

la vie. Pas question de dégrader l’espace<br />

public ou de resquiller dans les<br />

transports en commun.<br />

L’impassibilité que montre le Japonais<br />

face aux événements est une<br />

autre façon d’exprimer sa solidarité.<br />

Dans une situation extrême comme<br />

les décombres, nettoyer, reconstruire.<br />

Une multitude d’initiatives et de petites<br />

associations travaillent discrètement<br />

et avec ténacité en s’appuyant<br />

sur leurs propres moyens. Lors de<br />

notre passage, les jeunes des écoles et<br />

collèges se mobilisaient le week-end<br />

pour collecter des fonds en faveur des<br />

orphelins des zones sinistrées.<br />

Discipline et solidarité<br />

Sans une grande discipline et solidarité,<br />

la vie dans ce pays très densément<br />

peuplé et à la nature hostile<br />

ne serait guère possible. L’éducation<br />

au sens collectif et à la solidarité se<br />

fait très tôt, dans les familles et dans<br />

La plus grave crise humanitaire<br />

depuis la Seconde Guerre<br />

mondiale<br />

Le Japon, avec plus de 700 000 personnes<br />

directement affectées, est<br />

confronté à la plus grave crise humanitaire<br />

depuis la Seconde Guerre<br />

mondiale. De nombreuses personnes<br />

ont été déplacées dans des centres<br />

d’accueil (stades, écoles) tandis que<br />

d’autres s’efforçaient de vivre, vaille<br />

que vaille, dans leurs habitations, en<br />

manquant d’eau potable, d’électricité<br />

et de médicaments. Le gouvernement<br />

semblait débordé mais les Japonais<br />

ne se sont jamais faits d’illusion sur<br />

la capacité de l’État, préférant compter<br />

sur eux-mêmes plutôt que sur<br />

un État providence ou la solidarité<br />

internationale.<br />

Les Japonais s’organisent sur place<br />

avec des volontaires et des jeunes qui<br />

donnent de leur temps pour déblayer<br />

Le 11 mars 2011, un<br />

tremblement de terre de<br />

forte magnitude associé<br />

à un tsunami dévastait<br />

la côte nord-ouest du<br />

Japon. Aux dégâts considérables<br />

provoqués par ces phénomènes naturels<br />

s’est ajoutée une catastrophe<br />

nucléaire provoquant un relâchement<br />

d’activité du même ordre que celle<br />

de Tchernobyl. Après l’émotion provoquée<br />

par les images souvent spectaculaires<br />

du tsunami, les médias se<br />

sont surtout intéressés aux conséquences<br />

de l’accident de Fukushima,<br />

tant il est vrai que tout ce qui est<br />

nucléaire fait peur, en oubliant du<br />

même coup les victimes du tremblement<br />

de terre. Les conséquences<br />

humaines et économiques de ces<br />

événements sont considérables : le<br />

nombre de victimes du séisme-tsunami<br />

est d’environ 28 000 personnes<br />

et le gouvernement japonais estime à<br />

150 milliards d’euros le budget de la<br />

9<br />

8


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

L’histoire n’est pas finie<br />

Le chapitre 2008 nous invite à une « solidarité<br />

plus large ». Anne-Lise, Auxiliaire,<br />

a voulu relire quelques moments forts<br />

de la vie de notre congrégation et faire<br />

mémoire de la solidarité vécue pour en<br />

découvrir les visages qu’elle a pris au fil<br />

des années.<br />

les préférés du Seigneur et les rejetés<br />

de la société.<br />

Noël 2011 !<br />

Cent ans se sont passés depuis cette<br />

nuit de Noël 1911 où Marie Galliod,<br />

notre fondatrice, reçut l’intuition qui<br />

donna naissance à la congrégation<br />

des Petites Auxiliaires du clergé, aujourd’hui<br />

Auxiliaires du Sacerdoce.<br />

Nous en faisions mémoire l’an passé.<br />

Et si ces 100 ans étaient histoire<br />

de solidarité ? Une solidarité prenant<br />

des formes différentes au fil des années,<br />

en réponse à la vie de la société<br />

et de l’Église.<br />

Des évolutions<br />

Par la suite, l’histoire de la congrégation<br />

a connu quelques évolutions.<br />

Sans chercher à les nommer toutes,<br />

j’en interroge quelques-unes : la solidarité<br />

en a-t-elle été un des moteurs ?<br />

Les premières années<br />

Si, dans les débuts, le terrain normal<br />

de l’action des Auxiliaires était<br />

le service de la paroisse, ce service<br />

est accompagné du désir de déborder<br />

les frontières car l’horizon n’a pas<br />

de frontières. Notre fondatrice nous<br />

voulait « dans les rues, dans les maisons,<br />

sur les places publiques, dans<br />

les écoles et les œuvres ».<br />

En zone rurale comme en ville, dès<br />

les premières fondations, rien ne<br />

distingue les sœurs du milieu où les<br />

communautés sont implantées. Habitat,<br />

style de vie, habillement contribuent<br />

à les rendre proches de leur entourage<br />

où se nouent vite des amitiés.<br />

Leur attention se porte volontiers<br />

vers les plus démunis, les familles<br />

peu favorisées, tous ceux que le mot<br />

« pauvres » désigne à la fois comme<br />

leurs pays craignant la contamination<br />

radioactive dans la région de Tokyo.<br />

Cette proposition fut très mal ressentie<br />

par les Japonais qui l’ont vécue<br />

comme un abandon dans un moment<br />

difficile. La réponse d’un papa japonais,<br />

veuf depuis deux ans, à un ami<br />

français qui lui avait fait la proposition<br />

d’accueillir temporairement sa<br />

fille unique de 16 ans pour la mettre<br />

à l’abri, illustre bien l’esprit japonais<br />

de solidarité : « Les gens d’ici luttent<br />

et risquent leur vie pour les autres,<br />

pas pour les tuer mais pour les aider.<br />

Je n’imagine pas un instant tourner<br />

le dos à ces gens et envoyer Kana<br />

chez vous pour sa sécurité. Kana<br />

aurait honte pour le reste de sa vie<br />

de cet acte. Ce serait une tache qui<br />

la marquerait jusqu’à la fin de ses<br />

jours. Pour Kana, le plus important<br />

pour le moment, est de sentir et de<br />

partager la douleur des gens qui<br />

souffrent. Je souhaite qu’elle tire le<br />

meilleur profit de cette crise et réfléchisse<br />

sur ce qu’elle peut faire pour<br />

les gens dans la peine. Nous sommes<br />

en ce moment mis à l’épreuve pour<br />

voir si nous sommes une nation qui<br />

cultive un vrai respect humain pour<br />

l’autre, c’est-à-dire un respect qui<br />

ne soit ni économique ni militaire.<br />

Ceux qui sont dans l’épreuve doivent<br />

prendre en charge ceux qui souffrent<br />

même dans les moments les plus difficiles.<br />

Cette crise montre les qualités<br />

de notre peuple. »<br />

GÉRARD ALETON<br />

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��������<br />

un séisme ou un accident, montrer<br />

sa douleur trop brutalement reviendrait<br />

à penser que l’on est plus malheureux<br />

que les autres et, à l’inverse,<br />

ceux qui ont réchappé d’une catastrophe<br />

ou ont la chance d’avoir des<br />

membres de leur famille épargnés,<br />

évitent de montrer leur joie pour ne<br />

pas insulter ceux qui sont morts ou<br />

blessés. On est évidemment très loin<br />

de l’exubérance latine !<br />

CORINNE MERCIER/CIRIC<br />

Une question de survie<br />

La solidarité pour un Japonais est<br />

une question de survie et n’est pas<br />

matière à option. Elle est constitutive<br />

de la nation et différente en cela de<br />

la solidarité occidentale cathodique<br />

– déclenchée par les médias à l’occasion<br />

d’une catastrophe – ou même<br />

de la solidarité compassionnelle. Efficace,<br />

elle est discrète et agissante<br />

sur le long terme.<br />

Les catastrophes du 11 mars survenues<br />

au Japon furent aussi l’occasion<br />

de confronter les deux approches de<br />

la solidarité. À l’occasion de l’accident<br />

nucléaire de Fukushima, conséquence<br />

du séisme, les ambassades<br />

occidentales ont proposé à leurs<br />

ressortissants un rapatriement vers<br />

11<br />

10


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

xiliaires. Et le monde bougeait.<br />

Mai 1968 marquait un tournant.<br />

Les motivations des sœurs ont pu être<br />

très personnelles et bien diverses ; les<br />

métiers, eux aussi : serveuse dans<br />

une cantine d’usine, fille de salle,<br />

manœuvre en usine, femme de ménage<br />

en collectivité, ou employée<br />

dans un bureau de la Défense…<br />

Toutes ont découvert une solidarité<br />

à vivre au quotidien : le partage, au<br />

jour le jour, les conditions de la vie<br />

au travail, le poids de la fatigue, les<br />

horaires, la répétition des mêmes<br />

gestes, etc. Ce travail salarié est<br />

d’abord vécu comme un temps de<br />

présence, d’enfouissement. Mais ce<br />

« être avec » mène certaines sœurs<br />

à s’engager dans le Mouvement ouvrier<br />

et l’action syndicale.<br />

opté pour les fermer et certaines Auxiliaires<br />

sont allées travailler en milieu<br />

hospitalier ou en centres de soins<br />

municipaux.<br />

Des centres villes aux insertions<br />

en périphérie ou en banlieue<br />

Si, dès l’origine, les communautés<br />

ont voulu être proches de leur entourage<br />

par l’habitat et le style de<br />

vie, c’est tout naturellement que<br />

des communautés ont été fondées<br />

dans les banlieues qui se peuplaient<br />

(le Petit Nanterre en 1962, quartier<br />

connaissant l’arrivée d’une population<br />

maghrébine, Bondy en 1965…)<br />

et que plusieurs communautés ont<br />

quitté les paroisses des centres villes<br />

pour se déplacer vers les périphéries<br />

et habiter les cités d’HLM qui<br />

sortaient de terre.<br />

Garder l’unité<br />

Nous voilà avec des envois bien<br />

différents : en pastorale directe, au<br />

travail salarié, au Tchad, au Brésil,<br />

en monde rural, urbain, banlieue ou<br />

monde ouvrier. Comment garder<br />

l’unité ?<br />

Ces envois créent des solidarités diverses,<br />

des sensibilités diverses par<br />

rapport aux appels apostoliques :<br />

présence, options de milieu, sens de<br />

l’universel. Pour les unes, la solidarité<br />

se vit dans l’enfouissement, pour<br />

d’autres dans l’action syndicale.<br />

Au chapitre 1973 nous en prenions<br />

acte. Nous pointions aussi les difficultés.<br />

Ces solidarités, si elles<br />

cœur du quartier, leurs contacts journaliers<br />

avec bien des familles de tous<br />

les milieux, elles étaient à l’écoute de<br />

la vie, des conditions de travail, de la<br />

vie de famille et participaient aux joies<br />

et aux soucis de tous.<br />

Pourquoi alors, certaines d’entre elles<br />

vont-elles renoncer à leur statut d’infirmières<br />

libérales ? Pourquoi les centres<br />

de soins vont-ils fermer peu à peu ?<br />

J’ai interrogé une des infirmières.<br />

Voilà ce qu’elle m’a répondu : « De la<br />

solidarité, il y en avait, certes ! Avec<br />

la congrégation ! Mais surtout avec<br />

les autres infirmières ! Pouvions-nous<br />

continuer à supporter d’avoir un régime<br />

d’exception ? Nous appartenons<br />

à une profession. » En effet, reconnues<br />

comme travaillant non pour leur<br />

compte personnel mais pour le compte<br />

de leur communauté, les religieuses<br />

infirmières n’étaient pas imposables<br />

comme les autres infirmières libérales.<br />

Cette question méritait d’être réfléchie.<br />

Elle fut abordée au sein de<br />

l’UNCASH 1 , mais aussi au sein de<br />

la congrégation. Ces réflexions nous<br />

aidèrent à analyser les ambigüités des<br />

différents statuts. Où voulions-nous<br />

situer nos solidarités ? Avec les plus<br />

pauvres ? Avec les collègues infirmières<br />

? Avec le monde religieux ?<br />

Prenant conscience alors que nos<br />

centres de santé pouvaient faire tort<br />

aux infirmières libérales, nous avons<br />

DR<br />

Départ au travail salarié<br />

de plusieurs Auxiliaires<br />

Ce tournant se situe vers les années<br />

1966-68. Des communautés étaient<br />

insérées en paroisses ouvrières et<br />

plusieurs Auxiliaires ont alors senti<br />

l’appel à rejoindre le monde du travail<br />

salarié. Le concile était passé<br />

par là avec la constitution Gaudium<br />

et spes 2 . Les problèmes des premiers<br />

prêtres ouvriers en 54-55 trouvaient<br />

écho dans le cœur de bien des Au-<br />

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D’infirmières libérales<br />

à infirmières salariées<br />

Auxiliaires, nous étions engagés<br />

dans les paroisses, la catéchèse, les<br />

aumôneries, les mouvements d’action<br />

catholique. Très vite, des sœurs<br />

furent envoyées comme infirmières<br />

et la congrégation ouvrit des centres<br />

de soins. Infirmières libérales, elles<br />

assuraient des soins à domicile, ce<br />

qui contribuait à la subsistance des<br />

Auxiliaires et répondait surtout à un<br />

souci pastoral : le désir de rejoindre<br />

les personnes là où elles vivent et<br />

d’aller vers tous. Par leur présence au<br />

13<br />

12


CE MONDE DONT NOUS SOMMES<br />

nombre de leurs besoins. Promouvoir<br />

des actions de développement<br />

qui mettent en valeur les richesses<br />

potentielles de chaque être humain et<br />

dynamisent les capacités collectives<br />

des populations confrontées à des<br />

situations difficiles est un travail de<br />

longue haleine qui met l’homme au<br />

cœur du développement.<br />

La mise en réseau et l'échange d'expériences<br />

entre les différents acteurs,<br />

regroupement régional d'organisations<br />

paysannes, mise sur pied d'un<br />

réseau de microcrédit… voient le<br />

jour. L'objectif est de favoriser chez<br />

les acteurs sociaux une vision élargie<br />

de leur situation, de devenir un interlocuteur<br />

crédible face aux centres<br />

de décision locaux, régionaux, nationaux,<br />

voire internationaux.<br />

conception du développement similaire<br />

à celle des organismes humanitaires<br />

tel le CCFD 6 ou autres. Avec<br />

les mouvements d’action catholique,<br />

la JAC 7 notamment, les premières<br />

Auxiliaires au Tchad participent<br />

au travail de développement :<br />

culture attelée, calendrier agricole,<br />

écoles, centres ménagers, etc. Avec<br />

l’INADES 8 , les agriculteurs pourront<br />

suivre des cours de formation<br />

agricole. Mais il faudra aller plus<br />

loin : prévenir les maladies, informer,<br />

travailler à ce que les Tchadiens<br />

mettent en route eux-mêmes<br />

leur propre développement. Passer<br />

d’une assistance à un véritable partenariat<br />

n’est pas chose facile. Permettre<br />

qu’un ou deux puits soient<br />

creusés à la demande des villageois,<br />

avec leur travail, vaut mieux que<br />

l’intervention de tel organisme ve-<br />

rythme de l’activité et la fécondité<br />

d’une vie au rendement.<br />

étaient absolutisées, pouvaient nous<br />

séparer ! Nous réaffirmions alors, à<br />

la fois notre volonté de pluralisme<br />

– « il correspond à la diversité des<br />

besoins du monde et des efforts de<br />

réponse de l’Église » – et notre solidarité<br />

de congrégation : « Les apôtres<br />

font bloc, ils se complètent, ils<br />

s’achèvent » (M.M. de la Croix).<br />

Et aujourd’hui ?<br />

C’est à la dimension du monde que<br />

se posent toutes les grandes questions.<br />

Tout ce qui se passe ailleurs, au<br />

loin, a des répercussions ici et viceversa.<br />

Nous en avons l’exemple avec<br />

la crise financière qui se propage<br />

de pays en pays. Les choix d’aujourd’hui<br />

créent le monde de demain.<br />

Nous voilà provoquées à penser plus<br />

large. Avec tous ceux qui œuvrent<br />

pour la justice, la paix, la sauvegarde<br />

de la planète, à quels nouveaux déplacements<br />

sommes-nous appelées ?<br />

L’histoire n’est pas finie.<br />

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nant forer dix ou vingt puits !<br />

Pour cela, il a fallu alors travailler<br />

à l’émergence de groupements paysans<br />

qui peu à peu s’organisent pour<br />

la conservation et la commercialisation<br />

de leurs produits vivriers, pour<br />

épargner et subvenir à un grand<br />

Au Tchad, travailler<br />

au développement différemment<br />

J’ai personnellement vécu de nombreuses<br />

années au Tchad. Comment<br />

ne pas faire mémoire ici de tout le<br />

travail de développement auquel<br />

nous avons participé et de l’esprit qui<br />

animait tous les acteurs de ce développement<br />

?<br />

En 1958, nous partions pour le Tchad<br />

dans la mouvance de l’appel de Pie<br />

XII dans son encyclique Fidei donum.<br />

Tous les chrétiens ne sont-ils<br />

pas solidairement responsables de<br />

la mission apostolique de l’Église<br />

partout dans le monde ? L’Église ne<br />

demandait qu’à naître et se développer<br />

sur cette terre du Tchad. Encore<br />

fallait-il que la Bonne Nouvelle soit<br />

annoncée ! Voilà les quatre premières<br />

Auxiliaires parties à Moïssala !<br />

Annoncer l’Évangile, c’était aussi<br />

mettre toutes nos forces au service<br />

du développement. Soigner, certes,<br />

mais aussi former à la prévention,<br />

nourrir les foules avec l’aide des<br />

vivres venus du PAM 5 lors des événements<br />

de 1984 et de la famine<br />

qui a suivi. Mais surtout soutenir<br />

et promouvoir toutes les initiatives<br />

locales.<br />

Auxiliaires au Tchad, notre solidarité<br />

nous a menées à vivre avec les<br />

Tchadiens une évolution dans la<br />

Plus récemment<br />

De notre maison Bethléem<br />

à l’EHPAD Bethléem<br />

Cette dernière décennie nous a amenées<br />

à vivre un nouveau tournant.<br />

En 2004, notre maison-mère Bethléem,<br />

à Paray-le-Monial, devenait<br />

EHPAD 3 . Nous avions décidé de<br />

collaborer avec l’association PSA<br />

(Partage, Solidarité, Accueil) et d’en<br />

faire une maison ouverte à tout public.<br />

En effet, la question du grand âge se<br />

pose désormais pour nous comme<br />

pour la société qui voit augmenter le<br />

nombre de personnes âgées et se préoccupe<br />

d’améliorer leurs conditions<br />

de vie.<br />

Nos sœurs aînées vivent une nouvelle<br />

solidarité, « compagnes d’humanité<br />

» 4 avec le nombre grandissant de<br />

personnes âgées dont les forces diminuent<br />

et en « service d’humanité »,<br />

faisant de leur vie un témoignage<br />

dont la valeur ne se mesure pas au<br />

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ANNE-LISE SIEFFERT<br />

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15<br />

14


À L’ÉCOUTE DE LA PAROLE DE DIEU<br />

La solidarité, un exode ?<br />

L’exode, un chemin<br />

de solidarité ?<br />

« tiré des eaux » parce que la fille de<br />

pharaon laisse vibrer son être devant<br />

ce petit bout d’homme, parce que sa<br />

sœur surveille ! Parce que sa mère<br />

préfère se séparer de lui que de le<br />

voir mourir ! 1 Ce premier exode, il<br />

n’y est pour rien !<br />

Moïse, une histoire de solidarité…<br />

Ce n’est pas forcément habituel de se<br />

mettre à regarder, contempler, suivre<br />

la figure de Moïse pour guider une année<br />

de réflexion autour de la solidarité.<br />

C’était pourtant le chemin qui nous<br />

était proposé, et nous l’avons emprunté,<br />

suivi. Krystel, Auxiliaire, en communauté<br />

à Marseille, en propose une lecture.<br />

CIRIC<br />

Traversée de la mer Rouge (tableau, Zimbabwe).<br />

« Je ne le ferai pas sans toi. Acceptes-tu<br />

d’être partenaire avec<br />

moi ? » Proposition d’un contrat solidaire<br />

avec Dieu !<br />

Fais le tour de ce buisson : retire tes<br />

sandales, la terre que tu foules est<br />

sainte… Oui, elle est sainte, la terre<br />

de l’humanité. En être solidaire nous<br />

appelle à nous déchausser, à y aller<br />

pieds nus !<br />

Aller trouver pharaon : tu ne sauras<br />

pas le faire ? C’est aussi vrai… mais,<br />

comme le rappelle l’archevêque de<br />

Marseille, nous sommes appelés à<br />

Et un autre exode s’ouvre devant lui :<br />

il doit fuir la cour de pharaon. Le voilà<br />

parti vers un autre ailleurs qui va se<br />

révéler comme décisif.<br />

Pour un exode, appelé et envoyé<br />

Cet ailleurs va le provoquer à un détour<br />

: un buisson qui brûle sans se<br />

consumer ! Le temps est venu pour<br />

lui de la révélation d’un Dieu solidaire<br />

des hommes et de l’appel à une<br />

solidarité qui prend sa source en Dieu<br />

qui entend la misère de son peuple.<br />

Un Dieu qui semble nous dire :<br />

Pour un exode que nous provoquons<br />

Et il va devenir un homme à la cour<br />

de pharaon… dans cet ailleurs totalement<br />

étranger et devenu hostile à<br />

ceux dont il découvrira qu’ils sont<br />

ses frères et sœurs.<br />

Il va poser alors ce geste fou face à<br />

cet Egyptien qui maltraite ceux de<br />

son peuple : il le tue 2 . Il est confronté<br />

à l’injustice ; est-ce pour autant de la<br />

solidarité ? Pas si simple que cela, la<br />

solidarité ! Face à l’injustice, quel(s)<br />

moyen(s) vais-je employer ? Réagir ?<br />

Laisser faire ? Utiliser la violence ?<br />

Faire de grands discours ? Avec<br />

Moïse, rien ne marche vraiment. Il<br />

tue un Egyptien, il intervient pour séparer<br />

deux Hébreux. L’intervention de<br />

Moïse ne sera pas accueillie, pas comprise.<br />

Cette solidarité, un peu instinctive,<br />

devra se purifier, s’approfondir !<br />

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D’exode en Exode<br />

Pour un exode<br />

que nous n’avons pas choisi<br />

L’exode, c’est partir, sortir, quitter,<br />

parfois dans l’urgence, souvent<br />

sans tarder : quand c’est le moment,<br />

c’est le moment. C’est aller vers un<br />

ailleurs, vers un à-venir que l’on ne<br />

connaît pas, que l’on espère et que<br />

l’on espère souvent meilleur. C’est<br />

partir, guidé par une promesse de vie,<br />

de salut, de libération.<br />

Cet exode pour Moïse est vrai depuis<br />

sa naissance ! Rien que notre naissance<br />

en est un, ce passage de l’intrautérin<br />

au monde ! Mais très vite, pour<br />

fuir et échapper à la furie de pharaon,<br />

Moïse est déposé dans un couffin et<br />

sur les eaux. Sa mère espère… espère<br />

pour lui ! Et ça marche ! Il sera<br />

17<br />

16


À L’ÉCOUTE DE LA PAROLE DE DIEU<br />

Dieu, Moïse devient lien entre Dieu<br />

qui veut son peuple debout, libre et<br />

heureux, et le peuple qui se met debout<br />

petit à petit, à travers confiance,<br />

doute, trahison, fidélité retrouvée. Il<br />

fait l’expérience que c’est à travers<br />

tous ces aléas et au rythme du peuple<br />

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que petit à petit se révèle la fidélité<br />

indéfectible de Dieu. Il trouve en cet<br />

amour de Dieu, le courage d’agir et<br />

de persévérer dans la recherche du<br />

bien de tous ! Jusqu’à tracter avec<br />

Dieu, lorsque celui-ci semble n’en<br />

plus pouvoir de ce peuple à la tête<br />

dure. Ces allers-retours entre Dieu<br />

et Moïse sont une fabuleuse image<br />

de ce chemin vers une solidarité<br />

plus juste. Elle peut nous conduire<br />

des plus grands mouvements de joie<br />

aux plus grandes désolations. Cette<br />

alliance donne à Moïse l’audace de<br />

s’entretenir avec Dieu comme un<br />

ami parle à son ami. Cette audace est<br />

venue jusqu’à nous en ce Christ qui<br />

va jusqu’au bout de sa solidarité avec<br />

l’humanité, en donnant sa vie pour<br />

que les hommes aient la vie et qu’ils<br />

l’aient en abondance.<br />

Que ce soit cet élan sans cesse renouvelé<br />

qui nous anime et fasse de nous<br />

les acteurs d’une solidarité toujours<br />

plus large.<br />

KRYSTEL BUJAT<br />

espérions… » – jusqu’à se tourner<br />

vers d’autres dieux, face à l’absence<br />

prolongée de Moïse au Sinaï 5 .<br />

Nous ne pouvons emprunter un chemin<br />

solidaire, en voulant tout, tout<br />

de suite, sans nous questionner :<br />

en qui est placée notre confiance ?<br />

Si Dieu nous veut partenaires, cocréateurs<br />

avec lui, c’est en lui, par<br />

son Fils, dans la force de l’Esprit !<br />

L’initiateur de cette solidarité, c’est<br />

lui. Et cela ne peut tenir qu’enracinés<br />

en lui ! Benoît XVI écrit, dans<br />

sa conclusion : « Seul un humanisme<br />

ouvert à l’absolu peut nous guider<br />

dans la promotion et la réalisation<br />

des formes de vie sociale et civile en<br />

nous préservant du risque de devenir<br />

prisonniers des modes du moment.<br />

C’est la conscience de l’amour indestructible<br />

de Dieu qui nous soutient<br />

dans l’engagement rude et<br />

exaltant, en faveur de la justice, du<br />

développement des peuples avec ses<br />

succès et ses échecs, dans la poursuite<br />

incessante d’un juste ordonnancement<br />

des réalités humaines. »<br />

frères et leur dire qu’il faut se bouger,<br />

qu’il est temps d’aimer, qu’il est<br />

temps d’être solidaires les uns des<br />

autres, que le monde ne peut pas se<br />

laisser guider uniquement par la soif<br />

du pouvoir ou le profit à tout prix, et<br />

souvent au détriment des hommes 3 ?<br />

Cette démarche est déjà difficile avec<br />

ceux et celles que l’on connaît bien,<br />

avec lesquels nous partageons les<br />

mêmes convictions, les mêmes aspirations,<br />

les mêmes combats. A plus<br />

forte raison, quand il s’agit de rencontrer<br />

d’autres, différents, voire apparemment<br />

diamétralement opposés<br />

à nos manières de faire, de penser !<br />

La solidarité, c’est sortir de nos certitudes,<br />

de nos assurances exclusives<br />

qui nous font croire que nous seuls<br />

avons les solutions et connaissons<br />

le bon chemin. C’est un appel à la<br />

confiance ! Une confiance envers celui<br />

qui nous appelle à partir, à nous<br />

mettre en route.<br />

Sur la parole de Moïse, le peuple hébreu<br />

va tout laisser, emporter juste<br />

ce qu’il faut pour la route, et partir<br />

pour cet événement fondateur qu’est<br />

l’Exode 4 . Il se retrouve face à la mer<br />

– obstacle physique, mais surtout<br />

obstacle à la confiance : quel est-il celui-là,<br />

pourquoi nous sommes-nous<br />

mis à le suivre ? Le peuple récrimine<br />

– « Veux-tu que nous mourions ? Tu<br />

nous avais promis que…, nous qui<br />

une conversion. Passer de nous inquiéter<br />

de ce qui pourrait bien nous<br />

arriver si nous nous engageons dans<br />

cette solidarité envers et avec nos<br />

frères, à nous demander : que va-t-il<br />

leur arriver à ces frères si nous ne<br />

nous risquons pas ?<br />

Oui, entrer dans ce contrat solidaire<br />

avec Dieu, qui n’est autre que l’Alliance<br />

qu’il choisit de faire avec nous,<br />

c’est irrémédiablement accepter de<br />

nous laisser convertir par Dieu, par<br />

nos frères. Laisser Dieu ouvrir nos<br />

cœurs, nos oreilles, pour entendre les<br />

appels de nos frères, pour entendre la<br />

misère du peuple de ce Dieu qui veut<br />

à tout prix que nous passions de l’esclavage<br />

à la liberté.<br />

Oui, c’est un exode ! Celui de passer<br />

de la mort à la vie. Celui de passer<br />

de l’égoïsme, de la peur paralysante,<br />

au risque et à l’amour qui me fait<br />

me tourner encore et toujours vers<br />

mes frères. Dans la conclusion de<br />

son encyclique L’amour dans la vérité,<br />

le pape Benoît XVI rappelle :<br />

« L’ouverture à Dieu entraîne l’ouverture<br />

aux frères et à une vie comprise<br />

comme une mission solidaire<br />

et joyeuse. »<br />

L’Exode, chemin de solidarité<br />

et d’Alliance<br />

Si le parcours de Moïse est jalonné<br />

d’exodes jusqu’aux rives de la terre<br />

promise, il est jalonné aussi, et peutêtre<br />

surtout, de ce chemin d’alliance<br />

et de solidarité. Il fait l’expérience<br />

que ce chemin, il ne le fait pas seul et<br />

qu’il ne peut le faire seul. Appelé par<br />

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La solidarité<br />

serait-elle un exode ?<br />

Qui suis-je pour faire cela ? C’est la<br />

question de Moïse à Dieu, c’est celle<br />

de tous les prophètes, c’est encore<br />

sûrement la nôtre aujourd’hui ! Qui<br />

suis-je, même pour aller vers mes<br />

19<br />

18


À L’ÉCOUTE DES TEXTES D’ÉGLISE<br />

D’une encyclique à l’autre<br />

liens et se fixe pour objectif le bien de<br />

la maison commune, renouant ainsi<br />

avec son sens premier. Dans un monde<br />

où le critère d’évaluation dominant est<br />

l’efficacité, cet appel-là est audacieux.<br />

Tout comme l’est l’invitation à la participation.<br />

Dans le contexte de 1987,<br />

Jean Paul II insistait sur le lien entre<br />

solidarité et liberté (Sollicitudo rei socialis<br />

32). Vingt ans plus tard, c’est la<br />

subsidiarité que souligne Benoît XVI.<br />

Elle implique la participation de tous<br />

et empêche ainsi la solidarité de tomber<br />

dans l’assistanat qui humilie (58).<br />

Là encore, Sollicitudo rei socialis<br />

portait ce souci en germe (n° 39) mais<br />

Caritas in veritate l’amplifie. Chacun,<br />

quelle que soit sa situation, est porteur<br />

de richesses pour le projet commun.<br />

La solidarité ne vise pas à combler<br />

seulement des manques mais à reconnaître<br />

l’autre comme son semblable.<br />

Fraternité, don et gratuité, subsidiarité<br />

et participation : il y a peu de<br />

temps encore nous passions pour des<br />

utopistes. La crise mondiale dans<br />

laquelle nous nous débattons pose à<br />

nouveaux frais les questions fondamentales.<br />

Alors, ne nous dérobons<br />

pas à notre responsabilité.<br />

« aux nombreux points de contacts<br />

entre solidarité et amour » soulignés<br />

par Jean Paul II, Benoît XVI utilise le<br />

vocabulaire de la charité, de l’amour,<br />

de la vérité, plus volontiers que le mot<br />

solidarité lui-même. Ce faisant, il fait<br />

se rejoindre la dimension sociale et la<br />

dimension morale et spirituelle de la<br />

solidarité pour l’inscrire d’emblée sur<br />

l’horizon de la fraternité. Voilà l’enjeu.<br />

Ce choix ouvre des perspectives<br />

qui peuvent contribuer de façon décisive<br />

aux débats et recherches actuels.<br />

L’un des aspects les plus spécifiques<br />

de Caritas in veritate est sans doute<br />

d’avoir mis l’accent sur le don et la<br />

gratuité d’une manière nouvelle. Dans<br />

Sollicitudo rei socialis, Jean Paul II affirmait<br />

: « A la lumière de la foi, la solidarité<br />

tend à se dépasser elle-même,<br />

à prendre les dimensions spécifiquement<br />

chrétiennes de la gratuité totale »<br />

(n° 40). Benoît XVI va plus loin en<br />

demandant que « dans les relations<br />

marchandes, le principe de gratuité et<br />

la logique du don, comme expression<br />

de la fraternité (…) trouvent leur place<br />

à l’intérieur de la vie économique normale<br />

» (Caritas in veritate 36). Le don<br />

et la gratuité n’ont plus pour vocation<br />

de compenser après coup les effets négatifs<br />

du système économique mais<br />

sont appelés à transformer le système<br />

de l’intérieur sans pour autant bannir<br />

toute logique économique. C’est là<br />

tout l’intérêt : la solidarité redevient le<br />

moteur de l’activité économique, une<br />

économie qui contribue à tisser des<br />

différents. Jean Paul II écrit pour un<br />

monde encore divisé par la guerre<br />

froide. L’un des points d’insistance<br />

sera d’exhorter les protagonistes à<br />

reconnaître la nécessité de nouer des<br />

relations sous le mode de l’interdépendance,<br />

à renoncer à la défiance<br />

pour avancer vers la collaboration,<br />

seule réponse à la hauteur des enjeux<br />

du développement. Sous la plume de<br />

Benoît XVI l’accent est différent. Il<br />

écrit dans un contexte de mondialisation<br />

et de crise. Les relations existent<br />

déjà mais il s’agit de les mettre<br />

au service du bien commun : « La<br />

société toujours plus globalisée nous<br />

rapproche, mais elle ne nous rend pas<br />

frères » (Caritas in veritate 19). Il va<br />

déployer ce que Jean Paul II indiquait<br />

comme un chemin à suivre : « L’interdépendance<br />

doit se transformer en solidarité<br />

» (Sollicitudo rei socialis 39).<br />

Nous nous sommes mises à l’écoute de<br />

l’Église, en lisant l'encyclique du pape<br />

Benoît XVI. Marie-Laure Dénès, sœur<br />

dominicaine, secrétaire générale de Justice<br />

et paix jusqu’en septembre dernier,<br />

nous aide à entendre ce que l'Église dit<br />

de la solidarité à des époques différentes.<br />

Sur l'horizon de la fraternité<br />

Voilà pour le cadre mais il n’est pas<br />

possible ici de faire une analyse comparée<br />

détaillée de ces deux textes<br />

denses et riches. Nous nous risquerons<br />

simplement à mettre en lumière<br />

trois aspects, liés entre eux, qui semblent<br />

en germe dans Sollicitudo rei<br />

socialis et que Caritas in veritate va<br />

déployer, enrichir.<br />

En écho aux développements théologiques<br />

de Sollicitudo rei socialis et<br />

La solidarité est l’un des<br />

cinq principes de la doctrine<br />

sociale de l’Église 1<br />

et fait partie de son enseignement<br />

et de sa pratique<br />

les plus constants. Mais sa compréhension<br />

et la façon de la vivre se nuancent<br />

en fonction des enjeux du moment.<br />

Définie comme la détermination ferme<br />

et persévérante de travailler au bien<br />

commun par Jean Paul II dans Sollicitudo<br />

rei socialis (SRS 38) et comme le<br />

fait de se sentir responsable de tous par<br />

Benoît XVI dans Caritas in veritate<br />

(CV 38), elle se décline de façon différente<br />

dans le concret. Face aux défis<br />

nouveaux, les accents se déplacent, la<br />

réflexion s’approfondit comme l’illustre<br />

une mise en perspective de ces<br />

deux encycliques.<br />

Toutes deux sont consacrées au développement<br />

mais sont publiées dans<br />

des contextes internationaux très<br />

MARIE-LAURE DÉNÈS<br />

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La solidarité,<br />

c’est ce qui fait tenir<br />

le monde debout<br />

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23<br />

« TERRE CHANT DES FEMMES » PAR MARIE SOUTHARD CSJ<br />

22


AUJOURD’HUI DES SOLIDARITÉS VÉCUES<br />

forcément le chemin vers l’autre.<br />

C’est aussi cela, la solidarité : c’est le<br />

donner-recevoir de nos vies.<br />

Familles de jeunes prisonniers :<br />

dans l’antichambre des parloirs<br />

À Marseille, dans le quartier de la Valentine,<br />

se trouve un établissement pénitentiaire<br />

pour mineurs qui accueille<br />

60 jeunes ayant commis des vols avec<br />

violence, des délits, du commerce des<br />

stupéfiants, etc. Marie Noëlle, Auxiliaire,<br />

est bénévole à l’accueil des familles.<br />

DR<br />

famille, autour de la table en prenant<br />

une collation… semblables au Christ<br />

nous invitant au festin ! La joie de ce<br />

moment efface alors l’angoisse du<br />

parloir à venir pour les familles. »<br />

L’accueil des familles est bien un lieu,<br />

un terrain sur lequel vivent et grandissent<br />

des personnes. Un lieu d’humanisation<br />

et de socialisation où des<br />

personnes cherchent peu à peu à vivre<br />

la solidarité avec d’autres.<br />

Dans la complexité de la situation,<br />

c’est sans doute osé de nommer solidarité<br />

la structure d’attente de parloir<br />

dans un établissement pénitentiaire<br />

pour mineurs. Mais si ce lieu était un<br />

lieu qui donne droit d’exprimer ses<br />

émotions, sans fard, de dire la parole<br />

juste, vraie ? Alors, je peux dire : « Oui,<br />

ici je vis la solidarité. » La solidarité<br />

n’a-t-elle pas de multiples visages ?<br />

La parole des bénévoles<br />

Les bénévoles avec qui j’interviens à<br />

l’accueil des familles sont membres<br />

des équipes Saint-Vincent et m’ont<br />

dit comment elles vivent la solidarité<br />

dans cet établissement : « Notre<br />

équipe Saint-Vincent Halte Vincent/<br />

La Valentine est composée de dix-sept<br />

femmes chrétiennes qui se sont mobilisées<br />

et unies pour être au service de<br />

leurs prochains dans la détresse. L’engagement<br />

que nous avons pris nous<br />

rend solidaires : dans la fidélité et la<br />

gratuité de notre mission, dans le respect<br />

des accueillis, dans l’accueil et<br />

l’écoute que nous offrons aux autres<br />

sans jugement, dans la spiritualité et la<br />

prière que nous exerçons en commun<br />

avec notre aumônier, dans l’organisation<br />

de nos rencontres (permanences,<br />

réunions, formations, événements),<br />

dans les liens d’amitié que nous<br />

avons tissés entre nous. Chacune est<br />

consciente d’être le maillon essentiel<br />

d’une chaîne de solidarité qu’elle vit<br />

à chaque permanence, avec sa collègue<br />

d’abord, avec les accueillis,<br />

grâce à l’esprit vincentien qu’elle a<br />

su acquérir pour ‘venir au secours de<br />

son prochain comme pour éteindre un<br />

feu’. L’ambiance solidaire de l’équipe<br />

est ressentie par les 5 500 personnes<br />

qui passent annuellement dans le local<br />

et que nous accueillons comme<br />

s’ils étaient des membres de notre<br />

Je vois une solidarité en mouvement,<br />

de la part des parents. Ils cherchent<br />

comment redonner une chance aux<br />

jeunes embarqués dans cette dégringolade<br />

sociale, comment maintenir<br />

des liens avec le jeune incarcéré, envisager<br />

l’avenir et bâtir un projet avec<br />

lui. C’est une expression forte de leur<br />

amour parental.<br />

Dans le cadre de leur travail professionnel,<br />

les surveillants passent<br />

à l’Abri-familles pour situer tel ou<br />

tel père, mère, frère ou sœur, briser<br />

l’anonymat. Les éducateurs viennent<br />

également rencontrer les familles. Ils<br />

redisent l’objectif de leurs missions :<br />

éduquer à la règle, faire réfléchir aux<br />

conséquences et aux causes du comportement.<br />

Ils leur donnent matière<br />

à réflexion, à discussion, même s’ils<br />

n’ont pas forcément de solution et<br />

affirment leur désir de voir les jeunes<br />

prendre la main tendue. Ils font appel<br />

aux bénévoles pour une collaboration<br />

que nous pouvons aussi nommer<br />

solidarité.<br />

Pour moi, vivre la solidarité à l’accueil<br />

des familles, c’est s’inscrire<br />

dans la diversité de notre monde<br />

multiculturel. N’ayons pas peur des<br />

nombreux chemins de solidarité. Certains<br />

invitent au silence, aux regards,<br />

aux gestes. Nous ne maîtrisons pas<br />

Peut-il y avoir de la solidarité<br />

dans une telle structure ?<br />

Voilà ce que je vois et perçois<br />

depuis l’accueil des<br />

familles où les parents attendent<br />

d’avoir un parloir avec leur fils.<br />

Une solidarité se joue entre les familles<br />

au niveau des transports. Cela<br />

demande de prendre rendez-vous<br />

pour leur parloir à la même heure ou<br />

à la même demi-journée pour profiter<br />

de la même voiture ou du même taxi.<br />

Les parents se rapprochent, l’indifférence<br />

est brisée. Voir une maman venir<br />

un jour où elle n’a pas de parloir,<br />

pour retrouver d’autres mamans qui<br />

portent la même inquiétude, la même<br />

difficulté, pour se dire leurs émotions,<br />

cela, je le nomme solidarité.<br />

MARIE-NOËLLE BRUNAULT<br />

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25<br />

24


AUJOURD’HUI DES SOLIDARITÉS VÉCUES<br />

Artisans du monde…<br />

une nouvelle solidarité ?<br />

Jeanne-Antoinette, Auxiliaire, après de<br />

longues années en engagement pastoral,<br />

puis professionnel, donne de son<br />

temps comme bénévole à Artisans du<br />

monde, participant ainsi au développement<br />

du commerce équitable.<br />

A. PINOGES/CIRIC<br />

Deux salariés sont chargés, l’un de la<br />

formation et de l’éducation au développement<br />

auprès d’étudiants ou de<br />

jeunes scolaires, et l’autre du développement<br />

commercial de l’association.<br />

Celle-ci est organisée en commissions<br />

avec un nombre important<br />

de bénévoles. Le but est la sensibilisation<br />

des publics rencontrés, dans<br />

un but éducatif et de conscientisation.<br />

Le lieu de vente est l’aboutissement<br />

d’une longue chaîne de travail<br />

dans les pays du Nord comme dans<br />

les pays du Sud.<br />

leur permet de prendre en compte les<br />

besoins des producteurs et de leurs<br />

familles, en termes de travail, de vie<br />

et de santé.<br />

Ce projet de solidarité universelle et<br />

d’enracinement humain m’habite,<br />

dans ce temps donné à la rencontre<br />

des autres et à la vente où je reçois<br />

plus que je ne donne.<br />

résultat d’une démarche entreprise<br />

depuis près de quarante ans ou une<br />

utopie engendrant l’espérance ? Sans<br />

doute les deux.<br />

Peu à peu, je découvre ce que soustend<br />

cette présence : promouvoir une<br />

solidarité internationale dans un partenariat<br />

commercial fondé sur le développement<br />

durable, le commerce<br />

équitable et la fraternité, dans un<br />

souci d’équité, de dialogue, de transparence<br />

et de respect. L’objectif est<br />

de remettre l’économie au service de<br />

l’homme, en donnant du travail aux<br />

cultivateurs et aux artisans de l’Inde,<br />

d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine<br />

ou de Palestine. Payer au juste prix<br />

Remettre l'économie<br />

au service des hommes<br />

Aujourd’hui, le commerce équitable<br />

et le développement durable ont pris<br />

place dans notre société. Est-ce le<br />

Alors que mes années<br />

de retraitée s’accumulent,<br />

je poursuis<br />

mon chemin de présence<br />

au monde au<br />

gré des relations établies. Après un<br />

long temps de proximité par le travail<br />

pastoral, puis professionnel, un ami<br />

m’a ouvert un accueil chaleureux<br />

à Artisans du monde Vieux-Lyon.<br />

Dans ce lieu, comme bénévole, j’apporte<br />

ma pierre à l’objectif poursuivi.<br />

J’ai découvert très vite ce service<br />

comme porteur d’un projet de société<br />

prenant tout son sens dans une vie<br />

associative forte.<br />

JEANNE-ANTOINETTE <strong>DU</strong>SSARDIER<br />

DR<br />

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AUJOURD’HUI DES SOLIDARITÉS VÉCUES<br />

« Chaque jour,<br />

donner et recevoir »<br />

Suzanne Maitre. Renée Antoine. Marie-Jo Lefaucheux. Marcelle Pinatel.<br />

Jeannine qui cherche un partenaire<br />

pour jouer au Scrabble. Un petit mot<br />

affectueux de résidents pour une<br />

malade qui reste dans sa chambre.<br />

Une visite pour combler un moment<br />

de solitude. Voilà ce qui nous fait<br />

découvrir l’« être avec » et la joie<br />

d’entendre : « On est bien ici ! »<br />

Donner… Recevoir…<br />

Et rompant le quotidien, joie de<br />

temps plus festifs ! Déjeuner en plein<br />

air, plaisir de se retrouver avec le personnel<br />

sur la terrasse afin de partager<br />

le repas préparé par Christophe<br />

Dans les limites qu’impose l’âge ou la<br />

maladie, être en EHPAD * , c’est bien<br />

vivre en solidarité avec toute une génération<br />

qui se fait de plus en plus nombreuse<br />

dans notre société, et témoigner<br />

du fait que la valeur de l’homme n’est<br />

pas liée à l’efficacité et au rendement.<br />

Claude, Auxiliaire, vit cette expérience<br />

à Paray-le-Monial.<br />

Madeleine Bongain. Jeanne Nicolot. Élisabeth Guibé. Claude Degueurce.<br />

DR<br />

Bernadette Berger. Antoinette Maniveau. Anne-Marie Viel. Anne-Marie Petit.<br />

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selon nos handicaps, de jour comme<br />

de nuit, par du personnel à notre disposition<br />

ou par des compagnes plus<br />

valides, c’est une pauvreté à accepter<br />

dans la joie et l’action de grâces.<br />

Chaque jour, le « donner et recevoir<br />

», le « se donner et se recevoir »<br />

se vivent profondément à l’Eucharistie<br />

et à l’office du soir. Ensemble,<br />

nous apportons notre vie reçue du<br />

Père et partagée dans la joie avec le<br />

Christ, Seigneur, solidaire de toute<br />

humanité.<br />

CLAUDE DEGUEURCE<br />

nous avons reçue et à laquelle nous<br />

avons répondu. Merci aussi à Marie-Ange,<br />

âgée de 9 ans, qui, de sa<br />

propre initiative, nous a offert à chacune<br />

une petite carte faite de sa main.<br />

Donner… Recevoir…<br />

Au quotidien comme dans les moments<br />

plus exceptionnels, être aidés<br />

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et Anne, nos cuisiniers. Sortie cinéma<br />

pour la projection du film Des<br />

hommes et des dieux organisée pour<br />

nous et une autre résidence grâce à<br />

la disponibilité du personnel pour<br />

emmener les plus handicapés en fauteuil<br />

: plaisir partagé ! Repas de Noël<br />

avec dix-huit membres du personnel :<br />

moment agréable passé en toute simplicité.<br />

Beaucoup de rires, de discussions<br />

qui permettent un autre regard<br />

envers ceux qui nous servent à cette<br />

occasion. Vœux des enfants du catéchisme<br />

de Paray-le-Monial : joie que<br />

Perchée sur la colline de<br />

Vignemont, la Maison<br />

Bethléem, maison de<br />

retraite à taille humaine<br />

où la vie est un « brassage<br />

» entre résidents laïcs, sœurs,<br />

personnel, familles, amis, se veut accueillante,<br />

agréable par ses couleurs,<br />

ses espaces.<br />

Là, se vit une solidarité au quotidien,<br />

à travers bien des petits gestes et<br />

beaucoup d’attention à la dignité de<br />

la personne : pousser un fauteuil, aider<br />

les personnes à se servir, à couper<br />

la viande, faire attention aux entrées<br />

et aux sorties d’ascenseur (il y a eu<br />

des petits accidents !). C’est aussi<br />

Jeanne qui joue aux dominos tous les<br />

jours avec un groupe, Anne-Marie<br />

qui fait différents jeux avec d’autres,<br />

* Établissement d’hébergement des personnes<br />

âgées et dépendantes.<br />

29<br />

28


AUJOURD’HUI DES SOLIDARITÉS VÉCUES<br />

Le Christ est aussi venu<br />

pour Zachée *<br />

Ingénieur dans l’industrie et Auxiliaire,<br />

la volonté de bien faire des jeunes ingénieurs<br />

et des différents responsables<br />

que je côtoie dans l’industrie me<br />

marque depuis de longues années. Ils<br />

sont aussi certainement de plus en plus<br />

nombreux sans Dieu.<br />

Système « rail-patin ».<br />

Ma foi, bien loin de se déliter, en est<br />

sortie fortifiée. J’ai osé me laisser<br />

façonner par leurs questions et c’est<br />

notre Seigneur qui m’a façonnée.<br />

Quel mystère, que notre vie humaine<br />

en Dieu ! Avec le recul, cela est logique<br />

et conforme à la tradition chrétienne<br />

: l’humilité nous est enseignée<br />

comme un chemin sûr vers le Christ.<br />

Accepter ses combats intérieurs est un<br />

chemin d’humilité.<br />

Dans un deuxième temps, je me suis<br />

rappelé les soutiens de mes collègues<br />

et de mes amis pour que je vive ma<br />

vie religieuse. La solidarité n’est pas<br />

à sens unique. Là m’est venu, non<br />

pas un des symboles usuels dans<br />

notre Église, mais une belle réalité<br />

mécanique. Quand deux pièces sont<br />

solidaires, jamais l’une ne l’est plus<br />

et littéraires, une de mes réalités<br />

quotidiennes me permette d’avancer<br />

dans la foi. Une réalité technique<br />

peut aider une réalité spirituelle à se<br />

développer.<br />

Cet envoi me met à distance des plus<br />

pauvres de notre société, au sens<br />

commun du terme. Quelques envois<br />

de ce type sont à mon sens importants<br />

pour la congrégation et pour l’Église.<br />

Ils permettent la justesse de l’option<br />

préférentielle pour les pauvres. Sans<br />

exclusive, elle reste, ainsi, bien préférentielle.<br />

Le Christ est venu pour<br />

tous, Prêtre pour tous, avec une attention<br />

particulière pour certains.<br />

Il est aussi venu pour Zachée avant<br />

qu’il ne grimpe à son sycomore.<br />

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que l’autre. J’ai alors demandé à un<br />

ingénieur de me faire un schéma pour<br />

illustrer cet article. Il m’a suggéré un<br />

système rail-patin « pour qu’il y ait<br />

un degré de liberté ». Comme des<br />

pièces solidaires peuvent avoir des<br />

degrés de liberté, je peux être solidaire<br />

de mes collègues incroyants,<br />

et pleinement croyante au Christ.<br />

Ouf ! Que c’est agréable qu’en dehors<br />

des habituels symboles agraires<br />

riences spirituelles existent bien mais<br />

sans Dieu.<br />

J’accompagne des directions dans leurs<br />

choix techniques et humains pour faire<br />

vivre et développer leurs entreprises.<br />

Au cœur des prises de décision, des<br />

combats s’invitent. Ces responsables<br />

désirent le bien de leur entreprise et celui<br />

de leurs employés. Mais l’image du<br />

« grand patron » peut venir les titiller :<br />

un grand patron se doit d’externaliser<br />

et de licencier sans sourciller. Nous ne<br />

devons pas nous montrer fragiles et dépendants.<br />

Nous ne devons pas croire.<br />

D’autant plus que l’image de l’Église<br />

et des chrétiens portée par le milieu est<br />

négative.<br />

Alors moi, religieuse, puis-je être<br />

solidaire de ces anti-religions ? Oui,<br />

et de plus en plus, par et avec la joie<br />

profonde que j’y vis. Le Christ s’est<br />

incarné. Il a parlé l’araméen de l’an<br />

zéro. Il sait aussi parler « technique ».<br />

En écrivant cet article, je me suis rappelé<br />

que je m’étais risquée face à mes<br />

propres combats et aux questions<br />

de mes collègues. Lorsque certains<br />

m’avaient partagé leurs expériences<br />

spirituelles, elles avaient le même<br />

paysage intérieur que les miennes.<br />

Les miennes me disaient la présence<br />

de Dieu. Les leurs ne les portaient<br />

pas du tout à le reconnaître… Dieu<br />

existe-t-il ? Oser me laisser toucher…<br />

Comment pourraient-ils<br />

croire en un Dieu créateur,<br />

surtout les plus<br />

jeunes ? Nous vivons<br />

dans un déploiement<br />

de la technique qui nous permet de<br />

repousser sans cesse les limites des<br />

possibilités. Les découvertes, puis les<br />

chaînes de production, vont de plus en<br />

plus vite, produisent de plus en plus.<br />

Nos déplacements sont de plus en plus<br />

fréquents et lointains. La limite n’est<br />

plus la capacité technique à faire mais<br />

la vitesse d’adaptation des hommes.<br />

Un sentiment naturel de toute puissance<br />

des techniciens peut alors naître<br />

et discrédite l’idée même d’un Dieu<br />

auquel nous devrions la vie. Comme<br />

me l’a dit un collègue : « Croire, c’est<br />

avoir besoin de béquille. » Le développement<br />

porté par les capacités humaines<br />

fait que nous ne pouvons pas<br />

croire. Des recherches et des expé-<br />

MIREILLE<br />

* Zachée était un riche chef de collecteurs<br />

d’impôts (Lc 19).<br />

31<br />

30


AUJOURD’HUI DES SOLIDARITÉS VÉCUES<br />

Un enrichissement mutuel<br />

(Lourdes Cancer Espérance). Mon<br />

mari a répondu à l’appel lancé par<br />

des proches pour devenir délégué<br />

départemental de Saône-et-Loire de<br />

ce mouvement. Il se met au service<br />

des personnes atteintes d’un cancer<br />

et de leur conjoint pour favoriser des<br />

rencontres, des échanges et préparer<br />

avec d’autres membres le pèlerinage<br />

annuel de Lourdes Cancer Espérance.<br />

L’appartenance à ce mouvement nous<br />

met en lien avec la paroisse du Sacré-<br />

Cœur-en-Val-d’Or par la préparation<br />

de la messe de la pastorale de la santé.<br />

Une véritable solidarité se vit entre<br />

dans un logement, et l’hébergement et<br />

l’accueil en urgence de femmes battues,<br />

et de bien d’autres cas.<br />

Je ne connaissais pas ce genre de<br />

service, mais je me suis lancé avec<br />

d’autres. Pendant six ans, j’ai mené<br />

cette affaire, géré l’accueil, suivi les<br />

questions matérielles, les bénévoles,<br />

et participé aux repas partagés. »<br />

Pour un partage et un enrichissement<br />

mutuels, les communautés ont invité<br />

quelques amis. Jean Théréau et Odile<br />

<strong>Duc</strong>arouge sont venus à Paray-le-<br />

Monial témoigner de ce qu’ils vivent.<br />

C. MERCIER/CIRIC<br />

Basilique de Paray-le-Monial, vue de nuit.<br />

La solidarité, je la vis aussi par les<br />

enfants que j’accompagne en catéchèse,<br />

par l’association Lutilea<br />

(Lutte contre l’illettrisme, l’exclusion,<br />

l’analphabétisme) qui m’a demandé<br />

d’aider une jeune femme roumaine<br />

à apprendre le français.<br />

Certains jours, nous nous posons<br />

la question : « Pourquoi tant d’engagements<br />

dans des domaines si<br />

différents ? » Parce que la présence<br />

de Dieu nous habite et nous donne<br />

sa force, parce que nous avons la<br />

chance d’avoir des talents qui nous<br />

ont été confiés, nous avons à les partager,<br />

à les offrir gratuitement pour<br />

construire ces petits bonheurs quotidiens.<br />

La solidarité ne va pas simplement<br />

dans un sens, elle se partage. »<br />

les personnes, et les sort de leur isolement.<br />

Cela nous conduit à nous investir dans<br />

la préparation de la conférence du<br />

Père Thierry Magnin, vice-recteur de<br />

l’Institut catholique de Toulouse sur<br />

les enjeux éthiques posés par « l’enfant<br />

en question quand il n’arrive pas<br />

ou s’annonce handicapé ». Permettre<br />

le rassemblement de personnes prêtes<br />

à se poser des questions sur le respect<br />

de la vie humaine dans son commencement<br />

et jusqu’à sa mort nous paraît<br />

important, surtout lorsque nous<br />

nous référons au fondement que tout<br />

homme est à l’image de Dieu.<br />

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Odile <strong>Duc</strong>arouge,<br />

habitante de Paray-le-Monial<br />

« La solidarité, pour moi, pour nous<br />

en couple, ce n’est pas vivre des<br />

choses extraordinaires, mais c’est<br />

vivre la vie de tous les jours avec des<br />

gens ordinaires. D’abord, en famille –<br />

nous sommes tous les deux, mon mari<br />

et moi, de famille nombreuse. Nous<br />

voulons garder ce sens de l’unité familiale<br />

entre frères et sœurs, neveux<br />

et nièces. Nous nous rendons attentifs<br />

à celui ou à celle qui se trouve plus en<br />

difficulté : difficulté d’entente dans le<br />

couple ou avec l’un ou l’autre enfant,<br />

problème de santé… Notre attention,<br />

notre soutien à l’un ou l’autre par une<br />

visite, par un service. Nous accompagnons<br />

toujours ce soutien de notre<br />

prière car nous sommes vite démunis<br />

et Dieu nous aide à trouver les mots<br />

qui réconfortent, qui redonnent du<br />

courage pour continuer la route.<br />

Depuis la maladie de <strong>Thérèse</strong>, sœur<br />

de mon mari et épouse de Jean, nous<br />

participons aux rencontres LCE<br />

Jean Théréau,<br />

exploitant agricole en retraite<br />

à Paray-le-Monial<br />

« La solidarité, je l’ai vécue, tout au<br />

long de ma vie professionnelle, avec<br />

les autres exploitants. Nous nous aidions<br />

fréquemment et régulièrement.<br />

Le service rendu entre voisins, même<br />

si l’on a des idées totalement opposées,<br />

permet de mieux se connaître et<br />

de partager ses difficultés.<br />

Nous avons aussi investi dans une<br />

CUMA, achat en commun, prêt et<br />

partage de matériel agricole et dans<br />

la bonne marche du Crédit Agricole.<br />

Depuis que je suis en retraite, je<br />

me suis dit : « Tu as beaucoup reçu<br />

toute ta vie, il est bien temps de faire<br />

quelque chose pour les autres, dans le<br />

bénévolat. » J’attendais...<br />

Un jour, le Père Vaux, responsable<br />

de la paroisse, est venu nous trouver,<br />

ma femme et moi, pour prendre la<br />

responsabilité de l’organisation de la<br />

Maison Saint-Vincent, avec deux salariés<br />

et 50 à 60 bénévoles. Sa mission<br />

est l’accueil de ceux qui passent une<br />

ou plusieurs nuits dans la ville, ceux<br />

qui ne peuvent s’installer de suite<br />

33<br />

32


VERS DEMAIN<br />

Poser un geste significatif<br />

Éclairées par tout ce cheminement, il<br />

nous fallait tracer la route que nous voulions<br />

emprunter pour « une solidarité<br />

plus large ». Marie-Claude, Auxiliaire en<br />

communauté à Meudon, retrace ce que<br />

nous avons vécu en assemblées.<br />

DR<br />

prenant des moyens ajustés pour le<br />

faire paisiblement, choisisse le geste<br />

qu’elle désire vivre : soit dans sa<br />

consommation, pour la sauvegarde<br />

de la planète, soit dans l’échange<br />

avec nos sœurs du Brésil, soit pour<br />

un rapprochement avec une Église<br />

ou un courant d’Église…<br />

Cette attitude et ce choix nécessitent<br />

des partages réguliers de relecture<br />

de vie où chacune prendra sur elle<br />

pour oser une parole vraie. »<br />

Le travail n’est pas terminé, chaque<br />

communauté cherchera comment<br />

elle veut les vivre. Envoyées dans<br />

nos missions respectives, nous entendons<br />

résonner ce refrain : « Invente<br />

avec ton Dieu l’avenir qu’il te donne,<br />

invente avec ton Dieu tout un monde<br />

plus beau. »<br />

choisi en commun, qui contribuera à<br />

vivre davantage de fraternité, de justice,<br />

de solidarité, à faire davantage<br />

attention à la sauvegarde de la planète.<br />

Nous avons, alors, repris conscience<br />

des conversions à faire : croire et<br />

espérer en l’avenir du monde, de<br />

l’Église, de la congrégation – ce<br />

monde que Dieu aime n’est pas perdu<br />

; respecter et accueillir nos différences<br />

; s’informer et se former pour<br />

entrer dans la complexité des questions<br />

actuelles et agir avec justesse.<br />

Il a fallu choisir. Nos sœurs aînées<br />

à Bethléem ont choisi cette ligne :<br />

« Avec la grâce du Seigneur, avoir un<br />

regard positif qui permet d’accueillir<br />

en vérité l’autre et d’entrer en<br />

relation avec lui. »<br />

Voilà ce qui ressort de l’assemblée de<br />

septembre.<br />

« Pour notre marche ensemble, il<br />

nous semble meilleur de nous laisser<br />

entraîner par le Christ tourné dans<br />

un même mouvement vers son Père<br />

et vers les hommes pour :<br />

• travailler personnellement et<br />

communautairement l’attitude qui<br />

consiste à se situer pauvrement devant<br />

le Seigneur et à consentir à<br />

l’agir qu’elle appelle ; cette attitude<br />

permet à l’Esprit d’être entendu, nous<br />

croyons qu’elle fait naître des chemins<br />

vers une solidarité plus juste ;<br />

• choisir un geste de solidarité.<br />

Conscientes de ce que nous recevons<br />

chaque jour, nous en rendons grâces<br />

et voulons en prendre soin. Nous<br />

proposons que chaque communauté,<br />

C’est ainsi que, réunies en chapitre<br />

en 2008, les Auxiliaires prennent<br />

cette question à frais nouveaux et<br />

formulent l’orientation suivante :<br />

« Aujourd’hui, nous sommes plus<br />

conscientes des inégalités croissantes<br />

entre riches et pauvres mais<br />

aussi des menaces qui pèsent sur<br />

l’avenir de notre planète. L’appel<br />

à la solidarité en est élargi et<br />

transformé. »<br />

« À la suite du Christ pauvre, nous<br />

désirons poser des gestes significatifs<br />

de solidarité avec ceux qui<br />

se soucient de la sauvegarde de la<br />

Création, qui travaillent pour un<br />

monde plus juste, luttant contre les<br />

inégalités et les pauvretés. »<br />

Stimulées par cet appel à nous renouveler,<br />

à poser, ensemble, des gestes<br />

significatifs, au long de cette année<br />

nous avons pris des moyens pour<br />

mieux saisir l’ampleur et la complexité<br />

des questions et l’urgence<br />

d’un agir. Les articles précédents de<br />

cette revue donnent un écho de notre<br />

cheminement.<br />

Chaque année nous nous<br />

retrouvons en assemblées.<br />

La joie des retrouvailles,<br />

les échanges de<br />

nouvelles marquent ces<br />

journées. Cela se voit et s’entend, mais<br />

ce n’est pas le seul but de nos rencontres !<br />

Nous mettons en commun le fruit de nos<br />

réflexions, de nos découvertes, de nos<br />

questions autour de la formation permanente<br />

vécue durant l’année.<br />

Que nous était-il proposé en 2010-2011 ?<br />

« Aller vers une solidarité plus large ».<br />

Serait-ce une question nouvelle pour les<br />

Auxiliaires qui, depuis la fondation de<br />

la congrégation, vivent et ont vécu bien<br />

des solidarités, parfois au risque de leur<br />

vie ? Mais le monde bouge, évolue, traverse<br />

des crises nouvelles, la pauvreté est<br />

loin d’être jugulée, les richesses naturelles<br />

ne sont pas inépuisables…<br />

MARIE-CLAUDE DAGUZAN<br />

Quelle réponse voulons-nous<br />

donner aujourd’hui ?<br />

Durant cette assemblée, après avoir<br />

vivifié notre espérance à partir de<br />

témoignages de solidarités vécues<br />

dans le monde, entre Églises et dans<br />

la congrégation, le moment est venu<br />

de proposer une attitude ou un geste,<br />

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À L’ÉCOUTE DE SAINT IGNACE<br />

qui habite notre engagement qui<br />

compte, une dynamique qui part du<br />

bas, là où les choses commencent et se<br />

fondent, avec les petits et les pauvres,<br />

un grand désir qui ne peut être effectif<br />

que si nous le laissons être celui de<br />

Dieu même, de son Royaume ou de sa<br />

gloire. Alors, la place des uns et des<br />

autres dans le champ social est évaluée<br />

de manière juste. Le regard ignatien<br />

paraît plus pertinent, en fait, que<br />

la position un peu théorique du « think<br />

global, act local », pour la bonne raison<br />

qu’il prend en compte avant tout<br />

le jeu des relations entre les personnes,<br />

auxquelles une grande attention est<br />

portée par Ignace, chacune à sa place,<br />

en bas ou en haut. Les « moyens »<br />

d’agir mettent toujours en œuvre des<br />

relations, avec ceux du haut comme<br />

Le haut et le bas<br />

En évoquant un « sentir », une intelligence<br />

et un cœur ouverts, nous nous<br />

approchons un peu du style ignatien,<br />

qui nous rend attentifs à un « sentir »<br />

du dessein de Dieu qui peut être discerné<br />

au lieu même où nous sommes<br />

appelés à agir, de ce que l’Évangile<br />

appelle le Royaume.<br />

Pour saint Ignace, la tension que nous<br />

avons vue entre « global » et « local »<br />

est plutôt située entre le haut et le bas.<br />

Le regard d’Ignace se porte davantage<br />

et très généralement vers le bas<br />

de la société, vers les petits (vers le<br />

« local »), parce que c’est du bas que<br />

partent les choses, du bas que part le<br />

mouvement qui pourra porter vers de<br />

grandes choses. Par exemple, ce sont<br />

les jeunes, « en bas », qui sont au point<br />

de départ des transformations des<br />

« printemps arabes ». Le souci premier<br />

d’Ignace est de permettre une capacité<br />

d’action « en bas », « localement »,<br />

de trouver les moyens d’en dégager<br />

les possibilités : c’est un travail de libération,<br />

comme ceux des femmes en<br />

Amérique latine ou en d’autres mouvements<br />

analogues. Mais, s’il y a un<br />

bas, Ignace sait très bien qu’il y a un<br />

« haut », en toute réalité sociale : il y<br />

a ceux et celles qui se trouvent aux<br />

commandes, en position de pouvoir.<br />

Parce que ceux qui sont « en haut »<br />

(au niveau « global ») pourraient (!)<br />

servir de manière efficace les capacités<br />

du « bas », il n’y a pas de service<br />

solide du « bas » sans un travail avec<br />

le « haut ». C’est en fait la dynamique<br />

Penser globalement,<br />

agir localement<br />

La route est longue. Le terrain est vaste,<br />

à la dimension du monde ! Et nos engagements<br />

sont bien petits ! Jean-Marie<br />

Carrière, sj, responsable de JRS France *,<br />

donne un éclairage puisé dans le patrimoine<br />

laissé par Ignace de Loyola.<br />

DR<br />

Saint Ignace de Loyola peint par Rubens.<br />

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avec ceux du bas. Et parce qu’ils sont<br />

des moyens, ils peuvent aussi être une<br />

grâce - mot fort cher à Ignace. On<br />

comprend alors l’importance accordée<br />

à la « gratitude » qui, en toutes relations<br />

que nous engageons, en haut ou<br />

en bas, au global comme au local, soutient<br />

le mouvement et la dynamique de<br />

celles-ci et constitue la vraie garantie<br />

des « grandes choses ».<br />

temps de partage et de réflexion. S’il<br />

est difficile de maîtriser l’information,<br />

et d’en débattre pour éclairer un engagement<br />

local, c’est cependant nécessaire.<br />

Nous savons d’expérience que<br />

le service rendu à des personnes, ici<br />

et dans le lieu qui est le nôtre, gagne<br />

beaucoup en qualité lorsque nous habituons<br />

notre regard à se porter audelà<br />

du souci quotidien et du problème<br />

– souvent lourd et prenant – de cette<br />

situation-là. En fait, n’avons-nous pas<br />

besoin, pour agir localement, d’un<br />

« sentir » plus large, d’une intelligence<br />

ouverte qui permet de situer les choses<br />

à leur juste place ? Penser globalement,<br />

agir localement, c’est une « tension »<br />

que nous avons à vivre.<br />

Penser globalement, agir localement.<br />

Le mot d’ordre<br />

est bien connu, et semble<br />

évident. Par exemple, comment<br />

croire rendre un service<br />

pertinent à des réfugiés sans faire<br />

au moins l’effort de comprendre la situation<br />

des pays d’où ils ont fui, et sans<br />

être conscient des politiques d’asile en<br />

Europe ? Dans le monde « connecté »<br />

dans lequel nous vivons aujourd’hui,<br />

le mot d’ordre semble évident, mais il<br />

n’est peut-être pas si simple que cela à<br />

mettre en pratique.<br />

Essayer de prendre en compte un niveau<br />

« global » implique de savoir maîtriser<br />

une information plus qu’abondante. La<br />

multitude des sources et des réseaux<br />

suppose de faire des choix. Il faut du<br />

temps pour trouver l’information qui<br />

soit réellement utile pour l’action locale.<br />

Et puis, il faut « penser » globalement,<br />

ce qui est plus qu’être informé !<br />

Cela suppose des confrontations, des<br />

JEAN MARIE CARRIÈRE, SJ<br />

* Jesuit Refugee Service, service jésuite des réfugiés.<br />

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