Un MEGC est un système d'équations simu<strong>la</strong>nt le fonctionnem<strong>en</strong>t d'une économie <strong>de</strong> marché. Il doit êtrepréa<strong>la</strong>blem<strong>en</strong>t calibré sur l'économie qu’on se propose d'étudier. Pour ce faire, les modélisateurs ontgénéralem<strong>en</strong>t recours à une matrice <strong>de</strong> comptabilité sociale (MCS), qui est un tableau à double <strong>en</strong>tréecont<strong>en</strong>ant <strong>de</strong>s informations sur l'<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s transactions économiques d'un pays. La plupart <strong>de</strong>séquations <strong>du</strong> modèle ont <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts microéconomiques rigoureux spécifiant comm<strong>en</strong>t les quantités<strong>de</strong>mandées et offertes répon<strong>de</strong>nt aux variations <strong>de</strong>s prix dans chacun <strong>de</strong>s marchés. Par ailleurs, lescomportem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t aller à l’<strong>en</strong>contre <strong>du</strong> cadre macroéconomique sous-jac<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> sorteque <strong>la</strong> conceptualisation <strong>du</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’économie permet égalem<strong>en</strong>t une analysemacroéconomique rigoureuse.Les MEGC intègr<strong>en</strong>t généralem<strong>en</strong>t un nombre restreint <strong>de</strong> catégories <strong>de</strong> ménages (ménagesreprés<strong>en</strong>tatifs), limitant ainsi leur utilisation dans l’analyse <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvreté et <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>u. Eneffet, les indicateurs 11 utilisés dans cette <strong>de</strong>rnière requièr<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> ménages ou d’indivi<strong>du</strong>s. Lecaractère semi-agrégé <strong>de</strong> l’analyse traditionnelle <strong>en</strong> équilibre général interdit ainsi toute comparaisondirecte <strong>de</strong>s analyses micro-économiques s’appuyant sur les <strong>en</strong>quêtes ménages avec les résultats obt<strong>en</strong>us<strong>de</strong>s MEGC 12 . De ce constat, l’intégration d’un grand nombre <strong>de</strong> ménages s’avère nécessaire pour uneanalyse adéquate <strong>de</strong>s impacts distributifs <strong>de</strong>s politiques macroéconomiques.Ainsi, <strong>de</strong> plus <strong>en</strong> plus d’analystes choisiss<strong>en</strong>t d’établir un pont <strong>en</strong>tre le MEGC et les données <strong>de</strong>s ménagesd’une <strong>en</strong>quête nationale représ<strong>en</strong>tative. Dans l’état actuel <strong>de</strong> nos connaissances, trois approches peuv<strong>en</strong>têtre i<strong>de</strong>ntifiées.Selon <strong>la</strong> première approche, dont les premiers travaux remont<strong>en</strong>t à [Dervis, <strong>de</strong> Melo et Robinson (1982)]dans les années 80, l’on peut approximer les impacts <strong>de</strong>s chocs macroéconomiques sur <strong>la</strong> pauvreté <strong>en</strong>postu<strong>la</strong>nt que chaque catégorie <strong>de</strong> ménage i<strong>de</strong>ntifiée dans le MEGC est <strong>en</strong> fait un agrégat <strong>de</strong> ménageshétérogènes dont on peut saisir l’hétérogénéité si l’on connaît <strong>la</strong> forme fonctionnelle <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong>srev<strong>en</strong>us intra-catégorie. Ainsi plusieurs formes <strong>de</strong> fonction <strong>de</strong> distribution ont été proposées (distributionnormale, Pareto, Bêta, etc.) afin <strong>de</strong> capter l’hétérogénéité intra-catégorie <strong>de</strong>s ménages. Postu<strong>la</strong>nt que cettedistribution reste inchangée avant et après le choc, il est alors possible <strong>de</strong> calculer les variations dans lesindicateurs <strong>de</strong> pauvreté usuels 13 .Une <strong>de</strong>uxième approche préconise l'approche "top-down". Elle consiste d’abord à construire un MEGCstandard pour simuler l’impact <strong>de</strong> chocs macroéconomiques sur les prix <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ctions et surles prix <strong>de</strong>s pro<strong>du</strong>its et <strong>de</strong>s services. Ensuite, les informations détaillées <strong>de</strong>s <strong>en</strong>quêtes ménages sontutilisées pour estimer les nouveaux vecteurs <strong>de</strong> rev<strong>en</strong>u et <strong>de</strong> consommation après le choc afin <strong>de</strong> calculerles nouveaux taux <strong>de</strong> pauvreté avec une modélisation micro-économique plus ou moins sophistiquée[Robil<strong>la</strong>rd et al. (2001)]. Toutefois, cette métho<strong>de</strong>, même si elle permet <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> comptel’hétérogénéité <strong>de</strong>s ménages <strong>du</strong> point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> leurs dotations factorielles et <strong>de</strong> leurs préfér<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>consommation, omet <strong>de</strong> pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte les effets <strong>de</strong> rétroaction (feedback) <strong>de</strong>s ménages réels sur lesrésultats <strong>du</strong> MEGC.11 La fonction <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsité, les courbes <strong>de</strong> Lor<strong>en</strong>z, l’analyse <strong>de</strong> dominance, les indicateurs d’inégalité d'Atkinson et <strong>de</strong> Gini, lesindices <strong>de</strong> Pauvreté FGT, etc.12 Voir, par exemple, les premiers travaux dans ce domaine par Decaluwé, Savard et Thorbecke et l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Decaluwé, Dumontet Savard qui, à notre connaissance, est <strong>la</strong> toute première étu<strong>de</strong> portant sur l’intégration d’une approche multi–ménages dans uncadre d’équilibre général.13 Voir, par exemple, [Dervis, <strong>de</strong> Melo et Robinson (1983)]; [De Janvry, Sadoulet et Fargeix (1991)]; [Decaluwé, Savard etThorbecke (1999)]; et [Boccanfuso, Decaluwé, Savard (2003)]. Dans cette <strong>de</strong>rnière étu<strong>de</strong>, les auteurs font une comparaison <strong>de</strong>srésultats obt<strong>en</strong>us <strong>en</strong> utilisant sept formes fonctionnelles différ<strong>en</strong>tes.6
Pour pallier cet inconvéni<strong>en</strong>t, <strong>de</strong> réc<strong>en</strong>tes étu<strong>de</strong>s, <strong>en</strong>tre autres, [Cogneau et Robil<strong>la</strong>rd (2000)], [Cockburn(2001)], suivant les propositions prés<strong>en</strong>tées dans [Decaluwé, Savard et Dumont (1999)] 14 ont choisid’intégrer dans un MEGC standard chacun <strong>de</strong>s ménages d’une <strong>en</strong>quête-ménages. Cette approche revi<strong>en</strong>t àconstruire un MEGC avec un nombre <strong>de</strong> catégories <strong>de</strong> ménages équival<strong>en</strong>t au nombre <strong>de</strong> ménages d’une<strong>en</strong>quête nationale représ<strong>en</strong>tative, contournant ainsi l’hypothèse <strong>de</strong> l’ag<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tatif. De ce fait lescomportem<strong>en</strong>ts microéconomiques <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ts sont directem<strong>en</strong>t pris <strong>en</strong> compte dans le cadremacroéconomique et les effets d’interdép<strong>en</strong>dance et <strong>de</strong> rétroaction sont complètem<strong>en</strong>t intégrés à <strong>la</strong>résolution <strong>du</strong> MEGC.• ModèleLe modèle utilisé dans cette étu<strong>de</strong> s’inscrit dans <strong>la</strong> théorie néoc<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong> l’équilibre général à <strong>la</strong>quell<strong>en</strong>ous intégrons quelques spécifications structuralistes <strong>de</strong> sorte que <strong>la</strong> conceptualisation <strong>du</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t<strong>de</strong> l’économie permet égalem<strong>en</strong>t une analyse macroéconomique rigoureuse. Il s’agit d’un MECG 15applicable à une petite économie ouverte pour <strong>la</strong>quelle les prix mondiaux sont exogènes, intégrant tous lesménages d’une <strong>en</strong>quête auprès <strong>de</strong>s ménages 16 [Cockburn (2001)]. Le modèle retrace <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ction, <strong>la</strong>consommation et <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s prix dans une économie où les consommateurs et les pro<strong>du</strong>cteurs, dansleur comportem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> maximisation <strong>du</strong> bi<strong>en</strong>-être et <strong>du</strong> profit, réagiss<strong>en</strong>t aux prix re<strong>la</strong>tifs qui assur<strong>en</strong>t <strong>de</strong>manière simultané l’équilibre <strong>de</strong> l’offre et <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sur tous les marchés.La plupart <strong>de</strong>s hypothèses sont celles d’un MEGC standard, toutefois, le modèle prés<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s spécificités.La plus importante est <strong>la</strong> restriction sur <strong>la</strong> mobilité <strong>de</strong>s travailleurs à l’intérieur <strong>de</strong> trois blocs <strong>de</strong> secteurs :(i) les administrations publiques, (ii) l’agriculture, et (iii) l’in<strong>du</strong>strie et les services privés. Ainsi, lestravailleurs sont immobiles <strong>en</strong>tre ces blocs <strong>de</strong> secteurs, mais mobiles à l’intérieur <strong>de</strong> chaque bloc 17 .Le bouc<strong>la</strong>ge macroéconomique <strong>du</strong> modèle se prés<strong>en</strong>te comme suit :- Les marchés <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s et services sont parfaitem<strong>en</strong>t concurr<strong>en</strong>tiels; Les prix y sont déterminés par le jeu<strong>de</strong> l’offre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Les prix à <strong>la</strong> consommation sont cep<strong>en</strong>dant modifiés par les interv<strong>en</strong>tions <strong>de</strong>l’État à travers sa politique fiscale (taxes et subv<strong>en</strong>tions).- Nous supposons le plein emploi <strong>du</strong> facteur travail dont les rémunérations provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>du</strong> jeu <strong>de</strong> l’offre et<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans les différ<strong>en</strong>ts marchés. Nous distinguons donc un marché pour <strong>la</strong> main d’oeuvreagricole et un autre marché pour <strong>la</strong> main d’oeuvre non agricole privée. Les facteurs <strong>en</strong>gagés dans les14 Dans leur étu<strong>de</strong>, [Decaluwé, Dumont et Savard (1999)] utilis<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s données fictives d’une <strong>en</strong>quête-ménages pour comparerles résultats d’un modèle MEGC microsimulé (avec 150 ménages) avec ceux d'un modèle standard ayant trois catégories <strong>de</strong>ménages. Au contraire, les travaux <strong>de</strong> Cogneau et Robil<strong>la</strong>rd et <strong>de</strong> Cockburn port<strong>en</strong>t sur <strong>de</strong>s données réelles observées auMadagascar et au Népal, respectivem<strong>en</strong>t.15 Variante <strong>de</strong> l’archétype "EXTER" [Decaluwé, Mart<strong>en</strong>s et Savard (2001)].16 L’approche "top-down" [Robil<strong>la</strong>rd et al. (2001)] a été utilisée pour retracer les impacts distributifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> libéralisation <strong>du</strong>commerce extérieur <strong>en</strong> Guinée.17 Ces restrictions à <strong>la</strong> mobilité <strong>du</strong> travail nous paraiss<strong>en</strong>t opportunes si l’on considère qu’il est peu probable que le volume <strong>de</strong>travail <strong>du</strong> secteur public puisse varier <strong>de</strong> manière spontanée (c'est-à-dire sans une décision politique exogène) suite à <strong>la</strong> mise <strong>en</strong>œuvre <strong>de</strong> reformes commerciales. Autrem<strong>en</strong>t dit, le secteur public ne pourrait pas servir <strong>de</strong> «sanctuaire» aux travailleurs lic<strong>en</strong>ciésdans les autres secteurs suite à <strong>la</strong> libéralisation <strong>de</strong>s échanges extérieurs. En outre, l’agriculture constitue <strong>la</strong> principale activité <strong>de</strong>stravailleurs ruraux. Ainsi <strong>en</strong> restreignant <strong>la</strong> mobilité <strong>du</strong> travail <strong>en</strong>tre <strong>la</strong> ville et <strong>la</strong> campagne nous p<strong>en</strong>sons être plus réaliste quantaux possibilités pour les travailleurs ruraux <strong>de</strong> saisir d’év<strong>en</strong>tuelles opportunités d’emploi dans le secteur non agricole <strong>en</strong> milieuxurbains. Il nous semble que l’idée d’une parfaite mobilité <strong>de</strong>s travailleurs <strong>en</strong>tre les milieux urbains et ruraux est une hypothèsetrop forte (vu que nous ne traitons pas explicitem<strong>en</strong>t le phénomène d’exo<strong>de</strong> rural). Ainsi, lorsque <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> travailémerg<strong>en</strong>t dans le secteur non agricole, ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> milieu urbain, il est peu concevable que les ruraux puiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong>bénéficier au même titre que les urbains. À l’inverse, les activités agricoles (le milieu rural <strong>en</strong> général) s’avèr<strong>en</strong>t peu attrayantespour les urbains même lorsque celles-ci sont <strong>en</strong> expansion.7