CZ 11 enseignants.pdf - College au cinéma 37
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n°<strong>11</strong> – Juin 2007<br />
EDITORIAL<br />
Chers Collègues, Chers Parents d’élèves,<br />
Chers Partenaires,<br />
Bulletin de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong><br />
Il est toujours difficile pour nous, les adultes, de savoir<br />
si les jeunes seront sensibles <strong>au</strong>x films que nous leur<br />
présentons et c’est parfois avec quelques doutes que<br />
nous abordons les films de répertoire. Bien sûr, nous<br />
ne cherchons pas à tout prix à les séduire par notre<br />
programmation mais nous essayons de leur transmettre<br />
notre propre plaisir du <strong>cinéma</strong> tout en élargissant<br />
leur regard et en les faisant réfléchir. Quelle est la<br />
fonction première du <strong>cinéma</strong> ? La question mérite débat.<br />
Chaque film a amené son lot d’émotions, de réactions,<br />
de critiques, de discussions en classe et en<br />
famille, nous l’espérons, grâce <strong>au</strong>x fiches réalisées<br />
par le Centre National de la Cinématographie sur<br />
chaque film programmé.…<br />
En tout cas, nous n’avons pas regretté le choix de<br />
Singin’ in the rain : nos jeunes collégiens ont plébiscité<br />
la version originale de cette comédie musicale intelligente<br />
et jubilatoire qui leur a fait découvrir une période<br />
cruciale dans l’histoire du <strong>cinéma</strong> : le passage<br />
du muet <strong>au</strong> parlant. Un film à voir et à revoir, à chanter<br />
et à danser…<br />
Si les adolescents d‘<strong>au</strong>jourd’hui reçoivent toujours Au<br />
revoir, les enfants comme un témoignage poignant, ils<br />
ont également apprécié Mon ami Machuca dont le<br />
scénario présente des similitudes avec le film de Louis<br />
Malle. De plus, des collégiens de Joué les Tours ont<br />
pu rencontrer des témoins de cette période sombre<br />
de l’histoire (voir CinéZoom élèves).<br />
Sans surprise, Princesse Mononoké a séduit par sa<br />
be<strong>au</strong>té plastique et cela malgré sa complexité.<br />
Plus étonnant, si L’esquive a fait débat malgré ses<br />
nombreuses distinctions (prix de d’Education Nationale<br />
en 2004), L’enfant noir a emporté l’adhésion des<br />
jeunes spectateurs malgré le rythme lent <strong>au</strong>quel ils<br />
sont peu habitués.<br />
Au terme de ce parcours annuel enrichissant, nous<br />
nous réjouissons déjà d’emmener avec vous les collégiens<br />
sur de nouve<strong>au</strong>x itinéraires <strong>cinéma</strong>tographiques<br />
l’an prochain…<br />
Dominique Roy,<br />
Présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong><br />
SUPPLÉMENT ENSEIGNANTS<br />
A propos des films …<br />
Princesse Mononoké<br />
Formation avec Xavier Kawa-Topor<br />
PREMIER TRIMESTRE 2006/2007<br />
Au revoir les enfants<br />
Rencontre avec Ida Grinspan et l’AREHSVAL<br />
DEUXIEME TRIMESTRE 2006/2007<br />
L’enfant noir<br />
Rencontre intitulée « Les <strong>cinéma</strong>s d’Afrique :<br />
découverte d’une <strong>cinéma</strong>tographie émergente »<br />
avec Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier<br />
Mon ami Machuca<br />
Rencontre avec Nicolás Lasnibat, réalisateur<br />
chilien<br />
TROISIEME TRIMESTRE 2006/2007<br />
Chantons sous la pluie<br />
Rencontre avec Glenn Myrent, historien du<br />
<strong>cinéma</strong> et spécialiste du <strong>cinéma</strong> américain<br />
L’esquive<br />
Rencontre avec Cyril Jouhanne<strong>au</strong>,<br />
formateur en <strong>cinéma</strong><br />
Pages 2 à 5<br />
Pages 6 à 10<br />
Pages <strong>11</strong> à 15<br />
Pages 16 à 20<br />
Pages 21-22<br />
Pages 23 à 26<br />
PROGRAMMATION 2007/2008 Page 26<br />
Réalisation de films en 2006/2007 : projet<br />
piloté par l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma<br />
<strong>37</strong><br />
Pages 27-28<br />
Édition : Association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong><br />
3 rue Camille Flammarion <strong>37</strong>000 TOURS<br />
Tél. : 02 47 46 06 14/Fax : 02 47 26 02 06<br />
college<strong>au</strong>cinema<strong>37</strong>@free.fr<br />
http://college<strong>au</strong>cinema<strong>37</strong>.free.fr<br />
Directrice de la publication : Dominique Roy<br />
Conception et réalisation : Claire Tupin
PRINCESSE MONONOKÉ<br />
de MIYAZAKI Hayao<br />
Le mercredi 8 novembre 2006, l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a invité M. Xavier Kawa-Topor pour parler du film<br />
Princesse Mononoké programmé <strong>au</strong>x classes 6 ème/5 ème des collèges d’Indre et Loire.<br />
M. Xavier Kawa-Topor a travaillé huit ans <strong>au</strong> forum des images à Paris comme directeur de l’action éducative.<br />
Depuis l’<strong>au</strong>tomne 2005, il est directeur de l’abbaye de Fontevr<strong>au</strong>d où il développe des projets pour “faire de<br />
l’abbaye royale « un jardin des cultures du monde » ” (extrait de l’article de la Nouvelle République du 18 octobre<br />
2006, ndlr).<br />
I – LE DESSIN ANIME JAPONAIS<br />
1/ Définitions du dessin animé et du film d’animation<br />
Dessin animé : une des techniques du film d’animation.<br />
Le dessin animé en France est un art marginalisé par rapport <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong>.<br />
Film d’animation : film réalisé image par image selon différentes techniques (dessin animé, marionnettes, pâte à<br />
modeler…).<br />
La France est un pays pionnier mais les œuvres ne sont connues que d’un public restreint.<br />
2/ Le dessin animé japonais en France<br />
Dans les années 1920-1930, le dessin animé prend une place hégémonique dans l’animation car il permet de travailler<br />
avec be<strong>au</strong>coup de personnes en même temps. Aux Etats-Unis, on imagine de passer à l’ère industrielle pour<br />
le film d’animation avec la création des studios Disney et ceux des frères Fleischer (Betty Boop) et l’invention du<br />
cellulo qui permet la juxtaposition d’un arrière-plan fixe avec avant-plan mobile (personnage).<br />
Après 1945, Disney s’impose avec pour conséquence une forme de « rapt » sur notre vision du dessin animé en<br />
influençant notre vision du <strong>cinéma</strong> pour enfants et en imposant sa vision des contes traditionnels (rapt culturel).<br />
Trois zones géographiques vont résister à Disney :<br />
- URSS<br />
- France (P<strong>au</strong>l Grim<strong>au</strong>lt)<br />
- Japon : une vraie alternative qui va rencontrer be<strong>au</strong>coup de succès<br />
Le Japon développe des formes de production très variées dès les années 1950.<br />
Dans les années 1970, la France achète be<strong>au</strong>coup de dessin animé <strong>au</strong> Japon de quoi remplir les grilles de programme<br />
TV. Il y a un décalage total entre la culture française et japonaise du dessin animé. En France, c’est à la<br />
destination des enfants alors qu’<strong>au</strong> Japon, les dessins animés sont destinés à un plus large public. Les jeunes adultes<br />
français d’<strong>au</strong>jourd’hui ont une connaissance importante du <strong>cinéma</strong> japonais que leurs aînés n’ont pas.<br />
Mais il y a <strong>au</strong>jourd’hui une émergence de créateurs en France et à l’étranger (Pixar, Tim Burton, Nick Park et Peter<br />
Lord) qui concurrencent sérieusement Disney. Il y a peu de critiques capables de parler en toute connaissance de la<br />
création japonaise (une dizaine de critiques en France).<br />
- 2 -
II – MIYAZAKI HAYAO<br />
1/ Les « modèles »<br />
1938 Naissance de TAKAHATA Isao<br />
1941 Naissance de MIYAZAKI Hayao à Tôkyô<br />
1953 La Bergère et le ramoneur de Jacques Prévert et P<strong>au</strong>l Grim<strong>au</strong>lt<br />
Première version désavouée par les <strong>au</strong>teurs et qui donnera Le Roi et l’Oise<strong>au</strong> (1979). Œuvre prépondérante pour<br />
les films de TAKAHATA Isao et MIYAZAKI Hayao. Elle influence de TAKAHATA Isao, traducteur de Jacques Prévert<br />
: quand il voit le film, il se rend compte qu’<strong>au</strong>tre chose est possible dans l’animation que les films de Disney<br />
1956 Fondation du studio Tôei<br />
La fondation Tôei décide de créer un studio : une école de mouvement qui est l’âme de l’animation, le mouvement<br />
est un parti pris esthétique très fort dans cette école. Tôei va devenir le Disney de l’orient.<br />
1957 La Reine des neiges de Lev Atamanov<br />
Ce film est une adaptation d’Andersen qui inspirera MIYAZAKI Hayao et TAKAHATA Isao<br />
1958 Le Sergent Blanc de YABUSHITA Taiji<br />
C’est le démarrage du film d’animation japonais<br />
1963 Début <strong>au</strong> studio Tôei<br />
2/ Tôei, l’école du mouvement<br />
1968 Les aventures de Hols, prince du soleil (Horus, en France)<br />
Réalisateur : TAKAHATA Isao – Dessins : MIYAZAKI Hayao<br />
C’est le film manifeste des studios Tôei. Horus est le premier film réalisé par TAKAHATA Isao avec le style graphique<br />
de MIYAZAKI Hayao.<br />
L’origine de Princesse Mononoké est dans Horus avec des parallèles qui se font instinctivement (le mammouth dans<br />
Horus et le sanglier géant dans Princesse Mononoké).<br />
1969 Le chat botté (animation de MIYAZAKI)<br />
1971 Les Joyeux Pirates de l’Ile <strong>au</strong> Trésor de MIYAZAKI Hayao<br />
Grâce à ce film, il va prendre de l’envergure dans son travail. Il est tout de suite remarqué car c’est un virtuose qui<br />
a un sens inné du graphisme et du mouvement.<br />
En conclusion, MIYAZAKI Hayao apprend à l’école de TAKAHATA Isao, OTSUKA Yasuo et KOTABE Yoichi. Longtemps<br />
dessinateur des films de TAKAHATA Isao, MIYAZAKI Hayao finalise le travail de chercheur de celui-ci.<br />
3/ Vers la mise en scène<br />
1972-1973 Panda-Kopanda<br />
C’est un court métrage réalisé par TAKAHATA Isao et dessiné par MIYAZAKI Hayao. Panda-Kopanda est la matrice<br />
du film d’animation Mon voisin Totoro.<br />
1974 Heidi<br />
Mise en scène de TAKAHATA Isao et dessiné par MIYAZAKI Hayao<br />
1978 Conan, le fils du futur (série de science-fiction)<br />
A cette époque-là, MIYAZAKI Hayao manifeste des volontés de changer de registre. L’après-guerre marque le<br />
<strong>cinéma</strong> de MIYAZAKI Hayao.<br />
- 3 -
1979 Le châte<strong>au</strong> de Cagliostro<br />
MIYAZAKI Hayao réalise son premier long-métrage dont le décor principal est un hommage direct <strong>au</strong> film Le Roi et<br />
l’Oise<strong>au</strong>. C’est une aventure policière inspirée de Lupin III.<br />
4/ Le studio Ghibli (création en 1986)<br />
En 1984, MIYAZAKI Hayao réalise le film, N<strong>au</strong>sicaä de la vallée du vent produit par TAKAHATA Isao. Ce film a un<br />
grand succès commercial et est le point de départ de la création du studio.<br />
Ce studio va permettre à TAKAHATA et MIYAZAKI de produire en toute indépendance grâce <strong>au</strong>x succès populaire<br />
des films réalisés depuis 20 ans.<br />
1986 Laputa, le châte<strong>au</strong> dans le ciel<br />
Film réalisé par TOKUMA Shoten et première production officielle du studio Ghibli.<br />
Le thème est emprunté à Swift et rend hommage <strong>au</strong> film Le Roi et l’Oise<strong>au</strong>.<br />
1988 Mon voisin Totoro par MIYAZAKI Hayao et Le tombe<strong>au</strong> des lucioles par TAKAHATA Isao<br />
1988 est une année importante pour le studio Ghibli<br />
1992 Porco Rosso réalisé par MIYAZAKI Hayao<br />
Ce film exprime la passion de MIYAZAKI Hayao pour les paysages de l’occident et l’aviation (son père dirigeait<br />
une entreprise de construction aéron<strong>au</strong>tique, ndlr).<br />
1994 Pompoko réalisé par TAKAHATA Isao<br />
Ce film d’animation a un thème voisin du film Princesse Mononoké. Il a un grand succès populaire <strong>au</strong> Japon.<br />
- Dire que ce film est une fable écologique serait simplifié les choses.<br />
- L’espace vital des tanukis est mis en danger, ils décident donc de lutter contre la destruction de leur forêt.<br />
A partir de cette époque, les films de TAKAHATA Isao ne seront plus dessinés par MIYAZAKI Hayao.<br />
1997 Princesse Mononoké<br />
MIYAZAKI Hayao dira que le thème abordé dans le film est plus approfondi que dans le film Pompoko.<br />
1999 Nos voisins les Yamadas réalisé par TAKAHATA Isao<br />
2001 Le voyage de Chihiro réalisé par MIYAZAKI Hayao<br />
2003 Le châte<strong>au</strong> ambulant (film assez noir) réalisé par MIYAZAKI Hayao<br />
III – PRINCESSE MONONOKE, FILM CHARNIÈRE<br />
1/ Le film<br />
- Une « période noire » ?<br />
Avec Princesse Mononoké, MIYAZAKI Hayao rentre dans une période noire illustrée dès la séquence d’ouverture du<br />
film (contamination, maléfice apportée par le sanglier).<br />
- Esthétique baroque<br />
A partir de ce film, il y a une esthétique baroque, de rococo. MIYAZAKI Hayao est encombré par l’exubérance de<br />
son imagination. Il s’attaque de façon très forte à la culture imaginaire de son pays.<br />
- Du cellulo <strong>au</strong> numérique<br />
C’est le dernier film de MIYAZAKI Hayao fait sur cellulo à part les effets spéci<strong>au</strong>x faits sur ordinateur. MIYAZAKI<br />
Hayao écrit un film en story-boardant et prend en charge la trajectoire de son film.<br />
- 4 -
2/ Les thèmes abordés<br />
- Les femmes<br />
La femme a une place importante voire prépondérante dans les films de MIYAZAKI Hayao en général et dans<br />
Princesse Mononoké en particulier. Il y a une idéalisation de la femme comme celle de be<strong>au</strong>coup de ses personnages.<br />
MIYAZAKI Hayao est un idéaliste un peu désabusé d’où la noirceur de ses derniers films.<br />
TAKAHATA Isao dit deux choses sur MIYAZAKI Hayao :<br />
¤ Volonté de MIYAZAKI Hayao de « rétablir une forme d’équilibre » : forme de manifeste en faveur de la femme<br />
¤ Différence de la représentation de la femme par TAKAHATA Isao et par MIYAZAKI Hayao.<br />
- La nature<br />
Le rapport de l’homme à la nature est très présent dans le film comme dans be<strong>au</strong>coup de ses films. Cela pourrait<br />
être le combat entre la nature et les hommes.<br />
Le film serait une transposition du Moyen Age d’un déséquilibre actuel qu’il conviendrait de prendre plus en<br />
compte <strong>au</strong>jourd’hui (manifeste écologique).<br />
- L’industrialisation et la guerre<br />
La génération de MIYAZAKI Hayao est marquée par la guerre et l’emploi de l’arme nucléaire. Les premières images<br />
des forges rappellent l’image d’une centrale nucléaire.<br />
3/ La manière<br />
- Le mouvement et l’espace<br />
Le mouvement, présent même dans un plan fixe donne l’impression d’espace (ex : passage d’un insecte, d’un poisson).<br />
C’est un dessin animé très <strong>cinéma</strong>tographique.<br />
- Le naturalisme<br />
C’est la pâte du studio Ghibli. Le film a le souci du détail historique et anthropologique mais le propos du film n’est<br />
pas dans le naturalisme.<br />
- La féerie<br />
- Les motifs<br />
Certains nombres de motifs correspondent à des archétypes très anciens. La forêt est un lieu de l’imaginaire de<br />
l’homme et le Dieu-cerf se trouve dans les mythes de l’occident.<br />
Exemple : Quand le Dieu-cerf marche, il reverdit l’herbe.<br />
Ce qui différencie MIYAZAKI Hayao à TAKAHATA Isao est la recherche d’une réalité japonaise par ce dernier. Les<br />
films de MIYAZAKI Hayao s’adresse plus facilement à l’enfance ce qui expliquerait son succès plus grand que celui<br />
de TAKAHATA Isao.<br />
Pour la musique, MIYAZAKI Hayao travaille depuis plusieurs années avec le même compositeur, HISAISHI Joe.<br />
- Une « épopée de la dernière chance »<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
Dossier pédagogique CNC Princesse Mononoké<br />
Dossier pédagogique CNC Le tombe<strong>au</strong> des lucioles<br />
SITES INTERNET<br />
http://www.buta-connection.net/ : Site francophone consacré <strong>au</strong> studio Ghibli<br />
- 5 -
AU REVOIR LES ENFANTS<br />
de Louis MALLE<br />
Le mercredi <strong>11</strong> octobre 2006, l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a organisé une rencontre avec les <strong>enseignants</strong><br />
des collèges d’Indre et Loire en présence d’Ida Grinspan, ancienne déportée, d’Yvette Ferrand, présidente de<br />
l’Association de Recherches et d’Etudes Historiques sur la Shoah en Val de Loire et d’Alain-André Bernstein, enfant<br />
caché.<br />
Après avoir présenté les intervenants<br />
de cette rencontre, Dominique<br />
Roy, présidente de l’association Collège<br />
<strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>, leur laisse la parole<br />
pour qu’ils donnent leurs impressions<br />
sur le film Au revoir les enfants de<br />
Louis Malle.<br />
Ida Grinspan trouve que c’est<br />
un film émouvant, magnifique et très<br />
réaliste. Dans le petit village des Deux<br />
Sèvres où elle était réfugiée, tous les<br />
habitants savaient qu’elle était juive et<br />
les gens étaient remarquables envers<br />
elle.<br />
Alain-André Bernstein, quant<br />
à lui, a toujours une souffrance sur les<br />
films réalisés sur ce sujet. La fiction est<br />
une souffrance, néanmoins, Au revoir les<br />
enfants est un chef d’œuvre du fait que<br />
ce soit en partie une <strong>au</strong>tobiographie et<br />
en partie une fiction. C’est un merveilleux<br />
combat entre la barbarie et<br />
l’amour, l’amitié.<br />
D’après Yvette Ferrand, ce film<br />
permet d’aborder le sujet de la Shoah<br />
d’une façon qui n’est pas choquante<br />
pour les élèves, contrairement à sa<br />
génération qui a dû subir des images<br />
atroces provoquant des réactions du<br />
genre « C’est horrible, pensons à <strong>au</strong>tre<br />
chose ». Ce film n’est pas tr<strong>au</strong>matisant<br />
dans les images.<br />
I – Récit d’Ida Grinspan<br />
En 1940, Ida avait dix ans et demi et vivait à Paris avec ses parents et son frère. En juin 1940, il y a eu un<br />
exode du nord vers le sud. Ses parents l’ont fait partir dans les Deux Sèvres. Elle s’est réfugiée dans les Deux Sèvres<br />
mais elle n’était pas cachée car ses parents ne savaient pas encore ce qui allait se passer. Ils savaient qu’en<br />
Allemagne, il y avait une persécution des Juifs mais ils ne pensaient pas que cela allait se passer en France malgré<br />
l’invasion des Allemands. En octobre 1940, Ida est scolarisée et en 1941, elle obtient son certificat d’études. Elle<br />
ne subit pas la pression allemande dans son village. En juillet 1942, sa mère est arrêtée lors de la rafle du 16<br />
juillet 1942. Elle pensait que les Allemands ne prendraient que les hommes et que les enfants ne risquaient rien car<br />
ils n’avaient jamais touché les femmes et les enfants avant cette date. Aussi, la mère d’Ida avait demandé à son<br />
père de se cacher pour éviter qu’il soit pris et celui-ci était à l’abri avec le frère d’Ida quand les Allemands sont<br />
venus.<br />
La veille, quand les policiers Français ont appris la rafle, quelques-uns sont partis prévenir les personnes<br />
concernées. Du côté de ses parents, des bruits ont couru mais sa mère ne l’a pas cru. Elle a eu peur pour son mari<br />
et son fils. Tout cela, Ida l’a appris après la guerre.<br />
Cette rafle a été un tournant car Ida a pris conscience du danger qu’elle encourait. Pour la population parisienne,<br />
ce fut également un tournant car elle a assisté à cette rafle et elle va commencer à organiser le s<strong>au</strong>vetage des<br />
familles Juives.<br />
Deux tiers des Juifs Français ont pu être s<strong>au</strong>vés grâce à ces « Justes ».<br />
Ida a continué à mener cette vie dans le village des Deux Sèvres jusque dans la nuit du 30 <strong>au</strong> 31 janvier<br />
1944 où trois gendarmes sont venus la chercher chez sa nourrice (elle avait alors 14 ans et deux mois). Les gen-<br />
- 6 -
darmes ont menacé sa nourrice d’emmener son mari si elle ne leur remettait pas Ida. Elle a été voir Ida en lui expliquant<br />
ce qui se passait et lui a demandé de se préparer à partir. Ida s’est rendue car elle ne voulait pas qu’il<br />
puisse arriver quelque chose <strong>au</strong> mari de sa nourrice. Même le maire adjoint a essayé de convaincre les gendarmes<br />
de ne pas arrêter Ida mais ils étaient trois et ils n’ont pas voulu céder.<br />
Elle a été emmenée dans un dépôt avec 58 personnes venant de Niort et de Poitiers. Deux jours plus tard,<br />
ils ont été escortés jusqu’à Paris et sont arrivés <strong>au</strong> camp de Drancy. A leur arrivée, ils ont été convoqués <strong>au</strong> secrétariat<br />
pour une vérification de papiers. Ida a alors eu un problème car elle n’avait pas l’âge d’avoir une carte<br />
d’identité. C’est à ce moment-là que les prisonniers ont appris leur déportation en Allemagne. Quand le secrétariat<br />
leur a dit qu’ils allaient revoir leurs proches, Ida les a crus. Elle n’a donc pas entamé la nourriture que sa nourrice<br />
lui avait donnée car elle voulait la donner à sa mère, sachant qu’elle n’<strong>au</strong>rait pas mangé à sa faim depuis son<br />
arrestation en 1942.<br />
A Drancy, en 1944, les prisonniers ne savaient absolument pas ce qui les attendait. Ils pensaient qu’ils allaient<br />
partir travailler en Allemagne.<br />
Le 10 février 1944, ils ont changé de dortoir et le <strong>11</strong> février 1944, les gendarmes sont venus les chercher<br />
pour les mettre dans les <strong>au</strong>tobus. Comme be<strong>au</strong>coup de témoignages le précisent, Ida se souvient que le plancher<br />
du bus surchargé touchait presque la route.<br />
Ils ont été amenés à la gare de marchandises de Bobigny et ont été livrés <strong>au</strong>x Allemands qui les ont entassés dans<br />
les wagons. Le voyage a duré trois jours et trois nuits. La nuit, ils ne trouvaient pas de position pour dormir tellement<br />
ils étaient serrés. Ils avaient installé une tinette pour leur hygiène personnelle et <strong>au</strong> bout de deux jours, la<br />
tinette a débordé et le voyage s’est terminé dans une puanteur extrême. Le manque d’e<strong>au</strong> était insupportable. Les<br />
gens étaient pressés d’arriver car pour eux, rien ne pouvait être pire que ce voyage.<br />
Le 13 février 1944, ils sont arrivés <strong>au</strong> camp d’Auschwitz. Il y avait plein de neige. Les Allemands criaient. Des prisonniers<br />
arrivaient et leur demandaient de laisser toutes leurs affaires. Elle s’est alors rendu compte qu’elle ne<br />
pourrait pas donner la nourriture à sa mère.<br />
Il y avait un seul SS et il a appelé les femmes à se rassembler.<br />
A droite, il y avait des camions gris et à g<strong>au</strong>che, il y avait les femmes qui étaient déjà choisies. Le SS a demandé à<br />
ce que les femmes fatiguées se placent dans les camions. Ida décida qu’elle n’était pas fatiguée et se plaça toute<br />
seule avec les femmes déjà choisies. Les femmes <strong>au</strong>torisées à être dans le camp devaient avoir 16 ans et le SS n’a<br />
pas remarqué qu’Ida n’en avait que 14 parce qu’elle était coiffée comme une femme. S’il l’avait su, elle ne serait<br />
pas rentrée dans le camp. Le SS a continué la sélection et les a emmenées <strong>au</strong> camp de Birken<strong>au</strong>.<br />
Ils sont arrivés dans une grande salle où trois SS leur ont ordonné de se déshabiller. Les femmes se sont figées mais<br />
des kapos sont arrivées et ont commencé à les battre : elles se sont alors déshabillées. Des prisonnières leur ont fait<br />
comprendre qu’il fallait laisser leurs vêtements sur place.<br />
Elles se retrouvaient complètement nues devant les Allemands, déconcertées et humiliées, avant de se faire tatouer<br />
un numéro sur le bras.<br />
Elles ont compris qu’ils les déshumanisaient en tondant complètement leur corps.<br />
Ils leur ont donné un paquet de haillons qui n’étaient pas adaptés pour la saison et distribué des ch<strong>au</strong>ssures <strong>au</strong><br />
hasard. Comme les pointures ne convenaient pas, elles se sont échangées entre elles les ch<strong>au</strong>ssures.<br />
En une demi-journée, tout bascule. « Vous arrivez, vous avez un nom, vous êtes un être humain ; après cette déshumanisation,<br />
vous n’êtes plus qu’un numéro ».<br />
Ida a reçu un tissu blanc avec le numéro et l’étoile juive qu’elle a dû coudre sur son haillon.<br />
A l’heure de la soupe, peu de femmes y ont goûté.<br />
- 7 -
Les femmes prisonnières leur ont raconté ce qui se passait dans le camp. « Ici, à Auschwitz, il y a des chambres à<br />
gaz et des fours crématoires et les camions gris ont emmené des personnes dans les chambres à gaz ». Les femmes<br />
qui venaient d’arriver ne les ont pas crues.<br />
Le <strong>11</strong> février 1944, 1 500 personnes ont été déportées dont 271 sont allées à Auschwitz : sur 210 hommes, 18<br />
hommes ont survécu et sur 61 femmes, 24 femmes ont survécu.<br />
II – Intervention d’Yvette Ferrand, présidente de l’AREHSVAL<br />
Dans le convoi d’Ida (<strong>11</strong> février 1944) se trouvaient les derniers raflés de Tours. Ils étaient fichés, recensés à la<br />
préfecture de Tours. Tout s’est déroulé en Indre et Loire comme dans le reste de la France.<br />
Document « Les enfants du lycée Descartes »<br />
A Tours, l’histoire est en train de s’écrire car si vous entrez en contact avec les différents organismes d’anciens<br />
combattants ou de résistants ou de déportés politiques, vous n’entendrez presque pas parler des persécutions en<br />
Indre et Loire.<br />
Pour faire l’intervention devant les <strong>enseignants</strong>, elle a pris le film Au revoir les enfants comme point de départ et a<br />
trouvé ce qui est arrivé <strong>au</strong>x vrais enfants de cette histoire.<br />
Comme ces enfants faisaient partie d’un collège, elle s’est intéressée <strong>au</strong>x enfants du lycée Descartes. Elle a trouvé<br />
ces informations grâce <strong>au</strong>x archives contemporaines de Chambray-lès-Tours et <strong>au</strong>x archives de La Lande avec<br />
l’aide de Simon Ostermann, doctorant de l’université de Tours.<br />
Elle a résumé leurs histoires : pour faire comprendre la shoah <strong>au</strong>x élèves, l’histoire locale est fondamentale. C’est<br />
une façon de faire comprendre comment on en est arrivé à construire et à faire marcher des usines de destruction<br />
d’êtres humains : il fallait d’abord repérer les gens, les ficher, les arrêter puis les acheminer vers ces usines de destruction.<br />
Un exemple de ce fichage :<br />
Jusqu’en 1942, à Tours, l’Inspecteur d’académie est M. Vivier qui deviendra préfet à la libération et c’est lui qui<br />
fait remplir <strong>au</strong>x <strong>enseignants</strong> d’Indre et Loire les fiches de renseignement et d’identification pour connaître leur ascendance<br />
juive éventuelle.<br />
L’AREHSVAL, qui a son local <strong>au</strong> 3 rue Camille Flammarion (<strong>au</strong> dessus de Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>) est à la disposition<br />
des <strong>enseignants</strong> pour les recevoir et préparer une intervention dans leur collège.<br />
III – Récit d’Alain-André Bernstein<br />
Alain-André Bernstein remercie Yvette Ferrand de dire cela. Cela va surtout démontrer comment il est devenu<br />
radical <strong>au</strong> long de sa vie. Il y a une différence entre les notables et les gens ordinaires (qui ont s<strong>au</strong>vé des<br />
Juifs) dits « les Justes ». Ida a rappelé quelque chose d’important. En France, il y avait 300 000 Juifs et il n’en a<br />
été tué que 70 000. La France est le pays qui a s<strong>au</strong>vé le plus grand nombre de Juifs mais c’est également le seul<br />
pays qui a livré des enfants que les nazis n’avaient pas demandé.<br />
Son père, Léon Bernstein, est pilote de l’armée française pendant la guerre 1914-1918 et kinésithérapeute<br />
de l’équipe olympique. En 1936, lors de la rafle du <strong>11</strong>ème arrondissement de Paris, il se fait arrêter par un<br />
policier qui l’emmène à Drancy. C’est l’ouverture de ce camp. Rien n’est prêt pour accueillir humainement les internés.<br />
Il fait partie des toutes premières rafles (20 août 1941).<br />
Léon et Charlotte Breton à qui sa mère l’a confié dès la débâcle de 1940 sont des gens ordinaires.<br />
Il y a eu un « miracle » entre sa mère et Charlotte Breton (Alain-André Bernstein l’appelle Maman Charlotte,<br />
ndlr). Sa mère a vécu l’enfer en allant d’Orchaise à Tours car Alain-André Bernstein était encore un bébé et il<br />
était mourant. Grâce à Charlotte Breton, Alain-André Bernstein se remet et sa mère rejoint son mari à Paris.<br />
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Alain-André Bernstein lit avec be<strong>au</strong>coup d’émotion un extrait de la lettre du 19 juillet 1942 : sa mère est<br />
cachée chez la sœur de maman Charlotte et elle supplie maman Charlotte de prendre soin de son fils même si elle<br />
sait que maman Charlotte n’a pas be<strong>au</strong>coup de moyens.<br />
Maman Charlotte lui répond dans une lettre du 24 juillet 1942 qu’il ne f<strong>au</strong>t pas qu’elle s’inquiète, qu’elle<br />
continuera à s’occuper de son fils.<br />
Il tient à ajouter quelque chose qui lui tient à cœur et qui peut choquer : il y a des gens simples et courageux<br />
qui ont s<strong>au</strong>vé tant de Juifs (résistance civile) mais il y a <strong>au</strong>ssi des notables. François Mitterrand, lors d’une<br />
interview, a raconté que lorsqu’il était à Vichy en 1942, il ne savait pas ce qui se passait. Alain-André Bernstein<br />
trouve cela inacceptable.<br />
Ses parents ont été cachés à Marseille de juillet 1942 jusqu’en 1944 où ils ont été de nouve<strong>au</strong> pourchassés jusqu’à<br />
Orchaise et cachés par M. Breton, maire du village.<br />
En juillet 1944, suite à l’opération Ermite, il y a eu ratissage des fermes par les nazis et des perquisitions.<br />
Alain-André Bernstein a été baptisé par l’église catholique en 1942 mais c’est un juif totalement athée.<br />
Alain-André Bernstein va remettre à la fondation pour la mémoire de la SHOAH toute la correspondance<br />
qu’il y a eu entre sa mère et maman Charlotte.<br />
IV – Discussion entre les intervenants et les <strong>enseignants</strong><br />
Dominique Roy commence par demander <strong>au</strong>x intervenants ce qu’il f<strong>au</strong>t répondre <strong>au</strong>x élèves qui vont vouloir<br />
savoir ce que signifie « juif », cette question faisant référence <strong>au</strong> film Au revoir les enfants lorsque Julien demande<br />
à son frère « C’est quoi, les juifs ? »<br />
Ida propose des éléments de réponse. Le peuple juif est un très vieux peuple. Elle a su toute petite parler<br />
le yiddish. Elle a été élevée d’une façon laïque, elle connaissait juste le langage et fêtait le kippour. Son père<br />
allait à la synagogue. Etre juif, c’est se référer à l’histoire des Juifs, à leur culture, à leurs traditions (cuisine, musique…),<br />
à leur peuple.<br />
Quand à Alain-André Bernstein, son père comprenait le yiddish mais ne le parlait pas. En remerciement<br />
pour ce que maman Charlotte avait fait pendant la guerre, les deux mamans d’Alain-André Bernstein sont parties<br />
ensemble à Lourdes. Il ne peut pas s’appeler <strong>au</strong>trement que Bernstein et ne peut pas nier qu’il est juif.<br />
Cependant, Yvette Ferrand rappelle que la transmission est une valeur essentielle de la culture juive ; elle<br />
s’est toujours faite par l’apprentissage du lire, écrire et compter dans toutes les familles, même les plus p<strong>au</strong>vres.<br />
Alain-André Bernstein est un produit de la république française mais il n’est surtout pas commun<strong>au</strong>tariste.<br />
Yvette Ferrand a souvent entendu des gens se demander pourquoi elle faisait ces recherches puisqu’elle<br />
n’était pas juive. Elle ne l’est pas mais c’est une histoire qui concerne tout le monde. Elle passe une grande partie<br />
de son temps à transmettre cette histoire. Née en 1949 à Angers dans le Maine et Loire, elle a été élevée avec<br />
l’histoire officielle (tous résistants, tous héros) et cependant elle a appris lors de son cinquantième anniversaire<br />
qu’un convoi entier de Juifs était parti d’Angers directement vers Auschwitz sans passer par le camp de Drancy.<br />
Elle n’arrive pas à oublier cela et elle en veut à ses éducateurs de ne pas lui en avoir parlé.<br />
Ida Grinspan lui dit qu’elle n’est pas juive mais qu’elle mérite de l’être !!<br />
Jacques Van Smevoorde, enseignant <strong>au</strong> collège Lucie Aubrac de Luynes, dit que la dénonciation par les<br />
<strong>enseignants</strong> devrait être interdite, il fait allusion <strong>au</strong> sort actuel de certains enfants de parents sans papiers. Il fait<br />
également allusion <strong>au</strong>x évènements récents de Russie où il semble que s’élabore une chasse <strong>au</strong>x enfants scolarisés<br />
géorgiens. Ida confirme et trouve le procédé terrible, voire épouvantable. Concernant la dénonciation, Ida a vécu<br />
la même chose en 1943. Une lettre de l’Inspection académique a été envoyée à son institutrice lui demandant ce<br />
qu’était devenu Ida. L’institutrice a tout de suite compris ce que cela voulait dire et a répondu qu’elle ne savait pas.<br />
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Son institutrice a également demandé à sa nourrice de mettre Ida à l’internat, ce qu’elle a refusé. Ida a été dénoncée<br />
par un enseignant.<br />
Jacques Van Smevoorde demande si nous devons tout raconter à de jeunes enfants.<br />
Ida n’intervient que devant les classes de troisième et ne présente pas son livre J’ai pas pleuré à de jeunes enfants.<br />
Alain-André Bernstein réagit en disant que c’est inacceptable (qu’un enseignant dénonce des élèves). D’après lui,<br />
un élu ne peut pas faire cela non plus. Pour lui, la volonté de dire « non » s’apprend. Il n’<strong>au</strong>rait pas été capable<br />
de le dire quand il avait 20 ans mais il a 40 ans d’apprentissage. Il ne parle pas seulement de l’éducation qui<br />
n’est pas suffisante mais de la différence entre la légalité et la légitimité. Ce qu’a fait le maréchal Pétain était<br />
légal mais pas légitime. Les résistants civils ont su dire « non » sans pour <strong>au</strong>tant avoir une lettre officielle.<br />
Dominique Roy rappelle que lors du prévisionnement du film le mercredi 27 septembre 2006, Alain-André<br />
Bernstein voulait parler de la culpabilité en général et de la culpabilité de Louis Malle qui n’a pu s’empêcher de<br />
regarder son ami juif et qui l’a ainsi désigné <strong>au</strong>x Allemands.<br />
Pour Ida, si Louis Malle se sent coupable, cela a dû être dur à porter. Alain-André Bernstein dit que l’enfant n’est<br />
pas coupable, ce geste était instinctif, c’est l’officier allemand qui est allé le chercher qui est coupable. Ida ajoute<br />
que c’est un geste de peur.<br />
Personnellement, Alain-André Bernstein se sentirait coupable de ne pas faire ce travail de mémoire. Sa mère se<br />
sentait coupable et elle le lui a avoué quelques semaines seulement avant sa mort ; pour Alain-André Bernstein, sa<br />
mère n’avait <strong>au</strong>cune raison de se sentir coupable.<br />
Yvette Ferrand cite une phrase prononcée par un Juif : « Ils ne nous pardonneront pas le mal qu’ils nous ont fait »<br />
(citation du film Santa Fe d’Axel Corti, ndlr). Par rapport à l’histoire et à la mémoire, Yvette Ferrand pense que les<br />
jeunes sont bien éduqués. Ceux qui votent n’importe quoi sont de sa génération. Elle voudrait trouver un moyen de<br />
parler à ces gens car la période de la Shoah est occultée. Elle est allée <strong>au</strong>x journées du patrimoine qui proposaient<br />
un circuit concernant la seconde guerre mondiale à Tours et personne n’a parlé de la persécution des Juifs<br />
en Indre et Loire.<br />
Brigitte Mono demande si les professeurs peuvent se servir des documents distribués lors de cette rencontre.<br />
Yvette Ferrand lui répond que les documents ne lui appartiennent pas en propre, donc chacun peut s’en<br />
servir. L’association AREHSVAL a demandé <strong>au</strong> lycée Balzac de mettre une plaque commémorative pour les enfants<br />
juifs déportés qui étaient scolarisés <strong>au</strong> lycée et les représentants du lycée Balzac, réunis en conseil d’administration,<br />
lui ont renvoyés une réponse négative. Elle vient de faire parvenir la même demande <strong>au</strong> lycée Descartes qui va<br />
bientôt commémorer son bicentenaire et attend une réponse.<br />
En guise de conclusion, Ida Grinspan déclare que si Alain-André Bernstein est un enfant caché, elle se<br />
considère comme une enfant mal cachée.<br />
Bibliographie :<br />
Au Revoir les Enfants de Louis Malle – Folio<br />
J’ai pas pleuré de Bertrand Poirot-Delpech – Laffont (livre d’Ida Grinspan)<br />
Tu vivras mon fils de Sophie Markiewicz et Alain-André Bernstein – L’harmattan<br />
Dossier pédagogique Au Revoir les Enfants disponible <strong>au</strong> bure<strong>au</strong> de l’association<br />
NDLR : Les déclarations des intervenants sont sous leur propre responsabilité.<br />
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Rencontre : « Les <strong>cinéma</strong>s d’Afrique : découverte<br />
d’une <strong>cinéma</strong>tographie émergente »<br />
Le mercredi 17 janvier 2007, l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> organisait une rencontre intitulée « les <strong>cinéma</strong>s<br />
d’Afrique : découverte d’une <strong>cinéma</strong>tographie émergente » <strong>au</strong> collège Michelet. Était invité à intervenir Jean-Cl<strong>au</strong>de<br />
Rullier, chargé de cours sur les <strong>cinéma</strong>s d’Afrique à l’université de Poitiers <strong>au</strong> département « Arts du spectacle » et<br />
responsable du Pôle régional d’éducation à l’image de la Région Poitou-Charentes.<br />
Après avoir accueilli Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier, Dominique Roy, présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>, présente<br />
les membres du Rése<strong>au</strong> Afrique <strong>37</strong> ainsi que des collégiens de quatrième du club <strong>cinéma</strong> du collège Michelet<br />
venus suivre la rencontre.<br />
En introduction, Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier tient à préciser qu'il ne considère pas L’enfant noir comme un film africain et<br />
que L<strong>au</strong>rent Chevallier, même s’il parle bien de l’Afrique, est d’abord un réalisateur français.<br />
Selon Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier, les cinéastes africains sont des cinéastes à part entière, reconnus <strong>au</strong> même titre que tout<br />
<strong>au</strong>tre cinéaste étranger tout en restant très attachés à leurs origines. Comment concilier les deux ? Qu’est-ce que<br />
faire du <strong>cinéma</strong>, comme on le pratique internationalement, tout en étant attaché à l’identité et à la culture africaine<br />
? Autrement dit : y a-t-il une manière particulière de faire des films en Afrique ? Y a-t-il une spécificité dans<br />
l'écriture du <strong>cinéma</strong> qui vient d'Afrique ?<br />
Il convient de parler des <strong>cinéma</strong>s d'Afrique (et non du <strong>cinéma</strong>) car l’Afrique est un continent avec une diversité de<br />
langues et de cultures : un <strong>cinéma</strong> africain parle arabe (Afrique du nord et Égypte) ; un <strong>au</strong>tre parle français (Afrique<br />
occidentale où le français y est la langue officielle) ; un <strong>au</strong>tre encore parle anglais (Afrique du sud) ; un dernier<br />
enfin parle portugais (Angola, Guinée Biss<strong>au</strong>). Toutes ces langues, cultures, économies et histoires différentes<br />
donnent <strong>au</strong>tant de manières différentes de faire du <strong>cinéma</strong>.<br />
Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier va surtout s’intéresser <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong> d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina<br />
Faso) très aidé financièrement par la France.<br />
Avant les années 1960, les films étaient réalisés par les colonisateurs qui faisaient du <strong>cinéma</strong> colonial, ethnographique,<br />
documentaire.<br />
Après les années 1960, les Africains ont utilisé le <strong>cinéma</strong> comme un outil d’émancipation, de reconquête de leur<br />
identité.<br />
En 45 ans, les Africains ont rattrapé le temps perdu : Le <strong>cinéma</strong> africain peut désormais rivaliser techniquement<br />
avec le <strong>cinéma</strong> du reste du monde, mais les moyens n'existent toujours pas.<br />
Le premier film réellement africain s’appelle Borom Saret ("Le bonhomme charrette") de Sembene OUSMANE<br />
(1963, Sénégal, 19 minutes). C'est le film fondateur du <strong>cinéma</strong> de l'Afrique de l'Ouest.<br />
Les historiens du <strong>cinéma</strong> africains ont coutume de distinguer plusieurs générations dans les <strong>cinéma</strong>tographies africaines<br />
depuis les années 60. Ces « strates » chronologiques ne doivent pas être rigides, mais permettent de constater<br />
de grandes orientations.<br />
1ère génération : Les cinéastes militants (années 1960-1970)<br />
C'est la génération du <strong>cinéma</strong> engagé de l’Indépendance. C'est un <strong>cinéma</strong> militant appelé "<strong>cinéma</strong> des pancartes"<br />
qui est fait pour faire réfléchir, dénoncer et affirmer une identité bafouée.<br />
Le fondateur de cette génération est le réalisateur Sembene OUSMANE, sénégalais, qui a réalisé une vingtaine de<br />
films dont Mooladé, son dernier film de 2005, dans lequel il condamne l’excision. Il a commencé en tant qu’écrivain<br />
(Le docker noir, Les bouts de bois de Dieu), militant syndicaliste engagé ; il devient réalisateur en adaptant ses livres<br />
à l’écran, constatant que le <strong>cinéma</strong> pouvait toucher encore plus que le livre.<br />
Un <strong>au</strong>tre réalisateur important de cette génération, qui a commencé à tourner à la fin des années 70, est Souleymane<br />
CISSÉ, malien, qui a réalisé cinq films : Den Muso (1975), Baara (1978), Finye (1982) « Le vent », Yeelen<br />
(1987) « La lumière » et Waati (1994) « Le temps ». Son <strong>cinéma</strong> est différent de celui de SEMBENE car il est plus<br />
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poétique et plus sensible.<br />
Dans cette génération, il y a des cinéastes à part comme Djibril Diop MAMBETY, sénégalais, qui s’est d’abord soucié<br />
de la forme, très poétique. Son film clé est Touki-Bouki (Le voyage de l’hyène) en1970.<br />
2 ème génération : années 1980 : un <strong>cinéma</strong> plus enraciné dans les cultures africaines<br />
Les réalisateurs africains de cette génération ne pouvaient pas continuer à s’en prendre <strong>au</strong> colonialisme pour expliquer<br />
les difficultés de l’Afrique. Ils se sont demandés comment ils pouvaient aborder les difficultés de l’Afrique<br />
avec leur regard et leur culture d’Africains, en puisant des sujets dans l'histoire de leur continent. Souleymane CISSÉ<br />
a amorcé largement ce ressourcement des cinéastes africains dans leurs propres civilisations.<br />
L’ancienne H<strong>au</strong>te-Volta, rebaptisée par le président Thomas Sankara « patrie des hommes intègres » (Burkina<br />
Faso) a ainsi « misé » sur le <strong>cinéma</strong> comme levier de prise de conscience de son identité. Le Burkina a investi dans<br />
le <strong>cinéma</strong> et Ouagadougou est devenue une des capitales incontournables du <strong>cinéma</strong> africain. Le festival du film<br />
de Ouagadougou (tous les deux ans) s’y est installé, le système français de la TSA (une partie du prix de la place<br />
de <strong>cinéma</strong> revient <strong>au</strong>x réalisateurs pour qu’ils puissent réaliser d’<strong>au</strong>tres films - le principe de l'avance sur recettes)<br />
a été inst<strong>au</strong>ré, une école de <strong>cinéma</strong> (l’INAFEC) a été créée.<br />
Réalisateurs burkinabès :<br />
- Idrissa Ouedraogo, réalisateur de la « trilogie du village » (Yam daabo, Yaaba et Tilaï, prix du jury <strong>au</strong> festival<br />
de Cannes).<br />
- Gaston Kabore (Wend Kûuni)<br />
Certains critiques ont pu parler <strong>au</strong> sujet de ces films de « <strong>cinéma</strong> calebasse ». Mais d’<strong>au</strong>tres cinéastes burkinabès<br />
se sont tournés délibérément vers des sujets urbains comme Pierre Yaméogo (Laafi, Delwende)<br />
- Régina Fanta Nacro, réalisatrice de nombreux courts et moyens métrages et, récemment de La nuit de la vérité<br />
3ème génération : les années 1990<br />
Dans les années 1990, le <strong>cinéma</strong> africain est reconnu internationalement et plusieurs films concourent dans les festivals<br />
(ainsi Tilaï de Ouedraogo ou Hyènes de Djibril Diop Mambéty). Alors que ces films sont reconnus dans plusieurs<br />
pays, ils ne sont presque jamais montrés en Afrique. Ce <strong>cinéma</strong> devient alors un <strong>cinéma</strong> pour Blancs et, selon certains,<br />
fait pour plaire <strong>au</strong>x Blancs car il est be<strong>au</strong>coup financé par le Nord. Cet état s'explique par le fait qu'il n’y a<br />
pas ou peu de rése<strong>au</strong>x de production et de distribution, peu d'écoles de <strong>cinéma</strong>. Toute la filière <strong>cinéma</strong> ne s’est<br />
pas installée sur le continent ce qui conduit, de fait, à une soumission <strong>au</strong>x guichets européens avec un statut d’obligé.<br />
La carence originaire des <strong>cinéma</strong>s d’Afrique est l’impossibilité de produire et de distribuer un film en Afrique.<br />
De nombreux cinéastes africains sont ainsi exilés en Europe.<br />
4ème génération : les années 2000<br />
De jeunes cinéastes africains ont créé la Guilde africaine des réalisateurs et des producteurs. Ils continuent de faire<br />
des films sur l'Afrique en Afrique, avec l’argent des pays du Nord, mais avec leur propre regard. Ils aiment affirmer<br />
que leur patrie est avant tout celle du <strong>cinéma</strong>. Ils deviennent producteurs de leurs films et de ceux de leurs<br />
collègues africains. Par exemple le film Daratt de Mahamat Saleh HAROUN (2006) est co-produit par un <strong>au</strong>tre<br />
cinéaste africain, Abderhamane Sissako et la plupart des techniciens du film sont africains.<br />
Le documentaire s’est be<strong>au</strong>coup affirmé be<strong>au</strong>coup depuis plusieurs années (Jean-Marie Téno, Moussa Touré, Félix<br />
samba N’Diaye).<br />
Combien coûte un film ?<br />
On arrive à tourner un film en Afrique avec 500 000 euros (en France, un film à petit budget se tourne entre<br />
1 000 000 et 1 500 000 euros. En Afrique, une dizaine de films sont réalisés par an, ce qui représente un quart<br />
de la production française.<br />
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Un producteur sénégalais a pu dire : « Chaque film africain est un accident ».<br />
Les films africains ne passent pas (ou peu) à la télévision : <strong>au</strong> Burkina Faso la chaîne nationale peut recevoir gratuitement<br />
les programmes de France Télévisions. Comment lutter ? Le festival du <strong>cinéma</strong> à Ouagadougou <strong>au</strong> Burkina<br />
Faso est le seul moment où les Burkinabè peuvent voir leurs films.<br />
Financement des <strong>cinéma</strong>s africains<br />
Au Burkina Faso, comme dans les <strong>au</strong>tres pays très p<strong>au</strong>vres, le <strong>cinéma</strong> n’est pas prioritaire par rapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres<br />
besoins du pays.<br />
Certains réalisateurs aimeraient que les différents pays d’Afrique se regroupent pour le financement des films <strong>au</strong><br />
lieu de faire appel <strong>au</strong>x pays du Nord. Certaines productions ont d’ailleurs choisi cette solution.<br />
Recomposition d’une filière africaine du <strong>cinéma</strong><br />
Les films populaires (home-movies, sitcoms pour télévision) mobilisent le public africain mais ces films sont conçus<br />
pour une consommation interne.<br />
De nombreux films de série B sont ainsi produits mais les réalisateurs se demandent s’ils font réellement du <strong>cinéma</strong>.<br />
Accueil des films africains par les critiques des pays étrangers (notamment français)<br />
Les critiques admirent les <strong>cinéma</strong>s africains pour leur capacité à dépayser le spectateur (un <strong>cinéma</strong> carte postale).<br />
Ou alors ils sont jugés sur leur capacité de parler des problèmes de leur continent, ce qui va risque<br />
d’instrumentaliser le <strong>cinéma</strong> tout en lui donnant, malgré tout, une grande vitrine (Amnesty International a largement<br />
contribué <strong>au</strong> succès de Molaadé de Sembene et ATTAC à celui de Bamako de Abderhamane Sissako).<br />
Quand évaluera-t-on la réussite d’un film africain à ses seules qualités artistiques ?<br />
Premier extrait de film : prégénérique de Xala de Sembene OUSMANE (1974)<br />
Synopsis de Xala<br />
Dans une toute jeune république africaine, les notables et les riches négociants s'emparent de la Chambre de<br />
Commerce, encore tenue par les "Blancs", pour rompre les derniers liens avec le colonialisme. El Hadji a participé<br />
<strong>au</strong> "coup de force" et s'est ainsi assuré "une place <strong>au</strong> soleil" <strong>au</strong> sein du conseil économique en même temps qu'il<br />
asseyait davantage son entreprise d'import-export. Fort de ces succès et conformément <strong>au</strong>x coutumes ancestrales<br />
de son pays, il n'hésite pas, malgré son âge, à prendre une troisième épouse. Adja, la première en date, d'un naturel<br />
réservé, ne tient pas à commenter l'événement. Oumi, épousée en secondes noces, plus jeune et plus combative,<br />
voit d'un très m<strong>au</strong>vais oeil cette rivale s'introduire dans sa vie. Ngone se prépare <strong>au</strong> mariage en recevant les<br />
sages conseils de sa mère et de ses tantes. Tous les amis, la nombreuse famille et les relations sont de la fête. On<br />
boit, on mange, on chante et l'on danse. Alors que toute la ville ne tarit pas d'éloges sur son compte, El Hadji se<br />
désespère. Malgré les gris-gris, les incantations et les multiples thérapeutiques de ses fidèles compagnons, il n'a pu<br />
honorer sa jeune femme. Bientôt la rumeur publique ne parle plus que de "l'affaire". El Hadji a le "Xala", le m<strong>au</strong>vais<br />
oeil. Il a reçu un sort qui peu à peu le ronge et fait des ravages: l'entreprise périclite, les relations et les appuis<br />
s'évanouissent, les banques refusent de prêter, les acheteurs se font rares, enfin, <strong>au</strong> sein même de la famille,<br />
on le méprise ouvertement. Ce n'est qu'après avoir longuement réfléchi qu'El Hadji comprend ses erreurs. Il renonce<br />
<strong>au</strong> pouvoir, à l'argent et accepte de s'humilier, de se faire "exorciser" par les p<strong>au</strong>vres, ceux qu'il a toujours aveuglément<br />
exploités.<br />
Copyright, 1995 CMC/Les Fiches du Cinéma<br />
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Ce film est emblématique du <strong>cinéma</strong> politique, militant.<br />
Ce <strong>cinéma</strong> dialectique et engagé nous montre l’échec<br />
des Indépendances. Ce film est une métaphore de<br />
l’impuissance des gens <strong>au</strong> pouvoir <strong>au</strong> Sénégal dans les<br />
années 1970 et il nous explique en dix minutes (celles<br />
du prologue) de quelle façon ils en sont arrivés à cette<br />
situation : les Blancs reprennent le pouvoir par derrière,<br />
avec l’argent et le contrôle de l'armée. Le peuple est,<br />
visuellement, mis à l’écart par la bourgeoisie commerçante.<br />
C’est un <strong>cinéma</strong> peu inventif formellement mais<br />
efficace.<br />
Deuxième extrait de film : Waati de Souleymane CISSÉ (1994)<br />
Souleymane CISSÉ a étudié le <strong>cinéma</strong> <strong>au</strong> VGIK (Institut d’État fédéral de la <strong>cinéma</strong>tographie) à Moscou. Les sujets<br />
traités par CISSÉ sont puisés dans les réalités économiques et sociales de son pays (par exemple LE VENT). CISSÉ<br />
est très sensible à la culture bambara.<br />
WAATI traite de l’émancipation des jeunes Africains sous la forme d’un road-movie épique entre l’Afrique du Sud<br />
et la Côte d’Ivoire.<br />
Synopsis de Waati<br />
Waati (le temps) est le récit dramatique de la vie de Nandi, de son enfance à l’âge adulte. Le parcours historique<br />
et personnel d’une jeune africaine noire à la découverte de son continent, un itinéraire de maturation guidé à la<br />
recherche d’elle-même, de la liberté. Nandi n’était qu’une enfant lorsqu’en Afrique du Sud triomphait le régime de<br />
l’apartheid. La réalité sud-africaine lui a fait connaître prématurément les sentiments les plus atroces, la haine, la<br />
peur, la douleur de la mort. D’un geste de désespoir, Nandi tire sur le policier sud-africain qui a tué devant elle,<br />
de façon barbare, son père et son petit frère. Pour Nandi commence alors une fuite désespérée vers la liberté et<br />
le salut qui l’amènera à traverser le continent jusqu’à la Côte d’Ivoire. Adoptée par une famille aisée, Nandi a la<br />
possibilité d’étudier l’histoire de la lutte et de l’indépendance des états africains <strong>au</strong>tonomes, l’Afrique des noirs, et<br />
de s’initier à la connaissance des rites et des traditions des anciennes civilisations. Après avoir pris conscience de<br />
son appartenance à l’histoire d’un continent, d’un peuple, Nandi veut s’engager personnellement et porte secours<br />
dans le désert à un camp de Touaregs menacés par la sécheresse, où elle adopte une petite fille restée orpheline.<br />
Mais le retour final de Nandi dans la nouvelle Afrique du Sud, l’accomplissement cyclique de son voyage<br />
d’initiation, s’interrompt à l’aéroport où on l’empêche d’entrer dans son propre pays.<br />
Source : http://www.africultures.com/revue_africultures/articles/ecrans_afrique/13_14/13_36.<strong>pdf</strong><br />
D’après Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier, dans le <strong>cinéma</strong> de CISSÉ, les personnages<br />
ont des liens importants avec la nature, leur environnement<br />
et la force des éléments. Le corps africain est inscrit dans la nature.<br />
Un travail énorme sur le <strong>cinéma</strong> est fait, qui est différent de celui<br />
de Sembene OUSMANE. Il y a une définition des personnages<br />
dans leur environnement. CISSÉ arrive à mettre de la magie dans<br />
son film en donnant un pouvoir surnaturel à Nandi (plans sur son<br />
œil et sur celui du cheval). L’extrait de Waati est une séquence<br />
fondatrice dans le parcours de Nandi dans le film : après une forte<br />
altercation avec le propriétaire de la ferme où il travaille, le père<br />
de Nandi se rend sur une plage. Il est accompagné de Nandi et de<br />
son jeune fils. Cerné par un policier à cheval, le groupe doit rebrousser<br />
chemin : la plage est réservée <strong>au</strong>x Blancs. La caméra<br />
tourne <strong>au</strong>tour de Nandi, son père et son frère comme le racisme<br />
qui les entoure. Les plans de la nature s’intercalent dans la narration<br />
: elle devient un véritable protagoniste.<br />
Les spécificités africaines apparaissent dans l’oralité, élément fondateur de la culture africaine, la connivence entre<br />
le corps humain et l’environnement et dans les métaphores visuelles.<br />
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Troisième extrait de film : Hyènes de Djibril Diop MAMBÉTY (1992)<br />
Djibril Diop MAMBÉTY a réalisé quatre courts métrages dont Le franc (1994) et La petite vendeuse de soleil (1998)<br />
qui forment le triptyque inachevé « Histoire de petits gens ». Hyènes marque l’aboutissement du travail formel de<br />
MAMBÉTY. Ce film est adapté de la pièce de théâtre du dramaturge suisse Friedrich Dürrenmatt, La visite de la<br />
vieille dame. MAMBÉTY en a fait une histoire pleinement africaine. Hyènes a fait parti de la sélection officielle du<br />
festival de Cannes 1992.<br />
Synopsis de Hyènes<br />
Les jours s'écoulent mollement à Colobane, petite ville du Sahel écrasée de soleil, qui connût jadis son heure de<br />
gloire. Un matin, pourtant, un incroyable événement bouleverse l'apathie quasi générale. Linguère Ramatou, qui a<br />
quitté le pays trente ans <strong>au</strong>paravant, revient, fortune faite. Et quelle fortune, puisque la vieille dame est milliardaire!<br />
Draman Drameh, l'épicier-cafetier-buraliste de Colobane, retrouve alors son ancienne maîtresse. Au cours<br />
d'un grand banquet, Linguère Ramatou annonce qu'elle va offrir un don substantiel à sa ville natale... Cent milliards!<br />
Mais la milliardaire impose ses conditions, que Gaana, son serviteur, ancien juge du tribunal de Colobane,<br />
expose. Il y a bien longtemps, alors que Linguère était enceinte de Draman Drameh, celui-ci paya deux f<strong>au</strong>x témoins<br />
qui affirmèrent avoir couché avec la jeune femme. Aujourd'hui, Linguère réclame la mort de Draman, pour<br />
que justice soit faite. La première réaction des habitants de Colobane est de soutenir Draman Drameh. Mais Linguère<br />
Ramatou couvre la population de fêtes, cade<strong>au</strong>x, réfrigérateurs, et <strong>au</strong>tres témoins de la modernité. Draman<br />
Drameh est maintenant l'objet de la vindicte, et sa longue discussion avec Linguère n'empêchera pas sa perte...<br />
Copyright, 1995 CMC/Les Fiches du Cinéma<br />
Le passage visionné est celui de la mise à mort de Draman Drameh.<br />
Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier suggère que le personnage de Linguère Ramatou<br />
incarne la tante d’Amérique : elle apporte la richesse en<br />
échange de la mort. Elle représente la banque mondiale qui apporte<br />
l’argent mais qui freine tout développement local. Djibril<br />
Diop MAMBÉTY a commencé par mettre en scène des pièces de<br />
théâtre ce qui explique la théâtralité de la mise en scène : les costumes<br />
et les perruques font référence <strong>au</strong> théâtre et la mise en scène<br />
très hiératique évoque une tragédie grecque. Après la scène où<br />
Draman Drameh est « aspiré » par la terre et la commun<strong>au</strong>té de<br />
Colobane, un bulldozer fait irruption sur la terre rouge pour laisser<br />
apparaître la ville. Tout d’un coup, la société archaïque laisse place<br />
à la société moderne. Cependant, le film se termine par l’image<br />
d’un baobab et d’un troupe<strong>au</strong> d’éléphants en mouvement sur la<br />
musique ample de Wasis Diop.<br />
Quatrième extrait de film : Chef ! de Jean-Marie TENO (1992)<br />
Cinéaste camerounais, Jean-Marie TENO vit en France. Il produit ses films, et ceux de ses compatriotes, avec Les<br />
films du Raphia, sa société de production. Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier apprécie également un <strong>au</strong>tre film de TENO : Afrique,<br />
je te plumerai de 1991.<br />
Synopsis de Chef !<br />
Le réalisateur jette un regard sans concession sur la société camerounaise, qui se déclare démocratique mais utilise<br />
des méthodes dictatoriales. C'est ce que Jean-Marie Teno appelle la démocrature. A travers le lynchage de petits<br />
voleurs par les habitants d'un village, l'exploitation des femmes ou la liberté de la presse bafouée, Teno nous montre<br />
une société hiérarchisée et inégalitaire.<br />
Jean-Cl<strong>au</strong>de Rullier souligne que Jean-Marie TENO fait du <strong>cinéma</strong> très<br />
engagé à travers un <strong>cinéma</strong> du réel : utilisation d'images d’archives qu'il<br />
confronte <strong>au</strong>x images du présent.<br />
Le film Chef ! montre que les petits voleurs sont moins respectés que les<br />
grands et plus punis qu'eux. Il décrit des évènements réels du Cameroun<br />
d’<strong>au</strong>jourd’hui d'une manière c<strong>au</strong>stique.<br />
L'extrait présenté est une scène de justice populaire à l'encontre d’un<br />
jeune voleur de poules. Le réalisateur n'hésite pas à intervenir quand la<br />
situation dégénère.<br />
L’extrait est construit comme un micro-récit en trois temps : une exposition,<br />
l’enjeu de vie et de mort, et l’intervention du chef de village.<br />
La parole est laissée <strong>au</strong> hors-champ après que le réalisateur a pénétré à<br />
l’intérieur du cercle des villageois.<br />
Il s’agit pleinement d’un documentaire de création : il y a une mise en<br />
scène du réel.<br />
- 15 -
AUTOUR DE MON AMI MACHUCA<br />
d’Andrès WOOD<br />
Le mercredi 24 janvier 2007, l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> accueillait Nicolás Lasnibat, jeune réalisateur chilien<br />
diplômé de la FEMIS en juin 2006, <strong>au</strong>teur de trois courts métrages. Son dernier court métrage, Treinta años a été présenté<br />
dans plusieurs festivals dont la 63 ème Mostra de Venise.<br />
Nicolás LASNIBAT aborde dans une première partie l’histoire du <strong>cinéma</strong> chilien afin de situer le film d’Andrès<br />
WOOD, Mon ami Machuca, dans cette histoire.<br />
Avant le coup d’état du <strong>11</strong> septembre 1973, on a pu assister <strong>au</strong> Chili à une grande effervescence du <strong>cinéma</strong> engagé<br />
encouragé par l’Unité Populaire et le gouvernement de Salvador ALLENDE avec des documentaires et des<br />
films de fiction.<br />
Le coup d’état de PINOCHET met un terme définitif à cet élan du <strong>cinéma</strong> chilien.<br />
Un certain nombre de réalisateurs chiliens choisiront alors l’exil, Miguel LITTIN, Raùl RUIZ, réalisateur bien connu du<br />
public français et Patricio GUZMAN…<br />
Pendant toute la durée de la dictature, il y <strong>au</strong>ra des réalisations clandestines, films documentaires ou films de fiction<br />
qui seront tournées avec des moyens de fortune et présentés <strong>au</strong> public de manière ultra confidentielle, vu le<br />
danger que représentaient ces séances de <strong>cinéma</strong> pour les réalisateurs et pour le public qui y assistait.<br />
Malgré cela, le <strong>cinéma</strong> chilien se trouve confronté à un grand vide : pas de salles, pas de public, pas de programmation<br />
originale. Les films projetés étaient américains sous-titrés en espagnol. Les spectateurs habitués à lire<br />
les sous-titres <strong>au</strong>ront du mal à suivre les films en espagnol d’ALMODOVAR quand ils seront projetés <strong>au</strong> Chili, après<br />
la fin de la dictature !<br />
Dans les années 1980, les jeunes réalisateurs travaillent dans la publicité. Quelques réalisateurs parviennent alors<br />
à s’<strong>au</strong>tofinancer, aidés par de petites subventions de l’extérieur. D’ailleurs, en 1990 se tient à nouve<strong>au</strong> le Festival<br />
latino-américain de Vina del Mar, créé en 1968.<br />
Un grand succès <strong>au</strong> Chili de cette période – mais un très m<strong>au</strong>vais film, selon Nicolás LASNIBAT – El Chacotero sentimental<br />
de Cristian GALAZ !<br />
Ce renouve<strong>au</strong> du <strong>cinéma</strong> chilien se poursuit avec des réalisateurs comme Silvio CAIOZZI… Selon Nicolás LASNIBAT,<br />
il semble que ce <strong>cinéma</strong> refuse de parler de l’histoire douloureuse du Chili et préfère choisir d’<strong>au</strong>tres voies, plus<br />
intellectuelles et axées sur un <strong>cinéma</strong> d’<strong>au</strong>teurs différent. Nicolás LASNIBAT le regrette : les films que, lui, envisage<br />
de réaliser sont des films de mémoire et ce devoir de mémoire lui semble primordial.<br />
Selon Nicolás LASNIBAT, la pensée en Amérique du Sud prend des chemins détournés et, quittant son sujet, il évoque<br />
alors les images marquantes du coup d’état du <strong>11</strong> septembre 1973 avec le palais de la Moneda en flammes<br />
et Salvador ALLENDE. En fait ces images ont été tournées en 1973 par des réalisateurs d’Allemagne de l’Est qui,<br />
afin de pouvoir passer les frontières du Chili, s’étaient fait passer pour des Allemands de l’Ouest. Les militaires<br />
chiliens, ainsi mis en confiance, ont laissé ces réalisateurs entrer librement <strong>au</strong> Chili pour filmer le coup d’état de<br />
Pinochet ! Les images qu’ils ont tournées ont fait le tour du monde et ont contribué à la légende du président chilien.<br />
Il nous projette alors le court-métrage qu’il a réalisé, Treinta años : un homme âgé revient dans son pays, le Chili,<br />
après des années d’exil, pour une étrange mission, retrouver les restes de la femme qu’il a aimée et qui a été tuée<br />
par les sbires de Pinochet… Film de mémoire mais qui parle <strong>au</strong>ssi de la douleur du retour <strong>au</strong> pays des exilés.<br />
Treinta años a été primé <strong>au</strong> Chili. En général, les gens de g<strong>au</strong>che ont aimé le film. Nicolás LASNIBAT ne connaît pas<br />
l’avis des gens de droite ! Par contre, il nous informe avec déception que son film n’a pas reçu le prix Pedro Sien-<br />
- 16 -
na, comme il l’espérait. La séquence où le héros serre contre lui les ossements de la femme qu’il a aimée est dans<br />
la lignée du réalisme fantastique cher à la littérature sud-américaine et elle a été filmée « dans une sorte de<br />
transe collective ». Une <strong>au</strong>tre séquence, celle où Jorge fuit les policiers est un résumé des trente années d’histoire<br />
écoulées. La chanson qui passe est une chanson chilienne connue mais la fonction révolutionnaire de cette chanson<br />
n’existe plus. L’Unité populaire est morte, le gouvernement d’Allende a été écrasé dans l’œuf, comme l’enfant que<br />
portait la femme de Jorge : le film de Nicolás LASNIBAT prend alors une portée symbolique. A l’origine, Nicolás<br />
LASNIBAT voulait faire un seul plan de cette séquence mais il a dû la monter en trois plans.<br />
Dominique Roy, présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>, a été impressionnée par l’acteur qui joue le rôle<br />
de Jorge ; elle se demande comment il peut jouer un rôle <strong>au</strong>ssi poignant s’il a lui-même subi la torture. Nicolás<br />
LASNIBAT précise que les cicatrices que l’on voit sur son dos sont f<strong>au</strong>sses. C’est le miracle du <strong>cinéma</strong> !<br />
Il n’y avait que deux professionnels du <strong>cinéma</strong> pour le tournage de Treinta años. L’assistante réalisatrice était<br />
d’ailleurs la deuxième assistante réalisatrice sur Mon ami Machuca.<br />
Nicolás LASNIBAT apprécie de montrer toutes les générations lorsqu’il réalise un film : ainsi le vieil homme témoin<br />
de la dictature d’<strong>au</strong>trefois, le jeune avocat branché du Chili d’<strong>au</strong>jourd’hui et sa fille qui représente l’avenir de ce<br />
pays. Cet avocat <strong>au</strong>rait d’ailleurs très bien pu être l’enfant que la femme de Jorge attendait lorsqu’elle a été<br />
assassinée et Jorge être le grand-père de la fille de l’avocat.<br />
En même temps il n’y a pas de lien entre le passé de Jorge et le présent. Il ne retrouve pas le Chili qu’il avait quitté<br />
: sa tante l’a plus ou moins oublié. Seuls les lieux garderaient-ils trace du passé ? Mais rien n’est moins sûr.<br />
Nicolás LASNIBAT rappelle son attachement à sa ville natale Valparaiso et le plaisir qu’il a eu à filmer cette ville.<br />
Il a dû sacrifier un grand nombre des images qu’il avait tournées là-bas.<br />
Nicolás LASNIBAT a vécu enfant<br />
et adolescent les années de la<br />
dictature. Il confie que la présence<br />
des policiers en France lui<br />
inspire malgré lui un sentiment<br />
de peur dont il a du mal à se<br />
débarrasser. La séquence du<br />
film avec le policier rappelle<br />
justement cette peur.<br />
Il a été élevé dans un lycée de<br />
g<strong>au</strong>che, il a assisté à des projections<br />
clandestines, notamment<br />
Missing, le film de COSTA-<br />
GAVRAS.<br />
Quand il était adolescent, il écoutait un groupe de rock, Los Prisioneros, qui parlaient directement des problèmes<br />
chiliens et contre lesquels la dictature ne pouvait rien. Il se souvient que chaque concert se terminait en bagarre,<br />
intervention des forces de police et grenades lacrymogènes.<br />
Catherine Félix se demande si Louis Malle a eu une influence sur Andrès Wood. Nicolás LASNIBAT lui répond que<br />
cette influence doit exister mais Andrès WOOD n’est pas guidé par Louis Malle. Selon Nicolás LASNIBAT, le film<br />
d’Andrès Wood n’est pas un film contestataire comme peut l’être le film de Louis MALLE. Il a relevé les points suivants<br />
dans Mon ami Machuca :<br />
- une caricature outrée de la bourgeoisie - le cliché de la p<strong>au</strong>vreté<br />
- l’opportunisme du père - un <strong>cinéma</strong> très explicatif.<br />
- des personnages avec peu de nuances<br />
Andrès WOOD est cependant un grand cinéaste chilien dans la mesure où il évoque cette période cruciale de<br />
l’histoire du Chili. Le film ayant été distribué à l’étranger et y ayant rencontré du succès a permis de faire connaître<br />
le <strong>cinéma</strong> chilien hors des frontières du Chili, ce qui est extrêmement important pour ce pays.<br />
Au Chili, le gouvernement chilien aimerait créer un dispositif Collège <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong> en s’inspirant du modèle français<br />
mais Nicolás LASNIBAT ne sait pas s’il va fonctionner. L’échange qu’il y a eu lieu en octobre 2006 entre le Chili et<br />
la France avec les films Au revoir les enfants et Mon ami Machuca est très important pour les Chiliens (ce projet est<br />
né d’un partenariat entre la Cinémathèque chilienne, l’Ambassade de France <strong>au</strong> Chili et le CNC et son objectif est<br />
d’encourager les échanges entre collégiens Français et Chiliens à travers l’étude croisée des deux films en version<br />
originale sous-titrée ndlr).<br />
Dernière information importante : le 24 janvier 2007, le film de Sebastián Campos, La Sagrada Familia, sort sur<br />
nos écrans. Ce réalisateur a fait des courts métrages intéressants. La Sagrada Familia permettra <strong>au</strong> public français<br />
de découvrir le <strong>cinéma</strong> chilien d’<strong>au</strong>jourd’hui.<br />
La projection du court métrage Obreras saliendo de la fábrica de José Luis Torres Leiva a terminé la demi-journée.<br />
- 17 -
MON AMI MACHUCA d’Andrès WOOD<br />
Rencontre en français<br />
Nicolás Lasnibat s'est attaché à présenter le réalisateur Andrès Wood à l'éclairage de l'histoire du <strong>cinéma</strong> chilien.<br />
Il a tenu à préciser en préambule que le <strong>cinéma</strong> chilien actuel ne produit plus ou presque, à la différence des <strong>au</strong>tres<br />
<strong>cinéma</strong>s d’Amérique latine, que des films de série B c'est-à-dire des films qui n’ont pas de véritable histoire<br />
<strong>cinéma</strong>tographique comme c’est le cas <strong>au</strong> Chili, en Colombie ou <strong>au</strong> Pérou, et leur production est limitée à cinq long<br />
métrages par an. Andrès Wood est né <strong>au</strong> Chili en 1965, avant le coup d’état du <strong>11</strong> septembre 1973. Il a d'abord<br />
fait des études d’économie puis est parti <strong>au</strong>x États-Unis suivre des cours de <strong>cinéma</strong> à l’université de New York.<br />
Vrai défenseur du <strong>cinéma</strong> populaire, il est l’un des premiers réalisateurs chiliens à faire appel à des scénaristes qui<br />
maîtrisent l’écriture dramatique. Son premier long métrage s’intitule Historias de fútbol. C'est un film composé de<br />
trois courts métrages dont le deuxième, réalisé avec des enfants, a été projeté lors de la rencontre. C’est un film<br />
très fort pour Nicolás Lasnibat par rapport <strong>au</strong> regard sur l’enfance. Il a été réalisé grâce à une maison de production<br />
chilienne fondée, après le retour de la démocratie, dans le but de faire des films populaires. C’est le début de<br />
sa carrière <strong>au</strong> Chili. Ce film a été écrit avec René Arcos qui a suivi l’atelier de scénario de Skármeta en exil.<br />
I – HISTORIQUE DU CINÉMA CHILIEN<br />
Les premiers films chiliens datent du début du 20<br />
-<br />
ème siècle avec notamment un film réalisé par les frères Lumière sur<br />
un exercice des pompiers de Valparaiso.<br />
Ce <strong>cinéma</strong> chilien est marqué par le film historique El Húsar de la muerte de Pedro Sienna datant de 1925. Les<br />
films chiliens étaient très en avance en comparaison des grandes productions de l’époque de Griffith <strong>au</strong>x Etats-<br />
Unis ou de Eisenstein en URSS.<br />
Au Chili, il n’y a pas ou peu de copies des films du début du siècle car il n'existe pas de <strong>cinéma</strong>thèque. Tous les<br />
premiers films muets ont disparu, il n’en reste que des traces écrites (coupures de journ<strong>au</strong>x…).<br />
Au milieu des années 1930, un premier grand changement dans le <strong>cinéma</strong> s’effectue quand le Front Populaire<br />
prend le pouvoir.<br />
Les années 1940 voient la création d’une première maison de production chilienne : Chile Films. C’est l’âge d’or du<br />
<strong>cinéma</strong> chilien et des réalisateurs argentins et mexicains viennent tourner <strong>au</strong> Chili.<br />
Les films chiliens sont ensuite devenus moins bons avec l’avènement du <strong>cinéma</strong> parlant.<br />
La télévision arrive en 1962 <strong>au</strong> Chili à l’occasion de la coupe du monde de football qui s’y déroule. Patricio K<strong>au</strong>len<br />
tourne en 1967, Largo Viaje qui marque la fin de l’âge d’or du <strong>cinéma</strong> chilien et le début de la nouvelle génération<br />
de cinéastes. K<strong>au</strong>len va essayer de faire des films jusqu’à sa mort en 1999.<br />
Aldo Francia, médecin pédiatre, est tombé amoureux du <strong>cinéma</strong> lors d’un séjour à Paris en 1945 lorsqu’il a vu le<br />
film Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica. De retour <strong>au</strong> Chili, il fonde une école de <strong>cinéma</strong>, un ciné-club à Valparaiso<br />
et crée les premières rencontres latino-américaines.<br />
Au même moment, un architecte, Sergio Bravo fonde le centre de production de <strong>cinéma</strong> expérimental à l’Université<br />
du Chili.<br />
La visite de Joris Ivens, réalisateur documentariste néerlandais, a lancé le film documentaire <strong>au</strong> Chili. Il y réalise le<br />
film A Valparaiso et soutient l’achat d’une caméra 35 mm. Cette caméra va permettre de réaliser les trois plus<br />
grands films chiliens :<br />
Valparaíso, mi amor d’Aldo Francia en 1969<br />
Tres, Tristes, Tigres de Raoul Ruiz en 1968 (c’est son premier long métrage)<br />
18 -
El chacal de nahueltoro de Miguel Littin en 1969<br />
Il s’agit de films engagés traitant de la réalité sociale du pays.<br />
Aujourd’hui, il existe une production <strong>cinéma</strong>tographique <strong>au</strong> Chili mais les films qui marchent parlent de sexe et de<br />
violence.<br />
II – LA BATAILLE DU CHILI ET MACHUCA<br />
Patricio Guzman réalise El primer año en 1972 sur Allende, puis La Bataille du Chili en 1974 et Salvador Allende en<br />
2004.<br />
Le coup d’Etat va mettre fin à la culture <strong>cinéma</strong>tographique <strong>au</strong> Chili.<br />
Ya no basta con rezar est le dernier film d’Aldo Francia terminé juste avant le coup d’état. Après ce film, Aldo<br />
Francia quitte la réalisation et reprend son métier de pédiatre.<br />
Le film de Raoul Ruiz, Palomita Blanca de 1973 restera perdu <strong>au</strong> Chili pendant vingt ans et ne sortira qu’en 1990.<br />
Après ce film, Raoul Ruiz s’exile en France où il réalise Dialogue d’exilés en 1974. C’est, <strong>au</strong>jourd'hui, le seul réalisateur<br />
chilien à la réputation internationale.<br />
Selon Nicolás Lasnibat, toutes les sources de Machuca viennent de ces films engagés et de l’histoire personnelle<br />
d’Andrès Wood. La Bataille du Chili est un film très important dans la réalisation de Machuca dont tout le contexte<br />
historique en est inspiré. Machuca permet <strong>au</strong>x Chiliens de prendre de la distance vis-à-vis de leur histoire, c’est la<br />
première fois qu’ils ont pu voir des images des années 1970 dans un film de fiction reconnu à l’étranger.<br />
Andrès Wood a participé <strong>au</strong>x ateliers d’écriture de Skármeta. Pour Machuca, il a fait appel <strong>au</strong> scénariste Roberto<br />
Brodsky et <strong>au</strong> chef opérateur Miguel Littin, fils du réalisateur Miguel Littin. Les films d’Andrès Wood réalisés avant<br />
Machuca ont des séquences tournées dans le sud du Chili mais Machuca a été filmé intégralement à Santiago.<br />
Projection d’un extrait du documentaire La bataille du Chili de Patricio Guzman (DVD disponible <strong>au</strong>x éditions<br />
Montparnasse) où l’on voit Ernesto Malbran tenter de convaincre les grévistes d’arrêter leur mouvement qui voulait<br />
soutenir Allende mais allait conduire à sa chute. Ernesto Malbran n’est <strong>au</strong>tre que l’acteur qui joue le père Mc Enroe<br />
dans Machuca.<br />
La bataille du Chili est un film capital pour les nouve<strong>au</strong>x réalisateurs chiliens car c’est l’histoire du passé de leurs<br />
parents. Il explique comment un monde a soudainement volé en éclats. Pour réaliser ce film, Patricio Guzman et son<br />
cadreur ont réussi à prendre la réalité du moment du coup d’état. Il n’a pas été monté <strong>au</strong> Chili mais en exil. Les<br />
rushes étaient partis in extremis en Suède en 1973 après le coup d’état.<br />
Pour Machuca, Andrès Wood a utilisé une grande partie du budget du film dans la reconstitution du bombardement<br />
de La Moneda, palais présidentiel où Allende s’était retranché. Cet évènement est visible dans La bataille du<br />
Chili. En effet, le coup d’état ayant été plus ou moins annoncé, lors de l’attaque de La Moneda le cameraman allemand<br />
était caché dans une chambre d’hôtel se trouvant en face du palais présidentiel. C’est l’unique document<br />
historique dont s’est certainement inspiré Andrès Wood pour les séquences de manifestations (exemple : la manifestation<br />
des casseroles de la bourgeoisie).<br />
Nicolás Lasnibat reconnaît que les décors et les costumes de Machuca sont très proches de ceux de l’époque, mais il<br />
y a des clichés sur les bidonvilles et la bourgeoisie (par exemple, il ne montre pas que certains bourgeois ont également<br />
souffert de ces évènements). Il y a peu de nuances dans la caractérisation des personnages. D’après lui, le<br />
jeu d’acteur de Roberto (Federico Luppi), l’amant de Maria Luisa (Alice Küppenheim), n’est pas convaincant. Le<br />
personnage lui semble trop détaché de ces événements et, pour les hispanophones, l'accent de ce célèbre acteur<br />
argentin n'est pas chilien.<br />
- 19 -
Ce film est très important car Andrès Wood est un cinéaste du partage qui veut faire un <strong>cinéma</strong> populaire, ce qui<br />
donne une grande valeur à Machuca. En cela, il s’inscrit dans l’héritage d’Aldo Francia qui disait vouloir faire du<br />
<strong>cinéma</strong> pour le peuple. Mais, malgré tout, Machuca est un film engagé, très fort, avec une structure dramatique très<br />
construite.<br />
Nicolás Lasnibat rappelle que même si la fin du film est dure (l’exécution de Silvana dans les bidonvilles), il<br />
convient de dire <strong>au</strong>x collégiens que les évènements qui ont suivi le coup d’Etat ont été encore plus dramatiques :<br />
Pinochet a jusqu’en 1980 fait torturer et disparaître de nombreux opposants chiliens, installant ainsi l’horreur totale.<br />
Nicolás Lasnibat explique que, bien que la g<strong>au</strong>che soit revenue <strong>au</strong> pouvoir après la chute de Pinochet avec Ricardo<br />
Lagos et <strong>au</strong>jourd’hui Michelle Bachelet, elle-même victime de la torture sous Pinochet, il reste <strong>au</strong>jourd’hui des<br />
traces de la dictature (par exemple, le système d’élection législative qui assure à l’extrême droite d’être représentée<br />
à la chambre des députés même si elle n’atteint pas le score des candidats de g<strong>au</strong>che). A la mort de Pinochet,<br />
en décembre 2006, on a pu voir que nombreux étaient encore ses sympathisants venus pleurer sur son cercueil.<br />
La présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> remercie Nicolás Lasnibat pour sa venue à Tours et pour sa<br />
présentation exh<strong>au</strong>stive du <strong>cinéma</strong> chilien.<br />
http://crac.lbn.fr/image/f<strong>pdf</strong>_film.php?id=279<br />
Quelques sites utiles<br />
http://www.ocean-films.com/monamimachuca/<strong>enseignants</strong>.htm<br />
Dossier pédagogique à télécharger réalisé par deux <strong>enseignants</strong><br />
http://www.encadenados.org/n45/045remakes/sinperdon_machuca.htm<br />
Critique en espagnol sur le film<br />
http://crdp.ac-paris.fr/cinevo/machuca_sommaire.htm<br />
Dossier pédagogique sur le film comprenant plusieurs rubriques (<strong>au</strong>tour du film, extraits du dialogue, annexes)<br />
http://www.abacq.net/imagineria/cronolo.htm<br />
Chronologie de 1970 à 1973 (en espagnol)<br />
http://www.crdp-strasbourg.fr/cinema/machuka/espagnol.<strong>pdf</strong><br />
Dossier pédagogique de 13 pages réalisé par deux professeurs d’espagnol<br />
http://www.espagnol.ac-aix-marseille.fr/documents/machuca.htm<br />
Fiche pédagogique en espagnol proposé par Trinité Ribière du collège Carraire à Miramas.<br />
http://www.dracmagic.com/<strong>pdf</strong>_descargas/machuca.<strong>pdf</strong><br />
Document pédagogique sur le film en catalan<br />
http://www.grignoux.be/dossiers/201/<br />
Extrait du dossier pédagogique<br />
http://www.cndp.fr/Tice/Teledoc/mire/mire_machuca.htm<br />
Fiche pédagogique sur le film<br />
http://<strong>au</strong>revoirmachuca.blog4ever.com/<br />
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SINGIN’ IN THE RAIN<br />
de Stanley DONEN et Gene KELLY<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> accueillait le mercredi 4 avril 2007 Glenn Myrent pour parler du <strong>cinéma</strong> américain.<br />
Il est américain (originaire de Chicago), historien du <strong>cinéma</strong>, ancien rédacteur en chef de la revue de la Cinémathèque<br />
à Paris, et y a travaillé pendant quinze ans. Il a également écrit la biographie d’Henri Langlois.<br />
Glenn Myrent demande <strong>au</strong>x <strong>enseignants</strong> qui est, d’après eux, l’<strong>au</strong>teur de Chantons sous la pluie. Pour Jacques Van<br />
Smevoorde, enseignant <strong>au</strong> collège de Luynes, ce sont Stanley Donen et Gene Kelly.<br />
D’après Glenn Myrent, si Stanley Donen et Gene Kelly ont assuré la réalisation, les scénaristes sont Betty Comden<br />
et Adolf Green. Il ajoute qu’en France, les réalisateurs sont souvent également scénaristes, alors qu'<strong>au</strong>x Etats-Unis,<br />
il y a des réalisateurs ET des scénaristes.<br />
Betty Comden et Adolf Green sont des paroliers qui ont travaillé avec Judy Hollyday et Léonard Bernstein à la<br />
création de la comédie musicale On the town. Arthur Freed, producteur à la MGM, assiste à une représentation de<br />
cette comédie musicale et engage Léonard Bernstein pour qu'il écrive la musique de l'adaptation de cette comédie<br />
pour le <strong>cinéma</strong>. Mais Arthur Freed trouve le travail de Léonard Bernstein trop "ésotérique" et préfère, alors, engager<br />
Betty Comden et Adolf Green. Ils écrivent le film Un jour à New York et rencontrent Gene Kelly et Stanley<br />
Donen, les co-réalisateurs.<br />
Après Un jour à New York, Arthur Freed, également parolier, veut réaliser une <strong>au</strong>tre comédie musicale mais avec<br />
ses propres textes. Il demande donc à Betty Comden et Adolf Green d’écrire un scénario en insérant ses chansons.<br />
Ils étudient la période des chansons d’Arthur Freed qui correspond à la transition du <strong>cinéma</strong> muet <strong>au</strong> parlant (fin<br />
des années 1920). Ils se retrouvent alors devant trois pistes de travail différentes :<br />
1/ La première d’un grand film muet à New York<br />
2/ Une star d’Hollywood raconte sa vie en mentant<br />
3/ Une star d’Hollywood du <strong>cinéma</strong> muet rencontre une artiste à New York, en tombe amoureux, la perd et la<br />
retrouve ensuite à Hollywood.<br />
Devant ces trois pistes, Betty Comden et Adolf Green décident d’arrêter le projet, n'arrivant pas à choisir une piste<br />
plutôt qu'une <strong>au</strong>tre, mais Arthur Freed leur demande d'écrire le scénario en insérant les trois idées.<br />
A Hollywood, dans les années 1950, les scénaristes de la MGM ont un bure<strong>au</strong> et reçoivent un salaire chaque semaine.<br />
Betty Comden et Adolf Green écrivent, en quatre mois, un scénario en trois actes (présentation, développement,<br />
résolution). Ils veulent que ce soit Gene Kelly et Stanley Donen, sous contrat avec la MGM, qui réalisent le<br />
film. Gene Kelly est en train de tourner Un américain à Paris et Stanley Donen, Royal Wedding. Betty Comden et<br />
Adolf Green les croisent et leur font lire le script. Gene Kelly et Stanley Donen, ayant aimé le scénario, acceptent<br />
de réaliser ce film.<br />
Extrait de la seule chanson du film qui n’est pas d’Arthur Freed mais de Betty Comden et Adolf Green :<br />
MOSES<br />
Glenn Myrent conseille un livre pour le travail pédagogique sur cette chanson dont le titre est « S’amuser à bien<br />
ar-ti-cu-ler. Kiki la cocotte convoitait un caraco kaki à col de caracul » (ndlr, ceci est le titre complet de<br />
l’ouvrage !).<br />
Les <strong>enseignants</strong> peuvent faire traduire <strong>au</strong>x élèves une chanson.<br />
- 21 -
Après la sortie du film, les scénaristes rencontrent à Paris un jeune cinéaste français, François Truff<strong>au</strong>t. Ce dernier<br />
leur avoue que plusieurs cinéastes (Resnais, Ophüls, Rouche, Costa-Gavras…) sont fans de Singin' in the rain et<br />
aimeraient faire ce genre de film.<br />
GENE KELLY<br />
Il est danseur à New York à la fin des années 1930 dans une comédie musicale : Pal Joey. Il est repéré par Arthur<br />
Freed qui le fait venir à Hollywood avec Stanley Donen. Il tourne Pirates avec Lisa Minelli en 1948, On the Town en<br />
1950 qu’il réalise avec Stanley Donen, également danseur.<br />
Gene Kelly est chorégraphe, danseur, acteur, chanteur.<br />
Le tournage du film Un jour à New York a réellement eu lieu à New York, ce qui, à l’époque, est très rare, les tournages<br />
se déroulant le plus souvent dans des studios d’Hollywood. Ce film raconte l’histoire de soldats en permission<br />
d'une journée à New York.<br />
Dans le film Mariage royal (Royal Wedding) de Stanley Donen avec Fred Astaire, il y a une célèbre séquence où<br />
Fred Astaire danse <strong>au</strong> plafond. Pour réaliser cette scène, Stanley Donen a trouvé une astuce : le décor tourne en<br />
même temps que la caméra. Cependant, Donald O’Connor qui joue Cosmo dans Chantons sous la pluie, fait réellement<br />
des acrobaties lorsqu’il chante Make ‘Em L<strong>au</strong>gh, ce n’est pas le décor qui bouge, il n’y a <strong>au</strong>cun trucage ! Saluons<br />
la performance de l’athlète !<br />
A Hollywood, dans les années 1950, les réalisateurs étaient choisis par le producteur. Ils n'étaient en <strong>au</strong>cune manière<br />
à l'origine du projet. Ils n'étaient employés que le temps du tournage, environ 5 mois.<br />
Extrait de la chanson du film : SINGIN’ IN THE RAIN<br />
Au moment où ils ont tourné cette séquence, il y avait une sécheresse mais heureusement, le lendemain, ils ont pu<br />
tourner.<br />
Il y a huit plans dans cette séquence.<br />
Gene Kelly et Stanley Donen se sont répartis le travail et ont be<strong>au</strong>coup discuté de cette scène avant de la tourner.<br />
Gene Kelly a créé la chorégraphie et Stanley Donen s’est occupé de la mise en scène, du placement et des mouvements<br />
de la caméra en se demandant à chaque fois ce qu’ils voulaient montrer <strong>au</strong>x spectateurs (choix des cadrages).<br />
Le travail du chef opérateur est également très important. Les gros plans sur le visage de Gene Kelly<br />
renforcent l’idée de bonheur.<br />
Jacques Van Smevoorde se demande comment le son a été pris. Glenn Myrent précise que 80 % des chansons ont<br />
été chantées en direct par Gene Kelly : le film étant tourné en studio, il n'y avait pas de bruits parasites pouvant<br />
gêner la prise de son.<br />
Quand Gene Kelly s<strong>au</strong>te dans les flaques, elles étaient, pour un maximum d'effet, marquées <strong>au</strong> sol. Tout était minutieusement<br />
chorégraphié.<br />
Extrait de la chanson du film : MAKE ‘EM LAUGH<br />
Cette chanson est la copie conforme de la chanson de Cole Porter, Be a Clown. Arthur Freed ne s’est pas tout de<br />
suite aperçu de cette copie. C’est seulement quand Cole Porter lui en a fait la remarque qu’il s’est rendu compte<br />
que cette chanson était chantée dans Pirates, un film qu’il avait produit 3 ans <strong>au</strong>paravant.<br />
Lorsque Stanley Donen a reçu l’oscar d’honneur de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences en 1998, un<br />
journaliste lui a demandé ce qu’il fallait pour être un bon réalisateur. Stanley Donen a répondu qu’il fallait<br />
s’entourer des meilleurs acteurs, costumiers, décorateurs et chefs opérateur… et surtout leur ficher la paix.<br />
Glenn Myrent fait remarquer <strong>au</strong>x <strong>enseignants</strong> la place minime qui est réservée à Arthur Freed par les <strong>au</strong>teurs du<br />
dossier pédagogique du CNC. Aux Etats-Unis, Singin' in the rain est considéré comme étant un film d’Arthur Freed.<br />
En France, Arthur Freed n’a droit qu’à un petit paragraphe car il est seulement considéré comme le producteur du<br />
film.<br />
Antoine Macarez, enseignant <strong>au</strong> collège Rame<strong>au</strong> de Tours, a été surpris par la séquence de ballet Broadway Melodies<br />
rajoutée <strong>au</strong> milieu du film (scène où Don Lockwood frappe <strong>au</strong>x portes pour les castings). Glenn Myrent apprécie<br />
cette remarque. En effet, à la fin du film Un américain à Paris, Gene Kelly danse un ballet de quinze minutes.<br />
Comme il ne voulait pas rejouer une même fin de film, il a eu l’idée d’introduire ce ballet évoqué en images <strong>au</strong><br />
milieu de Chantons sous la pluie.<br />
Jacques Van Smevoorde rappelle que be<strong>au</strong>coup de musiciens se sont retrouvés <strong>au</strong> chômage à la fin de l’époque<br />
du <strong>cinéma</strong> muet. Il se demande également si les collégiens ne vont pas rejeter ce film. Veronica Guilg<strong>au</strong>lt-O’Neill,<br />
enseignante <strong>au</strong> collège Saint Martin à Tours, lui répond qu’elle travaille sur ce film en ce moment avec ses élèves et<br />
qu’ils l’apprécient be<strong>au</strong>coup.<br />
Dominique Roy, présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>, remercie Glenn Myrent pour sa venue à Tours<br />
et son intervention sur le <strong>cinéma</strong> américain pendant la période des années 1930 à 1950, sur l’arrivée du <strong>cinéma</strong><br />
parlant à Hollywood et la plus célèbre comédie musicale de tous les temps.<br />
Veronica Guilg<strong>au</strong>lt-O’Neill et Dominique Roy, deux professeurs d’anglais en collège, ont réalisé un dossier de pistes pédagogiques<br />
en anglais (nive<strong>au</strong> 6ème /5ème ) qui est disponible à l’association et sur le site Internet (http://college<strong>au</strong>cinema<strong>37</strong>.free.fr)<br />
- 22 -
L’ESQUIVE<br />
d’Abdellatif KECHICHE<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a accueilli le mercredi 21 mars 2007 Cyril Jouhanne<strong>au</strong>, formateur en <strong>cinéma</strong>,<br />
pour parler du film d’Abdellatif Kechiche, L’esquive.<br />
D’après Cyril Jouhanne<strong>au</strong>, L’Esquive est un film qui se passe en banlieue mais tout ce qui concerne la banlieue est<br />
mis de côté. Toute l’image sensible de la banlieue est exprimée par les sentiments. Dès le début du film, le spectateur<br />
entre en territoire étranger avec un sentiment d’agression. Il est d’emblée dans un système de confrontation. La<br />
première séquence du film s’ouvre sur un groupe de jeunes préparant un racket qui n’<strong>au</strong>ra jamais lieu pour les<br />
spectateurs. En effet, Abdellatif Kechiche l’emmène ailleurs en suivant le personnage de Krimo. Toute l’attention du<br />
spectateur est focalisée sur ce personnage que Lydia amène à la répétition de théâtre.<br />
Abdellatif Kechiche nous emmène à la suite des personnages mais on ne va jamais <strong>au</strong> bout avec eux. Krimo, adolescent<br />
en recherche, s’esquive :<br />
- du groupe de jeunes (de l’expédition punitive),<br />
- de sa relation avec Magali,<br />
- de la visite avec sa mère à son père emprisonné,<br />
- du théâtre,<br />
- de ses sentiments envers Lydia,<br />
- de la représentation de théâtre,<br />
- de la relation amoureuse avec Lydia à la fin du film.<br />
RAPPORT AU LANGAGE<br />
C’est un film fatiguant à suivre, construit à la manière d’un film d’action, presque comme un western. L’alternance<br />
de scènes calmes (psychologie des personnages) avec des scènes de joutes oratoires a le même effet, pour Cyril<br />
Jouhanne<strong>au</strong>, que l’intervention des joutes martiales dans Tigres et Dragons d’Ang Lee.<br />
Le film montre une impossibilité de dire les sentiments due à l’enfermement des personnages dans des codes et des<br />
conventions. Ceci donne un langage rugueux et rude (mots empruntés à l’arabe) avec toute une palette d’insultes.<br />
On trouve également une impossibilité de l’intimité traduite par des gros plans des personnages comme si Abdellatif<br />
Kechiche allait traquer leurs sentiments. Ceci est accentué par les mouvements de regards, par le langage et<br />
par un morcellement des personnages (personnages brisés comme Fathi, comme Magali, personnages en construction<br />
comme Krimo). Abdellatif Kechiche exprime tout cela par sa manière saccadée de filmer et des dialogues<br />
toujours coupés. Tout fonctionne sur la répartie : une bribe de phrases en attend une <strong>au</strong>tre comme dans un western<br />
l’utilisation du champ-contrechamp (exemple du duel).<br />
La structure globale du film est construite de telle manière que chaque séquence va trouver son contrechamp :<br />
- la première séquence a son contrechamp dans la séquence avec les policiers,<br />
- la première altercation de Magali a son contrechamp avec la deuxième altercation avec les filles.<br />
Abdellatif Kechiche prend la langue et le texte comme matéri<strong>au</strong>x. A la fin du film, lors du spectacle des enfants, la<br />
fable des oise<strong>au</strong>x va résumer tout le film. Abdellatif Kechiche compare ses personnages à de drôles d’oise<strong>au</strong>x qui<br />
- 23 -
êvent d’un ailleurs pour compenser la réalité rude de la cité :<br />
- « Je ne vois parmi vous que querelles et batailles, cela ne peut plus durer, écoutez-moi, nous avons un roi… » .<br />
- « Je cherche mon chemin, je cherche partout si je vais le trouver un jour quelque part »<br />
- « Vous n’avez rien franchi, oise<strong>au</strong>x, cette colline n’était qu’un songe, nous sommes toujours à la même place. »<br />
- « Nous avons fait un long voyage pour parvenir à nous-même. »<br />
Il y a ces oise<strong>au</strong>x dans leur cage, qu’on invite à parler avec leurs pairs. Il n’y a pas de vue d’ensemble, on est toujours<br />
dans un espace morcelé.<br />
Krimo rêve d’un ailleurs (dessins de voiliers de son père). Il n’y a pas de lignes de fuite s<strong>au</strong>f lorsque Krimo cherche<br />
un lustre imaginaire <strong>au</strong> moment de la répétition avec Lydia.<br />
Les séquences ont toujours lieu en extérieur hormis les scènes entre Krimo et sa mère. Le film joue avec un va-etvient<br />
entre l’extérieur et l’intérieur de ces personnages. Il n’y a pas de scènes intimes, tout se joue entre eux à<br />
l’extérieur. Abdellatif Kechiche, pourtant, veut entrer à l’intérieur de ces personnages. Il y a un travail de la caméra<br />
pour cerner ces personnages dans la dynamique de groupe (groupes de filles, groupes de garçons). Cette dynamique<br />
de groupe s’articule <strong>au</strong>tour du langage (territoire étranger pour le spectateur) comme la langue du 18ème siècle, celle de la pièce de Mariv<strong>au</strong>x, Le jeu de l’Amour et du Hasard, est territoire étranger pour ces adolescents.<br />
RAPPORT DE LA LANGUE ET DES GESTES<br />
Cette langue a la valeur de geste. On se demande quelle va être l’étincelle qui va faire passer les personnages à<br />
l’acte.<br />
Quand il n’y a plus le langage, les gestes viennent (violence de Fathi sur Frida) ou il y a embrouille entre les mots<br />
et les gestes (baiser raté entre Krimo et Lydia), puis les personnages repassent <strong>au</strong>x mots. Les gestes et les paroles<br />
façonnent le film.<br />
Le personnage du professeur va leur dire trois éléments essentiels :<br />
1/ « Amuse-toi (…) essaye d’aller vers quelque chose d’<strong>au</strong>tre, de sortir de toi, d’aller vers un <strong>au</strong>tre langage, il<br />
imite quelqu’un d’<strong>au</strong>tre, est-ce que tu te rends compte de l’importance du langage dans cette pièce et dans cette<br />
scène ? Arlequin imite un maître, alors vas-y, fais un effort (…) Il y a du plaisir à faire cela, il doit y avoir du plaisir<br />
à sortir un peu de soi, sors de toi, amuse-toi, aie du plaisir, change de langage, change de manière de parler,<br />
change de manière de bouger, amuse-toi »<br />
2/ « (…) on est complètement prisonnier de notre condition sociale et quand on est riche pendant vingt ans, p<strong>au</strong>vre<br />
pendant vingt ans, on peut toujours se mettre en haillons quand on est riche et en robe de h<strong>au</strong>te couture quand<br />
on est p<strong>au</strong>vre, on ne se débarrasse pas d’un langage, d’un certain type de sujet de conversation, d’une manière de<br />
s’exprimer, de se tenir qui indiquent d’où on vient. Et d’ailleurs, ça s’appelle Le jeu de l’Amour et du Hasard, mais il<br />
nous montre qu’il n’y a pas de hasard, les riches tombent amoureux dans la pièce des riches et les p<strong>au</strong>vres tombent<br />
amoureux des p<strong>au</strong>vres, donc ils se reconnaissent malgré leurs déguisements et ils tombent amoureux <strong>au</strong> sein de leur<br />
même classe sociale, donc il n’y a pas de hasard mais il n’y a pas non plus d’amour, l’amour où on l’entend habituellement,<br />
c'est-à-dire, l’amour pur, normalement, on tombe amoureux d’un être, un être pur, le moi profond, pas<br />
tout ce qu’il y a <strong>au</strong>x alentours. Non, nous dit Mariv<strong>au</strong>x, on est conditionné, complètement conditionné par son milieu<br />
d’origine et on reste entre soi et on peut toujours se déguiser, on n’échappe pas à sa condition d’origine. (…) »<br />
- 24 -
3/ « Qu’est-ce que l’on fait en français lorsqu’il y a une virgule ? – Une p<strong>au</strong>se »<br />
Quand Lydia demande à réfléchir lorsque Krimo lui demande de sortir avec lui, rien ne va plus. La dernière scène,<br />
alors que Lydia veut lui donner une réponse positive, Krimo reste dans cette position de spectateur, il refuse sa<br />
propre existence. Krimo, avec sa réserve, reste enfermé même quand il décide de faire du théâtre, il ne comprend<br />
pas les mots, il ne peut pas exprimer ses sentiments, il va rester enfermé dans sa position. Les <strong>au</strong>tres personnages<br />
arrivent à s’émanciper en prenant les choses en main.<br />
Les parents se résignent face à leur rêve de retour <strong>au</strong> pays qui ne se concrétisera jamais. Les filles s’émancipent,<br />
les garçons n’y arrivent pas : Krimo reste fermé, Fathi suit une m<strong>au</strong>vaise pente, le père de Krimo et le be<strong>au</strong>-frère<br />
de Fathi sont en prison.<br />
Dans Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? de Rabah Ameur-Zaïmeche, les filles vont se mettre en ménage avec des<br />
hommes d’une <strong>au</strong>tre condition sociale alors que les hommes de leur condition sont à la dérive. Ce film représente<br />
une société où les hommes ont une place de moins en moins reluisante.<br />
Les garçons et les filles ont le même langage, les mêmes codes de loy<strong>au</strong>té <strong>au</strong>xquels on ne déroge pas. Par exemple,<br />
quand un garçon demande à une fille de sortir avec lui, il f<strong>au</strong>t que la réponse soit claire et immédiate, sinon, il<br />
y a un risque de conflit. L’amitié est la même : Fathi avec Krimo et Nanou avec Lydia. Ils se construisent une carapace<br />
pour se protéger entre eux des émotions. Il y a un code de reconnaissance qui agit <strong>au</strong>ssi par rapport <strong>au</strong>x<br />
adultes. Cela forme la dynamique dans le groupe mais chacun connaît des situations particulières qui viennent entamer<br />
cette dynamique.<br />
Cyril Jouhanne<strong>au</strong> précise que le film est loin du langage argotique utilisé dans Les Tontons flingueurs et par Pierre<br />
Perret. Lorsqu’il était lui-même adolescent, il utilisait l’argot, pour parler secrètement avec ses frères et sœurs à la<br />
maison, sans se douter que son be<strong>au</strong>-père connaissait déjà ce langage.<br />
On peut voir que ce langage est un jeu pour ces jeunes qui glissent facilement d’un code à un <strong>au</strong>tre (exemple :<br />
dans la scène de répétition entre Lydia et Krimo, Lydia a trois rôles : metteur en scène, comédienne et copine).<br />
Fathi a la même aisance mais cela paraît plus intuitif (exemple : lorsqu’il parle à la mère de Krimo et <strong>au</strong>x policiers).<br />
RAPPORT AU THÉÂTRE<br />
Ce qui est concevable en cours pour les adolescents l’est moins en dehors du cours (Exemple : accueil moqueur de<br />
Frida à Lydia qui a traversé la cité avec son costume de théâtre).<br />
La question que le professeur pose à ses élèves comme sujet de rédaction : « Dans quelles mesures pensez-vous<br />
que Mariv<strong>au</strong>x a voulu, dans la scène 5 de l’acte 1, privilégier l’analyse des sentiments <strong>au</strong>x dépens de l’action ? »<br />
représente toute la question du film.<br />
Il y a deux mondes en confrontation (18 ème siècle et 21 ème siècle). Cette introduction de l’art va ébranler la cité,<br />
c’est un élément perturbateur. Krimo va faire du théâtre alors qu’il n’a jamais lu un livre.<br />
Il y a des scènes de confrontation entre les personnages.<br />
Le théâtre nous est donné à voir :<br />
- en classe<br />
- à l’extérieur<br />
- sur scène<br />
- 25 -
Le théâtre contamine tout l’espace des personnages :<br />
Krimo, dans la pe<strong>au</strong> d’Arlequin, n’arrive pas à dire son texte et finit par s’esquiver. Il ne peut pas jouer à être<br />
amoureux car il est amoureux.<br />
A la représentation à la fin du film, Abdellatif Kechiche réalise des plans de coupe sur la salle : tout le monde est<br />
là même les plus étrangers <strong>au</strong> théâtre (Fathi, Magali et son nouvel amour) s<strong>au</strong>f Krimo. Il vient tout de même observer<br />
de l’extérieur car Lydia le fascine.<br />
Fathi se transforme en metteur en scène pour la rencontre de Lydia et de Krimo dans la voiture et il y a quiproquo<br />
quand Fathi prend Nanou pour Lydia.<br />
La scène des policiers se termine avec un plan sur le livre de Frida : Le Jeu de l’amour et du hasard. Une ellipse<br />
stoppe la violence des policiers qui, interpellant ces « jeunes de banlieue », sont incapables d’entendre que ces<br />
adolescents puissent avoir des affaires de cœur. Il y a une violence énoncée qui passe rarement par les gestes.<br />
Cette intervention des policiers représente une violence institutionnalisée.<br />
Les personnages ne rentrent jamais dans les cadres qui leur sont proposés. Ce jeu de l’amour et du hasard se joue<br />
dans la cité. Le hasard amène l’amour : quand Krimo, par hasard, voit Lydia en costume, il est subjugué et la dette<br />
(il lui a avancé dix euros) va se transformer en amour. Il l’invite une première fois <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong>, elle n’accepte pas, il<br />
lui demande ensuite de répéter avec lui, elle accepte mais refuse ensuite un baiser. Krimo est emporté par cette<br />
logique de sentiments qu'il n’arrive pas à dire avec les mots de Mariv<strong>au</strong>x ni avec ses propres mots.<br />
Lydia est dans le théâtre : elle va traverser le film avec son costume s<strong>au</strong>f pour la dernière scène lorsqu’elle veut<br />
voir Krimo. Elle n’a pas non plus son costume lors des confrontations avec Magali, ni dans la voiture avec Krimo.<br />
Lors de la répétition de théâtre, Krimo dit ses sentiments à Lydia. Celle-ci, étonnée et sous la pression des <strong>au</strong>tres,<br />
préfère s’esquiver. Tout <strong>au</strong> long du film, Krimo et Lydia s’esquivent l’un l’<strong>au</strong>tre.<br />
Lydia s’approprie le terme de l’esquive en faisant du théâtre. Quand elle est confrontée à la déclaration de Krimo,<br />
elle se trouve confrontée à la perturbation des sentiments qu’il y a dans le texte de Mariv<strong>au</strong>x. Plus que de se<br />
retrouver dans le rôle de Lisette, elle se retrouve dans le personnage de Silvia qui a une piètre image du mariage.<br />
Lydia a besoin de recul et c’est <strong>au</strong> moment où elle quitte définitivement le personnage de Lisette, après la représentation,<br />
qu’elle peut à nouve<strong>au</strong> endosser sa vie et prendre une décision.<br />
La pièce de Mariv<strong>au</strong>x, Le jeu de l’Amour et du Hasard, structure toute l’action du film. La question que l’on peut se<br />
poser en regardant le film, c’est de savoir s’il y a un héros. La réponse se niche dans la capacité à dire ses sentiments.<br />
Ce qui nous renvoie <strong>au</strong>x relations de plus en plus complexes de notre époque dans une société de plus en<br />
plus médiatique. Les moyens de communication (blogs, forums, chats) sont inquiétants et on peut voir un parallèle<br />
avec la situation du film où la communication passe par le port du costume et la représentation de soi.<br />
La problématique de la tendresse de l’un pour l’<strong>au</strong>tre est difficile à exprimer.<br />
Dans le film, la difficulté de dire les sentiments est bien présente. Lydia est sous le poids du regard des <strong>au</strong>tres et<br />
elle en souffre. Elle est extrêmement touchée lorsque Krimo lui avoue qu’il a fait du théâtre pour elle.<br />
Dominique Roy pense qu’il f<strong>au</strong>t absolument montrer <strong>au</strong>x collégiens la séquence d’ouverture du film avant la projection<br />
<strong>au</strong> <strong>cinéma</strong>, ceci afin qu’ils prennent des repères quant <strong>au</strong> langage des jeunes et qu’ils ne rejettent pas<br />
d’emblée un monde qui leur est, pour be<strong>au</strong>coup, étranger.<br />
Cyril Jouhanne<strong>au</strong> ajoute qu’Abdellatif Kechiche a choisi de filmer en gros plans pour nous renvoyer à la position du<br />
spectateur <strong>au</strong> théâtre. Tout le film se joue <strong>au</strong>tour du théâtre, des accessoires (l’éventail)…<br />
La présidente de l’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> remercie Cyril Jouhanne<strong>au</strong> pour sa venue à Tours et pour sa<br />
brillante analyse du film L’Esquive.<br />
Un texte de Cyril Jouhanne<strong>au</strong> sur L’esquive est disponible sur le site Internet (http://college<strong>au</strong>cinema<strong>37</strong>.free.fr)<br />
ANNÉE SCOLAIRE 2007/2008<br />
PROGRAMMATION DÉFINITIVE<br />
Nive<strong>au</strong> 6ème/5ème Nive<strong>au</strong> 4ème/3ème L’Île de Black Mor Le tombe<strong>au</strong> des lucioles<br />
1er trimestre Film d’animation Film d’animation<br />
de Jean-François Laguionie (2003) d’Isao Takahata (1988)<br />
2<br />
Bashu, le petit étranger Latcho Drom<br />
ème trimestre<br />
de Bahram Bezai (1991) de Tony Gatlif (1993)<br />
3<br />
Kes Osama<br />
ème trimestre<br />
de Ken Loach (1970) de Sedigh Barmak (2003)<br />
APPEL À ADHÉSION<br />
Enseignants, manifestez votre soutien et prenez part <strong>au</strong>x décisions prises<br />
par l’association en adhérant à titre personnel : 8 € par année scolaire !<br />
- 26 -
REALISATION DE FILMS<br />
en 2006/2007<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a initié et piloté plusieurs projets de réalisation de films en 2006/2007.<br />
PROJET CITÉ-CINÉ<br />
Dans le cadre d’actions favorisant l’intégration républicaine par l’accès à la culture, notre association a présenté à<br />
la Préfecture d’Indre et Loire un projet de contrat de ville qu’elle a intitulé « Cité-Ciné » pour permettre à des<br />
collégiens scolarisés dans certains établissements de Tours de bénéficier du dispositif Collège <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong> et de<br />
réaliser un film documentaire.<br />
Grâce à « Cité-Ciné », des collégiens et des <strong>enseignants</strong> de deux établissements ont pu réaliser un court métrage<br />
d’une dizaine de minutes avec un professionnel du <strong>cinéma</strong>.<br />
En novembre et décembre 2006, deux <strong>enseignants</strong> de chaque collège ont participé <strong>au</strong> stage « Réalisation d’un<br />
film vidéo » animé par Louis d’Orazio et organisé avec l’Inspection académique et le Festival Courts d’écoles.<br />
Quartier de l’Europe, notre quartier - Collège La Bruyère de Tours – Documentaire – 7 minutes :<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a proposé à Jessie Bruel des studios Akéona de réaliser avec la classe de 4èmA du collège La Bruyère de Tours un documentaire avec le soutien de la conseillère référente du quartier de<br />
l’Europe, Angélique Besnard.<br />
� Les collégiens ont choisi de parler du quartier de l’Europe : ils ont expliqué les origines de la construction de leur<br />
quartier, ils ont recueilli des témoignages d’habitants et se sont intéressés à l’évolution du quartier avec les nouve<strong>au</strong>x<br />
projets en cours.<br />
T1 Rémy - Collège Lamartine de Tours – Documentaire – 10 minutes :<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a fait appel à l’Atelier Super 8 de Tours pour travailler avec une classe de<br />
troisième du collège Lamartine de Tours et Aude Bolatto, leur professeur de lettres avec le projet de réaliser un<br />
film documentaire en pellicule <strong>cinéma</strong> Super 8 Kodachrome 40 couleurs sur le thème « Regard sur votre quartier ».<br />
� Une classe de collégiens, des individus, des groupes, un quartier, des trajets, la classe, le quotidien, la vie des collégiens<br />
par rapport <strong>au</strong> collège et <strong>au</strong> quartier. Aller des regards individuels vers un regard collectif.<br />
Les personnages sont réels, ils existent et jouent leur propre rôle. Le regard est le leur, il est subjectif.<br />
Les collégiens ont présenté leurs films <strong>au</strong> Festival Courts d’écoles le lundi 21 mai et le jeudi 24 mai 2007 et ont<br />
échangé avec les élèves des <strong>au</strong>tres établissements présents.<br />
CLASSE-CINÉMA DU COLLÈGE GEORGES BRASSENS D’ESVRES SUR INDRE<br />
Suomi’s Genesis<br />
Classe de 6ème A<br />
Collège Georges Brassens d’Esvres sur Indre<br />
Animation - 8 min 33 sec<br />
Ce film d’animation raconte la création de la Finlande<br />
par la déesse Luonnotar.<br />
L’objectif de cette classe-<strong>cinéma</strong>, projet piloté par Marie-Christine<br />
Fleury, professeur de lettres <strong>au</strong> collège<br />
Georges Brassens d’Esvres sur Indre, était de prolonger<br />
le travail accompli dans le dispositif Collège <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong><br />
en permettant <strong>au</strong>x élèves d’accéder à une culture élargie<br />
du film d’animation (présentation de films <strong>au</strong>tres que<br />
ceux montrés à la télévision) et en mettant en place une<br />
pédagogie active de la création <strong>au</strong> <strong>cinéma</strong>. Ce projet<br />
s’est déroulé tout <strong>au</strong> long de l’année scolaire et a abouti<br />
à une semaine de réalisation du lundi 14 mai <strong>au</strong> vendredi<br />
18 mai durant une classe-<strong>cinéma</strong> qui s’est déroulée<br />
<strong>au</strong> Centre d’hébergement du Véron à Avoine.<br />
Marc Louiset de l’atelier Imagery leur a apporté l’aide<br />
technique nécessaire à la réalisation de leur film.<br />
Claire Tupin, assistante Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>, a également<br />
apporté un soutien à l’encadrement et à<br />
l’enregistrement des sons.<br />
Le film a été présenté le lundi 21 mai 2007 dans le cadre<br />
du festival Courts d’écoles et a suscité be<strong>au</strong>coup de<br />
questions de la part des élèves des <strong>au</strong>tres établissements.<br />
� Ces trois films seront projetés lors de la soirée publique du jeudi 21 juin 2007 à 18 h dans le cadre de<br />
Courts d’écoles, le festival organisé par l’Inspection académique et les <strong>cinéma</strong>s « Studio » de Tours (entrée libre et<br />
gratuite).<br />
- 27 -
PROJET CARTES POSTALES FILMÉES<br />
L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> a proposé à la Direction de l’Éducation et de la Jeunesse de la ville de Tours<br />
un concours intitulé « Cartes Postales Filmées » dans le cadre de ses actions éducatives sur le thème « Voyageurs ».<br />
Les classes souhaitant participer <strong>au</strong> concours devaient envoyer une « carte postale » <strong>au</strong> format 10x15 cm sur le<br />
thème « Voyageurs » : soit une vraie carte postale soit une composition <strong>au</strong> format carte postale (dessin, collage,<br />
peinture ou photo avec mise en scène de la classe, paysage, objets…). Cette « carte postale » devait être la première<br />
image d’un story-board (bande dessinée racontant l’histoire d’un film) ; celle-ci devait être accompagnée<br />
soit du story-board entier soit d’un court texte, racontant une histoire de… Voyageurs ! La carte postale devait<br />
être le point de départ d’un petit film de deux à trois minutes, le tournage devant se faire en une seule journée <strong>au</strong><br />
mois de mai avec un professionnel du <strong>cinéma</strong>.<br />
Le mardi 20 mars 2007, Véronique Aguenier et Audrey Villa (Actions éducatives de la ville de Tours), Anne Champigny<br />
(École et Cinéma) et Dominique Roy (Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong>) ont sélectionné, parmi les cinq cartes postales en<br />
compétition, les quatre cartes qui deviendraient toutes des petits films d’animation !<br />
En mai 2007, chaque classe a bénéficié d’une journée de tournage pour animer sa carte postale avec l’aide de la<br />
réalisatrice Nathalie Pat.<br />
Voyage sous le sable<br />
Le voyage du roi<br />
Classe de moyenne section Classe de grande section<br />
École maternelle Jean de la Fontaine de Tours<br />
Animation - 2 min 05 sec<br />
École maternelle Arthur Rimb<strong>au</strong>d de Tours<br />
Animation - 3 min 45 sec<br />
L’inquiétude de Léonard L’escargot part en voyage<br />
Classe de 4ème Classe maternelle petite et moyenne section<br />
Collège Sainte Jeanne d’Arc de Tours École Sainte Jeanne d’Arc de Tours<br />
Animation - 2 min 45 sec Animation - 2 min 15 sec<br />
Les quatre classes ont ensuite présenté leurs films <strong>au</strong> Festival Courts d’écoles qui s’est déroulé du 21 <strong>au</strong> 25 mai<br />
2007 <strong>au</strong>x <strong>cinéma</strong>s « Studio » à Tours.<br />
� Ces quatre films d’animation seront projetés lors de la soirée publique du mardi 19 juin 2007 à 18 h dans le<br />
cadre de Courts d’écoles, le festival organisé par l’Inspection académique et les <strong>cinéma</strong>s « Studio » de Tours (entrée<br />
libre et gratuite).<br />
La Direction de l’Éducation et de la Jeunesse de la ville de Tours proposera en 2007/2008 des actions éducatives<br />
sur le thème « COULEURS ». L’association Collège <strong>au</strong> Cinéma <strong>37</strong> lancera un deuxième concours « Cartes Postales<br />
Filmées » sur ce thème en septembre 2007. Il sera ouvert à toutes les classes des établissements scolaires de Tours.<br />
Renseignements à l’association <strong>au</strong> 02 47 46 06 14.<br />
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