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par Céline Chazalviel

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The Third Mind, Carte blanche à Ugo Rondinone<br />

Vue de l’exposition au Palais de Tokyo, 2007<br />

Premier-plan Ronald Bladen<br />

Cathedral Evening 1971<br />

Bois peint, acier. 900 x 720 x 300 cm<br />

Courtesy Staaliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie Sammlung Marzona<br />

Photo Marc Domage<br />

de l’œuvre ? Et ne cesse d’en formuler des<br />

hypothèses, d’en réviser les hiérarchies de<br />

genre. Tout comme celui du visage idéal du<br />

spectateur. Cet objet hybride qu’est l’exposition<br />

dépendrait finalement peut-être moins de ses<br />

« acteurs-œuvres » que du désir de pouvoir<br />

intellectuel et médiatique de son interprète,<br />

le commissaire. Les purs produits curatoriaux<br />

des années 2000 – Éric Troncy, Vincent Pécoil,<br />

Alexis Vaillant, Stéphanie Moisdon – ont, <strong>par</strong><br />

leur prise de risque salutaire et ambitieuse,<br />

tissé une doxa temporelle de l’exposition<br />

signée. Mais depuis peu, des « cliques » de<br />

commissaires ont fait leur ap<strong>par</strong>ition (voir<br />

l’introït du 02 n°35 consacré au curatoring).<br />

Habitués à l’exercice collectif via leurs formations<br />

respectives, universitaires (eh oui,<br />

commissaire est désormais un métier, la bonne<br />

blague, qui produit des jeunes gens pressés et<br />

redoutablement efficaces), voire artistiques,<br />

les expériences curatoriales des Gourmel/<br />

Royer, Bétonsalon, du Commissariat ou encore<br />

du Bureau, témoignent d’un effacement de<br />

l’auteur au profit d’une forme ouverte et<br />

transitoire de l’exposition et du commissariat<br />

de groupe. Du statement (<strong>par</strong>fois péremptoire)<br />

de l’individu au maelström inquiet du team<br />

qui rejoindrait la forme non arbitraire de<br />

l’espace-laboratoire, l’endroit de la tractation en<br />

quelque sorte, tout tient en ce point saillant, ce<br />

« nouveau » phénomène. Définitif/définition<br />

versus impermanence/prospection. L’un<br />

n’empêchant, n’invalidant ou ne ringardisant<br />

pas l’autre, c’est là toute la subtilité du grand<br />

pandémonium curatorial. Dans tout cela, le<br />

spectateur (mais est-ce à lui que s’adresse<br />

vraiment une exposition ? rien n’est moins<br />

sûr) doit à la fois exercer son ultra-érudition<br />

mâtinée de super intuition. Une chose est<br />

certaine en revanche dans ce grand mezze,<br />

c’est sa perte de spontanéité. Les structures<br />

institutionnelles et leur fonctionnement sont<br />

aujourd’hui tels qu’aucune exposition ne<br />

peut plus métaboliser une présence éruptive,<br />

dissidente, et forcément expérimentale. Le<br />

déroulé d’une exposition et son exercice<br />

curatorial s’orchestrent désormais suivant des<br />

schèmes rigides qui ont tendance à lisser les<br />

objets, soumis aux nécessités de médiation<br />

et de médiatisation. Comme un symptôme<br />

direct de cette inflation événementielle,<br />

certains étudiants d’écoles des beaux-arts<br />

exploitent, comme à Nice, la solution alternative<br />

d’expositions quasi minute, formulées<br />

dans des espaces domestiques, exemptées<br />

des lois du cartel et de la commodification.<br />

La spontanéité réactive à un contexte hors<br />

white cube peut-elle ap<strong>par</strong>aître comme une<br />

solution ? Elle s’adapte <strong>par</strong>faitement aux<br />

conditions actuelles de raisonnement et<br />

de diffusion des œuvres. C’est ce qu’ont<br />

<strong>par</strong>faitement démontré de précédentes<br />

expériences curatoriales autogérées, à la<br />

manière des blitz expositions turinoises<br />

menées <strong>par</strong> le duo A Constructed World et<br />

Charlotte Laubard sous le label More Fools<br />

in Town entre 2003 et 2004. Mais, pitié, ne<br />

labellisons pas pour autant de telles initiatives<br />

sous l’adjectif « frais ». Ce que pointe ce type<br />

d’expérience, c’est le manque manifeste, en<br />

tout cas en France (même si le cas se relève<br />

aussi dans d’autres villes comme New York<br />

ou Los Angeles) d’espaces légers et dégagés<br />

du circuit officiel d’adoubement, afin d’expérimenter<br />

de nouvelles formes expositionnelles.<br />

L’expérience Public> et son agissement collectif,<br />

avait offert à Paris une expérience hirsute<br />

et précieuse dont il a fallu désormais se<br />

passer. Sans ces intermédiaires, l’exposition,<br />

auréolée d’un pouvoir de reconnaissance et<br />

d’affirmation n’évite pas les dangers de la<br />

personnification de l’auteur. Mais le think<br />

big des super biennales n’étant plus depuis<br />

belle lurette le lieu d’expérimentation idéal<br />

pour la matière exposition, il va falloir, avant<br />

tout, diversifier et renouveler les espaces<br />

pour envisager une ontologie optimisée de<br />

l’exposition.<br />

Et quid de l’invention ? Le renouvellement<br />

du genre de l’exposition de groupe <strong>par</strong>aît<br />

aujourd’hui difficilement exploitable. Il<br />

faut reconnaître à Éric Troncy un trait de<br />

clairvoyance (voir 02 n°26, été 2003), l’enjeu se<br />

situant peut-être davantage dans l’exposition<br />

monographique. Les meilleurs exemples<br />

récents, à chaque opposé du spectre, pourraient<br />

être le monument d’interprétation formulé <strong>par</strong><br />

Rirkrit Tiravanija au Couvent des Cordeliers<br />

(A Retrospective (Tomorrow is another fine Day),<br />

février-mars 2005) et la fantaisie concoctée<br />

aux franges du pompier <strong>par</strong> Jean-Luc Blanc<br />

et Alexis Vaillant pour le Capc de Bordeaux<br />

(Opéra Rock, du 5 mars au 14 juin 2009).<br />

Entre la présence fantomatique de l’exposition<br />

d’expositions de la première, interprétée,<br />

surinterprétée, racontée et subsumée et<br />

la dramaturgie actée et scénographiée <strong>par</strong><br />

amplification de la seconde (originale monographie<br />

chorale rassemblée autour du peintre),<br />

le petit théâtre de la monographie ouvre un<br />

territoire d’exploration et de négociation des<br />

plus excitants. Un nouvel eldorado possible ?<br />

Cela fait un petit moment que Christian<br />

Bernard y croit dur comme fer.<br />

Faut-il pour autant prédire la fin de l’exposition<br />

de groupe, la mort du curateur comme la proclamait<br />

en couverture la revue texane Art Lies<br />

cet hiver ? Ce serait aussi fin que d’annoncer<br />

le retour de la peinture. Le problème n’est pas<br />

là. Il est dans les super pouvoirs prêtés au<br />

statut d’expert-concepteur-ambianceur. Car<br />

nombreux sont ceux à avoir en tête la figure<br />

tutélaire szeemannienne, ô combien sexy et<br />

prescriptrice, le messie. Mais ce qu’il faut<br />

se résoudre à admettre, c’est son invalidité<br />

actuelle. La fin de l’authorship aurait-elle<br />

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