13.12.2012 Views

par Céline Chazalviel

par Céline Chazalviel

par Céline Chazalviel

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

78<br />

79<br />

La<br />

Notte<br />

kuNSthalle de mulhouSe<br />

<strong>par</strong> Raphaël Brunel<br />

La ville de Mulhouse se dote d’un<br />

nouvel espace d’exposition, inauguré<br />

en grande pompe en mars<br />

dernier. Le terme de Kunsthalle a été<br />

préféré à celui de centre d’art pour<br />

symboliser l’ancrage de la ville dans<br />

une zone géographique tournée<br />

vers l’Allemagne et la Suisse, mais<br />

n’a pas été sans nourrir quelques<br />

craintes sur le retour des questions<br />

nationalistes dans une région à<br />

l’histoire géographique fragmentée<br />

et complexe. La Kunsthalle <strong>par</strong>ticipe<br />

à un vaste chantier de réhabilitation<br />

et de mise en valeur du patrimoine<br />

industriel de Mulhouse et vient<br />

<strong>par</strong>achever la transformation de<br />

la Fonderie, une ancienne usine de<br />

mécanismes, en un pôle dynamique<br />

accueillant aussi la fac de droit et<br />

de communication et des ateliers<br />

pédagogiques d’arts plastiques.<br />

L’histoire ouvrière se voit désormais<br />

intimement liée à celle des étudiants<br />

et des amateurs d’art contemporain.<br />

Si comme tant d’autres, ce<br />

projet vient alimenter le débat sur<br />

la légitimité et les réelles motivations<br />

de ce type d’intégration dans un<br />

contexte historique et social chargé,<br />

Sandrine Wieman, sa directrice, met<br />

un point d’honneur à réussir à nouer<br />

le dialogue avec les habitants du<br />

quartier, à trouver les stratégies qui<br />

imposeront le centre d’art comme<br />

un composant naturel du tissu local.<br />

La Kunshalle est ainsi moins rêvée<br />

comme un espace d’exposition isolé<br />

et autonome que comme l’acteur<br />

d’une synergie entre la diversité des<br />

pratiques artistiques et le territoire<br />

mulhousien.<br />

Lorenzo Benedetti inaugure ce nouveau<br />

centre d’art avec La Notte, une<br />

exposition exigeante et aérée, qui<br />

interpelle en premier lieu le visiteur<br />

<strong>par</strong> une impression d’absence de<br />

cohérence entre les œuvres. Ce<br />

n’est que progressivement qu’elle<br />

révèle ses ramifications souterraines<br />

et la relation qu’elle entretient avec<br />

l’histoire en marche de la Kunsthalle.<br />

Son titre est emprunté à un film de<br />

1961 de Michelangelo Antonioni,<br />

qui évoque la quête identitaire et<br />

l’ambiguïté des sentiments des<br />

personnages, un moment de flottement<br />

et de doutes, qui aboutit à un<br />

changement ou une renaissance. La<br />

Notte trouve donc une certaine résonance<br />

dans un contexte mulhousien<br />

en pleine transformation et s’appuie<br />

sur des œuvres qui reflètent, de<br />

manière plus ou moins ténue, cet<br />

état transitoire. Avec Échafaudage,<br />

Katinka Bock suggère les différents<br />

projets et les enjeux politiques d’un<br />

monument Place de la Bastille<br />

destiné à commémorer la prise de<br />

l’ancienne prison. Dans une temporalité<br />

suspendue, un socle semble<br />

attendre de combler son vide <strong>par</strong><br />

une nouvelle identité. En rappelant<br />

le Monument à la III e Internationale<br />

de Tatline, l’échafaudage de<br />

Katinka Bock symbolise également<br />

le passage de la sculpture à l’âge<br />

de la modernité. Sur le thème de la<br />

transfiguration, notons également<br />

les œuvres réussies d’Italo Zuffi,<br />

qui fait reproduire des modèles de<br />

briques standards dans du marbre<br />

de Carrare, et de Nina Beier et<br />

Maria Lund, qui plient en deux des<br />

affiches politiques, dissimulant leurs<br />

propos subversifs sous l’ap<strong>par</strong>ence<br />

d’un travail formel, comme pour<br />

reviewS<br />

Vue de l’exposition La Notte, 2009<br />

Kunsthalle, Mulhouse<br />

de gauche à droite : Italo Zuffi, Nina Beier et Maria Lund,<br />

Katinka Bock, Bojan Sarcevic<br />

symboliser une société qui aurait<br />

tourné la page de l’engagement.<br />

Lorenzo Benedetti a également<br />

choisi des œuvres qui pouvaient<br />

dialoguer avec l’architecture du<br />

lieu, comme la sculpture à la fois<br />

matérialiste et fragile de Bojan<br />

Sarcevic. Mark Bain, quant à lui,<br />

produit une œuvre interactive<br />

qui réagit aux déplacements du<br />

spectateur et semble réactiver la<br />

mémoire du lieu et le fantôme du<br />

travail des ouvriers. Réalisée in situ<br />

sur la façade de la Fonderie, la pièce<br />

de Laurent Grasso, représentant<br />

une éclipse à l’aide de deux néons<br />

circulaires, manque quelque peu son<br />

but et évoque plutôt une intervention<br />

minimaliste, aussi décorative<br />

qu’intrigante.<br />

La Notte, à la Kunsthalle, Mulhouse,<br />

du 14 mars au 14 juin 2009. Commissariat<br />

Lorenzo Benedetti. Avec<br />

Mark Bain, Nina Beier & Maria<br />

Lund, Katinka Bock, Laurent Grasso,<br />

Bojan Sarcevic, Tatiana Trouvé, Italo<br />

Zuffi

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!