par Céline Chazalviel
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La<br />
Notte<br />
kuNSthalle de mulhouSe<br />
<strong>par</strong> Raphaël Brunel<br />
La ville de Mulhouse se dote d’un<br />
nouvel espace d’exposition, inauguré<br />
en grande pompe en mars<br />
dernier. Le terme de Kunsthalle a été<br />
préféré à celui de centre d’art pour<br />
symboliser l’ancrage de la ville dans<br />
une zone géographique tournée<br />
vers l’Allemagne et la Suisse, mais<br />
n’a pas été sans nourrir quelques<br />
craintes sur le retour des questions<br />
nationalistes dans une région à<br />
l’histoire géographique fragmentée<br />
et complexe. La Kunsthalle <strong>par</strong>ticipe<br />
à un vaste chantier de réhabilitation<br />
et de mise en valeur du patrimoine<br />
industriel de Mulhouse et vient<br />
<strong>par</strong>achever la transformation de<br />
la Fonderie, une ancienne usine de<br />
mécanismes, en un pôle dynamique<br />
accueillant aussi la fac de droit et<br />
de communication et des ateliers<br />
pédagogiques d’arts plastiques.<br />
L’histoire ouvrière se voit désormais<br />
intimement liée à celle des étudiants<br />
et des amateurs d’art contemporain.<br />
Si comme tant d’autres, ce<br />
projet vient alimenter le débat sur<br />
la légitimité et les réelles motivations<br />
de ce type d’intégration dans un<br />
contexte historique et social chargé,<br />
Sandrine Wieman, sa directrice, met<br />
un point d’honneur à réussir à nouer<br />
le dialogue avec les habitants du<br />
quartier, à trouver les stratégies qui<br />
imposeront le centre d’art comme<br />
un composant naturel du tissu local.<br />
La Kunshalle est ainsi moins rêvée<br />
comme un espace d’exposition isolé<br />
et autonome que comme l’acteur<br />
d’une synergie entre la diversité des<br />
pratiques artistiques et le territoire<br />
mulhousien.<br />
Lorenzo Benedetti inaugure ce nouveau<br />
centre d’art avec La Notte, une<br />
exposition exigeante et aérée, qui<br />
interpelle en premier lieu le visiteur<br />
<strong>par</strong> une impression d’absence de<br />
cohérence entre les œuvres. Ce<br />
n’est que progressivement qu’elle<br />
révèle ses ramifications souterraines<br />
et la relation qu’elle entretient avec<br />
l’histoire en marche de la Kunsthalle.<br />
Son titre est emprunté à un film de<br />
1961 de Michelangelo Antonioni,<br />
qui évoque la quête identitaire et<br />
l’ambiguïté des sentiments des<br />
personnages, un moment de flottement<br />
et de doutes, qui aboutit à un<br />
changement ou une renaissance. La<br />
Notte trouve donc une certaine résonance<br />
dans un contexte mulhousien<br />
en pleine transformation et s’appuie<br />
sur des œuvres qui reflètent, de<br />
manière plus ou moins ténue, cet<br />
état transitoire. Avec Échafaudage,<br />
Katinka Bock suggère les différents<br />
projets et les enjeux politiques d’un<br />
monument Place de la Bastille<br />
destiné à commémorer la prise de<br />
l’ancienne prison. Dans une temporalité<br />
suspendue, un socle semble<br />
attendre de combler son vide <strong>par</strong><br />
une nouvelle identité. En rappelant<br />
le Monument à la III e Internationale<br />
de Tatline, l’échafaudage de<br />
Katinka Bock symbolise également<br />
le passage de la sculpture à l’âge<br />
de la modernité. Sur le thème de la<br />
transfiguration, notons également<br />
les œuvres réussies d’Italo Zuffi,<br />
qui fait reproduire des modèles de<br />
briques standards dans du marbre<br />
de Carrare, et de Nina Beier et<br />
Maria Lund, qui plient en deux des<br />
affiches politiques, dissimulant leurs<br />
propos subversifs sous l’ap<strong>par</strong>ence<br />
d’un travail formel, comme pour<br />
reviewS<br />
Vue de l’exposition La Notte, 2009<br />
Kunsthalle, Mulhouse<br />
de gauche à droite : Italo Zuffi, Nina Beier et Maria Lund,<br />
Katinka Bock, Bojan Sarcevic<br />
symboliser une société qui aurait<br />
tourné la page de l’engagement.<br />
Lorenzo Benedetti a également<br />
choisi des œuvres qui pouvaient<br />
dialoguer avec l’architecture du<br />
lieu, comme la sculpture à la fois<br />
matérialiste et fragile de Bojan<br />
Sarcevic. Mark Bain, quant à lui,<br />
produit une œuvre interactive<br />
qui réagit aux déplacements du<br />
spectateur et semble réactiver la<br />
mémoire du lieu et le fantôme du<br />
travail des ouvriers. Réalisée in situ<br />
sur la façade de la Fonderie, la pièce<br />
de Laurent Grasso, représentant<br />
une éclipse à l’aide de deux néons<br />
circulaires, manque quelque peu son<br />
but et évoque plutôt une intervention<br />
minimaliste, aussi décorative<br />
qu’intrigante.<br />
La Notte, à la Kunsthalle, Mulhouse,<br />
du 14 mars au 14 juin 2009. Commissariat<br />
Lorenzo Benedetti. Avec<br />
Mark Bain, Nina Beier & Maria<br />
Lund, Katinka Bock, Laurent Grasso,<br />
Bojan Sarcevic, Tatiana Trouvé, Italo<br />
Zuffi