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Église et sexualité

Trop souvent, en milieu catholique, la sexualité a été abordée sous l’angle du péché possible. Or, la sexualité, créée par Dieu et non par le diable, est le moteur de la vie. Un petit livre, tonique, qui s’efforce de décliner les com­posantes et les situations concrètes de la vie sexuelle, mais avec discrétion, pudeur et délicatesse, en s’appuyant sur le primat d’une « conscience éclairée » et « sans tenir la chandelle dans le lit d’autrui » ! En évitant toute con­damnation inutile et en partant des faits, de la réalité, des évolutions actuelles, des attentes actuelles des personnes, croyantes ou non, il s’agit de redire quel est le sens profondément positif de la sexualité humaine. En raison de l’actualité, la douloureuse question de la pédophilie au sein de l’Église, en fonction notamment du célibat des prêtres, est également abordée.

Trop souvent, en milieu catholique, la sexualité a été abordée sous l’angle du péché possible. Or, la sexualité, créée par Dieu et non par le diable, est le moteur de la vie. Un petit livre, tonique, qui s’efforce de décliner les com­posantes et les situations concrètes de la vie sexuelle, mais avec discrétion, pudeur et délicatesse, en s’appuyant sur le primat d’une « conscience éclairée » et « sans tenir la chandelle dans le lit d’autrui » ! En évitant toute con­damnation inutile et en partant des faits, de la réalité, des évolutions actuelles, des attentes actuelles des personnes, croyantes ou non, il s’agit de redire quel est le sens profondément positif de la sexualité humaine. En raison de l’actualité, la douloureuse question de la pédophilie au sein de l’Église, en fonction notamment du célibat des prêtres, est également abordée.

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Denis Lecompte<br />

Que penser de…?<br />

ÉGLISE ET SEXUALITÉ


<strong>Église</strong> <strong>et</strong> <strong>sexualité</strong>


M gr Denis Lecompte<br />

<strong>Église</strong> <strong>et</strong> <strong>sexualité</strong><br />

Collection<br />

Que penser de…?<br />

94


Du même auteur<br />

• Le Baron d’Holbach <strong>et</strong> Karl Marx, 2 t., Cerf, Paris, 1980.<br />

• Marx <strong>et</strong> le baron d’Holbach, P.U.F., Paris, 1983.<br />

• Marxisme <strong>et</strong> athéisme. L’athéisme marxiste est-il de Marx ?, Presses universitaires<br />

de Valenciennes, 1986.<br />

• De l’athéisme au r<strong>et</strong>our du religieux. Dieu, toujours Lui ?, Plon/Mame, Paris,<br />

1996.<br />

• La cathédrale Notre-Dame-de-Grâce. De Cambrai à Lourdes, Signe, Strasbourg,<br />

2000.<br />

• De Lui jaillit la vie, Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2000.<br />

• Guide Totus de l’existence de Dieu, Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2004.<br />

• Les Sectes, Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2005.<br />

• Nouvelles croyances, thérapies alternatives : des dérives possibles, (avec Bertran<br />

Chaud<strong>et</strong>) Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2008.<br />

• Croyances « nouvelles » <strong>et</strong> vie chrétienne. Sensibilités contemporaines <strong>et</strong> Révélation<br />

biblique, Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2010.<br />

• Le christianisme, avenir de la sécularisation ? Enjeu de la nouvelle évangélisation,<br />

Salvator, Paris, 2011.<br />

• Guide Totus des pèlerinages, Sarment/Éd. du Jubilé, Paris, 2011.<br />

• Les spiritualités nouvelles, Fidélité, coll. Que penser de… ? n o 80, Namur,<br />

2012.<br />

• Au cœur des objections antichrétiennes, Cerf, Paris, 2013.<br />

• Comment Dieu peut-il avoir un fils ?, Cerf, Paris, 2014.<br />

Denis Lecompte, prêtre (docteur en philosophie <strong>et</strong> théologie, docteur<br />

d’État ès l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> sciences humaines) a été conseiller spirituel<br />

<strong>et</strong> professeur de Séminaire, aumônier d’étu diants, curé, doyen,<br />

recteur de sanctuaires, directeur de pèlerinages… Il est actuellement<br />

chancelier du diocèse de Cambrai.<br />

Directeur de collection : Charles Delhez, s.j.<br />

© 2017, Éditions jésuites<br />

Belgique : 7, rue Blondeau • 5000 Namur<br />

France : 14, rue d’Assas • 75006 Paris<br />

info@editionsjesuites.com • www.editionsjesuites.com<br />

ISBN : 978-2-87356-768-2<br />

Dépôt légal : D.2017, 4323.18<br />

Maqu<strong>et</strong>te <strong>et</strong> mise en page : Jean-Marie Schwartz<br />

Imprimé en Belgique


Préface<br />

Dans l’<strong>Église</strong>, il est bon <strong>et</strong> urgent de pouvoir parler simplement<br />

<strong>et</strong> librement de la <strong>sexualité</strong>. Tel est l’intérêt de<br />

c<strong>et</strong> ouvrage où Mgr Denis Lecompte cherche à dire, sans complexe,<br />

à la fois le sens positif <strong>et</strong> toute la beauté de la <strong>sexualité</strong>,<br />

mais aussi dénonce clairement les violences <strong>et</strong> les blessures<br />

qu’elle peut engendrer. Trop souvent, la <strong>sexualité</strong> demeure un<br />

suj<strong>et</strong> tabou, difficile à aborder <strong>et</strong>, parfois, obj<strong>et</strong> d’un lourd silence<br />

coupable comme l’ont manifesté les récentes affaires de<br />

pédophilie. Si, comme le souligne l’auteur, la morale sexuelle<br />

n’est pas un suj<strong>et</strong> majeur dans l’Écriture, la <strong>sexualité</strong>, pour sa<br />

part, s’inscrit dans le cadre de la Révélation chrétienne comme<br />

un lieu théologique important qui a pour horizon la rencontre<br />

de l’autre <strong>et</strong> l’amour.<br />

Comme nous le pressentons dans notre propre expérience,<br />

la <strong>sexualité</strong> est un suj<strong>et</strong> plus difficile qu’il ne paraît. C<strong>et</strong>te difficulté<br />

ne tient pas seulement à notre propre incapacité à m<strong>et</strong>tre<br />

des mots sur ce qui est souvent peu maîtrisable ou peu raisonnable,<br />

mais à la complexité même de la <strong>sexualité</strong> : si le désir <strong>et</strong><br />

l’amour sont les choses les plus ordinaires pour tous, ils sont<br />

aussi les plus difficiles à vivre dans la vérité <strong>et</strong> dans le temps.<br />

Oublier ou refuser la richesse <strong>et</strong> la complexité du désir sexuel<br />

de l’homme <strong>et</strong> de la femme, serait réduire la <strong>sexualité</strong> à peu de<br />

choses <strong>et</strong>, surtout, en appauvrir le sens. Comme nous y invite


6 Préface<br />

ce livre, il y a, pour chacun, un défi à affronter : oser approfondir<br />

les enjeux humains <strong>et</strong> spirituels de la <strong>sexualité</strong> pour mieux en<br />

poser le sens dans nos existences. Ce travail s’inscrit dans ce<br />

qu’on peut appeler l’effort moral — la recherche de ce qui est<br />

bon <strong>et</strong> bien pour chacun <strong>et</strong> pour tous — auquel contribue particulièrement<br />

le théologien, comme le fait aussi le philosophe,<br />

le psychanalyste, l’historien…<br />

C’est un de ses paradoxes : la <strong>sexualité</strong>, à la fois, nous détermine<br />

par bien des aspects <strong>et</strong>, à la fois, constitue un des lieux où<br />

nous faisons l’apprentissage de notre liberté. La <strong>sexualité</strong> est<br />

peut-être le lieu privilégié où nous faisons l’expérience que notre<br />

« liberté simplement humaine » (Paul Ricœur) n’existe pas en<br />

dehors des limites qui nous constituent. En ce sens, la <strong>sexualité</strong><br />

manifeste que la liberté humaine se construit dans l’acceptation<br />

<strong>et</strong> la reconnaissance de la réalité telle qu’elle est <strong>et</strong> non telle que<br />

nous la rêvons. Pour chacun, vivre <strong>et</strong> donner sens à sa <strong>sexualité</strong><br />

est une tâche — heureuse <strong>et</strong> difficile à la fois — à mener tout<br />

au long de sa vie. Pour les chrétiens, vivre sa <strong>sexualité</strong> de manière<br />

responsable <strong>et</strong> respectueuse de l’autre s’inscrit dans une conversion<br />

permanente car « l’Évangile concerne une humanité<br />

sexuée <strong>et</strong> heureuse de l’être » (voir ci-dessous, p. 54).<br />

Comme le souligne l’auteur : « Les chrétiens ont à témoigner<br />

sereinement, <strong>et</strong> sans fausse pudeur, que la <strong>sexualité</strong><br />

est belle <strong>et</strong> bonne pour peu qu’elle soit humanisée » (voir<br />

ci-dessous, p. 70). Toute existence s’humanise quand elle devient<br />

apprentissage du don de soi : « Comme je vous ai aimés,<br />

vous aussi aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34).<br />

Dans le mariage comme dans le célibat consacré, la <strong>sexualité</strong><br />

constitue un puissant dynamisme pour m<strong>et</strong>tre en œuvre l’appel<br />

de Dieu à aimer comme Lui-même nous a aimés, c’est-à-dire


Préface<br />

7<br />

m<strong>et</strong>tre en œuvre la charité qui seule subsistera à la fin des temps.<br />

Mais ce bel idéal ne doit jamais faire oublier que la fidélité à<br />

l’Évangile commande de prendre soin des plus p<strong>et</strong>its <strong>et</strong> des plus<br />

fragiles face à la toute-puissance du désir sexuel, telle qu’elle<br />

se manifeste dans les faits récents, « insupportables <strong>et</strong> terribles<br />

» (voir ci-dessous, p. 82), d’abus au sein même de l’<strong>Église</strong>.<br />

+ Luc Crepy<br />

Évêque du Puy-en-Velay<br />

Président de la Cellule permanente<br />

de lutte contre la pédophilie pour l’<strong>Église</strong> de France


Introduction<br />

Actualité <strong>et</strong> réalisme<br />

Depuis quelque temps, l’actualité n’épargne pas<br />

l’<strong>Église</strong> sur le suj<strong>et</strong> de la <strong>sexualité</strong>. Le point majeur<br />

est la pédophilie en son sein, obj<strong>et</strong> du chapitre ultime<br />

de ce livre. Dans son discours d’ouverture le<br />

28 mars 2017, pour l’assemblée plénière des évêques à<br />

Lourdes, M gr Georges Pontier, président de la Conférence,<br />

a dû déplorer que les mesures mises en place par<br />

l’<strong>Église</strong> de France — cellules d’écoute, outils de formation,<br />

mise en place d’une commission d’experts — soient<br />

peu évoquées dans le discours médiatique dominant :<br />

« Qu’on veuille bien nous croire : nous sommes profondément<br />

touchés par la souffrance des victimes <strong>et</strong> nous<br />

voulons les accueillir <strong>et</strong> les écouter de notre mieux. Nous<br />

sommes résolus à aider la justice à faire son travail. Rien<br />

ne peut nous en dispenser. Nous invitons les victimes<br />

à porter plainte auprès des autorités judiciaires auxquelles,<br />

pour notre part, nous signalerons les faits qui<br />

nous seraient révélés. » Par ailleurs, il a dénoncé les amal-


10 Introduction<br />

games calomnieux assimilant tout prêtre à un prédateur<br />

en puissance, nous y reviendrons.<br />

Avant d’examiner ces points, il convient d’approfondir<br />

ce que les sciences humaines <strong>et</strong> la théologie chrétienne<br />

nous renseignent sur la <strong>sexualité</strong>. D’abord, avec réalisme,<br />

écoutons ce qu’en dit le bon sens commun <strong>et</strong> prenons<br />

connaissance des évolutions de notre société.<br />


1<br />

Évolution des mœurs<br />

<strong>et</strong> <strong>Église</strong><br />

Les statistiques<br />

Au cours de l’année 2007 a été rendue publique une<br />

très sérieuse enquête : Contexte de la <strong>sexualité</strong> en France .<br />

Elle a été menée sous la responsabilité scientifique de<br />

Nathalie Bajos (Inserm) <strong>et</strong> de Michel Bozon (Ined), <strong>et</strong><br />

coordonnée par Nathalie Beltzer (ORS Ile-de-France).<br />

Pluridisciplinaire, l’équipe de recherche associe des chercheurs<br />

en sociologie, démographie <strong>et</strong> épidémiologie de<br />

l’Inserm, de l’Ined, du CNRS, de l’InVS <strong>et</strong> de l’Université.<br />

L’enquête est réalisée à l’initiative de l’Agence<br />

nationale de recherches sur le sida <strong>et</strong> les hépatites virales<br />

(ANRS). C<strong>et</strong>te enquête fournit un panorama compl<strong>et</strong><br />

sur la <strong>sexualité</strong> des Français au xxie siècle, <strong>et</strong> également<br />

sur l’évolution des mœurs ; des enquêtes similaires ont<br />

été réalisées en 1970 <strong>et</strong> 1992.<br />

D’un point de vue général, les résultats sont con -<br />

formes aux eff<strong>et</strong>s de la libération sexuelle :


12 Chapitre 1<br />

- Baisse de l’âge du premier rapport sexuel : en un<br />

demi-siècle, l’âge moyen du premier rapport chez<br />

les hommes est passé de 18,8 ans à 17,2 ans ; <strong>et</strong> de<br />

20,6 ans à 17,6 ans chez les femmes.<br />

- L’augmentation du nombre de partenaires sexuels<br />

déclarés est en hausse chez la femme : 4,4 en<br />

moyenne, contre 1,8 en 1970 <strong>et</strong> 3,3 en 1992. De son<br />

côté, l’homme mentionne en moyenne un chiffre de<br />

11,6. C<strong>et</strong>te importante différence s’explique par le<br />

fait que les femmes ne mentionnent pas l’ensemble<br />

de leurs partenaires, mais se limitent à ceux « qui<br />

ont compté dans leur vie ».<br />

- La fréquence des rapports sexuels varie peu, sauf<br />

pour les femmes de plus de 50 ans : les femmes en<br />

couple de plus de 50 ans n’étaient que 53 % à déclarer<br />

une activité sexuelle lors des 12 derniers mois dans<br />

l’enquête de 1970 ; elles étaient 77 % dans l’enquête<br />

de 1992 <strong>et</strong> sont près de 90 % aujourd’hui.<br />

- L’inactivité sexuelle frappe une partie des couples :<br />

16 % des femmes <strong>et</strong> 15 % des hommes en couple depuis<br />

plus d’un an rapportent n’avoir eu aucun rapport<br />

sexuel pendant au moins trois mois consécutifs lors<br />

de l’année qui vient de s’écouler. Quand la relation<br />

dure depuis 2-3 ans, 13 % des femmes <strong>et</strong> 10 % des<br />

hommes déclarent ne pas avoir eu de rapports sexuels<br />

pendant au moins 3 mois, <strong>et</strong> 17 % des femmes <strong>et</strong> 16 %<br />

des hommes lorsqu’elle dure depuis plus de 6 ans.<br />

- Rapports homosexuels : 4,0 % des femmes <strong>et</strong> 4,1 %<br />

des hommes de 18 à 69 ans déclarent avoir déjà eu<br />

des pratiques sexuelles avec un partenaire du même


Évolution des mœurs <strong>et</strong> <strong>Église</strong><br />

13<br />

sexe, ce qui représente une augmentation notable<br />

chez les femmes (2,6 % en 1992).<br />

- Plus de 90 % des hommes disent avoir déjà pratiqué<br />

la masturbation, contre seulement 60 % des femmes.<br />

En 1992, 42 % d’entre elles seulement disaient s’être<br />

masturbées.<br />

- Explosion des pratiques orales : aujourd’hui, plus<br />

de 80 % des femmes on déjà pratiqué la fellation.<br />

Dès l’âge de 25 ans, deux tiers d’entre elles déclarent<br />

la pratiquer régulièrement. 85 % des hommes <strong>et</strong><br />

femmes ont expérimenté le cunnilingus, <strong>et</strong> 70 % le<br />

pratiquent souvent ou parfois.<br />

- La sodomie progresse : en 1992, 24 % des femmes <strong>et</strong><br />

30 % des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience<br />

; en 2006, ils sont respectivement 37 % <strong>et</strong> 45 %.<br />

Cependant, c<strong>et</strong>te pratique semble occasionnelle :<br />

entre 25 <strong>et</strong> 49 ans, les femmes sont seulement 12 %<br />

à dire qu’elles la pratiquent souvent ou parfois (15 à<br />

18 % pour les hommes de 20 à 49 ans).<br />

L’enquête conclut que « ces divergences s’inscrivent<br />

dans une vision du monde qui voit dans les différences<br />

biologiques la cause essentielle des différences entre les<br />

hommes <strong>et</strong> les femmes en matière de <strong>sexualité</strong> », avec<br />

à l’appui, la statistique suivante : Les femmes <strong>et</strong>, dans<br />

une moindre mesure, les hommes adhèrent majoritairement<br />

à l’idée selon laquelle les hommes auraient « par<br />

nature plus de besoins sexuels que les femmes » (75 %<br />

des femmes <strong>et</strong> 62 % des hommes).


14 Chapitre 1<br />

Les causes<br />

Voir à ce suj<strong>et</strong> le travail remarquable de Pierre Dauptain,<br />

50 ans de mariage. Réflexions d’un notaire sur l’évolution<br />

du couple ces cinquante dernières années*.<br />

1965-2015: le couple, la société <strong>et</strong> la loi. l’évolu -<br />

tion des mœurs<br />

Malgré le poids de l’économie qui pèse sur lui <strong>et</strong> qui<br />

l’entrave, le couple d’aujourd’hui est plus libre qu’il y a<br />

cinquante ans. Il ne craint plus le jugement de ses parents,<br />

de sa famille, du voisinage, <strong>et</strong> l’<strong>Église</strong> catholique<br />

a perdu de son influence. Quant au couple homosexuel,<br />

son intégration s’est accélérée depuis les dures « années<br />

sida ». C<strong>et</strong>te liberté accrue a eu deux corollaires : un<br />

mouvement vers l’égalité des sexes <strong>et</strong> une approche différente<br />

du mariage.<br />

D’une société de la permanence à une société de<br />

l’éphémère<br />

Il y a cinquante ans, un jeune avait devant lui la perspective<br />

d’une seule vie : fonder une famille issue d’un<br />

seul mariage, vivre dans un seul logement, exercer un<br />

seul métier. À présent, il voit se profiler à l’horizon<br />

plusieurs unions, célébrées ou non par un mariage, plusieurs<br />

familles avec des enfants nés de ces unions diffé-<br />

* Les livres cités sans détails sont repris dans la bibliographie, p. 101-102.


Évolution des mœurs <strong>et</strong> <strong>Église</strong><br />

15<br />

rentes, plusieurs domiciles, plusieurs métiers. La pérennité<br />

n’est plus ce qui caractérise le couple con temporain ;<br />

<strong>et</strong> la tendance s’inscrit dans un contexte général de mouvance<br />

<strong>et</strong> de fluidité opposé à la permanence qui imprimait<br />

la société du milieu des années 1960.<br />

L’effacement progressif des signes distinctifs<br />

du mariage<br />

Les signes distinctifs du mariage s’effacent peu à peu.<br />

La frontière entre le mariage <strong>et</strong> la vie maritale semble<br />

de plus en plus poreuse au fur <strong>et</strong> à mesure de la désaffection<br />

des Français pour l’institution. Toutefois, <strong>et</strong> malgré<br />

même les réformes les plus audacieuses — Pacs, mariage<br />

pour tous —, des différences fondamentales demeurent,<br />

toutes assises sur une conception traditionnelle selon<br />

laquelle il n’y a pas de famille sans mariage.<br />

Un relatif désintérêt pour le mariage<br />

Les Français se marient beaucoup moins qu’il y a cinquante<br />

ans <strong>et</strong> divorcent beaucoup plus. Le mariage, dans<br />

c<strong>et</strong>te approche statistique, est en crise. Pourtant, les débats<br />

passionnés autour du mariage homosexuel ont démontré<br />

que ce désintérêt supposé des Français pour le<br />

mariage était très relatif : un grand nombre d’entre eux<br />

a ouvertement manifesté son hostilité envers une réforme<br />

qui venait bouleverser l’histoire plusieurs fois<br />

millénaire de c<strong>et</strong>te institution.


16 Chapitre 1<br />

Vers l’acceptation généralisée du mariage homo -<br />

sexuel?<br />

Jusqu’au tout début des années 1990, l’idée même<br />

d’un mariage homosexuel n’aurait pas pu effleurer les<br />

esprits. En 1999, avec le Pacs, <strong>et</strong> en 2006 avec la réforme<br />

de ce contrat, la proposition d’un mariage ouvert à tous<br />

pouvait sembler avoir été définitivement abandonnée.<br />

Le choc de la loi de 2013 a donc été d’autant plus violent<br />

pour ses opposants qu’ils ont eu le sentiment d’être victimes<br />

d’une accélération fulgurante du mécanisme législatif,<br />

d’un emballement incontrôlé de la machine<br />

démocratique.<br />

Cependant, avec le temps, tout se banalise : les lois<br />

sur la contraception, sur l’avortement, sur le Pacs luimême,<br />

heurtèrent à leur époque une bonne partie de<br />

l’opinion. Pour être aujourd’hui acceptées par le plus<br />

grand nombre. Qu’en sera-t-il du mariage homosexuel ?<br />

Quel est l’avenir du Pacs?<br />

À présent que le mariage est ouvert à tous les couples,<br />

le Pacs devrait, en toute logique, disparaître du droit<br />

français. Pourtant, l’adhésion massive de la population<br />

hétérosexuelle à ce nouveau mode de conjugalité vient<br />

immédiatement contredire c<strong>et</strong>te proposition. De la<br />

même façon qu’ils ne pourraient plus vivre sans ordinateur<br />

ou sans téléphone portable, les Français —<br />

hétéro sexuels en tête — ne pourraient plus, semble-t-il,<br />

aujourd’hui se passer du Pacs.<br />

Pour autant, la question de l’avenir de ce contrat mérite<br />

d’être posée. Le Pacs doit-il poursuivre son évolu-


Évolution des mœurs <strong>et</strong> <strong>Église</strong><br />

17<br />

tion qui, peu à peu, le fait se rapprocher du mariage ?<br />

Ou la loi doit-elle envisager de décourager ses adeptes,<br />

ne serait-ce que par une mesure fiscale qui consisterait<br />

à rétablir les droits de succession entre partenaires ?<br />

Le fait des divorces<br />

Après avoir augmenté régulièrement depuis les années<br />

1970, la propension au divorce baisse légèrement depuis<br />

la fin des années 2000. Si les conditions de divorce se<br />

maintenaient, 44 % des mariages de l’année se termineraient<br />

aujourd’hui par un divorce. Par ailleurs, de nos<br />

jours, comme depuis les années 1970, le risque de divorce<br />

est maximal à cinq ans de mariage.<br />

En 2014, un quart des mariages sont des remariages<br />

pour au moins un des deux conjoints ; <strong>et</strong> un sur dix l’est<br />

pour les deux conjoints. L’âge au remariage augmente<br />

depuis 1980. En 2014, les hommes mariés c<strong>et</strong>te annéelà<br />

<strong>et</strong> précédemment divorcés avaient 50 ans en moyenne,<br />

les femmes 46 ans. Avec près de 2 divorces pour 1 000<br />

habitants par an, la France se situe en 2013 dans la<br />

moyenne européenne (source Insee).<br />

Une augmentation des naissances hors mariage<br />

En 2012, la proportion de naissances hors mariage<br />

dans l’Union Européenne à 28 États était de 40 % ; elle<br />

a continué d’augmenter. Ceci indique l’apparition de<br />

nouveaux schémas de formation des familles parallèlement<br />

au schéma plus traditionnel dans lequel les enfants<br />

sont issus d’un mariage.


18 Chapitre 1<br />

En 2014, le nombre de naissances hors mariage a dépassé,<br />

dans plusieurs États membres de l’Union, le<br />

nombre de naissances survenues dans le cadre d’un mariage<br />

; à savoir : en Bulgarie (58,8 %), en Estonie (58,4 %,<br />

données de 2012), en Slovénie (58,3 %), en France<br />

(56,7 %, données de 2012), en Suède (54,6 %), au Danemark<br />

(52,5 %), en Belgique (52,3 %, données de 2012),<br />

ainsi qu’en Norvège (55,5 %). Une proportion encore<br />

plus élevée de naissances vivantes hors mariage a été<br />

enregistrée en 2012 en Islande (66,9 %). Des pays méditerranéens<br />

comme la Grèce, la Croatie, Chypre, l’Italie<br />

<strong>et</strong> Malte, ainsi que la Pologne <strong>et</strong> la Lituanie se situaient<br />

généralement à l’opposé : plus de 70 % des naissances<br />

dans chacun de ces États membres surviennent dans le<br />

cadre d’un mariage. En Turquie, c<strong>et</strong>te proportion s’élevait<br />

à 97 %.<br />

Dans l’Europe des 28, la part d’enfants nés hors mariage<br />

a augmenté de 27,3 % en 2000 à 40,0 % en 2012.<br />

Les dernières données disponibles montrent qu’en 2014,<br />

les naissances hors mariage ont augmenté dans la quasitotalité<br />

des États membres de l’Union par rapport à 2013<br />

(2012 par rapport à 2011 pour certains États membres),<br />

sauf pour l’Estonie (2012 par rapport à 2011), la L<strong>et</strong>tonie,<br />

la Lituanie <strong>et</strong> la Bulgarie (Informations Eurostat — Direction<br />

générale de la Commission européenne chargée de<br />

l’information statistique officielle à l’échelle communautaire).


Évolution des mœurs <strong>et</strong> <strong>Église</strong><br />

19<br />

Et l’<strong>Église</strong> ?<br />

La demande populaire<br />

Selon un sondage Ifop pour Sud Ouest dimanche (publié<br />

le 2 mars 2013), les Français dans leur ensemble se prononcent<br />

massivement pour que l’<strong>Église</strong> catholique modifie<br />

ses positions afin de tenir compte des changements<br />

intervenus dans la société.<br />

Lorsqu’il est question de savoir si l’<strong>Église</strong> catholique<br />

doit modifier ses positions ou si elle doit défendre les<br />

valeurs auxquelles elle croit — même si elles sont parfois<br />

en décalage avec ces bouleversements —, les Français<br />

dans leur ensemble se prononcent massivement pour<br />

le changement, note l’Ifop.<br />

Ainsi, la contraception (90 %), le mariage des prêtres<br />

(83 %) <strong>et</strong> le remariage des divorcés (82 %) apparaissent<br />

pour l’ensemble des Français comme un enjeu de société<br />

dont l’<strong>Église</strong> catholique devrait tenir compte. L’ordination<br />

des femmes est souhaitée par 79 % des Français, <strong>et</strong><br />

l’euthanasie par 77 %.<br />

Une majorité de Français estime aussi que l’<strong>Église</strong> catholique<br />

doit modifier ses positions au suj<strong>et</strong> de l’avortement<br />

(80 %) <strong>et</strong> de l’homo<strong>sexualité</strong> (68 %), l’attente<br />

sur ce dernier thème s’avérant toutefois sensiblement<br />

moins forte que pour les autres enjeux.<br />

Ceci étant, l’enquête note également que l’avortement<br />

<strong>et</strong> l’homo<strong>sexualité</strong> font l’obj<strong>et</strong> d’une moindre demande<br />

de changement de la part des catholiques par rapport à


En lecture partielle…


P<strong>et</strong>ite bibliographie<br />

• Abbé Pierre avec Frédéric Lenoir, Mon Dieu… pourquoi ?<br />

P<strong>et</strong>ites méditations sur la foi chrétienne <strong>et</strong> le sens de la vie, Plon,<br />

Paris, 2005.<br />

• Michel Aup<strong>et</strong>it, Contraception : la réponse de l’<strong>Église</strong>, Téqui,<br />

Paris, 2009.<br />

• —, L’homme, le sexe <strong>et</strong> Dieu : pour une <strong>sexualité</strong> plus humaine, Salvator,<br />

Paris, 2011.<br />

• François Boespflug, Pourquoi j’ai quitté l’Ordre… <strong>et</strong> comment<br />

il m’a quitté, Éd. J.-C. Béhar, Paris, 2016.<br />

• Olivier Bonnewijn, Éthique sexuelle <strong>et</strong> familiale, Éd. de l’Emmanuel,<br />

Paris, 2006.<br />

• Frédéric Boyer, Dieu, le sexe <strong>et</strong> nous, Éd. P.O.L., Paris, 2013.<br />

• Stéphane Clerg<strong>et</strong>, Comment devient-on homo ou hétéro, Éd.<br />

J.-Cl. Lattès, Paris, 2006.<br />

• Conférence des évêques de France, Lutter contre la<br />

pédophilie, Bayard/Cerf/Mame, Paris, 2017 (éditions en 2002<br />

<strong>et</strong> 2010).<br />

• Pierre Dauptain, 50 ans de mariage. Réflexions d’un notaire sur<br />

l’évolution du couple ces cinquante dernières années, L’Harmattan/<br />

Pepper, Paris, 2015.<br />

• Charles Delhez <strong>et</strong> Armand Lequeux, Le sexe <strong>et</strong> le goupillon.<br />

Regards croisés d’un prêtre <strong>et</strong> d’un sexologue, Fidélité, Namur,<br />

2010.


102 Bibliographie<br />

• Dominique Foyer, L’éthique en questions. Entr<strong>et</strong>iens sur la<br />

morale, Éd. Saint-Léger, Le Coudray-Macouard, 2017.<br />

• Jean-Marie Gueull<strong>et</strong>te, Pas de vertu sans plaisir. La vie morale<br />

avec saint Thomas d’Aquin, Cerf, Paris, 2016.<br />

• Antoine Hérouard, « “Aider à grandir en liberté”. Conditions<br />

pour vivre le célibat », dans Prêtres diocésains n o 1530,<br />

novembre 2016, p. 396-409.<br />

• Xavier Lacroix, Le corps de chair : les dimensions éthique, esthétique<br />

<strong>et</strong> spirituelle de l’amour, Cerf, Paris, 1992.<br />

• Lucie Licheri <strong>et</strong> Jeannine Marroncle, La chast<strong>et</strong>é,<br />

Éd. L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2001.<br />

• André Paul, Éros enchaîné. Les chrétiens, la famille <strong>et</strong> le genre,<br />

Albin Michel, Paris, 2014.<br />

• —, La « famille chrétienne » n’existe pas. L’<strong>Église</strong> au défi de la société<br />

réelle, Albin Michel, Paris, 2015.<br />

• Yvon Quiniou, Critique de la religion, Éd. La ville brûle, Montreuil,<br />

2014.<br />

• François Rose, La révolution d’amour expliquée à mon filleul,<br />

Salvator, Paris, 2017.<br />

• Jean-Eudes Tesson, La chast<strong>et</strong>é n’est pas ce que vous redoutez !<br />

Mieux vivre sa relation à l’autre, Mediaspaul, Paris, 2016.<br />

• Xavier Thévenot, Mon fils est homosexuel, Éd. Saint- Augustin,<br />

Saint-Maurice, 2001.<br />


Table des matières<br />

Préface, par M gr Luc Crepy.......................................... 5<br />

Introduction ............................................................ 9<br />

1. Évolution des mœurs <strong>et</strong> <strong>Église</strong> .......................... 11<br />

2. Sexualité, moteur de la vie, voulue par Dieu <strong>et</strong><br />

non par le diable ................................................ 23<br />

3. Le péché, c’est réduire l’autre en obj<strong>et</strong> de<br />

jouissance .......................................................... 39<br />

4. S’aimer soi-même .............................................. 45<br />

5. « Qui veut faire l’ange fait la bête » .................... 53<br />

6. Sexualité <strong>et</strong> vie chrétienne.................................. 59<br />

7. Discrétion, pudeur <strong>et</strong> délicatesse ...................... 75<br />

8. Pédophilie <strong>et</strong> célibat des prêtres ........................ 81<br />

Conclusion .............................................................. 99<br />

P<strong>et</strong>ite bibliographie ................................................101<br />


dans la même collection<br />

(derniers titres parus)<br />

71 Philippe Cochinaux, L’éthique, 2008.<br />

72 Philippe Wargnies <strong>et</strong> Pierre Warin, Saint Paul, 2008.<br />

73 Geneviève Comeau, Le dialogue interreligieux, 2008.<br />

74 Guilhem Causse, Les banlieues, 2009.<br />

75 Silvana Panciera, Les béguines, 2009 ; 2 e éd. 2011.<br />

76 Arnaud Join-Lambert, Les expériences de mort imminente,<br />

2010.<br />

77 Dominique Collin <strong>et</strong> Dominique Lawalrée, La musique<br />

sacrée, 2010.<br />

78 Pierre de Riedmatten, Le Saint Suaire, 2011 ; 2 e éd. 2015.<br />

79 Jacques Vermeylen, Vatican II, 2012.<br />

80 Denis Lecompte, Les spiritualités nouvelles, 2012.<br />

81 Pierre Mourlon Beernaert, Les quatre évangiles, 2013.<br />

82 Jacques Dessaucy, Les diaconesses, 2013.<br />

83 Jérôme Rousse-Lacordaire, L’ésotérisme, 2014.<br />

84 François Mathijsen, Les expériences paranormales, 2014.<br />

85 Jean-Michel Maldamé, Création <strong>et</strong> créationnisme, 2014.<br />

86 Michel Mallèvre, Les évangéliques, 2015.<br />

87 Benoît Malvaux, La vie consacrée, 2015.<br />

88 Philippe Cochinaux, La miséricorde, 2015.<br />

89 Emilio Platti, L’islamisme, 2015.<br />

90 Xavier Dijon, Les réfugiés, 2016.<br />

91 Silvana Panciera, Le yoga, 2016.<br />

92 Xavier Dijon, Le transhumanisme, 2017.<br />

93 Michel Salamolard, Les homosexuels, 2017.<br />

Achevé d’imprimer le 19 juin 2017<br />

sur les presses de l’imprimerie Bi<strong>et</strong>lot, à 6060 Gilly (Belgique)


<strong>Église</strong> <strong>et</strong> <strong>sexualité</strong><br />

Trop souvent, en milieu catholique, la <strong>sexualité</strong> a été<br />

abordée sous l’angle du péché possible. Or, la <strong>sexualité</strong>,<br />

créée par Dieu <strong>et</strong> non par le diable, est le moteur de la vie.<br />

Un p<strong>et</strong>it livre, tonique, qui s’efforce de décliner les com -<br />

posantes <strong>et</strong> les situations concrètes de la vie sexuelle, mais<br />

avec discrétion, pudeur <strong>et</strong> délicatesse, en s’appuyant sur le<br />

primat d’une « conscience éclairée » <strong>et</strong> « sans tenir la<br />

chandelle dans le lit d’autrui » ! En évitant toute con -<br />

damnation inutile <strong>et</strong> en partant des faits, de la réalité, des<br />

évolutions actuelles, des attentes actuelles des personnes,<br />

croyantes ou non, il s’agit de redire quel est le sens<br />

profondément positif de la <strong>sexualité</strong> humaine.<br />

En raison de l’actualité, la douloureuse question de la<br />

pédophilie au sein de l’<strong>Église</strong>, en fonction notamment du<br />

célibat des prêtres, est également abordée.<br />

Préface de M gr Luc Crepy, président de la Cellule permanente<br />

de lutte contre la pédophilie pour l’<strong>Église</strong> de France.<br />

Denis Lecompte, prêtre (docteur en philosophie <strong>et</strong> théologie,<br />

docteur d’État ès l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> sciences humaines) a été conseiller<br />

spirituel <strong>et</strong> professeur de Séminaire, aumônier d’étu diants, curé,<br />

doyen, recteur de sanctuaires, directeur de pèlerinages… Il est<br />

actuellement chancelier du diocèse de Cambrai.<br />

ISBN 978-2-87356-768-2<br />

Prix TTC : 9,50 €<br />

9782873 567682<br />

Collection<br />

Que penser de…?<br />

94<br />

Photo de couverture : Lovers at suns<strong>et</strong> © yanlev | Fotolia

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