ZESO 3/17 (f)
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Supplément d'intégration pour<br />
personnes sans activité lucrative:<br />
Quelles sont les conditions?<br />
PRATIQUE Mme Gonçalves perçoit l’aide sociale, mais s’occupe tous les jours d’une proche parente.<br />
Elle souhaiterait par ailleurs suivre un cours de français afin de trouver plus facilement un emploi.<br />
Son droit à un supplément d’intégration pour personnes sans activité lucrative dépendra du fait si ses<br />
efforts augmentent ou entretiennent les chances d’une intégration réussie.<br />
Madame Gonçalves, 31 ans, célibataire et<br />
sans enfant, a quitté le Portugal il y a 1 ans<br />
et souhaite retrouver rapidement du travail.<br />
Il y a trois mois elle a démissionné de son<br />
travail pour pouvoir s’occuper d’un membre<br />
proche de sa famille qui est dépendante de<br />
sa présence quotidienne. N’ayant pas suffisamment<br />
cotisé pour bénéficier des indemnités<br />
chômage, Madame Gonçalves reçoit<br />
l’aide sociale depuis un mois.<br />
Elle souhaite au plus vite trouver une<br />
activité rémunérée. Dépendre de l’aide<br />
financière octroyée par le service social représente<br />
une honte à ses yeux. De plus, elle<br />
aimerait devenir à nouveau autonome et<br />
gagner plus d’argent. Le fait de devoir rester<br />
quotidiennement en soutien d’une personne<br />
de sa famille représente un poids qui<br />
devient une entrave dans ses perspectives<br />
professionnelles. Madame Gonçalves parle<br />
encore mal le français, mais est motivée à<br />
progresser et ainsi trouver plus facilement<br />
un travail. Elle sait que dans son quartier,<br />
un organisme donne des cours de français<br />
gratuitement et quotidiennement. Elle souhaite<br />
ainsi commencer des cours intensifs<br />
dès le mois prochain et se faire épauler par<br />
le service d’aide à domicile de sa commune<br />
dans le soutien qu’elle offre à la personne<br />
de sa famille.<br />
Questions<br />
1) Être un proche aidant et octroyer des<br />
soins réguliers à un membre proche de<br />
la famille, ouvre-il un droit à un supplément<br />
d’intégration pour personne sans<br />
activité lucrative ?<br />
2) Les efforts liés à l’apprentissage d’une<br />
langue nationale ouvrent-ils un droit à<br />
un supplément d’intégration pour personne<br />
sans activité lucrative ?<br />
Bases<br />
Suite à la révision des normes CSIAS, les<br />
conditions d’octroi du supplément d’intégration<br />
ont été repensées. Le supplément<br />
d’intégration pour personnes sans activité<br />
lucrative peut être versé à une personne qui<br />
s’engage par un réel effort individuel à son<br />
intégration sociale ou son insertion professionnelle<br />
(Normes CSIAS, C.2).<br />
Pour pouvoir octroyer cette prestation, les<br />
efforts fournis doivent pouvoir être contrôlés<br />
et vérifiés. La prestation fournie par la personne<br />
doit également augmenter ou entretenir<br />
les chances d’une intégration réussie.<br />
Les critères de calcul et les conditions<br />
d’octroi sont définis par les procédures et<br />
le cadre légal. Il n’y a pas de possibilité de<br />
cumulation du supplément d’intégration<br />
si une personne effectue plusieurs tâches<br />
répondant aux critères d’octroi d’un supplément<br />
d’intégration.<br />
Réponses<br />
1) La disponibilité de Madame Gonçalves<br />
auprès d’une personne proche de sa famille<br />
ne lui donne pas un droit automatique<br />
à un supplément d’intégration<br />
pour personne sans activité lucrative.<br />
Dans le cadre de son accompagnement,<br />
Madame Gonçalves est effectivement un<br />
soutien pour son proche, mais son engagement<br />
auprès de cette personne n’augmente<br />
pas ses chances d’intégration sociale<br />
ou d’insertion professionnelle. De<br />
plus, l’investissement fourni pour cette<br />
personne proche ne lui convient pas vraiment.<br />
Elle ne peut pas sortir comme elle<br />
le souhaite et ceci l’empêche de développer<br />
son réseau social et par conséquent<br />
son intégration. Des exceptions à ce<br />
principe peuvent se présenter pour un<br />
soutien ou des soins de courte durée à<br />
une personne proche telle qu’à un enfant,<br />
conjoint ou parent. Ou encore si la<br />
distance à l’emploi de la personne qui<br />
offre un soutien ne permet pas d’envisager<br />
une réinsertion professionnelle.<br />
Pour ces situations l’octroi d’un supplément<br />
d’intégration est envisageable.<br />
2) Les efforts de Madame Gonçalves pour<br />
apprendre le français peuvent lui permettre<br />
de prétendre à un supplément<br />
d’intégration pour personne sans activité<br />
lucrative. Effectivement, elle souhaite<br />
s’engager activement avec des cours quotidiens<br />
(au minimum 5 demi-journées<br />
par semaine) et intensifs de français. De<br />
plus, l’apprentissage du français lui offrira<br />
la possibilité d’une meilleure intégration<br />
sociale et d’une insertion professionnelle<br />
réussie. Enfin, la participation de<br />
Madame Gonçalves aux cours tout<br />
comme ses progrès seront mesurables et<br />
vérifiables. Un examen mesurant son niveau<br />
de français pourra être planifié.<br />
Du fait que les efforts consentis par Madame<br />
Gonçalves sont intenses et représentent<br />
un réel effort ainsi celui lui permettra<br />
de toucher un supplément d’intégration.<br />
•<br />
Vincent Voisard<br />
Commission Normes et pratique de la CSIAS<br />
PRATIQUE<br />
Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie des questions<br />
exemplaires de la pratique de l'aide sociale qui<br />
ont été adressées à la «CSIAS-Line», une offre<br />
de conseil en ligne que la CSIAS propose à ses<br />
membres. L'accès pour vos questions se fait dans<br />
l'espace membres sur le site internet: www.csias.ch <br />
espace membres se connecter CSIAS-Line.<br />
6 ZeSo 3/<strong>17</strong>
Les personnes aux faibles revenus<br />
restent dans les villes<br />
ARTICLE SPÉCIALISÉ Une étude commandée contredit l'idée répandue que les personnes aux<br />
faibles revenus seraient de plus en plus évincées des zones urbaines. L'analyse de la mobilité<br />
résidentielle dans des six grandes agglomérations de Suisse montre que ce sont plutôt les<br />
personnes aisées qui quittent les centres des agglomérations.<br />
Les conditions de logement des populations<br />
précarisées en Suisse sont l’objet<br />
d’une attention continue, en lien avec l’accroissement<br />
progressif des loyers dans les<br />
centres urbains en période de surchauffe et<br />
la raréfaction des logements à prix abordable.<br />
De nombreux observateurs relèvent<br />
un phénomène progressif de gentrification<br />
dans les grandes villes, c’est-à-dire une appropriation<br />
par les classes aisées de l’espace<br />
urbain auparavant occupé par des<br />
classes défavorisées. Ce phénomène<br />
conduirait au départ progressif des familles<br />
les plus pauvres depuis les centres<br />
urbains en direction des communes suburbaines<br />
ou périurbaines.<br />
Afin de vérifier l’existence et l'intensité<br />
de ce phénomène, et plus largement<br />
pour décrire la mobilité résidentielle et ses<br />
conséquences sur la répartition spatiale<br />
de la population, des données statistiques<br />
sont nécessaires. Une étude menée dans<br />
le cadre d’un mandat de l’Office fédéral<br />
du logement a pour cette raison mobilisé<br />
différentes données individuelles en vue de<br />
décrire les flux migratoires des ménages répartis<br />
en fonction du revenu professionnel.<br />
L’étude, qui porte entre 2010 et 2014, se<br />
limite aux ménages en âge d’exercer une<br />
activité, répartis en trois groupes (revenu<br />
faible, moyen ou élevé). Six agglomérations<br />
(Zurich, Berne, Bâle, Lugano, Lausanne et<br />
Genève) sont étudiées. Les communes de<br />
chaque agglomération sont réparties en catégories<br />
tenant compte d'indicateurs économiques<br />
et liés au marché du logement.<br />
Les résultats montrent en premier lieu<br />
que les ménages à faibles revenus sont<br />
moins mobiles que les autres catégories<br />
de ménages. Lorsqu'ils résident dans les<br />
centres urbains, ces ménages quittent<br />
peu leur commune de domicile pour une<br />
commune suburbaine. Le déplacement<br />
centre-périphérie caractérise surtout les<br />
ménages aisés, lesquels se rendent le plus<br />
souvent dans des communes plutôt riches<br />
de la périphérie.<br />
En cas déménagement, les ménages<br />
à faibles revenus vivant dans les centres<br />
restent le plus souvent dans la même commune.<br />
Bien que les données statistiques<br />
ne fournissent pas d’explication sur cette<br />
mobilité de courte distance, celle-ci est<br />
probablement justifiée par des adaptations<br />
du logement (recherche d’un appartement<br />
moins cher, plus petit ou plus grand en<br />
fonction des changements de la composition<br />
familiale) sous la contrainte d’un budget<br />
limité. Pour les classes les plus précarisées,<br />
un déménagement hors des frontières<br />
communales peut aussi nécessiter la renégociation<br />
d'aides publiques communales<br />
ou cantonales (par exemple un accès à un<br />
logement à faible loyer ou l’aide sociale).<br />
Cela constitue probablement aussi un frein<br />
à une mobilité intercommunale.<br />
L’étude montre également un déplacement<br />
progressif des ménages à faibles reve-<br />
Les résultats<br />
montrent que les<br />
ménages à faible<br />
revenu sont moins<br />
mobiles que les<br />
autre.<br />
nus depuis les communes suburbaines et<br />
périurbaines en direction des centres. Une<br />
partie de cette mobilité peut concerner<br />
des étudiant-e-s universitaires, qui s’approchent<br />
ainsi de leur lieu d’étude. Cependant,<br />
des ménages actifs sont également<br />
concernés par ce phénomène, qui s’explique<br />
peut-être par l’offre plus importante<br />
de logements à loyers modérés ou subventionnés<br />
dans les centres, comparativement<br />
aux régions suburbaines.<br />
La mobilité des classes aisées, en revanche,<br />
se caractérise par un départ progressif<br />
des centres en direction des communes<br />
périphériques, en particulier des<br />
communes riches. Il résulte de cette situation<br />
un fractionnement progressif du territoire,<br />
avec d’une part des communes observant<br />
une proportion de plus en plus élevée<br />
de ménages à faibles revenus, et de l’autre,<br />
des communes attirant des ménages aisés.<br />
Ce phénomène de ségrégation reste encore<br />
à un faible niveau en Suisse en comparaison<br />
internationale, mais il a augmenté durant<br />
la période sous étude. Ce sont surtout<br />
les agglomérations romandes (Genève et<br />
Lausanne), ainsi que Bâle (pour les faibles<br />
revenus), qui montrent le taux le plus élevé<br />
de ségrégation.<br />
Les résultats obtenus interpellent sur<br />
ses conséquences, par exemple en termes<br />
de finances communales, d’une répartition<br />
par trop inégale des groupes de revenus<br />
dans les communes des agglomérations.<br />
Ils ouvrent également la question d'une<br />
éventuelle nécessité d’une politique visant<br />
à garantir sur le long terme la mixité sociale<br />
dans l’ensemble du territoire urbain, dans<br />
une période marquée par un accroissement<br />
de la ségrégation.<br />
•<br />
Philippe Wanner<br />
Institut de démographie et socioéconomie,<br />
Université de Genève<br />
3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
7
«L'intégration sociale n'est pas assez<br />
présente dans le débat sur l'aide<br />
sociale»<br />
INTERVIEW Quelque 40% des cas soumis à l'office de médiation de la Ville de Zurich concernent le<br />
département des affaires sociales. La médiatrice, Claudia Kaufmann, détaille les répercussions que<br />
la pression à l'encontre de l'aide sociale a eues sur le travail des services sociaux. Elle demande que<br />
l'aide sociale se focalise à nouveau davantage sur le mandat d'intégration sociale.<br />
«<strong>ZESO</strong>»: Madame Kaufmann, dans<br />
votre fonction de médiatrice de la Ville<br />
de Zurich, vous êtes quotidiennement<br />
confrontée à des demandes les plus<br />
diverses. Les problèmes que les gens<br />
vous soumettent ont-ils un dénominateur<br />
commun?<br />
Claudia Kaufmann: En termes de<br />
contenu, les questions couvrent un éventail<br />
aussi large que l'administration. Elles<br />
concernent les hôpitaux municipaux et les<br />
garderies, le domaine de la police, l'aide<br />
sociale ou la construction. Les gens se marient<br />
et meurent, et il n'y a pratiquement<br />
rien, dans la vie de la ville, qui ne puisse<br />
être un sujet de discussion à l'office de<br />
médiation. Le besoin des personnes de<br />
comprendre pourquoi et comment l'administration<br />
agit est souvent au centre.<br />
D'une part, il s'agit de la compréhension<br />
littérale d'une disposition, mais également<br />
de la compréhension des procédures et des<br />
tâches d'un service. D'autre part, il s'agit<br />
de l'accès au droit: être informé sur les possibilités<br />
qui existent, se faire entendre et<br />
pouvoir défendre ses intérêts.<br />
Votre tâche se résume donc en grande<br />
partie à expliquer?<br />
L'information et le conseil constituent<br />
une partie importante. Bon nombre de<br />
personnes tiennent tout d'abord à pouvoir<br />
s'adresser à une instance neutre, impartiale<br />
et indépendante de l'administration<br />
et à être écoutées. Nombreux sont ceux qui<br />
repartent en campant sur leur désaccord<br />
avec une facture ou avec une décision, mais<br />
ils disent: «Je comprends, maintenant, les<br />
tenants et aboutissants et je sais ce que je<br />
peux faire différemment la prochaine fois.»<br />
En cas de conflits, il est rare que les torts ne<br />
soient que d'un côté. Il faut jeter un regard<br />
critique et interroger la responsabilité des<br />
deux parties.<br />
Si cela ne suffit pas, quelles sont les<br />
possibilités d'intervention du service<br />
de médiation?<br />
Nous avons un droit global d'accès aux<br />
dossiers, qu'une procédure soit close ou<br />
non. Dans les procédures en cours, nous<br />
établissons, par exemple, l'état de la procédure,<br />
les prochains pas et déroulements<br />
pour les personnes concernées. Pourquoi,<br />
la semaine prochaine, deux travailleuses<br />
sociales viendront-elles au domicile d'une<br />
cliente? Qui sont les six personnes assises<br />
en face des parents lors d'une réunion avec<br />
l'autorité scolaire? Quels sont les droits<br />
des clients et comment peuvent-ils se faire<br />
entendre? En outre, l'administration doit<br />
répondre à toutes les questions juridiques<br />
et concernant le fond. Nous servons d'intermédiaire,<br />
nous conseillons et nous examinons<br />
les plaintes. Dans nos prises de<br />
position, nous pouvons soumettre à l'administration<br />
des recommandations et des<br />
propositions concrètes et nous pouvons<br />
intervenir en tant que médiateurs – c'est<br />
un instrument très important. Mais nous<br />
n'avons la compétence ni de prendre des<br />
décisions ni de donner des instructions.<br />
Quelle est la réaction de l'administration<br />
quand vous frappez à sa porte?<br />
Votre critique est-elle bien reçue?<br />
L'administration zurichoise est très ouverte<br />
à notre activité. Nous sommes pris<br />
au sérieux et l'on reconnaît que le service<br />
de médiation représente une chance pour<br />
l'administration. Cela ne veut évidemment<br />
pas dire qu'elle soit toujours immédiatement<br />
d'accord avec notre démarche.<br />
Lorsque nous nous présentons, nous entendons<br />
souvent des réactions spontanées<br />
et compréhensibles: «Manquait plus que<br />
ça, le service de médiation!». Pour moi,<br />
il ne s'agit pas d'avoir toujours raison à la<br />
manière d'une donneuse de leçons, mais<br />
d'analyser où et pourquoi des erreurs se<br />
sont produites, de déterminer où l'intervention<br />
de l'administration, tout en étant<br />
correcte sur le plan légal, n'était pas assez<br />
respectueuse des citoyens. Et, bien entendu,<br />
il y a également les cas où nous savons<br />
d’avance que nous n'arriverons pas à nous<br />
mettre d'accord.<br />
Pourquoi l'administration doit-elle<br />
saluer l'existence d'un service de médiation?<br />
Les services de médiation sont des institutions<br />
faciles d'accès qui peuvent mettre<br />
en évidence des malentendus, des dysfonctionnements<br />
ou des erreurs concrètes.<br />
L'administration est souvent contente de<br />
pouvoir corriger des défauts à un stade précoce<br />
au lieu de subir une procédure d'opposition.<br />
Par ailleurs, idéalement, nous<br />
créons la compréhension et la confiance<br />
des citoyens vis-à-vis du travail de l'administration.<br />
Dans un contexte plus large,<br />
l'Etat doit avoir pour objectif de permettre<br />
aux citoyens d'exercer leurs droits et de les<br />
encourager à participer, indépendamment<br />
de leur situation. Il est d'une importance<br />
cruciale qu'il n'y ait pas, dans notre société,<br />
des personnes qui se sentent exclues<br />
au point de ne plus oser le faire ou de se<br />
résigner. L'appartenance et l'intégration<br />
sociale sont des facteurs auxquels un service<br />
de médiation peut contribuer. Finalement,<br />
les offices de médiation s'engagent<br />
8 ZeSo 3/<strong>17</strong>
Photos: Meinrad Schade<br />
en faveur de la mise en œuvre des droits<br />
humains et des garanties de l'Etat de droit.<br />
Il faudrait donc davantage de services<br />
de médiation?<br />
Absolument. Tout d'abord, il faut<br />
constater que malheureusement, il n'existe<br />
pas de service de médiation sur le plan<br />
fédéral et que les services de médiation<br />
cantonaux sont peu nombreux. Il n'y pas<br />
de raison qu'un service de médiation<br />
n'existe pas dans chaque canton ou que les<br />
cantons plus petits ne créent pas un service<br />
régional. De même, il est difficile de<br />
comprendre pourquoi chaque ville d'une<br />
certaine taille ne dispose pas d'un service<br />
de médiation auquel les communes plus<br />
petites peuvent se rattacher.<br />
Est-ce en raison des efforts d'économies<br />
ou d'une crainte de la part de<br />
l'administration?<br />
Il y a différentes réserves. La critique sur<br />
le fond prétend qu'un service de médiation<br />
est superflu et qu'il ne fait que créer des<br />
difficultés et des troubles. Et bien sûr, il y a<br />
les objections financières. A mon avis, c'est<br />
une perspective à court terme. Par ailleurs,<br />
des mandats constitutionnels, voire des lois<br />
d'application existent dans plusieurs cantons<br />
(p. ex. Berne, Jura), mais ils ne sont<br />
pas mis en œuvre pour des raisons d'économies.<br />
Ainsi, le parlement du canton de<br />
Genève a approuvé une loi de médiation<br />
administrative, mais il ne l'applique pas.<br />
Le canton de Fribourg a créé, dans la loi,<br />
un petit service de médiation à 80% de<br />
poste, mais il n'a engagé qu'un médiateur<br />
à 20%. Les services de médiation sont, eux<br />
aussi, touchés par les programmes d'austérité<br />
des cantons.<br />
Cela fait treize ans que vous travaillez<br />
au service de médiation. Les sujets<br />
ont-ils changé pendant cette période?<br />
L'administration a-t-elle changé?<br />
Nous sommes un sismographe qui<br />
enregistre très vite les changements, par<br />
exemple une réorganisation d'un office,<br />
l'introduction d'un nouveau système informatique<br />
qui cause des difficultés ou<br />
des durcissements dans l'aide sociale. Tout<br />
comme les influences extérieures, notamment<br />
la pression médiatique ou politique.<br />
Dans l'administration, comme partout, le<br />
rythme s'est accéléré et les exigences ont<br />
augmenté, ces dernières années. La numérisation<br />
joue évidemment un rôle, elle<br />
aussi. En outre, nous sommes confrontés<br />
à deux évolutions opposées: le principe de<br />
la transparence veut que l'administration<br />
soit plus transparente et plus intelligible,<br />
d'autre part, nous assistons à une technocratisation.<br />
L'administration se perfectionne<br />
- et parfois se sur-perfectionne – à<br />
l'aide de nombreuses exigences techniques<br />
qui sont compliquées, voire incompréhensibles<br />
pour le citoyen lambda (et parfois<br />
également pour les collaborateurs).<br />
Est-ce une telle image technocratique<br />
de l'administration qui est perçue par<br />
l'opinion publique?<br />
Oui. Mais en même temps, je constate<br />
que la population a une image bien meilleure<br />
et bien plus nuancée de l'administration<br />
que celle propagée par les médias et<br />
les milieux politiques, assortie souvent de<br />
blagues sur les fonctionnaires. Ceci ressort<br />
également des sondages réalisés auprès de<br />
la population dans lesquels l'administra- <br />
3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
9
tion de la Ville de Zurich s'en sort toujours<br />
très bien.<br />
Vous arrive-t-il d'être confrontée à des<br />
citoyens difficiles, voire à des situations<br />
menaçantes?<br />
Les personnes qui s'adressent au service<br />
de médiation ne cherchent pas la bagarre.<br />
Elles viennent parce qu'elles ont un<br />
souci ou parce qu'elles veulent résoudre<br />
un conflit avec l'administration et qu'elles<br />
sont prêtes à s'engager elles-mêmes. Mais<br />
le sentiment d'être victime d'une injustice<br />
est évidemment un sujet important au service<br />
de médiation.<br />
L’accès au service de médiation est-il<br />
facile?<br />
Le meilleur service de médiation ne sert<br />
à rien si les gens ne le connaissent pas ou<br />
s'ils n'ont pas assez confiance pour prendre<br />
contact avec lui. Nous devons améliorer en<br />
permanence notre notoriété, notamment<br />
dans les communautés qui sont peut-être<br />
plus éloignées de l'administration. Nous<br />
collaborons avec des centres de conseil,<br />
des ONG, des milieux ecclésiastiques et<br />
des œuvres d'entraide. Nous profitons également<br />
du fait que l'administration nous<br />
recommande à ses clients. Souvent, c'est<br />
la société civile qui nous renvoie les personnes<br />
ou qui établit le premier contact.<br />
Ce sont des médecins de famille, des thérapeutes,<br />
des voisins, des enseignants, des<br />
supérieurs, des collègues ou également des<br />
passants dans la rue qui sont témoins d'un<br />
événement, par exemple dans le domaine<br />
de la police.<br />
Le credo de votre travail est l'impartialité:<br />
n'être l'avocat ni de l'Etat ni du<br />
citoyen. Cet exercice d'équilibre est-il<br />
difficile dans la pratique?<br />
C'est une condition absolument indispensable<br />
de notre activité. Pour moi, c'est<br />
rarement un problème. En revanche, la<br />
proximité qui naît quand nous accompagnons<br />
des personnes sur une période prolongée<br />
peut devenir une difficulté. Il s'agit<br />
alors de reprendre conscience de temps en<br />
temps de ce qui est la tâche du service de<br />
médiation et de ce qui ne l'est pas. Nous ne<br />
pouvons pas régler tous les problèmes de<br />
l'ensemble de la population. L'un des défis<br />
majeurs réside dans la manière de gérer<br />
des questions récurrentes, que ce soient<br />
des ennuis avec certains collaborateurs de<br />
l'administration ou des problèmes structurels.<br />
Là, il s'agit de faire preuve à la fois de<br />
patience et de ténacité.<br />
En 2016, près de 40% de vos nouveaux<br />
dossiers concernaient le département<br />
des affaires sociales. Pourquoi celui-ci<br />
est-il particulièrement concerné?<br />
Une grande partie de ces 40% concerne<br />
les services sociaux. Bien évidemment, ce<br />
n'est pas que ceux-ci travaillent particulièrement<br />
mal. Mais le fait est que les services<br />
sociaux s'occupent de questions qui<br />
touchent les gens directement dans leur<br />
existence: aide matérielle, intégration sociale,<br />
questions en lien avec des curatelles.<br />
Par ailleurs, les Services sociaux de Zurich<br />
font partie des services qui renvoient leurs<br />
clients souvent chez nous et qui sont dès<br />
lors ouverts à un examen ou un input de la<br />
part du service de médiation.<br />
Quels sont les soucis typiques dans le<br />
domaine de l'aide sociale?<br />
Cela commence par la compréhension<br />
des formalités d'inscription ainsi que par<br />
les documents exigés, cela continue avec<br />
les calculs et les réductions et va jusqu'à la<br />
sortie. L'un des problèmes fréquents porte<br />
sur les revenus irréguliers ou la prise en<br />
compte des contributions de concubinage.<br />
Le logement est, lui aussi, un sujet fréquent.<br />
Les personnes dépendant de l'aide<br />
sociale perdent souvent leur logement ou<br />
elles vivent dans un logement trop cher<br />
selon les normes. Nous sommes souvent<br />
confrontés à des questions de santé et d'intégration<br />
sociale. Et il y a aussi les différends<br />
entre clients et travailleurs sociaux.<br />
Nous devons alors souvent faire remarquer<br />
que certaines décisions ne sont pas dues au<br />
manque de compétence ou d'amabilité des<br />
collaborateurs, mais exigées par la loi.<br />
Constatez-vous des lacunes légales<br />
dans certains domaines?<br />
Non, une multiplication des réglementations<br />
serait superflue. Au cours de ces<br />
dernières années, l'aide sociale a déjà été<br />
fortement judiciarisée. Cette évolution a<br />
d'une part de grands avantages, puisqu'elle<br />
sert l'Etat de droit. En même temps, l'aide<br />
sociale est régie par le principe de l'individualisation<br />
et la marge d'appréciation doit<br />
être exploitée. Si les réglementations sont<br />
trop nombreuses, les personnes actives<br />
dans le travail social risquent de perdre la<br />
vue d'ensemble, dans la jungle des règles et<br />
des instructions. Il nous arrive de faire cette<br />
expérience aujourd'hui déjà.<br />
Pourquoi l'appréciation est-elle particulièrement<br />
importante dans l'aide<br />
sociale?<br />
L'appréciation est essentielle dans toute<br />
l'administration. Mais dans l'aide sociale,<br />
en raison du principe de l'individualisa-<br />
CLAUDIA KAUFMANN<br />
Claudia Kaufmann dirige depuis l'automne 2004<br />
le service de médiation de la Ville de Zurich qui,<br />
en 1971, a été le premier service de médiation<br />
parlementaire introduit en Suisse. Auparavant,<br />
cette juriste diplômée a assumé différentes<br />
fonctions auprès de la Confédération, entre<br />
autres celle de première directrice du Bureau<br />
fédéral de l'égalité entre femmes et hommes.<br />
Avant de reprendre la direction du service de<br />
médiation, elle a été Secrétaire générale du<br />
Département fédéral de l'intérieur (DFI). Bâloise<br />
d'origine, elle vit à Zurich.<br />
10 ZeSo 3/<strong>17</strong>
tion, il faut, dans chaque cas, se livrer à des<br />
évaluations individuelles et examiner la<br />
proportionnalité. L'application de la marge<br />
de manœuvre existante est une obligation.<br />
C'est là que réside la tâche essentielle de<br />
l'aide sociale – et non pas dans le calcul<br />
correct du budget, dans la connaissance<br />
des formulaires ou dans le fait de savoir à<br />
quel moment quelle assurance sociale doit<br />
intervenir. Heureusement, la conscience<br />
de la question de l'appréciation s'est renforcée,<br />
ces dernières années. Néanmoins,<br />
les travailleurs sociaux font régulièrement<br />
savoir qu'ils n'ont pas assez de temps pour<br />
prendre des décisions discrétionnaires demandant<br />
des évaluations complexes. En<br />
effet, il s'agit de distinguer avec soin les cas<br />
dans lesquels il est absolument indispensable<br />
de prendre le temps d'une évaluation<br />
approfondie de ceux où la pratique actuelle<br />
peut être déterminante.<br />
C'est pourtant notamment dans<br />
des périodes de critique politique et<br />
médiatique que la prise de décisions<br />
discrétionnaires peut demander du<br />
courage.<br />
Le service de médiation se rend régulièrement<br />
compte que la pression à l'encontre<br />
de l'aide sociale peut provoquer une forte<br />
déstabilisation, parfois aussi de la peur et<br />
de la frustration. J'ai été impressionnée<br />
de constater les dégâts que de tels débats<br />
peuvent causer. Les travailleurs sociaux ont<br />
alors peur de commettre des erreurs. Ceci<br />
entraîne une diminution des décisions<br />
courageuses et ainsi une dégradation du<br />
travail au détriment des clients. L'application<br />
de l'appréciation n'est pas une science<br />
exacte – on peut arriver à des évaluations<br />
différentes. Ce qui reste déterminant, c'est<br />
une justification compréhensible dans<br />
chaque cas.<br />
Tournons-nous vers l'avenir. Quels<br />
seront les thèmes sensibles dans l'aide<br />
sociale, ces prochaines années?<br />
A mon avis, l'intégration sociale est trop<br />
peu présente dans la discussion sur l'aide<br />
sociale. L'argent et, par conséquent, l'aide<br />
matérielle sont toujours au centre des préoccupations<br />
politiques. Mais ceci n'est<br />
qu'une partie du mandat de l'aide sociale.<br />
Je crains qu'avec l'intensification de la<br />
discussion sur les finances et les budgets,<br />
cette vision unilatérale de l'aide sociale ne<br />
se renforce. L'aide sociale doit s'en émanciper<br />
et remettre davantage en avant, mais<br />
également renforcer son mandat d'intégration.<br />
Elle devrait mettre à disposition<br />
davantage de savoir-faire pour des questions<br />
telles que la formation ou l'intégration<br />
sociale. Le logement et la santé continueront<br />
à occuper l'aide sociale. Un sujet<br />
qui est souvent négligé dans le quotidien<br />
de l'aide sociale et qui me fait préoccupe,<br />
c'est la manière de traiter les enfants et les<br />
adolescents. Nous devons faire attention à<br />
ne pas rater la chance de leur fournir, de<br />
manière précoce, des atouts pour sortir de<br />
ce système. Par ailleurs, l'intégration des<br />
personnes qui se sont réfugiées chez nous<br />
est d'une brûlante actualité. Une société à<br />
deux vitesses, telle qu'elle risque de naître,<br />
par exemple à Zurich, en matière d'aide<br />
d'urgence en faveur des personnes admises<br />
à titre provisoire doit être évitée à tout prix.<br />
Qu'est-ce qui vous attire dans le rôle de<br />
médiatrice?<br />
Ma vie professionnelle s'est déroulée en<br />
majeure partie dans l'administration. Je<br />
suis persuadée que celle-ci accomplit une<br />
partie importante du service public. En<br />
même temps, le pouvoir qui lui est attribué<br />
structurellement doit être limité. Avec cette<br />
expérience professionnelle et une relation<br />
très positive avec l'administration, je trouve<br />
fascinant de regarder de près, dans le rôle<br />
de médiatrice, ce qui, à partir de cas individuels,<br />
peut être amélioré et ce qui peut rapprocher<br />
davantage l'administration de la<br />
population. Evidemment, je suis heureuse<br />
si je peux aider une personne très concrètement<br />
à faire respecter son droit. Mais<br />
l'intégration des cas individuels dans un<br />
contexte plus large – souvent systémique –<br />
est l'élément déterminant pour moi.<br />
En dehors de connaissances juridiques<br />
spécialisées, quelles sont les<br />
compétences personnelles dont vous<br />
avez besoin pour l'exercice de votre<br />
activité?<br />
Des connaissances en matière de fonctionnement<br />
organisationnel et structurel<br />
de l'administration, une compréhension<br />
des liens politiques et un savoir-faire juridique<br />
sont importants. Mais il est également<br />
décisif d'aimer les gens avec tous<br />
leurs problèmes et difficultés et de savoir<br />
les écouter de manière ouverte et sans idée<br />
préconçue. Je dois également décrypter les<br />
enjeux : le problème mis en premier sur le<br />
tapis n'est pas forcément la clé de l'affaire,<br />
et je dois m'intéresser aux histoires derrière<br />
l'histoire. Je m'efforce, au même titre,<br />
de faire preuve d'empathie pour les plaignants<br />
et d'être honnête et compréhensive<br />
dans les contacts avec l'administration.<br />
Quelles sont les questions sociétales<br />
que vous percevez comme particulièrement<br />
urgentes?<br />
Nous serions bien inspirés de prendre<br />
soin de la cohésion sociale qui, fondamentalement,<br />
fonctionne bien en Suisse et<br />
d'être conscients que nos acquis sociaux<br />
ne vont pas de soi et qu'ils ne sont pas gravés<br />
dans le marbre. Deuxièmement, nous<br />
devons garder un œil vigilant sur la garantie<br />
de l'Etat de droit et sur le respect des<br />
droits humains. S'occuper efficacement<br />
des droits humains n'est pas simplement<br />
un joli passe-temps, mais une obligation.<br />
C'est à nous d'y regarder régulièrement de<br />
près, y compris en Suisse. <br />
•<br />
Propos recueillis par<br />
Regine Gerber<br />
3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
11
L'aide sociale a besoin de nouveaux<br />
concepts destinés aux bénéficiaires 50plus<br />
Les bénéficiaires de l'aide sociale âgés de 50 ans ou plus ont de grandes difficultés à trouver un<br />
nouvel emploi. Des bases insuffisantes en matière de formation sont un obstacle de taille au retour<br />
dans le marché du travail. Ce qui est nouveau, c'est que de plus en plus de personnes bien formées<br />
et expérimentées sur le plan professionnel ont besoin d'être soutenues par l'aide sociale. Il se pose<br />
dès lors la question de la capacité des services sociaux à réagir à ces deux groupes de clientèle.<br />
La part des bénéficiaires de l'aide sociale âgés de 50 ans ou plus n'a<br />
cessé d'augmenter au cours de ces dix dernières années. En 2015,<br />
16,2% des bénéficiaires de l'aide sociale appar-tenaient au groupe<br />
d'âge des 46 à 55 ans et 9,4% à celui des 56 à 64 ans. Cela revient<br />
à dire qu'en 2015, un quart des bénéficiaires de l'aide sociale se<br />
trouvait dans le groupe à risque lié à l'âge ou juste avant. Au sein de<br />
l'ensemble de la population en Suisse, le taux d'aide sociale des<br />
personnes d'un certain âge est passé de 2,9% à 3,3%.Il avait passé<br />
de 1,9% à 2,8% entre 2005 et 2015.<br />
Au risque lié à l'âge s'ajoute de manière cumulative le risque<br />
«Aucune formation»: près de la moitié des bénéficiaires de l'aide<br />
sociale d'un certain âge ne bénéficie pas de certificat professionnel.<br />
L'âge et le manque de formation sont deux entraves essentielles<br />
à l'insertion professionnelle. Cela signifie que l'autre moitié<br />
des bénéficiaires de l'aide sociale d'un cer-tain âge dispose d'une<br />
formation professionnelle, sans pour autant trouver un emploi<br />
per-mettant de couvrir le minimum vital.<br />
En 2016, 6'600 personnes de plus de 55 ans étaient des chômeurs<br />
en fin de droit. Dans la plupart des cas, la fin de droit est<br />
suivie de l'aide sociale ou d'un engagement dans des con-ditions<br />
de travail précaires et instables (contrat de travail de durée limitée,<br />
travail sur appel, emplois temporaires). Le risque de se trouver<br />
dans une situation dite de working poor est particulièrement élevé.<br />
Dans leur rapport final, Fluder & Co. constatent que les personnes<br />
d'un certain âge ont des chances plus faibles de s'insérer durablement<br />
dans le marché du travail (voir page 16).<br />
De nouveaux défis pour les services sociaux et les<br />
autorités sociales<br />
Cette évolution place les services sociaux et les autorités sociales devant<br />
de nouveaux défis: faut-il financer une reconversion à un menuisier<br />
de formation qui perd son emploi à 55 ans, après que<br />
toutes les mesures relatives au marché du travail déployées par les<br />
offices régio-naux de placement (ORP) ont échoué? Faut-il encore<br />
financer une formation à l'employée de commerce de détail sans<br />
formation, licenciée à l'âge de 54 ans, bien qu'elle soit elle-même<br />
responsable de son indigence? Faut-il accorder une start-up à l'informaticien<br />
en fin de droit qui souhaite se mettre à son compte?<br />
Faut-il financer une formation continue à la secrétaire qui a perdu<br />
son emploi à 55 ans?<br />
Lors de l'évaluation d'une mesure, l'aspect financier est souvent<br />
au premier plan. Ceci bien que méthodologiquement, une<br />
solution plus durable soit souhaitable. Dans ses normes (chapitres<br />
H.5 et H.6), la CSIAS recommande de soutenir les formations initiales,<br />
continues ou complémentaires lorsque celles-ci contribuent<br />
à maintenir ou à améliorer la qualification professionnelle ou les<br />
compétences sociales. Il s'agit notamment de recourir à des experts<br />
ou des centres spécialisés externes afin d'encourager également<br />
l'intégration sociale. Pour les mesures d'intégration, aucune limite<br />
d'âge n'est fixée.<br />
Les offres cantonales destinées à l'insertion professionnelle et<br />
à l'intégration sociale des bénéficiaires de l'aide sociale sont multiples<br />
et variées, mais leur adéquation aux besoins du groupe des<br />
bénéficiaires de l'aide sociale d'un certain âge n'est pas avérée.<br />
Quelques can-tons ont passé à la mise à disposition d'offres spécifiques<br />
telles qu'un mentorat volontaire, un coaching, des cours<br />
de compétences de base, des services de placement et des stages.<br />
Or, ces offres s'adressent en priorité aux bénéficiaires de l'aide<br />
sociale peu qualifiés d'un certain âge, aux personnes souffrant de<br />
difficultés à lire et à écrire, qui ne sont pas familiarisées avec les<br />
médias électroniques ou encore qui ne maîtrisent pas la langue. La<br />
plupart du temps, elles ne sont pas adéquates pour les personnes<br />
d'un certain âge bien formées, à la recherche d'un emploi. A cet<br />
égard, les cantons d'Argovie, de Schaffhouse, de Bâle-Campagne<br />
Graphique 1: Taux d'aide sociale des 50+ Taux 55+<br />
3.5<br />
3.0<br />
2.5<br />
2.0<br />
1.5<br />
1.0<br />
0.5<br />
0.0<br />
2005<br />
2006<br />
2007<br />
2008<br />
2009<br />
2010<br />
2011<br />
Source: OFS 2005-2015 STATPOP, représentation CSIAS<br />
2012<br />
2013<br />
Taux 46-55<br />
2014<br />
2015<br />
14 ZeSo 3/<strong>17</strong> DOSSIER
- 50PLUS à l'aide sociale<br />
Affiche de la campagne lancée en 2016 «Alter hat<br />
Potenzial» à l'aide de laquelle le canton d'Argovie<br />
vise une exploitation proactive du potentiel<br />
inutilisé de la main-d'œuvre d'un certain âge. <br />
Photo: zvg<br />
et de St-Gall ont emprunté de nouvelles voies avec le programme de<br />
mentoring Tandem 50plus.<br />
La focalisation sur l'intégration sociale est urgente<br />
Dans une récente analyse des offres cantonales, Caritas constate que<br />
les mesures d'insertion professionnelle de la plupart des cantons<br />
restent ponctuelles et insuffisantes. Elle souligne que les objectifs<br />
de formation stratégiques pour les personnes âgées à la recherche<br />
d'un emploi et la focalisation sur l'intégration sociale sont particulièrement<br />
urgents. Par ailleurs, des offres spécifiques destinées au<br />
groupe plus récent des bénéficiaires de l'aide sociale bien formés<br />
feraient souvent défaut. En raison de leurs vastes qualifications, on<br />
estime que ceux-ci n'ont pas besoin de soutien spécifique. Mais le<br />
déclin social a souvent laissé des traces désastreuses qui peuvent<br />
également nécessiter un accompagnement professionnel.<br />
Le canton de Vaud s'est engagé dans une autre voie encore, en<br />
décidant de financer une rente de transition, la Rente-pont aux bénéficiaires<br />
de l'aide sociale et aux personnes vic-times de pauvreté<br />
dès l'âge de la retraite anticipée. Cette prestation d'assurance,<br />
axée sur les montants des PC, permet de sortir plus tôt de l'aide<br />
sociale ou de ne pas recourir à l'aide sociale sans diminution de<br />
rente au moment de l'entrée à l'AVS. Ce financement additionnel<br />
a été l'expression de la volonté politique de protéger les personnes<br />
d'un certain âge à la recherche d'un emploi. En 2016, les coûts<br />
supplémentaires se sont élevés à 20 millions.<br />
Indépendamment des solutions financières ou institutionnelles<br />
existantes, les services so-ciaux restent confrontés à la<br />
question des mesures appropriées en vue d'une insertion pro-fessionnelle<br />
ou d'une intégration sociale durables. La CSIAS recommande<br />
aux organes d'aide sociale (voir chapitre D.2) de veiller à<br />
ce que des offres tenant compte de l'âge, de l'état de santé, de la<br />
situation personnelle et des capacités de la personne demandant<br />
de l'aide soient mises à disposition. Les mesures d'intégration et le<br />
financement de formations initiales et continues spécifiques sont<br />
des investissements des pouvoirs publics dans une autonomie économique<br />
plus grade et dans la sortie durable de l'aide sociale. •<br />
Corinne Hutmacher-Perret<br />
Secteur Etudes de la CSIAS<br />
Graphique 2: Bénéficiaires de l'aide sociale sans formation professionnelle<br />
Proportions sans formation professionnelles en % Source: OFS SAS ESPA 2009-2015<br />
Âge<br />
2009<br />
2010<br />
2011<br />
2012<br />
2013<br />
2014<br />
2015<br />
Aide sociale<br />
26-35 ans<br />
49.3<br />
50.2<br />
49.7<br />
49.8<br />
50.5<br />
50.5<br />
50.6<br />
36-45 ans<br />
45.9<br />
45.9<br />
44.9<br />
45.3<br />
46.1<br />
46.0<br />
46.3<br />
46-55 ans<br />
46.0<br />
44.6<br />
44.6<br />
44.3<br />
44.0<br />
43.8<br />
43.8<br />
56-64 ans<br />
40.7<br />
40.6<br />
41.2<br />
41.6<br />
41.6<br />
41.7<br />
42.3<br />
26-64 ans<br />
46.2<br />
46.1<br />
45.7<br />
45.8<br />
46.2<br />
46.1<br />
46.2<br />
Population résidente<br />
25-34 ans<br />
10.0<br />
12.2<br />
12.0<br />
11.2<br />
10.2<br />
9.5<br />
9.0<br />
35-44 ans<br />
11.6<br />
13.5<br />
13.4<br />
13.1<br />
12.5<br />
12.1<br />
12.3<br />
45-54 ans<br />
13.9<br />
15.2<br />
16.0<br />
14.7<br />
14.4<br />
13.4<br />
13.3<br />
55-64 ans<br />
<strong>17</strong>.5<br />
19.6<br />
19.8<br />
18.8<br />
<strong>17</strong>.7<br />
16.5<br />
16.6<br />
25-64 ans<br />
13.10<br />
14.97<br />
15.18<br />
14.33<br />
13.59<br />
12.78<br />
12.7<br />
DOSSIER 3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
Conditions difficiles sur le marché du travail<br />
pour les chômeurs d'un certain âge<br />
Les chômeurs d'un certain âge présentent un risque relativement élevé de rester sans emploi. C'est<br />
également en comparaison internationale que la proportion des personnes d'un certain âge à la<br />
recherche d'un emploi, parmi les chômeurs de longue durée en Suisse, est très élevée et que le taux<br />
d'engagement est faible. Une étude de la BFH met en évidence les chances médiocres d'insertion de<br />
la génération 50plus.<br />
En Suisse, les employés d'un certain âge, hommes et femmes, présentent<br />
un faible risque de devenir chômeurs tant par rapport aux<br />
plus jeunes qu'en comparaison internationale. Par ailleurs, la proportion<br />
des personnes entre 55 et 64 ans qui sont encore actives<br />
(taux d'activité lucrative) – 71% - est très élevée par rapport aux<br />
pays de l'OCDE (OCDE 2014). En raison du taux d'activité lucrative<br />
en hausse et des changements démographiques, le nombre<br />
d’employés d'un certain âge ne cesse d'augmenter (SECO 20<strong>17</strong>a:<br />
S.5). En revanche, lorsqu'une personne d'un certain âge perd son<br />
emploi, elle a des difficultés considérables à en retrouver un, y compris<br />
en Suisse. Ainsi, en 2014, les chômeurs de longue durée (plus<br />
de 12 mois) de ce groupe d'âge étaient proportionnellement bien<br />
plus nombreux (54%) que les plus jeunes (25 à 39 ans: 33%),<br />
comme le montre une étude réalisée en 2014 par l'OCDE sur<br />
mandat du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) et de l'Office fédéral<br />
des assurances sociales (OFAS). En Suisse, en comparaison<br />
internationale, la proportion des chômeurs de longue durée de 55<br />
à 64 ans est très élevée, avec 59%, et le taux d'engagement est très<br />
faible. Simultanément, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale<br />
d'un certain âge a augmenté, ces dernières années, comme le<br />
constate Renate Salzgeber dans le comparatif des indicateurs relatifs<br />
à l'aide sociale dans les villes suisses en 2013 et en 2016. Le<br />
chômage de longue durée constitue une rupture profonde dans la<br />
vie active d'une personne. En raison du caractère sociopolitique<br />
très sensible du chômage de longue durée, le SECO a mandaté la<br />
BFH pour réaliser une étude longitudinale examinant les chances<br />
d'insertion professionnelle des chômeurs sur une période prolongée<br />
(voir encadré).<br />
Proportion élevée de bénéficiaires de longue durée<br />
L'étude de la BFH a examiné la durée pendant laquelle les nouveaux<br />
chômeurs (bénéficiaires IC) touchent des indemnités journalières<br />
de l'assurance chômage (IC) et d'éventuelles autres prestations<br />
sociales (aide sociale, AI) auxquelles elles ont recours durant<br />
les cinq années suivant le début de l'obtention d'IC. Il est frappant<br />
de constater que les chômeurs de plus de 55 ans sont nettement<br />
surreprésentés dans les parcours avec une longue durée d'obtention<br />
d'IC ainsi que dans ceux avec obtention d'aide sociale par la<br />
suite. La durée d'obtention d'IC est en moyenne nettement plus<br />
longue chez les chômeurs d'un certain âge que chez les plus jeunes<br />
(voir graphique 1). Ce constat vaut également pour l'aide sociale,<br />
même si c'est dans une moindre mesure. On remarque que chez<br />
les chômeurs dès 55 ans, la proportion des personnes touchant de<br />
l'aide sociale au cours de la période d'observation de cinq ans est<br />
plus faible que chez les 45 à 54 ans. Ceci est lié au fait que, dès 55<br />
ans, la durée d'obtention d'IC – 520 jours – est plus longue que<br />
Graphique 1:<br />
Obtention de prestations (IC, aide sociale, AI) des nouveaux bénéficiaires IC 2005, selon âge<br />
Nombre de mois<br />
Proportion des bénéficiaires (%)<br />
Indemnités journalières<br />
de l'assurance chômage (AC)<br />
Aide sociale<br />
Rente AI<br />
25%<br />
20%<br />
15%<br />
10%<br />
5%<br />
13.0<br />
16.5<br />
20.2<br />
25%<br />
20%<br />
15%<br />
10%<br />
5%<br />
13.4<br />
18.2<br />
15.5<br />
20.8<br />
13.7<br />
22.0<br />
25%<br />
20%<br />
15%<br />
10%<br />
5%<br />
2.2<br />
6.6<br />
10.5<br />
0<br />
moins de<br />
45 ans<br />
45 à 54<br />
ans<br />
55 ans<br />
et plus<br />
0<br />
moins de<br />
45 ans<br />
45 à 54<br />
ans<br />
55 ans<br />
et plus<br />
0<br />
moins de<br />
45 ans<br />
45 à 54<br />
ans<br />
55 ans<br />
et plus<br />
Source: OFAS AS/AI/AC, 2005 à 2013, données AVS-AI 2005 à 2013, calculs BFH.<br />
Période d'observation: 5 ans à partir de la première obtention d'IC.<br />
16 ZeSo 3/<strong>17</strong> DOSSIER
50PLUS à l'aide sociale<br />
chez les plus jeunes et que chez une partie des chômeurs plus âgés,<br />
la couverture du minimum vital est prise en charge par l'assurance<br />
vieillesse au moyen d'une retraite anticipée. Par ailleurs, la proportion<br />
des personnes dans ce groupe d'âge qui touchent une rente AI<br />
est beaucoup plus élevée (voir partie droite du graphique 1). Dans<br />
l'ensemble, on peut constater que les personnes devenant chômeurs<br />
dans une phase tardive de la vie active ont bien plus souvent<br />
besoin de prestations de l'Etat social que les personnes plus jeunes.<br />
Faibles chances de réinsertion pour les chômeurs<br />
d'un certain âge<br />
Quels sont les groupes de chômeurs qui ont de bonnes chances de<br />
se réinsérer dans la vie active et quels sont les groupes qui présentent<br />
un risque élevé d'insertion non réussie ou non durable? Les<br />
chômeurs d'un certain âge font partie du groupe dont les chances<br />
d'une rapide insertion son nettement plus restreintes que celles des<br />
plus jeunes. Alors que, après une période de chômage, près de<br />
70% des moins de 45 ans sont réintégrés de manière durable, ou<br />
du moins partielle, dans le marché du travail, chez les 45 à 54 ans,<br />
cette proportion est nettement plus faible, avec 60%. Chez les plus<br />
de 54 ans, cette proportion s'élève encore à un peu plus de 40%<br />
(voir graphique 2); un tiers de ce groupe d'âge reste de facto exclu<br />
du marché du travail (pas d'activité lucrative ou activité minimale).<br />
De même, la part des personnes ayant une activité lucrative qui ne<br />
<br />
Les chômeurs d'un certain âge ont de mauvaises chances sur le<br />
marché du travail, indépendamment de leur niveau de formation. .<br />
Graphique 2:<br />
Evolution de l'activité lucrative<br />
selon groupes d'âge<br />
Insertion professionnelle<br />
durable ou partielle<br />
Insertion professionnelle<br />
ne permettant pas de<br />
couvrir le minimum vital<br />
Pas d'activité lucrative ou<br />
activité minimale<br />
Source: OFAS AS/AI/AC, 2005 à 2013, données AVS-AI 2005 à 2013,<br />
calculs BFH.<br />
Période d'observation: du 31e au 60e mois suivant la première<br />
obtention d'IC chez les nouveaux bénéficiaires IC 2005.<br />
DOSSIER 3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
Photo: Rudolf Steiner<br />
Moins de 45 ans<br />
45 à 54 ans<br />
55 ans et plus<br />
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%<br />
permet pas de couvrir le minimum vital (23%) est nettement plus<br />
élevée chez les 54 ans que chez les personnes de moins de 45 ans<br />
(16%). La dégradation des chances des chômeurs d'un certain âge<br />
de trouver une activité lucrative est pratiquement indépendante du<br />
niveau de formation: la différence, par rapport aux groupes plus<br />
jeunes, est à peu près la même pour tous les niveaux de formation.<br />
Du fait que, de manière générale, les personnes sans formation<br />
professionnelle ont de moins bonnes chances de trouver une activité<br />
lucrative, elles sont particulièrement défavorisées dans la vieillesse<br />
en raison du cumul des risques: après une période de chômage,<br />
seul un tiers des chômeurs sans formation post-obligatoire<br />
de plus de 54 ans est réinséré durablement ou du moins partiellement<br />
dans le marché du travail. 41% d'entre eux n'ont plus d'activité<br />
lucrative ou uniquement une activité minimale.<br />
Le tableau 1 montre que la part des mois d'activité permettant<br />
de réaliser un revenu qui couvre le minimum vital est nettement<br />
plus faible chez les personnes d'un certain âge que chez les plus<br />
jeunes (dans 40.7% des mois observés, les personnes d'un certain<br />
âge sont actives avec un revenu de plus de CHF 2’500 par rapport<br />
à 65.1% chez les moins de 45 ans); la durée d'attente d'une activité<br />
lucrative est près de six mois plus longue que chez les chômeurs<br />
plus jeunes.<br />
La chance moins élevée des chômeurs d'un certain âge de retrouver<br />
une activité lucrative est souvent mise en relation avec une<br />
moindre flexibilité et avec le changement des exigences de qualification<br />
sur le marché du travail, en raison des mutations technologiques<br />
(voir Seco 2015). En outre, un chômage prolongé est<br />
souvent lié à une perte de qualification. Un autre argument avancé<br />
Lorsqu'un chômeur d'un certain âge retrouve un emploi, il doit<br />
souvent accepter des pertes salariales considérables. <br />
Photo: Keystone<br />
porte sur les coûts salariaux plus élevés, notamment en raison de<br />
l'échelonnement de la prévoyance professionnelle en fonction de<br />
l'âge. Les résultats montrent cependant que notamment les personnes<br />
à partir de 54 ans doivent accepter des pertes salariales<br />
considérables dans leur nouvel emploi. Il est possible qu'elles<br />
Tableau 1: Indicateurs relatifs à l'évolution de l'activité lucrative des personnes ayant perdu leur emploi, selon âge<br />
Indicateurs concernant l'évolution de l'activité lucrative des nouveaux bénéficiaires<br />
IC 2005 (période d'observation: du 31e au 60e mois suivant la première obtention d'IC)<br />
moins de<br />
45 ans<br />
45 à<br />
54 ans<br />
55 ans<br />
et plus<br />
N<br />
Part de mois avec un revenu supérieur à 2‘500 CHF au cours de la période d'observation<br />
(valeur moyenne)<br />
65.1%<br />
56.3%<br />
40.7%<br />
141'450<br />
Durée entre le début de la période IC et la période active<br />
(nombre de mois, moyenne)<br />
10.6<br />
13.2<br />
15.3<br />
141'450<br />
Revenu provenant d'une activité lucrative 2008/2009 (CHF, médian) 1<br />
4506<br />
4232<br />
3581<br />
79'264<br />
Evolution du revenu entre 2004 et 2008 (réel)<br />
changement en pour cent de revenu médian 1<br />
3.6%<br />
-7.7%<br />
-20.7%<br />
70'056<br />
Part des personnes présentant des périodes sans obtention de prestations<br />
et sans activité lucrative<br />
26.1%<br />
25.8%<br />
36.7%<br />
37'670<br />
dont: Durée de la période sans aucune obtention de prestations et aucune activité<br />
lucrative (nombre de mois, moyenne)<br />
14.1<br />
16.1<br />
19.0<br />
37'670<br />
N (groupes d'âge)<br />
108'218<br />
24'976<br />
8'256<br />
Source: OFAS AS/AI/AC, 2005 à 2013, données AVS-AI 2005 à 2013, calculs BFH.<br />
1<br />
Les personnes de moins de 25 ans, les personnes qui ont touché des IC déjà avant les 12 mois précédant la première obtention IC, les personnes réalisant un revenu provenant<br />
d'une activité lucrative inférieur à 500 CHF et supérieur à 20'000 CHF (valeurs extrêmes) et les indépendants ayant payé le montant minimal n'ont pas été intégrés dans le calcul.<br />
18 ZeSo 3/<strong>17</strong> DOSSIER
50PLUS à l'aide sociale<br />
Etude BFH sur les chances d'insertion professionnelle<br />
des chômeurs<br />
L'étude de la BFH analyse l'évolution des personnes ayant perdu leur emploi. Elle s'intéresse particulièrement<br />
aux personnes qui, en 2005, ont ouvert un nouveau délai-cadre et touché des indemnités journalières de<br />
l'assurance chômage (IC). Pour ces personnes, on observe les obtentions d'IC, d'aide sociale et de rentes AI sur<br />
une période de 60 mois. En fonction du nombre de périodes d'obtention et de la durée d'obtention d'IC et d'aide<br />
sociale (combinées ou successives), les personnes sont attribuées à un type d'évolution donné. Dans un deuxième<br />
temps, on observe, deux ans et demi après la première obtention d'IC, l'activité lucrative d'une personne<br />
pendant les 30 mois suivants, en faisant la distinction entre les personnes actives avec un revenu supérieur<br />
à CHF 2500 (permettant de couvrir le minimum vital d'une personne) et celles dont le revenu était inférieur à<br />
CHF 2500. En fonction du modèle d'évolution pendant ces 30 mois, on a également développé une typologie qui<br />
comprend les situations d'activité lucrative suivantes: «insertion durable dans le vie active», «insertion partielle<br />
dans la vie active», «insertion dans la vie active ne permettant pas de couvrir le minimum vital», «activité<br />
lucrative minimale» et «aucune activité lucrative». Les évolutions de l'activité lucrative et les obtentions de<br />
prestations sociales des personnes en fin de droit ont également été examinées.<br />
renoncent à une partie du revenu salarial pour compenser les cotisations<br />
des employeurs aux caisses de pension (Seco 20<strong>17</strong>b).<br />
En moyenne, le revenu provenant d'une activité lucrative des personnes<br />
d'un certain âge est inférieur de 21% à celui réalisé dans<br />
l'occupation précédant le chômage et leur revenu provenant d'une<br />
activité lucrative est nettement plus bas que celui des personnes<br />
plus jeunes. Ceci peut également être dû à une occupation à temps<br />
partiel plus répandue. Les données disponibles ne fournissent pas<br />
d'informations sur le taux d'occupation. Les personnes entre 45<br />
et 54 ans doivent, elles aussi, accepter une perte salariale après le<br />
chômage et leur revenu provenant d'une activité lucrative est plus<br />
bas que celui de la catégorie d'âge la plus jeune (voir tableau 1).<br />
Chez les personnes de plus de 55 ans, les phases sans obtention<br />
de prestations sociales et sans activité lucrative sont bien plus fréquentes<br />
(36.7%) que chez les plus jeunes; par ailleurs, elles durent<br />
nettement plus longtemps. Dans ces phases, les personnes vivent<br />
soit du revenu d'un partenaire ou de la fortune, soit d'un revenu<br />
provenant de la prévoyance vieillesse, après une retraite anticipée.<br />
Les analyses montrent que la situation en matière de revenu des<br />
personnes perdant leur emploi dans une phase tardive de la vie<br />
active est souvent précaire. Celles-ci doivent parfois faire face à des<br />
pertes salariales considérables ou elles ont besoin d'un revenu supplémentaire.<br />
Ceci a également des répercussions sur le revenu à<br />
l'âge de la retraite, puisque la dernière phase de la vie active avant<br />
la retraite est particulièrement importante pour le montant des<br />
prestations de la prévoyance vieillesse, ce qui se traduit également<br />
par un risque d'avoir besoin de PC (voir l'étude «Existenzsicherung<br />
im Alter», von Gunten et al., 2015).<br />
Manque de perspectives après la fin de droit<br />
Une fin de droit est un événement marquant, dans la biographie<br />
professionnelle d'une personne. Après une fin de droit, les conditions<br />
d'un nouvel engagement sont particulièrement défavorables<br />
et la pression exercée pour faire accepter un emploi aux conditions<br />
de travail précaires est particulièrement forte. Tous groupes d'âge<br />
confondus, 48% des personnes en fin de droit peuvent être réinsérées<br />
durablement ou du moins partiellement dans le marché du<br />
travail. Chez les 45 à 54 ans, cette proportion descend à un peu<br />
moins de 40% et chez les plus de 54 ans, cette proportion est particulièrement<br />
faible, avec 31%. Près de la moitié des plus de 55<br />
ans n'a plus d'activité lucrative ou juste une activité minimale<br />
après la fin de droit. Avec près d'un tiers, les chômeurs entre 45 et<br />
54 ans présentent un risque de fin de droit très élevé. En raison de<br />
la durée d'obtention plus longue et des possibilités de prendre une<br />
retraite anticipée, la part des personnes en fin de droit est nettement<br />
plus faible (12%) chez les plus de 55 ans.<br />
38% des personnes en fin de droit bénéficient plus tard de<br />
l'aide sociale. Fait remarquable: chez les plus de 54 ans, le risque<br />
d'aide sociale, après une fin de droit, n'est pas plus élevé. Ce sont<br />
notamment les personnes en fin de droit, célibataires et sans formation,<br />
d'un certain âge qui, avec 43%, présentent un risque<br />
d'aide sociale considérable. Chez les personnes divorcées, ce<br />
risque atteint même 59%.<br />
Ainsi, les chômeurs d'un certain âge présentent un risque<br />
considérable de chômage de longue durée et d'exclusion permanente<br />
du marché du travail. Cela signifie qu'un potentiel de maind'œuvre<br />
est inexploité. Des mesures ciblées en faveur des chômeurs<br />
d'un certain âge (mesures de qualification, suppléments<br />
salariaux, accompagnement actif dans la recherche d'un emploi,<br />
campagnes d'information et sensibilisation des employeurs, etc.)<br />
permettraient d'exploiter davantage ce potentiel et d'améliorer<br />
la situation des employés d'un certain âge, hommes et femmes.<br />
Pour réduire le risque de chômage, il est indispensable de mettre<br />
à la disposition des employés d'un certain âge des mesures de formation<br />
continue ciblées pendant l'activité lucrative, déjà (pas de<br />
perte de qualification, adaptation des capacités professionnelles<br />
aux mutations technologiques).<br />
•<br />
Robert Fluder, Renate Salzgeber<br />
Berner Fachhochschule BFH<br />
DOSSIER 3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
La Rente-pont vaudoise: un coup de<br />
pouce pour les personnes en fin de droit<br />
au chômage proches de la retraite<br />
Le Canton de Vaud a mis en place en 2011 un<br />
dispositif unique en Suisse afin de permettre<br />
aux personnes de 62/63 ans ayant épuisé leurs<br />
indemnités de chômage d’atteindre l’âge AVS<br />
sans devoir recourir à l’aide sociale. Depuis le<br />
1 er janvier 20<strong>17</strong>, les personnes au bénéfice de<br />
l’aide sociale peuvent y bénéficier avec deux ans<br />
d’anticipation.<br />
Les prestations cantonales de la Rente-pont adoptées en votation<br />
populaire le 15 mai 2011 font partie des mesures développées par<br />
le Conseil d’Etat afin de renforcer les dispositifs sociaux en amont<br />
de l’aide sociale, au même titre que les Prestations complémentaires<br />
cantonales pour familles (PC Familles). Elles découlent du<br />
constat que des chômeuses et chômeurs âgés de plus de 60 ans,<br />
ayant épuisé leur droit aux indemnités de l’assurance-chômage et<br />
ne disposant pas d’une fortune personnelle étaient contraints de<br />
solliciter le Revenu d’Insertion (aide sociale vaudoise), alors que<br />
leurs chances de réinsertion sur le marché du travail étaient très<br />
faibles. Près de 300 bénéficiaires du RI se trouvaient dans cette situation<br />
en avril 2010.<br />
Le dispositif entré en vigueur le 1 er octobre 2011 est destiné<br />
aux personnes âgées de 62/63 ans ayant épuisé leurs indemnités<br />
chômage ou n’ayant pas droit au chômage (indépendants), disposant<br />
d’une modeste fortune personnelle et n’étant pas au bénéfice<br />
d’une rente de vieillesse anticipée. La législation fédérale sur<br />
l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS) permet à l’heure actuelle<br />
à ces personnes d’anticiper leurs prestations de vieillesse de 1 ou 2<br />
ans, cela s’assortit toutefois d’une réduction à vie de leur rente AVS<br />
de 6.8% par année d’anticipation.<br />
Suite à une évaluation externe réalisée en 2015, la Rente-pont<br />
cantonale a été confirmée et renforcée comme une alternative à<br />
l’aide sociale et un moyen d’éviter aux personnes de devoir amputer<br />
leurs rentes futures de manière importante.<br />
Pour pouvoir en bénéficier, il faut être domicilié dans le canton<br />
depuis 3 ans, avoir épuisé les indemnités de chômage, ou ne<br />
pas avoir droit au chômage, et disposer d’un revenu inférieur aux<br />
limites PC AVS/AI. Il faut aussi avoir atteint l’âge ouvrant le droit<br />
à une rente AVS anticipée, c’est-à-dire 62 ans pour les femmes et<br />
63 ans pour les hommes. Depuis le 1er janvier 20<strong>17</strong>, les personnes<br />
au bénéfice de l’aide sociale ou qui en remplissent les conditions,<br />
peuvent accéder à la Rente-pont dès l’âge de 60 ans pour les<br />
femmes, respectivement 61 pour les hommes.<br />
Le droit aux prestations n'est cependant pas ouvert aux personnes<br />
qui atteignent l'âge de la retraite anticipée au sens de la LAVS<br />
(62/63 ans) et dont la situation financière est telle que l'autorité<br />
peut anticiper qu'elles pourront prétendre à des prestations complémentaires<br />
(PC) à l’AVS/AI lorsqu’elles auront droit à la rente<br />
AVS à l’âge ordinaire. En effet, il est tout à fait adapté pour ces<br />
personnes d’anticiper la Rente AVS, malgré la réduction imputée<br />
sur leur rente, puisque celle-ci pourra être complétée par les PC à<br />
l’AVS/AI.<br />
Le montant de la Rente-pont annuelle correspond à la différence<br />
entre les besoins reconnus et les revenus déterminants, selon<br />
les critères des PC à l’AVS/AI. A l’exception, lors du calcul de la<br />
fortune, de l’application d’une franchise de CHF 500’000.- sur<br />
la valeur de rachat des assurances vie et des avoirs sous forme de<br />
capitaux du 2e et 3e pilier.<br />
La prestation est versée mensuellement. Les frais de santé peuvent<br />
également être remboursés, dans les limites d’un plafond annuel,<br />
selon les mêmes principes que dans les PC à l’AVS/AI.<br />
La prestation est ouverte pendant les deux années, respectivement<br />
4 années pour les personnes provenant de l’aide sociale, qui<br />
20 ZeSo 3/<strong>17</strong> DOSSIER
50plus in der sozialhilfe<br />
Pour les personnes concernées, la Rente-pont cantonale est<br />
une alternative à l'aide sociale. <br />
Photo: Rudolf Steiner<br />
précèdent l’âge légal de la retraite AVS (64 ans pour les femmes et<br />
65 ans pour les hommes en 20<strong>17</strong>).<br />
Pour déposer une demande de Rente-pont, le requérant<br />
s’adressera à l’Agence régionale d’assurances sociales (AAS) responsable<br />
pour sa commune, qui est chargée d’informer, orienter<br />
et constituer le dossier de demande. Le Centre régional de décision<br />
PC Familles et Rente-pont de la Commune de Lausanne est chargé<br />
d’examiner les demandes, rendre les décisions et verser les prestations<br />
pour l’ensemble du canton.<br />
Le régime de la Rente-pont est financé grâce à une part de la<br />
cotisation PC Familles et Rente-pont de 0.6% prélevée auprès des<br />
salariés, ainsi qu’à la contribution de l’Etat et des communes.<br />
Evaluation du dispositif<br />
Une commission d’évaluation présidée par le Chef du Département<br />
de la santé et de l’action sociale et constituée de représentante-s<br />
des partenaires sociaux, des communes et de l’Etat est chargée<br />
par la loi d’assurer le suivi du dispositif et de l’évaluer après trois<br />
ans de mise en oeuvre. Pour ce faire, la Commission a attribué le<br />
mandat au Bureau d’études de politique du travail et de politique<br />
sociale (Bureau BASS) d’analyser l’évolution du dispositif et<br />
l’atteinte des objectifs pour les années 2011 à 2014. Les résultats<br />
de l’évaluation, accompagnés des recommandations de la Commission,<br />
ont été adoptés par le Conseil d’Etat et remis au Grand<br />
Conseil en mars 2016.<br />
L’étude a identifié 885 bénéficiaires de prestations la Rentepont<br />
entre octobre 2011 et décembre 2014. Le 70% provenait<br />
de l’aide sociale et parmi les 30% restants une part substantielle<br />
aurait été éligible à l’aide sociale, ne disposant que d’une faible<br />
fortune. 88% des bénéficiaires vivaient seuls; le 3% avait des enfants<br />
à charge.<br />
Des entretiens qualitatifs ont permis de décrire des situations<br />
de vie satisfaisante, permettant d’éviter l’appauvrissement avant<br />
la retraite. Mais aussi de mettre en évidence quelques situations<br />
particulières qui nécessitent un accompagnement de proximité,<br />
notamment en lien avec le remboursement des frais de santé.<br />
Les objectifs du Conseil d’Etat de réduire le recours à l’aide sociale,<br />
maintenir le niveau de vie avant l’âge de la retraite et préserver<br />
le 2e pilier ont été évalués comme atteints. Toutefois, en raison<br />
d’un faible capital de vieillesse, le recours aux PC AVS à la sortie du<br />
dispositif a été identifié comme important. Malgré cela, les bénéficiaires<br />
sont réticents à anticiper la retraite AVS.<br />
Ces résultats ont amené le Conseil d’Etat à proposer d’anticiper<br />
de deux ans l’accès au dispositif (60F/61H) pour les personnes<br />
qui remplissent les conditions du RI. Cette modification a été adoptée<br />
par le Grand Conseil et introduite en 20<strong>17</strong> ; elle devra néanmoins<br />
s’accompagner d’une orientation stricte vers une demande<br />
de rente AVS anticipée à l’âge terme pour les personnes pouvant<br />
obtenir des PC à l’AVS/AI.<br />
A ce jour, faisant suite à l’extension du dispositif, ce sont près<br />
de 1’000 personnes qui perçoivent une Rente-pont, pour un montant<br />
mensuel moyen d’environ CHF 2’500.-.<br />
La Rente-pont cantonale sera encore amenée à s’adapter en<br />
fonction des réformes qui pourraient impacter prochainement la<br />
prévoyance vieillesse, notamment en matière d’âge et de flexibilité<br />
de la retraite. <br />
•<br />
Anouk Friedmann<br />
Adjointe, Service des assurances sociales et de<br />
l’hébergement (SASH) du canton de Vaud<br />
Informations sur: www.vd.ch/Rente-pont<br />
DOSSIER 3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
Formation en psychologie positive<br />
– un atout pour l'équipe et le conseil<br />
ARTICLE SPÉCIALISÉ L'effet de la<br />
psychologie positive est connu<br />
depuis longtemps, mais ce<br />
n'est que ces dernières années<br />
que la recherche lui a accordé à<br />
nouveau une attention accrue.<br />
Les études scientifiques<br />
confirment sans exception<br />
l'effet de la psychologie positive<br />
appliquée. Le service social<br />
de la Ville de Dietikon utilise<br />
celle-ci dans l'équipe et dans le<br />
conseil.<br />
Les personnes ayant une attitude positive<br />
sont systématiquement plus contentes,<br />
elles vivent plus longtemps et elles sont<br />
plus performantes. Les résultats des recherches<br />
montrent que les méthodes permettant<br />
de se sentir d'humeur positive sont<br />
multiples et qu'une telle humeur peut également<br />
entraîner un changement de comportement<br />
à plus long terme. Dans un environnement<br />
difficile qui nous demande<br />
beaucoup jour après jour, il est d'autant<br />
plus important de porter une attention accrue<br />
aux événements et aux changements<br />
positifs, aux points forts. L'entraînement<br />
positif est une possibilité de développer<br />
une attitude bienveillante face à la vie et de<br />
nous rendre plus résistants. Il peut soutenir<br />
les collaborateurs des services sociaux dans<br />
leur travail quotidien en leur permettant de<br />
mieux maîtriser les défis quotidiens et<br />
d'encourager de manière optimale l'empowerment<br />
des clients.<br />
C'est dans cette intention qu’au début<br />
de 2015, la responsable du département<br />
social de la Ville de Dietikon s'est adressée<br />
à son équipe dirigeante en lui proposant<br />
un atelier en Positive Leadership. Cet atelier<br />
a été l'occasion d'élaborer, entre autres,<br />
des préceptes fondés sur la psychologie<br />
positive (voir encadré) et destinés à orienter<br />
les démarches futures. Mais il ne suffisait<br />
pas de convaincre l'équipe dirigeante de<br />
la nouvelle approche. Il fallait également<br />
permettre à chaque collaborateur, homme<br />
et femme, d'en tirer un bénéfice pour son<br />
propre développement personnel et de<br />
trouver une attitude fondamentale commune.<br />
Cela revient à dire que l'application<br />
de la positivité devait faciliter le quotidien,<br />
augmenter l'efficacité et créer ainsi pour<br />
tous une situation gagnant-gagnant.<br />
Mise en œuvre au sein de l'équipe<br />
Afin d'atteindre ou de renforcer l'attitude<br />
fondamentale positive au niveau des collaborateurs,<br />
un Positivity Training modulaire<br />
de plusieurs semaines a été organisé<br />
pour l'ensemble des 60 membres du département<br />
social de Dietikon avec la Haute<br />
école spécialisée bernoise, sous la direction<br />
du Pr Alexander Hunziker. Les cours<br />
étaient structurés de la manière suivante:<br />
dans un premier temps, les fondements<br />
théoriques de la Psychologie positive ont<br />
été expliqués, cette partie théorique a été<br />
suivie d'exercices en groupes et à la fin, les<br />
collaborateurs se sont vus attribuer des<br />
tâches à accomplir pendant le travail ou<br />
pendant leurs loisirs. Ainsi, l'une des tâches<br />
consistait à identifier ses propres forces de<br />
caractère et à utiliser l'une de ces forces<br />
pendant une semaine afin d'entraîner ses<br />
propres ressources. Ceci dans l'objectif de<br />
s'éloigner de la pensée orientée plutôt vers<br />
les déficits et de prendre conscience de ses<br />
propres forces pour les inscrire davantage<br />
au quotidien. Une autre tâche consistait,<br />
par exemple, à sourire plus souvent, car les<br />
personnes qui sourient répandent la bonne<br />
humeur et sont en meilleure santé. Les<br />
exercices permettant d'améliorer la qualité<br />
de vie sont innombrables.<br />
Boîte aux succès<br />
L'effet des interventions des travailleurs sociaux<br />
est difficile à mettre en évidence. Pour<br />
permettre aux collaborateurs d'apprécier<br />
leurs propres succès et de partager ceux-ci<br />
26 ZeSo 3/<strong>17</strong>
avec les autres, un mur aux succès, avec une<br />
boîte aux succès, a été installé. Les collaborateurs<br />
y notent un gain professionnel obtenu<br />
qu'ils affichent de manière bien visible<br />
pour les autres membres de l'équipe et ils<br />
piochent une petite gourmandise dans la<br />
boîte aux succès. Cette possibilité de partager<br />
les petites victoires personnelles est intensément<br />
utilisée. Elle a pour effet que les<br />
gens parlent davantage de réussites, de<br />
choses qui fonctionnent et moins de difficultés.<br />
Une nouvelle collaboratrice peut,<br />
par exemple, ressentir comme un succès le<br />
fait d'avoir établi, pour la première fois, un<br />
budget correct, le collaborateur au guichet a<br />
du succès quand il réussit à calmer une personne<br />
en colère. Ces victoires personnelles<br />
doivent avoir une place importante dans le<br />
travail quotidien.<br />
Mise en œuvre dans le contact avec<br />
les clients<br />
A la fin de la formation, différents instruments<br />
méthodologiques ont été élaborés.<br />
La formation comportait les fondements<br />
théoriques, mais également différents<br />
exercices en groupes (g.). Les succès sont<br />
rendus visibles pour l'équipe (en haut).<br />
Photos: zvg<br />
Le résultat est<br />
un formulaire<br />
d'objectifs convenus<br />
contenant les<br />
points suivants:<br />
je suis, je peux, je<br />
peux, pour moi, le<br />
bonheur signifie...<br />
L'objectif consistait à travailler avec le<br />
client dans le sens de la Psychologie positive.<br />
Ceci avec la conviction d'être ainsi en<br />
mesure de mieux le soutenir dans l'insertion<br />
professionnelle et l'intégration sociale.<br />
L'évaluation nouvellement adaptée dans le<br />
cadre de l'admission en est un exemple.<br />
Désormais, les clients sont interrogés de<br />
manière plus ciblée sur leurs ressources et<br />
leurs succès. Le soutien qui suit, par<br />
exemple dans l'insertion professionnelle,<br />
se fonde là-dessus. Ce mode de travail méthodologique<br />
est jugé profitable par la majorité<br />
des collaborateurs et des clients.<br />
Ensuite, la définition d'objectifs convenus<br />
pour les bénéficiaires de l'aide sociale<br />
a été retravaillée dans un groupe de travail<br />
interdisciplinaire. A cet égard, il était important<br />
de s'appuyer sur les ressources des<br />
clients. Les expériences ont montré qu'auparavant,<br />
les collaborateurs n'avaient pas<br />
perçu la définition d'un objectif convenu<br />
comme un instrument de travail méthodologique,<br />
mais plutôt comme un exercice<br />
imposé. La clientèle, composée de ressortissants<br />
de 65 nations différentes et maîtrisant<br />
souvent mal l'allemand, ne voyait pas<br />
un grand intérêt dans la définition d'un<br />
objectif convenu sous la forme classique.<br />
Du point de vue du contenu, les objectifs<br />
convenus avaient souvent une structure<br />
très comparable, les objectifs décrivant la<br />
tâche de l'aide sociale de mettre fin à la<br />
situation de détresse.<br />
En découvrant l'effet de la Psychologie<br />
positive, les collaborateurs ont élaboré une<br />
définition des objectifs convenus répondant<br />
aux exigences suivantes: elle devait<br />
servir d'instrument méthodologique, être<br />
comprise par les bénéficiaires de l'aide<br />
sociale, mettre en évidence les ressources<br />
de ceux-ci, être simple à gérer et également<br />
susciter des sentiments positifs.<br />
Le résultat est un formulaire d'objectifs<br />
convenus contenant les points suivants: je<br />
suis, je peux, je veux, pour moi, le bonheur<br />
signifie… Dès la phase pilote, nous avons<br />
pu constater qu'à l'aide de ces questions,<br />
nous obtenions des informations plus personnelles<br />
qui nous permettaient de déduire<br />
bien plus facilement des thématiques et<br />
<br />
3/<strong>17</strong> ZeSo<br />
27
QUELS CHANGEMENTS?<br />
Entre l'atelier 1 et l'atelier 2<br />
Humeur (collective)<br />
Meilleure humeur *** / *** / *** / *** / ** / **<br />
Sentiment d'appartenance / acceptation *** / *<br />
Aime venir travailler ***<br />
Meilleur échange au sein de l'équipe **<br />
Sourires plus fréquents **<br />
Echange sur un sujet **<br />
Points spécifiques<br />
On a le droit d'être malade<br />
de temps en temps *** / ***<br />
Productivité ***<br />
L'orientation vers les ressources du client<br />
réussit ***<br />
Moins de ruminations *<br />
Connu de nouveaux coll<br />
Sondage auprès des participants (tableau: Haute école spécialisée bernoise)<br />
des objectifs. Par exemple, un client a noté:<br />
«Pour moi, le bonheur signifie pouvoir<br />
assister à un concert de rock». Ce désir n'a<br />
pas de lien direct avec la mission de l'aide<br />
Capacités personnelles<br />
Satisfaction *** / ***<br />
Gratitude *** / ***<br />
Peux mieux m'adonner à l'instant **<br />
Meilleure prise de conscience de ce qui<br />
est positif ** / *<br />
Equilibre, sérénité, des détails positifs<br />
facilitent le quotidien<br />
Rien<br />
? Rien, pas de changements, le temps<br />
était trop bref<br />
*** net, souvent<br />
** sensible, parfois<br />
* rement sensible, rarement<br />
? pas sûr si réellement<br />
sociale, mais il peut être utilisé pour déclencher<br />
quelque chose qui évoque des sentiments<br />
positifs. Dans un autre exemple, un<br />
homme, en parlant de son épouse, a écrit:<br />
«Elle fait très bien la cuisine». Cette femme<br />
ne parle pratiquement pas l'allemand, elle<br />
ne sort guère de chez elle. Nous ne savions<br />
rien de son talent, ses dons culinaires ont<br />
permis d'emprunter une nouvelle voie<br />
dans l'insertion professionnelle. Dans un<br />
troisième exemple, une cliente affirme: «Je<br />
suis très fiable, gentille et sincère.» Si cette<br />
auto-évaluation coïncide avec l'évaluation<br />
par les travailleurs sociaux, on peut supposer<br />
que sont présentes ces compétences,<br />
importantes pour le premier marché du<br />
travail.<br />
Les collaborateurs perçoivent la nouvelle<br />
définition des objectifs convenus<br />
comme un instrument de travail utile qui<br />
les amène à chercher des voies créatives,<br />
personnelles et novatrices avec de nombreux<br />
clients. L'équipe dirigeante, tout<br />
comme le personnel participant, ont pu<br />
se rendre compte de l'effet de la positivité<br />
et ils sont nombreux à ne plus vouloir s'en<br />
passer. Il s'agit maintenant de travailler sur<br />
cette attitude fondamentale et de développer<br />
ce qui a été mis en route. •<br />
Liliane Blurtschi, Sandra Walther,<br />
Michael Peier et Franziska Brägger<br />
Service social de Dietikon<br />
LA PSYCHOLOGIE POSITIVE<br />
Pendant longtemps, la psychologie s'est intéressée,<br />
en premier lieu, aux atteintes à la psyché. Ce<br />
n'est que depuis une petite vingtaine d'années<br />
que des questions concernant les bases d'une<br />
vie satisfaisante et les forces de la psyché humaine<br />
font l'objet de la recherche. Cette branche,<br />
appelée «Psychologie positive», connaît une<br />
croissance constante et rapide. La Psychologie<br />
positive attire l'attention sur le fait que l'absence<br />
de souffrance ne signifie pas encore la présence<br />
de la joie, que la santé psychique n'est pas<br />
l'absence de la maladie, qu'un faible pessimisme<br />
n'est pas de l'optimisme et qu'une vie réussie<br />
n'est pas définie uniquement par l'absence<br />
d'échecs ou de trébuchements, comme Willibald<br />
Ruch, Professeur à l'Université de Zurich, le met<br />
en exergue dans son livre «Die Positive Psychologie<br />
bei Kindern und Jugendlichen».<br />
Depuis lors, de nombreuses études empiriques<br />
démontrent ce que le bon sens pressent: les personnes<br />
heureuses vivent plus longtemps, mais<br />
elles sont également en meilleure santé et plus<br />
performantes. Le bonheur, à lui seul, n'est cependant<br />
pas encore la clé d'une vie réussie. Martin<br />
Seligman, Professeur à l'Université de Pennsylvanie<br />
(USA), est considéré comme le père de la<br />
Psychologie positive. Il a développé un concept<br />
dynamique de ce qu'une vie réussie signifie<br />
vraiment. Dans ses recherches, cinq éléments se<br />
révèlent être déterminants: sentiments positifs,<br />
engagement, bonnes relations sociales, sens et<br />
atteinte des objectifs. Aucun de ces éléments<br />
ne désigne, à lui seul, le bien-être, mais chacun<br />
y contribue. Nous nous épanouissons lorsque<br />
nous avons plus souvent des émotions positives,<br />
lorsque nous nous engageons plus souvent en<br />
faveur de quelque chose (expériences flow),<br />
lorsque nous entretenons des relations plus nombreuses<br />
et meilleures, lorsque nous faisons plus<br />
souvent des choses qui ont un sens plus profond<br />
pour nous et lorsque nous fixons des objectifs et<br />
que nous atteignons ceux-ci. Pour emprunter ces<br />
voies avec succès, nous pouvons recourir à nos<br />
forces dont tous les êtres humains disposent,<br />
en principe, même si elles se manifestent sous<br />
des formes différentes. Il s'agit de 24 forces de<br />
caractère (allant de la persévérance jusqu'à<br />
la sagesse) qui peuvent être regroupées en<br />
ensembles de six vertus. De telles forces de caractère<br />
sont mesurables et, surtout, on peut s'y<br />
entraîner. Il est prouvé que dans ce qu'on appelle<br />
les «interventions positives», les vertus et les<br />
forces de caractère individuelles sont mobilisées<br />
et ainsi renforcées. De tels exercices peuvent<br />
consister à tenir un journal du bonheur, à sourire<br />
plus souvent, à faire preuve de serviabilité,<br />
comme l’explique Alexander Hunziker, Professeur<br />
à la Haute école spécialisée bernoise.<br />
Le Pr Hunziker, qui a animé le Positivity-Training à<br />
Dietikon, enseigne l'économie du bonheur, l'attention<br />
et le Positive Leadership. Dans le Positive<br />
Leadership, il s'agit d'atteindre des résultats<br />
d'excellence au moyen des connaissances de la<br />
Psychologie positive, et ceci tant dans l'économie<br />
et l'administration que dans les écoles et les<br />
institutions sociales. Les dirigeants apprennent<br />
à connaître leurs propres forces, ils encouragent<br />
les forces des collaborateurs et apprennent à<br />
diriger des équipes en se basant sur les forces.<br />
Alexander Hunziker est en train de rédiger un<br />
guide approfondi sur ce thème («Wertschätzend<br />
führen»), qui paraîtra début 2018 aux éditions<br />
SKV. (IH)<br />
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