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Gaumont Pathé! Le mag - Septembre 2017

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de piano », évoquant le violon qui<br />

résonnait dans Domicile conjugal avec<br />

Jean-Pierre Léaud et Claude Jade. Car<br />

Truffaut, « dans l’i<strong>mag</strong>inaire collectif,<br />

c’est une musique évocatrice, la couleur<br />

des années 60 ». Et le cinéaste d’ajouter<br />

que, sur le plateau, il tenait à Louis<br />

Garrel des propos pas si éloignés de la<br />

célèbre tirade de Truffaut s’adressant à<br />

Léaud dans La Nuit américaine : « Tu<br />

sais, Alphonse, il n’y a pas d’embouteillages<br />

dans les films, pas de temps mort.<br />

<strong>Le</strong>s films avancent comme des trains,<br />

tu comprends, comme des trains dans<br />

la nuit. »<br />

Des films dans le film<br />

Du cinéma de Godard, il reste évidemment<br />

« une inspiration visuelle ». « Je<br />

voulais faire un film très graphique,<br />

stylisé, je voulais faire un beau film »,<br />

explique Hazanavicius. De fait, <strong>Le</strong><br />

Redoutable est un hom<strong>mag</strong>e <strong>mag</strong>nifique<br />

au chef opérateur Raoul Coutard :<br />

« Guillaume Schiffman a été chercher<br />

des photos de plateaux de l’époque<br />

pour voir quels étaient les dispositifs de<br />

lumière. <strong>Le</strong>s i<strong>mag</strong>es des débuts, comme<br />

dans Pierrot le Fou ou Une femme<br />

est une femme, sont très différentes<br />

de celles de Week-end, par exemple.<br />

<strong>Le</strong>s premiers films sont très éclairés,<br />

jouent beaucoup sur les trois couleurs<br />

primaires. Cela se complexifie un peu<br />

plus après, il y a des contre-jours plus<br />

marqués, des éclairages plus naturels. »<br />

Comme chez Godard, « il y a du méta<br />

un peu tout le temps ». Jean-Luc va<br />

donc voir des vieux films au cinéma<br />

avec Anne Wiazemsky, sa compagne de<br />

l’époque, dont Hazanavicius adapte ici<br />

le livre : du délicieux Beau fixe sur New<br />

York avec Gene Kelly à La Passion de<br />

Jeanne d’Arc de Dreyer, que le réalisateur<br />

détourne à merveille en superposant<br />

aux i<strong>mag</strong>es muettes le dialogue<br />

du couple. On parle aussi beaucoup<br />

cinéma, notamment lors d’une scène<br />

irrésistible où Jean-Luc et Anne – incarnée<br />

par Stacy Martin – débattent de<br />

l’utilité de la nudité à l’écran, tandis<br />

qu’eux-mêmes sont intégralement nus,<br />

face caméra. <strong>Le</strong>s habitués d’Hazanavicius<br />

reconnaîtront là sans mal la patte<br />

du cinéaste. <strong>Le</strong> mélange de pastiches,<br />

de comique de répétition (les lunettes<br />

cassées), de légèreté à la OSS 117<br />

se fond délicatement à la mélancolie<br />

romantique de The Artist. Il s’agit ici<br />

« d’une histoire d’amour touchante,<br />

originale et tragique, mais universelle<br />

aussi ». « Une des raisons pour lesquelles<br />

une histoire d’amour se termine,<br />

c’est que l’un des deux, ou parfois les<br />

deux changent », commente le réalisateur.<br />

« Là, ce qui est tragique, c’est que<br />

ce n’est pas un changement qui est dû<br />

aux aléas de la vie ou de l’âge, c’est<br />

un personnage qui veut changer, qui<br />

décide consciemment et volontairement<br />

de changer au nom de la révolution.<br />

<strong>Le</strong> personnage d’Anne s’est engagé avec<br />

quelqu’un et, en l’espace d’une année,<br />

le voit se métamorphoser pour des<br />

raisons artistiques et politiques. Ce que<br />

j’aimais vraiment, c’est qu’on pouvait le<br />

raconter à travers des scènes qui sont<br />

des scènes de comédie diverses : du<br />

burlesque à de la comédie beaucoup<br />

plus fine, des comiques de situation<br />

avec Godard qui pouvait être charmant,<br />

et de l’humour distancié. En termes<br />

de scénario, j’y ai vu une recherche<br />

d’équilibre qui était un peu celle de la<br />

comédie italienne. »<br />

Portrait d’un couple<br />

Comme les opus précédents du<br />

cinéaste, le film s’affirme comme<br />

populaire tout en témoignant d’un<br />

attachement profond à la forme. La<br />

trame est simple et chronologique mais<br />

le jeu s’impose d’emblée. « Je n’ai pas<br />

du tout fait un film sur le vif comme<br />

Stacy Martin (au centre).<br />

Godard pouvait le faire », explique<br />

Hazanavicius, « j’ai fait un film beaucoup<br />

plus traditionnel, puisque c’est<br />

une reconstitution historique, mais je<br />

joue avec tous ses codes ». Godard lui<br />

aussi s’amusait des codes cinématographiques,<br />

mais ne donnait pas dans<br />

la parodie : « Godard est un inventeur<br />

avec des grandes prises de liberté, qui<br />

travaille sur des choses existantes et<br />

réagit à des règles de cinéma. »<br />

Que le spectateur se rassure, nul besoin<br />

de connaître le cinéma de Godard sur<br />

le bout des doigts pour apprécier le<br />

film. Si le connaisseur appréciera la<br />

performance incroyable de Louis Garrel<br />

(les cheveux, la voix, l’œil malin et<br />

séducteur… tout y est) et la restitution<br />

de Mai-68, les autres y découvriront le<br />

portrait intime, « ironique et touchant »<br />

selon les mots de Louis Garrel, d’un<br />

couple qui se lie puis se délite. La première<br />

histoire du Redoutable apparaît<br />

d’ailleurs comme le versant négatif de<br />

The Artist. « C’est le chemin inverse »,<br />

confirme le cinéaste. « Dans The Artist,<br />

les deux personnages se tournent autour<br />

et se retrouvent à la fin, tandis que<br />

là, ils commencent ensemble. Mais le<br />

type de rapport humain est le même :<br />

la femme est le pôle positif alors que<br />

l’homme est dans une errance. » Mais<br />

le happy end s’imposait dans The Artist,<br />

considère-t-il. <strong>Le</strong> film se devait d’être<br />

« un petit bonbon », afin de ne pas<br />

« punir jusqu’au bout » les spectateurs<br />

venus en salle voir un film muet en noir<br />

et blanc. Cette fois, le spectateur a droit<br />

LES CINÉMAS GAUMONT ET PATHÉ 25

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