Gaumont Pathé! Le mag - Juin 2018
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SPECTACLES AU CINÉMA<br />
I N T E R V I E W<br />
Dominique Blanc<br />
PENSIONNAIRE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE, L’ACTRICE JOUE AGRIPPINE, LA MÈRE DE NÉRON<br />
DANS BRITANNICUS, DANS LA MISE EN SCÈNE DE STÉPHANE BRAUNSCHWEIG.<br />
PROPOS RECUEILLIS PAR ELSA COLOMBANI<br />
Retransmission en direct de la Comédie-Française le jeudi 5 juillet à 20 h 15<br />
Comment êtes-vous devenue pensionnaire<br />
de la Comédie-Française ?<br />
En 2014, Éric Ruf m’a proposé très<br />
simplement de rejoindre la troupe.<br />
J’étais abasourdie, très honorée<br />
et très fière. À l’occasion de cette<br />
entrée, il m’a dit : « Stéphane<br />
Braunschweig monte Britannicus<br />
et on rêverait de te voir incarner<br />
Agrippine. » Agrippine est une<br />
femme qui a été la plus puissante<br />
de l’Antiquité, presque<br />
plus que Cléopâtre. Son cerveau<br />
politique était exceptionnel.<br />
L’autre chose qui m’a plu<br />
c’est que Stéphane insistait<br />
énormément sur le fait que<br />
le Phèdre de Racine, c’est une<br />
langue du cri alors que dans<br />
Britannicus c’est une langue<br />
de contention. À un moment<br />
Stéphane nous a demandé de<br />
mettre des micros, parce qu’il<br />
voulait que l’on parle de façon<br />
très tenue. Ce qu’il disait, c’est que<br />
dans tous les lieux de pouvoirs, à<br />
L’Élysée ou dans la série House of<br />
Cards par exemple, il y a quelque<br />
chose de très couvert, une tension<br />
gigantesque chez les individus, mais<br />
il n’y a pas d’hystérie.<br />
Vous rejouez donc une pièce déjà<br />
interprétée il y a deux ans…<br />
Il n’y a qu’au Français qu’on peut<br />
faire ça. On joue à nouveau la pièce<br />
pour creuser encore plus le sillon<br />
qui mène au personnage. Et en compagnie<br />
des mêmes partenaires. Je<br />
me réjouis car c’est une distribution<br />
merveilleuse. Et je pense qu’il y a des<br />
choses à trouver encore. Il faut qu’on<br />
continue le travail de mise en scène<br />
sur la fin notamment, qui pour moi<br />
était restée en suspens.<br />
Comment se passent les répétitions<br />
au Français ?<br />
On répète de 13 h à 17 h. Ensuite,<br />
la plupart des acteurs vont jouer à<br />
20 h 30. C’est très intense ! Surtout<br />
quand on joue des alexandrins, cela<br />
réclame une grande disponibilité<br />
d’esprit et de concentration, et une<br />
bonne forme physique. C’est à l’égal<br />
des grands sportifs ! J’ai très vite<br />
adopté mon « fils » Laurent Stocker<br />
(Néron), qui a aussi joué mon fils<br />
dans Vania. C’est un partenaire délicieux<br />
! Tous ces gens m’ont accueillie<br />
avec beaucoup d’estime et de gentillesse.<br />
J’y ai été très sensible.<br />
En 2003, vous aviez joué Phèdre dans<br />
une mise en scène de Patrice Chéreau.<br />
En quoi Patrice Chéreau et Stéphane<br />
Braunschweig diffèrent ou se rejoignent<br />
dans leur manière d’aborder Racine ?<br />
Ils diffèrent beaucoup. Chéreau<br />
avait envie qu’on torde le cou à<br />
l’alexandrin. Mais Patrice voulait que<br />
l’alexandrin soit <strong>mag</strong>nifié, presque<br />
chanté. Stéphane, lui, souhaite que<br />
tout soit retenu. Mais les deux ont<br />
voulu mettre l’intelligence et le<br />
sens au cœur de leur mise en scène.<br />
De Phèdre et de Britannicus, on peut<br />
dire que ce sont des orchestres semblables<br />
mais qui jouent des musiques<br />
très diérentes.<br />
<strong>Le</strong>s décors de Britannicus sont très<br />
froids et épurés. Est-ce que les décors<br />
influent sur votre interprétation ?<br />
Grâce à ce décor très contemporain,<br />
Stéphane a su attirer toute la<br />
jeunesse ! On dirait un film,<br />
un polar. Quand on l’a joué,<br />
il y a deux ans, je sentais bien<br />
que les gamins accrochaient<br />
complètement. Notre travail<br />
est de délivrer l’alexandrin de<br />
la façon la plus concrète possible.<br />
Qu’il n’y ait jamais de<br />
pathos, d’eet où le comédien<br />
se fait plaisir.<br />
© Stéphane Lavoué<br />
Quelle scène de Britannicus est à<br />
titre personnel votre préférée ?<br />
Celle où je suis face à face avec<br />
Néron, mon fils. Je dis la tirade la plus<br />
grande, paraît-il, de toute l’histoire<br />
de l’alexandrin. Elle me plaît beaucoup<br />
parce que c’est un saut dans<br />
le vide. C’est très périlleux pour le<br />
personnage : Agrippine est arrêtée,<br />
elle sait qu’elle peut être mise à mort,<br />
il faut qu’elle soit capable de séduire<br />
son fils, avec les mots. Pour moi,<br />
l’enjeu dans la pièce est dans cette<br />
scène, dans ce moment où elle se<br />
montre la plus fragile et vulnérable,<br />
alors que la catastrophe est annoncée.<br />
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