Introduction à la réflexion philosophique

Introduction générale
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ces trois-là pensent tous de la même manière, et que tous les Européens
se comprennent en vivant de ce qui aurait été transmis à tous
par ces ancêtres. Tous les philosophes qui se sont succédé au cours
de l’histoire de la philosophie devraient ainsi appartenir à une
unique culture européenne et populaire — ce qui serait absurde.
En réalité, la philosophie est une discipline qui a été développée
par des auteurs responsables de leurs discours, non pas par une
culture partagée par tous et anonyme. On pourrait affirmer qu’elle
met en évidence quelques aspects d’une culture, mais chaque philosophe
se met à distance de la sienne propre ; il n’en reflète aucune,
sinon par voie négative. Le philosophe se veut critique de son
monde et de lui-même, attentif aux droits de la raison universelle
dont il perçoit et accepte les exigences et qu’aucune culture ne peut
représenter. Il approfondira certainement quelques phénomènes de
la culture de son temps, de l’art, des sciences et des religions, des
événements heureux ou malheureux de son histoire, mais sans
jamais s’identifier à aucun d’eux. Le philosophe se met à distance
de tout.
Qu’est-ce donc que la philosophie ? Un travail critique de la
raison, un chemin pour la pensée, une manière de pousser plus loin
la « compréhension » du monde que les sciences veulent « expliquer
», une manière de goûter au sens de la vie, d’assumer notre
identité personnelle et jamais close en soi, en lien avec autrui sans
lequel nous ne serions jamais vraiment. Le petit livre que nous
présentons ici introduit en un chemin de philosophie, à sa manière
de procéder plutôt qu’à des données préalablement fixées et isolées
pour en tirer ensuite quelques conséquences.
Ce chemin sera articulé en quatre étapes. La première présente
les éléments essentiels de la compréhension que la philosophie a
d’elle-même ; nous en préciserons ainsi la définition. La seconde
étape parcourt les grands moments de la réflexion philosophique.
Elle met en évidence son intention constante depuis les Grecs
jusqu’aujourd’hui, qui est la recherche de l’unité ou de la cohérence
de tout ce que nous rencontrons dans notre expérience actuelle, à
la fois objective et subjective. La troisième étape considère que l’idée
de « réalités » (au pluriel) est en crise ; elle en approfondit donc la
signification. Les « réalités » ne sont pas seulement des choses