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L'Arbre n°16

L'Arbre est une revue d'art éditée par l'Association Communic'art dont l'objet principal est de sensibiliser sur les questions de la nature et de l'environnement à travers les oeuvres d'artistes de toutes disciplines - la photography, la poésie, la peinture, les installations, la cuisine, la mode, le design. Des artistes comme Aki Kudora, Nils Udo, Nicolas Jaar, Alejandro Jodorowsky, Angelin Prejlocaj et beaucoup d'autres nous livrent leur vision de la nature à travers leurs visuels, leurs textes ou leurs interviews.

L'Arbre est une revue d'art éditée par l'Association Communic'art dont l'objet principal est de sensibiliser sur les questions de la nature et de l'environnement à travers les oeuvres d'artistes de toutes disciplines - la photography, la poésie, la peinture, les installations, la cuisine, la mode, le design. Des artistes comme Aki Kudora, Nils Udo, Nicolas Jaar, Alejandro Jodorowsky, Angelin Prejlocaj et beaucoup d'autres nous livrent leur vision de la nature à travers leurs visuels, leurs textes ou leurs interviews.

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64<br />

L’ARBRE 65<br />

Agnes Denes<br />

Art for the Third Millenium – Creating a New World view (L’art pour le troisième millenium<br />

– Création d’un nouveau point de vue sur le monde)<br />

Artiste conceptuelle, poète, philosophe, scientifique,<br />

activiste politique, mais surtout pionnière<br />

du mouvement de l’Art environnemental,<br />

vous êtes connue dans le monde entier pour<br />

vos travaux de profonde réflexion sur notre<br />

temps et de grande envergure. Vous avez reçu<br />

les plus grandes distinctions artistiques vos<br />

œuvres sont exposées dans les expositions nationales<br />

et internationales les plus reconnues<br />

et certaines appartiennent aux plus grands<br />

musées du monde, tel que le MOMA à New<br />

York, le Centre Pompidou à Paris, le Musée d’Israël<br />

à Jérusalem, et d’autres. Pouvez-vous nous<br />

donner quelques clés pour comprendre votre<br />

parcours passionnant et atypique ?<br />

J’ai commencé en tant que poète mais j’ai abandonné<br />

la poésie pour l’expression picturale quand<br />

j’ai perdu mon langage (ma langue maternelle).<br />

J’ai réalisé que l’art devait changer dans un monde<br />

qui changeait drastiquement. Alors que l’humanité<br />

faisait face à des décisions majeures afin de survivre<br />

sur sa planète, elle s’efforçait de garder ses valeurs<br />

morales et sa qualité de vie. Je voulais purifier l’art de<br />

son élitisme auto-participatif / égocentrisme élitiste,<br />

afin de tendre vers une plus grande vérité universelle.<br />

J’ai quitté la tour d’ivoire de mon studio et je suis<br />

entrée dans le monde des gens concernés. J’ai écrit<br />

un livre, j’ai parlé à des conférences mondiales et<br />

j’ai commencé à créer un projet environnemental de<br />

grande envergure intitulé Philosophy in the Land<br />

(Philosophie dans la terre). Avec ces préoccupations<br />

en tête, j’ai créé Rice/Tree/Burial (Riz/Arbre/<br />

enterrement), le premier site écologique de grande<br />

envergure en 1968.<br />

Ces travaux thématisaient des questions écologiques,<br />

culturelles et sociales. Ils exploraient les<br />

paradoxes de l’existence humaine et questionnaient<br />

la survie planétaire.<br />

Mes premiers travaux m’ont permis d’explorer<br />

toutes les disciplines – la science , la technologie,<br />

l’évolution, la dialectique, la logique, les fonctions<br />

interdépendantes de la vérité et du temps – une<br />

tache herculéenne, bien que je ne le réalisais pas à<br />

l’époque. Je commençais à réunifier des disciplines<br />

Wheatfield – A Confrontation<br />

(Champs de Blé – Une<br />

Confrontation),<br />

1982<br />

aliénées par leurs spécialisations, et j’en suis venue<br />

à voir l’art comme un intégrateur de disciplines<br />

et l’artiste comme un développeur d’une nouvelle<br />

vision pour l’humanité.<br />

J’ai commencé à visualiser des processus invisibles<br />

tels que la logique, les procédés de réflexion, l’évolution,<br />

le temps, le son, et les mathématiques. Ces<br />

processus sont devenus les squelettes de mes pyramides,<br />

expression de la philosophie sociale, qui sont<br />

devenues des structures de survie pour l’humanité<br />

concernée par le changement climatique, comme<br />

dans Les Villes du Future (The future Cities),<br />

conçues il y a plus de 30 ans.<br />

J’ai travaillé avec le Master Institutes of Massachussets<br />

(MIT), Bell Laboratories et au Carnegie<br />

Mellon Advanced Studies Research Labs où j’étais<br />

membre.<br />

Les questions soulevées dans mon travail allaient<br />

de la création individuelle à la conscience sociale.<br />

Au cœur de mon art se trouve le profond intérêt<br />

que je porte à l’évolution humaine, à l’écologie, au<br />

développement durable, et à la survie de toutes les<br />

espèces en danger dans un futur plus ou moins<br />

proche, nous compris.<br />

Je crois profondément que le nouveau rôle de l’artiste<br />

est de créer un art qui interroge le statu quo<br />

et la direction que la vie a prise, les interminables<br />

contradictions que nous acceptons et approuvons.<br />

Il offre des alternatives intelligentes et des solutions<br />

souvent inoffensives.<br />

Je plante des champs de graines au cœur des grandes<br />

métropoles et des forêts sur des terres maltraitées<br />

pour qu’elles perdurent pour des centaines d’années.<br />

Ce travail va bien au delà du fait de planter des<br />

forêts, ou de créer des grands plans de reconstruction<br />

de territoires désaffectés. C’est une façon inoffensive<br />

de résoudre les problèmes et de les redéfinir,<br />

de donner une structure au future : une forme d’art<br />

dénuée d’égo et qui interpelle sur les problèmes<br />

sociaux et implique des gens de toutes les couches<br />

sociales et de tous les horizons.<br />

Mon travail est fait pour construire de la fierté et de<br />

l’estime de soi chez les gens, pour inspirer les jeunes<br />

esprits à se sentit bien avec eux-mêmes et à avoir le<br />

courage d’accomplir leurs rêves.<br />

Cette nouvelle forme d’art va au delà de soi et de<br />

l’ego, tout en n’étant pas dénué d’un sens personnel.<br />

Elle suppose la tâche difficile de maintenir la<br />

balance délicate entre penser globalement et agir<br />

indépendamment. Pour se faire, il faut conserver<br />

son amour-propre pour agir sans peur, avec l’assurance<br />

et la confiance nécessaire à la création vraie<br />

et juste, tout en repoussant l’ego afin qu’il pense<br />

universellement et pour le bien de tous.<br />

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les<br />

œuvres importantes qui ont marqué votre parcours<br />

d’artiste ?<br />

Wheatfield – A Confrontation (Champs de Blé – Une<br />

Confrontation) a été créé en 1982. J’ai planté et<br />

moissonné un hectare de blé dans le Financial district<br />

de Manhattan dans une décharge publique à un<br />

block de Wallstreet et orienté vers la rivière Hudson<br />

ou siège la Statue de la Liberté. Cette parcelle de<br />

terre valait 4,5 milliards de dollars à cette époque.<br />

Aujourd’hui, ce sont des immeubles de copropriété<br />

et de tours de bureaux du quartier de Battery Park<br />

City.<br />

Wheatfield portait sur l’avidité, l’usage abusif de la<br />

terre, la mauvaise gestion des ressources. C’était un<br />

symbole, ça représentait la nourriture, l’énergie, le<br />

commerce mondial, l’économie, et ça faisait allusion<br />

au gâchis, à la faim dans le monde, et aux problèmes<br />

écologiques. C’était un appel à rendre des comptes.<br />

Après la moisson, le foin a été envoyé à la police de<br />

New York pour les chevaux et le blé a voyagé à travers<br />

22 villes du monde à l’occasion d’une exposition<br />

pour lutter contre la faim dans le monde, organisée<br />

par le Minnesota Museum of Art (1987-90)*. Des<br />

gens à travers le monde ont planté les graines en<br />

solidarité avec ce projet.

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