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L’INTERVIEW
JEANNINE FISCHER
« Au centre de mon projet d’école
de danse, l’estime de soi »
Chorégraphe franco-camerounaise installée à Lille, Jeannine Fischer est fondatrice de Wawa
l’asso et de l’école dédiée aux danses afro-urbaines, Waka Waka Dance Academy, dont les portes
sont grandes ouvertes depuis 2014.
Dans cette école de danses urbaines de matrice
africaine, 10 styles y sont dispensés. Des danses
urbaines d’Afrique de l’Ouest et du Centre, des Caraïbes
et du Brésil, énergiques, endurantes, saccadées
et chaloupées, qui
font vibrer petits et grands. L’objectif dans
cet apprentissage de l’historique des
pas : retranscrire l’état d’esprit de fête,
de liberté, de sensualité, de joie, de partage…
les gestuelles, les situations de vie
empruntées de la tradition de ces danses
populaires, tout en s’encrant dans la modernité
et la réalité sociale.
« Née à Paris, j’ai vécu plus de 10 ans
au Cameroun et souhaitais élargir cette
vision très ethno-centrée qu’on peut avoir
hors d’Afrique, et aborder une image de
cette Afrique moderne, pleine de vie. J’ai la
chance d’avoir voyagé depuis toute petite
et de pouvoir m’affranchir des carcans. Il y
a une vraie ébullition créative et avant-gardiste
en Afrique, dont on n’a pas assez
conscience en Europe. »
COMMENT AVEZ-VOUS DÉBUTÉ ?
J’ai commencé à m’intéresser aux danses d’Afrique de l’Ouest, aux
danses mandingues de l’Ancien empire. Après 10 ans de formation
en danses traditionnelles, j’ai cherché à me tourner vers des
pratiques modernes des courants afro urbains. C’est l’avènement
des réseaux sociaux, et en particulier Instagram, qui a permis une
diffusion massive, en Afrique mais aussi à l’international. Avant
cela, les danses africaines souffraient d’une image poussiéreuse
de danse de mariage.
DANSES URBAINES VOUS DITES ?
Oui car elles sont créées dans la rue. C’est d’ailleurs leur spécificité
: faire écho à une réalité sociale. Les pas de danse représentent
le peuple. Ce n’est pas pour rien qu’un pas de coupé-décalé
s’appelle la grippe aviaire, ou qu’un pas d’afro house donne
l’impression de boiter ! C’est aussi le reflet de l’après-guerre, de la
présence de mines antipersonnel en Angola notamment, avec des
civils estropiés. Les inspirations de styles travaillent aussi autour
de la musique, qui évolue vite. Afro beat du Nigéria, du Kenya, d’Ouganda…
se mêlent au rap, à la pop et au
dance hall des Etats-Unis.
© jeanine Lille Wawa
QUEL EST LE POINT COMMUN ENTRE
TOUTES LES DANSES SELON VOUS ?
L’enjaillement ! Un mélange de joie, de
bien-être, de lâcher-prise, de non-jugement
de l’autre. Des valeurs que je prône dans
mon école, avec au centre l’estime de soi.
En participant à un cours, on se reconnecte
avec l’énergie de la terre, on danse avec
son cœur pour libérer son corps et son esprit.
Il s’agit aussi de recréer du lien social,
ce qu’on retrouve moins en France. Ce qui
manque aussi ici, c’est la matrice.
LA MATRICE ?
On travaille autour de 3 zones
géographiques : Afrique, Caraïbes et
Brésil, et la mère, c’est l’Afrique ! C’est
pourquoi on puise dans l’histoire du
continent. Ça nous replonge dans les
diasporas, la capture d’esclaves, la déportation, entre cultures
africaines du passé et afro-descendants qui font perdurer cet
héritage au travers de la musique et la danse, et dont le monde
entier s’inspire.
C’EST ÇA QUI VOUS A MIS SUR LA VOIE POUR VOUS
LANCER DANS L’AVENTURE ?
En revenant d’Afrique, il me manquait cette ferveur, cette émerveillement,
ce sens du partage avec l’autre. C’est de ça qu’a découlé
le projet d’école de danse, cette cause engagée pour vivre ma
passion et la diffuser à tous les élèves. C’est pourquoi aujourd’hui,
on organise aussi des voyages culturels, des masterclass, des
workshop, des talks et même un festival de danses afro urbaines,
attendu prochainement à Lille. WS
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