Sur-les-terrains-du-discours-corse

Le football comme spectacle mondial producteur de localité
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en expansion permanente qui connaît actuellement une phase de dilatation qui interroge.
Ainsi, l’identité culturelle des Corses apparaît en mouvement en même temps qu’elle fonde le
lien à notre territoire. Maurice Halwachs corrobore cette thèse. Selon lui, « lorsqu’un groupe
est inséré dans une partie de l’espace, il la transforme à son image, mais en même temps il
se plie et s’adapte à des choses matérielles qui lui résistent » (1950).
Si cet univers se dilate, dans quelle direction mon regard peut-il observer ce phénomène
? Tel un télescope dans l’espace, vers quel horizon puis-je observer ce phénomène
protéiforme et mouvant ? Dans un premier temps, j’ai constitué un corpus de discours
littéraires contemporains sur la Corse (Quenot, 2022a). Ce terrain est extrêmement riche.
La littérature est en expansion depuis près de cinquante ans ; or, la compréhension de la
divergence entre le sentiment d’appartenance et les pratiques linguistiques appelle d’autres
objets et méthodes d’analyse. Dans le domaine de la littérature, Kévin Petroni a pu s’attacher
à esquisser ce phénomène, mais son appréhension de l’identité par le seul prisme d’un corpus
organisé autour d’œuvres francophones de trois auteurs corses réduit considérablement
les perspectives de l’analyse (2020) et l’amène à conclure sur un « adieu aux aspirations
nationales » quand la société produit une multitude d’indices d’attachement à la nation
corse, tant dans le domaine politique, que linguistique et culturel. En effet, le sentiment
d’appartenance comme prescripteur d’objets transitionnels m’est apparu comme un champ
particulièrement fécond. Après avoir réuni différents objets et m’être intéressé aux réseaux
sociaux, à l’art contemporain comme à la mode ou à la musique, j’ai observé une récurrence
thématologique autour du Sporting Club de Bastia.
Pour des raisons tenant à l’attractivité du spectacle proposé à Furiani dans le stade
Armand Cesari et à son audience télévisée (Dayan, Katz, 1992), pour des motifs liés à l’histoire
du football corse, pour sa présence sur les réseaux sociaux, les forums, les blogs, les
sites Internet, les médias, le club est une institution corse à part entière, probablement la
seule véritablement inscrite dans un espace mondial complètement libéral structuré par la
FIFA. Aussi, le fait que le Sporting soit au cœur des institutions comme du libéralisme nous
donne à voir les mutations de l’identité. Si le football est un sport extrêmement rudimentaire,
le discours produit par le football repose aussi sur la technologie, notamment numérique.
Le style de vie néolibéral a besoin d’identités à consommer. En cela, le récit, le storytelling
élaboré par le club permet de produire des marchandises émotionnelles et à l’individu de
consommer de l’identité, de trouver du plaisir, d’être en extase lors des matchs. Aussi, au
xxi e siècle, existe-t-il encore des identités culturelles situées hors du champ de la consommation
? Par sa communication, par son merchandising, son omniprésence sur les réseaux
sociaux, par son ancrage territorial sur l’ensemble de la Corse, par ses rapports conflictuels
entretenus avec la Ligue et les adversaires, il a concentré et incorporé les représentations
relatives à la Corse.
J’ai alors analysé les discours du Sporting et des supporters relatifs au club. Nous
sommes ici sur un terrain sur lequel se jouent les rapports de reconnaissance. Cette lutte
pour la reconnaissance se dénoue lors des matchs. Elle procède de différents styles, attitudes