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Graines d’histoire
par Bernd WAGNER
...
... entre les Colonnes…
Frère, d’où venez-vous?
De la loge Saint Jean, Vénérable Maître.
Que faites-vous à la loge Saint Jean?
Nous érigeons des temples à la Vertu et renfermons les
vices dans les geôles.
Que nous en rapportez-vous?
Salut, prospérité et bon accueil des frères.
Que voulez-vous faire ici?
Vaincre mes passions, mettre ma volonté au service du
devoir et faire de nouveaux progrès dans la maçonnerie.
Prenez donc place, mon frère et soyez le bienvenu à cet
atelier, qui reçoit avec reconnaissance l’appui de votre
lumière.
Cette question ”D’où venez-vous?” est l’une des plus
simples et difficiles à la fois pour un apprenti, puisque
c’est lui l’objet de sa propre quête, l’origine de toutes les
choses. C’est là aussi une des questions qui renvoient à
l’origine de la maçonnerie, dont les racines sont les confréries
de Saint Jean.
Jean, tout comme Janus chez les Roumains, était considéré
comme principe de l’immortalité, dieu éternel
sans passé ni avenir. Son image détermine les maçons à
regarder aussi bien en arrière qu’en avant, tout en observant
le présent. Janus représente l’influence formatrice
sur l’avenir, inspirée par la tradition.
Ce principe de l’immortalité n’était pas méconnu de nos
ancêtres. Hérodote nous parle d’eux et de leur dieu
Salmoxis (c’est la forme originelle du nom). En racontant
l’incursion des Scythes en Thrace, Hérodote fait une
digression sur les Gètes, qu’il qualifie en employant une
expression à part: hoi athanatizontes. Traduite d’habitude
par “ceux qui se croient immortels”, l’expression
s’enrichit de nouveaux sens dans l’interprétation de
Linfoth. Ce dernier démontre que ce participe présent
dérive d’un verbe factitif : athanatizo–d’où le sens de
l’expression “ceux qui pratiquent la déification”.
Linford ajoute à ce nouveau sens une interprétation personnelle
de l’expression, qui dénoterait la méfiance et la
dérision des Grecs. Pourtant, Eliade reprend le sens de la
Première partie
traduction, laissant de côté l’interprétation, ce qui fait
que, chez lui, l’épithète acquiert une connotation positive:
“ceux qui se rendent immortels”.
Hérodote poursuivait ainsi sa narration:“Athanatizousi
de tonde ton tropon” (voilà comment
ils se rendent immortels); ils ne croient pas à la
mort, mais que celui qui s’éteint s’en va chez le dieu
Salmoxis (para Salmoxis daimona).
A partir de ce terme et en associant les études
d’Eliade, P. Alexandrescu voit en Zalmoxis
l’ archétype du médiateur entre hommes et dieux, entre
le grand dieu et le roi.
Hérodote établit une liaison entre le principe de
l’immortalité évoqué ci-dessus et une coutume des
Gètes qui, tous les quatre ans, envoyaient un messager à
Salmoxis, le jetant d’en haut dans le fer pointu de trois
lances. S’il mourait, c’était bon signe, on disait qu’il
était digne de porter le message à Salmoxis, sinon on
disait que c’était “un homme de rien”. Sur le plan symbolique,
cette “traversée de la mort” est présente aussi
dans les Loges de nos jours. L’initié va assumer sa propre
métamorphose, pareillement au messager des Gètes
envoyé auprès des dieux.
Apprenti Maçon