Rouelle imbolc 2012 - Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier
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Le serpent <strong>du</strong> mythe est bipolaire, complexe. Il<br />
est à la fois un principe de rétention, un principe<br />
centripète, comme le froid hivernal qui r<strong>et</strong>ient<br />
l’eau sous forme de glace ou le nuage qui r<strong>et</strong>ient<br />
la pluie. C’est aussi un principe fécondant, générateur<br />
lié généralement à l’idée de « sacrifice ».<br />
Le mythe nous renseigne sur un combat mené<br />
par un Dieu « céleste » contre le serpent. Le serpent<br />
est vaincu, libérant ainsi la « substance » de<br />
la manifestation.<br />
On dit que Smertrios le prévoyant (celui qui<br />
voit avant les autres ou au-delà des apparences)<br />
combat le serpent sur les flancs de la Montagne,<br />
sans doute près d’une grotte, entrée <strong>du</strong> Monde<br />
souterrain.<br />
Il attrape le serpent par la tête qu’il sépare <strong>du</strong><br />
corps, libérant ainsi les eaux nourricières. Il<br />
proj<strong>et</strong>te la tête au Ciel <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>te le corps dans<br />
la grotte où il pourra sans doute se régénérer<br />
au contact des forces de Vie des Mondes<br />
souterrains.<br />
On dit parfois que c’est Taranis, le puissant<br />
taureau, qui a vaincu le serpent, le frappant de<br />
la foudre, <strong>et</strong> que depuis ce temps il est aussi<br />
nommé le Prévoyant ou le dispensateur.<br />
Au pouvoir coagulant <strong>du</strong> gel, répond le pouvoir<br />
solvant de la foudre.<br />
Le serpent ne meurt pas, même s’il est momentanément<br />
impuissant. Le principe « animique »,<br />
la tête, est séparée <strong>du</strong> principe corporel. Mais<br />
il va r<strong>et</strong>rouver son intégralité au<br />
contact des Mondes <strong>du</strong> dessous.<br />
C<strong>et</strong>te reconstitution aux sources de<br />
l’être <strong>et</strong> de la Vie (Cernunnos) perm<strong>et</strong><br />
le « nouveau » ou un re-nouveau<br />
cyclique. C<strong>et</strong>te re-création annuelle<br />
est la condition nécessaire pour que<br />
l’Ancien cède la place au Nouveau.<br />
Nous pourrions donc situer au<br />
moment d’Imbolc <strong>et</strong> aux approches<br />
de l’équinoxe, le moment où se joue,<br />
se rejoue, le drame créateur.<br />
L’hiver, sa personnification, son<br />
symbole, doivent être sacrifiés pour<br />
que les Eaux de la Vie soient libérées. Dans certaines<br />
régions, on brûle encore « symboliquement<br />
» la sorcière hiver pour favoriser la venue<br />
<strong>du</strong> printemps (ou parfois plus tardivement).<br />
On va trouver des traditions analogues à celle-ci<br />
dans d’autres régions celtiques ou germaniques.<br />
Ainsi la Calleiach écossaise, femme de givre,<br />
principe de rétention ou paradoxalement protection<br />
poussée à l’extrême. Elle est l’une des<br />
manifestations divines primordiales. Déesse de<br />
la forme. On l’honore parfois sous trois aspects.<br />
La Jeune, la Mère <strong>et</strong> l’Ancienne.<br />
Nous r<strong>et</strong>rouvons ici les mêmes aspects. Un<br />
côté sombre, fait d’extrême contrainte. Devenu<br />
incapable d’évoluer (trop ancien). Contraint de<br />
disparaître ou de se transformer pour laisser la<br />
place au nouveau. Pour autant ce principe de<br />
contrainte n’est pas « mauvais » en soi, sauf dans<br />
une théologie « linéaire » qui rêve d’absolu. Ce<br />
principe de contrainte, celui de l’« Ancienne »,<br />
est celui de la forme, nécessaire à la manifestation.<br />
Toute forme est contrainte, tout « faire »<br />
découle de la forme.<br />
L’alchimie hivernale se joue dans le secr<strong>et</strong> des<br />
profondeurs (la Cailleach est « voilée »). Elle est<br />
liée au mystère de la graine, de la germination,<br />
de la maternité.<br />
Il y a des parallèles intéressants à faire entre les<br />
mythes, le folklore. Ainsi : la Cailleach habite<br />
la Montagne, la Terre, elle est liée au « p<strong>et</strong>it<br />
Soleil », le Soleil d’hiver. On dit aussi qu’elle<br />
est liée à l’orage, ou plutôt aux nuages noirs qui<br />
génèrent les pluies d’orage.<br />
Lorsque vient la fin de l’hiver, elle est « poussée »<br />
dans sa caverne <strong>et</strong> en ressort sous la forme d’une<br />
jeune fille. Il est possible de voir là une analogie<br />
avec la Nature qui reverdit au printemps, mais<br />
c<strong>et</strong>te approche « naturaliste » n’exclue en rien<br />
d’autres interprétations plus philosophiques.<br />
On dit aussi que l’« Ancienne » ne r<strong>et</strong>ient pas<br />
seulement les eaux de Vie mais aussi l’hydromel<br />
de l’inspiration. Et que ce qui est libéré à la fin<br />
de l’hiver c’est non seulement l’eau vivante mais<br />
aussi l’esprit.<br />
Nous pouvons poser l’hypothèse selon laquelle<br />
Imbolc, Ambiuolcato, serait le moment précis<br />
de c<strong>et</strong>te « libération des eaux », le moment des<br />
naissances. Tant matérielles que spirituelles.<br />
C<strong>et</strong>te « libération » se ferait sous l’impulsion <strong>du</strong><br />
« jeune Soleil » ou <strong>du</strong> jeune Feu. Nommons-le<br />
Grannos, dont le culte est à la fois solaire, lié aux<br />
eaux <strong>et</strong> aux forces de Vie.<br />
Elle pourrait également être le fait (nous l’avons<br />
vu) d’une divinité cosmique comme Smertrios<br />
ou Taranis.<br />
Hiérogamie sacrée que l’on va r<strong>et</strong>rouver dans les<br />
mythes liés à la souverain<strong>et</strong>é.<br />
Le Roi tire sa légitimité de la Terre. L’union <strong>du</strong><br />
Roi légitime <strong>et</strong> de la Terre engendre la prospérité<br />
<strong>du</strong> royaume.<br />
D’une certaine manière, le Roi légitime est celui<br />
qui n’est pas <strong>du</strong>pe des apparences <strong>et</strong> qui accepte<br />
d’embrasser la Déesse Sombre <strong>et</strong> de s’initier aux<br />
mystères de la Vie/Mort <strong>et</strong> peut ainsi mobiliser<br />
les richesses de l’Autre Monde au profit de son<br />
royaume.<br />
De multiples contes se font l’écho de ce mythe.<br />
Où le héros (l’initié ?), qui voit au-delà des<br />
apparences, embrasse une femme laide qui aussitôt<br />
se transforme en une femme magnifique.<br />
D’autres contes nous parlent aussi de femmes<br />
serpents qui, sous condition, amènent la prospérité<br />
sur une Terre dont leur époux est le Roi.<br />
page 14 page 15<br />
La tradition dit que « le jour de Bride, la<br />
Cailleach fait un voyage jusqu’à une île magique<br />
au milieu de laquelle se trouve un bosqu<strong>et</strong>. Au<br />
milieu de ce bosqu<strong>et</strong> se trouve une source : la<br />
source de Jouvence. À la première lueur de<br />
l’aube, l’Ancienne boit l’eau qui bouillonne <strong>et</strong><br />
s’écoule depuis une fissure de la roche. Aussitôt<br />
après, la « vieille » se transforme en Bride, la<br />
jeune vierge <strong>et</strong> la terre qui était grise <strong>et</strong> nue se<br />
pare de ver<strong>du</strong>re <strong>et</strong> de fleurs ».<br />
Les liens sont établis entre l’Ancienne <strong>et</strong> la<br />
Bride, Brigindo, Brigit.<br />
C<strong>et</strong>te Divinité tient une place particulière à ce<br />
moment de l’année.<br />
Les symboles <strong>et</strong> traditions associés à son culte<br />
s’éclairent alors à la lumière ce qui vient d’être<br />
présenté plus haut :<br />
a le Feu, la Lumière, qui participent au sacrifice<br />
<strong>et</strong> libèrent l’eau ;<br />
a L’Eau « première » qui est celle des lustrations<br />
mais aussi propice aux « bonnes » naissances<br />
;<br />
a L’Eau libérée, Mère de poésie, Mère des<br />
Arts, de la Santé, de la Fertilité.<br />
Tout rite est une actualisation <strong>du</strong> mythe. Un<br />
« jeu » sacré qui participe à une vision <strong>du</strong> Monde.<br />
Et sans doute même, dans l’esprit religieux, participe<br />
à sa régénération.<br />
Dans les lustrations rituelles, voyons les eaux<br />
premières, celles qui sont à l’origine de toute vie,<br />
celles qui portent l’inspiration.<br />
Dans le feu, uni à l’eau. Voyons le mariage sacré<br />
qui engendre la prospérité. Voyons aussi le symbole<br />
de la libération des contraintes de la forme,<br />
au profit <strong>du</strong> mouvement <strong>et</strong> de la Vie.<br />
J’en termine là avec ces bavardages de saison <strong>et</strong><br />
nous appelle à faire vivre nos symboles, à la fois<br />
dans nos rites mais aussi en essayant d’entendre<br />
<strong>et</strong> de tra<strong>du</strong>ire ce qu’ils nous disent.<br />
Les mythologues, savants, gardiens de la forme<br />
nous diront sans doute que nous nous égarons.<br />
Mais n’est-ce pas le propre <strong>du</strong> symbole que de<br />
susciter le sens ou la multitude de sens ?