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8 AUSGABE 04.11 | WWW.<strong>DP</strong>.LU <strong>DP</strong>-NEWSLETTER<br />
L‘EUROPE, ÇA S‘EXPLIQUE!<br />
Charles Goerens, membre du Parlement européen<br />
„Si tu veux construire un bateau, ne rassemble<br />
pas tes hommes et femmes pour leur donner<br />
des ordres, pour expliquer chaque détail, pour<br />
leur dire où trouver chaque chose... Si tu veux<br />
construire un bateau, fais naître dans le cœur<br />
de tes hommes et femmes le désir de la mer.“<br />
Antoine de Saint-Exupéry<br />
Calme ou agitée, la mer est symbole à la fois de<br />
toutes les opportunités et de tous les dangers.<br />
Elle est source de vie, nous procure de la<br />
nourriture, elle relie entre eux des continents,<br />
mais une fois déchaînée, elle peut déployer<br />
des forces qui dépassent notre imaginaire.<br />
L’on ne peut pas se soustraire à ses caprices<br />
sans se priver par là même des bienfaits de<br />
sa générosité. Face à elle, nous devenons<br />
conscients de nos limites. Face à elle nous<br />
découvrons aussi nos possibilités.<br />
Notre bonne vieille Europe serait-elle si<br />
différente de la mer ? Théâtre de tous les<br />
dangers, l’Histoire de notre continent nous<br />
rappelle que certains courants ont enterré sous<br />
eux des peuples entiers. La même Histoire<br />
nous enseigne aussi que, une fois le calme<br />
retrouvé, la même Europe peut redevenir source<br />
de richesses tant matérielles que culturelles<br />
à condition de les accepter, de voir dans leur<br />
diversité une chance plutôt qu’un obstacle. De<br />
1933 à 1945, cette Europe nous a fait découvrir<br />
nos limites, notre impuissance face aux vagues<br />
de populismes, aux poussées nationalistes. Et<br />
finalement, le tsunami nazi a failli avoir raison<br />
de tout ce que les peuples européens ont su<br />
donner à la civilisation.<br />
Si les années 30 nous ont indiqué nos limites,<br />
Jean Monnet n’a pas tardé à nous faire découvrir<br />
nos possibilités dès la fin de la seconde guerre<br />
mondiale. Conscient de la vulnérabilité du vieux<br />
continent, il avait compris que les lignes Maginot<br />
avaient fait leur temps et qu’il fallait désormais<br />
renoncer à se réfugier derrière de fausses<br />
protections. Sa méthode a permis aux Européens<br />
de se nourrir, de renouer avec la prospérité,<br />
de prévenir le retour des luttes ancestrales.<br />
Sa méthode a eu un prix : un abandon de<br />
souveraineté de la part des Etats qui ont accepté<br />
de participer à l’œuvre collective. En revanche,<br />
ces derniers ont vu L’Allemagne mettre fin à son<br />
« Sonderweg »<br />
Pour les Européens, la stabilité monétaire<br />
correspond au calme en haute mer. En effet,<br />
c’est en ces périodes d’absence de turbulences<br />
que le navire dont sont copropriétaires les 17<br />
Etats membres de l’Eurozone peut faire les plus<br />
grandes avancées vers les rives lointaines. Quant<br />
à savoir si ledit navire est bien conçu pour résister<br />
aux vagues fouettées par les vents déchaînés du<br />
grand large, il faut attendre les grandes tempêtes.<br />
Comme celles-ci se multiplient à une cadence très<br />
inquiétante depuis le déclenchement de la crise<br />
de 2008, les occasions pour tester la résistance du<br />
navire n’ont pas manqué.<br />
Les innombrables faiblesses, voire même les<br />
vices de construction du navire « Eurozone »<br />
n‘ont pas tardé à se manifester. Les passagers<br />
s‘interrogent sur l‘étanchéité du métal tant les<br />
parties grecques et italiennes sont déjà entamées<br />
par la corrosion.<br />
Le fait que la partie allemande dispose<br />
d‘une double coque ne va pas mettre fin à la<br />
spéculation contre l‘« Eurozone » menacée de<br />
naufrage.<br />
Il n‘est dès lors pas étonnant de voir l‘«<br />
Eurozone » rentrer régulièrement au chantier<br />
naval à des fins de réparation. Une fois les<br />
travaux terminés, il regagne la mer pour une<br />
destination inconnue. Comment voulez-vous<br />
d‘ailleurs fixer le cap si vous ne pouvez pas<br />
identifier le capitaine?<br />
En réalité, il y a trop de capitaines qui veulent,<br />
chacun, imposer leur direction. Mais une fois<br />
le cap fixé, Madame Merkel fait dépendre son<br />
accord de trois choses: l‘issue des prochaines<br />
élections pour un parlement régional, le<br />
traditionnel arrêt de la Cour Constitutionnelle<br />
de Karlsruhe et l‘aval du Bundestag. Ce qui<br />
permet aux marchés de se refaire une santé<br />
et de souffler encore plus fort. Entretemps,<br />
la tempête fait des ravages sur le continent et<br />
balaie sur son passage les marges politiques,<br />
les capacités d‘endettement, les acquis sociaux<br />
et... les gouvernements grec et italien.<br />
Quant au membre italien de l‘équipage, Silvio<br />
Berlusconi, il a été invité à quitter le navire.<br />
Non seulement, il n‘avait pas le pied marin,<br />
mais encore lui arrivait-il de confondre<br />
le navire « Eurozone » avec un bateau de<br />
plaisance. Toutefois, le Ciao de soulagement<br />
poussé à l‘occasion de son départ ne signifie<br />
pas pour autant la fin de nos soucis.<br />
POLITIQUE ÉTRANGÈRE<br />
Où est passée notre crédibilité<br />
politique?<br />
Lydie Polfer, membre de la Chambre des Députés<br />
Lors du débat à la Chambre des députés suivant<br />
la déclaration du ministre Jean Asselborn sur<br />
la politique étrangère, la députée Lydie Polfer<br />
s’est avant tout penchée sur la gestion de la crise<br />
financière et économique en Europe. Elle a reproché<br />
au ministre de faire de sa déclaration une simple<br />
énumération de constatations, sans pour autant<br />
proposer d’actions concrètes. Selon Lydie Polfer,<br />
l’Union européenne disposerait des instruments<br />
nécessaires pour éviter la crise de la dette, mais<br />
ce sont les décisions politiques qui manquent. Le<br />
temps presse, la situation est plus que sérieuse et il<br />
en va de notre crédibilité face au reste du monde.<br />
Depuis un certain nombre d’années déjà, l’Union<br />
européenne constitue le cadre de nombreuses de<br />
nos politiques. Tant notre situation économique<br />
que sociale est déterminée et influencée par<br />
l’intégration européenne, et rien que tel qu’une<br />
crise pour nous le rappeler.<br />
Les crises sont inhérentes à la construction<br />
européenne, et la réponse a toujours été<br />
l’intégration et la méthode communautaire,<br />
méthode qui a su à maintes reprises sortir l’UE<br />
de situations délicates. Mais la crise que nous<br />
traversons aujourd’hui est sans précédant et met<br />
l’Union à rude épreuve.<br />
Lydie Polfer a estimé que le ministre ne faisait<br />
que le constat de cette crise. Il a brossé le tableau<br />
des mesures que nous nous sommes données au<br />
courant des derniers mois pour sauver l’économie<br />
européenne, mais ne s’est pas penché sur son<br />
origine. Les dirigeants européens envisagent<br />
désormais de renforcer le pacte de croissance et de<br />
stabilité, voir même modifier le traité, affirmant<br />
avoir tiré les leçons. Plus d’Europe pour sauver<br />
l’Europe? Selon Lydie Polfer, il serait tout d’abord<br />
utile de revenir aux causes de la crise.<br />
Il ne suffit pas de faire le constat d’une crise et<br />
d’inventer par la suite sa gestion. L’exercice auquel<br />
nous devons nous prêter par-dessus tout est de voir<br />
comment on a pu en arriver là. La crise financière et<br />
économique a mis à jour des dysfonctionnements<br />
au sein de l’UE. Pendant des années, des pays<br />
ont vécu au-dessus de leurs moyens, transgressé<br />
les critères en matière de budget et de déficit et<br />
ignoré toutes règles de transparence. Le fait que<br />
l’UE disposait déjà des instruments nécessaires<br />
pour éviter une crise pareille, sous la forme du<br />
pacte de stabilité et de croissance, est trop souvent<br />
passé sous silence. Car au-delà d’être une crise de<br />
nature économique, nous avons affaire à une crise<br />
de la crédibilité politique.<br />
Le couple franco-allemand, qui incarnait pendant<br />
longtemps le moteur de l’intégration européenne,<br />
s’essouffle et est tiraillé entre ambitions nationales<br />
et européennes, et leurs différends quant aux<br />
chemins à emprunter pour sortir de la crise, ont<br />
ralenti les prises de décisions. Même si la France<br />
se montre désormais plus enclin à suivre les<br />
propositions de Madame Merkel, une modification<br />
du traité demeure une voie semée d’embûches. En<br />
prime de la lenteur procédurale, le changement de<br />
la nature de l’UE doit être soumis aux ratifications,<br />
conformes aux constituions nationales. Doit-on<br />
rappeler les débats de 2005 lors du référendum sur<br />
le traité constitutionnel ?<br />
Aussi notre politique étrangère en tant que tel<br />
est exercée en grande partie au sein de l’Union<br />
européenne et ce manque de gouvernance politique<br />
se ressent aussi ici. Nous nous trouvons dans un<br />
monde en pleine mutation. La mondialisation<br />
a fait apparaître de nouvelles puissances ayant<br />
l’intention de faire partie des décideurs de demain.<br />
Les États européens doivent se montrer unis pour<br />
se faire entendre au sein des grandes organisations<br />
internationales. Le traité de Lisbonne a prévu de<br />
nombreuses dispositions pour faire de l’Union<br />
européenne un acteur international à part entière.<br />
Mais il reste à savoir si l’Europe peut effectivement<br />
jouer le rôle qui lui revient, si elle est représentée<br />
à des sommets par trois personnes différentes.<br />
Comment peser lors de négociations si les États<br />
membres se divisent sur des questions telles le<br />
conflit israélo-palestinien ou l’intervention en<br />
Libye?<br />
Et comme notre succès et infiniment lié au succès<br />
de I’Union européenne, il est important, voire<br />
nécessaire de soutenir sa crédibilité. En modifiant<br />
en permanence les traités où en créant de nouvelles<br />
instituions, nous ne faisons que véhiculer l’image<br />
d’une Union qui ne croit pas en soi.