Couv Cat 2009 - Eurodoc
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8<br />
Chapter<br />
EDITO<br />
Nous allons nous retrouver à Gorizia, ville frontière, pour partager cet engagement, cette<br />
passion pour le documentaire qui nous unit, à un moment où le paysage professionnel se<br />
durcit, se complexifie, un paysage confronté à une profonde mutation.<br />
Nous devons nous atteler à comprendre et anticiper la révolution qui est en cours dans le<br />
secteur qui nous occupe. La télévision classique dans toutes ses formes, généraliste,<br />
thématique, le cinéma et bien d’autres formes traditionnelles d’expression culturelles sont<br />
bousculés par de nouveaux modes de consommation d’images, de son, de musique et plus<br />
généralement de communication. La nouvelle génération ne regarde pratiquement plus la<br />
télévision, le public vieillit, le cinéma perd une part de sa diversité et nous sommes tous à nous<br />
demander ce que sera notre métier demain.<br />
La plupart des tentatives d’expression issues de ces nouveaux supports ne sont pas<br />
convaincantes, souvent mal financées, privilégiant presque toujours la technologie à la<br />
création, mais il serait bien irresponsable de ne pas analyser avec attention ces productions<br />
émergentes.<br />
Certes le genre, dans ses modes de production traditionnels, reste vivant partout en Europe,<br />
même si l’on constate de grandes disparités de situation. L’Allemagne, la France, la Belgique,<br />
les pays scandinaves dans leur ensemble dominent le marché, le Royaume-Uni a perdu son<br />
rôle de leader, les pays du Sud et de l’Est de l’Europe émergent difficilement après un long<br />
silence.<br />
Les phénomènes globaux demeurent les mêmes. Le documentaire est financé principalement<br />
par la télévision publique et par les divers systèmes de soutien financier mis en place selon les<br />
pays. Le marché reste dominé par la production “nationale”, les petits pays de langues<br />
minoritaires exportent difficilement, mais en revanche leur tradition de sous-titrage permet<br />
l’importation d’une réelle diversité de films, les grands pays de “doublage” ont tendance au<br />
repli, l’Angleterre et les Etats-Unis n’importent pratiquement plus de films qui ne soient pas<br />
tournés en anglais.<br />
Dans ce paysage, ARTE conserve un rôle structurant, non par son audience réelle mais par son<br />
impact, son investissement constant dans le genre et l’influence de son travail créateur sur<br />
l’ensemble du paysage, avec la complicité bien sûr de quelques grandes chaînes de service<br />
public. Il est bon de rappeler que depuis une vingtaine d’années, ARTE, Channel 4 dans sa<br />
première époque, les chaînes publiques allemandes et belges, les finlandais, les danois, les<br />
hollandais ont littéralement relancé le “documentaire de création”, soit un cinéma confié à des<br />
cinéastes et produit par des indépendants.<br />
Par une confiance constante faite à des créateurs, le documentaire a reconquis une place non<br />
négligeable dans les grilles de programme, plus contrastée sur les écrans de cinéma et a même<br />
connu une circulation exceptionnelle entre les pays d’Europe en regard des autres productions<br />
de télévision. Ce succès a fait naître de nouveaux enjeux. Les diffuseurs se fixent des objectifs<br />
de fidélisation qui les incitent à une politique de reproduction plutôt que de création, toujours<br />
plus consacrée au national, politique qui s’avérera à terme en contradiction avec la santé du<br />
genre.<br />
En résumé, les tendances lourdes de l’industrie des médias font peser une menace sur le<br />
“documentaire de création”, genre qui risque de se formater de façon excessive et donc à terme<br />
de se nier, genre qui subit le retour à des écritures simplifiées de la tradition du grand<br />
reportage, du magazine, écritures qui permettent un accès plus direct et efficace au public.<br />
Mais les créateurs et producteurs de documentaires et les alliés qui leur restent dépensent une<br />
telle énergie, une telle passion et souvent une telle compétence que la situation est loin d’être<br />
dramatique et que la mise en réseau de ces qualités offre une force de proposition qui évite la<br />
marginalisation du genre. Mais la grande inconnue demeure la mutation en cours.<br />
EURODOC devrait proposer d’être l’un des observatoires de ces mutations, tout en gardant la<br />
ferme volonté de rester solidement arrimé à l’économie du cinéma documentaire en Europe et<br />
dans le Monde, en évitant de se laisser entraîner dans une économie de subvention et donc en<br />
développant le réseau de compétence et une rapidité d’adaptation qui donnent aux<br />
professionnels la force d’affronter la situation, de travailler ensemble et d’ainsi faire circuler les<br />
oeuvres et les idées.<br />
Jacques Bidou<br />
Directeur des études