tendances électroniques & design - Ted Magazine
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LES AUTHENTIQUES<br />
Le compositeur et joueur de oud tunisien<br />
Anouar Brahem obtient la palme d’or de<br />
l’authenticité décernée à ces artistes entièrement<br />
dévoués à la musique, tournés vers la<br />
beauté et la poésie, peu soucieux de gloire<br />
personnelle. Pendant toute la durée du<br />
concert, en compagnie des mêmes complices<br />
que sur l’intimiste et le méditatif Pas du chat<br />
noir, Brahem joue, pour ainsi dire, en silence,<br />
sans babillages. Nous sommes ici à des années<br />
lumière du cabotinage de Gonzales entendu<br />
au même endroit l’an dernier. Les pièces du<br />
Voyage de Sahar, son plus récent disque paru<br />
sur étiquette ECM, s’enchaînent, sans qu’il<br />
soit nécessaire de les présenter. Moins de dix<br />
mots, et on compte les articles, seront prononcés<br />
par le musicien : « François Couturier<br />
au piano, Jean-Louis Matinier à l’accordéon<br />
». La musique s’élève mélodieuse, harmonieuse,<br />
à la fois simple et complexe…<br />
Dans un tout autre registre, le bluesman Ray<br />
Bonneville ne délaisse jamais l’authenticité,<br />
lui non plus. Le petit bout de concert attrapé<br />
au vol sous la tente SIMMM GM, composé<br />
essentiellement des extraits de l’album Goin’<br />
by Feel, m’a permis de renouer avec cet autre<br />
artiste vrai. Plus tard, au Spectrum, le virtuose<br />
de la kora Toumani Diabaté (qu’on a<br />
pu entendre aux côtés d’Ali Farka Touré sur<br />
le très beau disque In the Heart of the Moon) est<br />
venu présenter le Symmetric Orchestra, un<br />
orchestre de 14 musiciens en provenance de<br />
l’ancien grand empire mandingue qui a pour<br />
noms aujourd’hui Mali, Sénégal, Côte<br />
d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mauritanie…<br />
Instruments traditionnels comme le balafon,<br />
le ngoni, le djembé, la kora en accord avec<br />
des instruments modernes ont su émouvoir<br />
et faire danser la foule. Enfin, Richard Bona<br />
pour son humilité devant le talent incom-<br />
30 Québec Audio & Vidéo, octobre / novembre 2007<br />
Anouar Brahem<br />
mensurable de Diabaté (venu le rejoindre à la<br />
Place des Arts après son spectacle au<br />
Spectrum) et pour sa détermination à faire ce<br />
que bon lui semble quand bien même certains<br />
lui reprocheraient son éparpillement, se<br />
retrouve dans cette rubrique. Le chanteur<br />
bassiste et compositeur camerounais a offert<br />
de beaux moments ce soir-là en compagnie<br />
tantôt du guitariste Russel Malone, tantôt<br />
de Toumani Diabaté, tantôt du guitariste<br />
Seun Kuti<br />
béninois Lionel Loueke qui se produisait<br />
immédiatement après sur une scène extérieure.<br />
LES POLITIQUES<br />
L’afrobeat, plus que bien d’autres genres<br />
musicaux, est un mouvement d’affirmation<br />
sociale et politique. Pour souligner le dixième<br />
anniversaire de la mort de son créateur, le<br />
nigérien Fela Kuti, le FIJM a fait les choses<br />
en grand en invitant plusieurs artistes toujours<br />
stimulés par le genre. Parmi eux, Femi<br />
Kuti au Metropolis, précédé du groupe<br />
Antibalas, un spectacle de la formation<br />
Afrodizz, et le concert extérieur grand événement<br />
de Seun Kuti & Egypt’ 80 en première<br />
nord-américaine. Seun, fils de Fela et<br />
frère de Femi, à la tête d’Egypt’ 80 depuis la<br />
mort du Black President, offre une musique<br />
un peu déglinguée qui sonne pourtant<br />
d’étonnante façon. Après un « Good evening,<br />
ladies & gentlemen » de circonstance, les<br />
pétards ont éclaté et la fête a commencé. Sur<br />
des rythmes lourds et puissants, Seun et son<br />
groupe ont entonné les compositions du père<br />
comme les leurs en dénonçant les injustices<br />
criantes dont est victime l’Afrique, notamment<br />
la pauvreté, la corruption des politiciens,<br />
la brutalité policière (on dit que le père<br />
aurait été emprisonné à plus de 300 reprises).<br />
En finale, les danseurs et les danseuses qui<br />
jusque là se déhanchaient sur diverses plateformes<br />
aménagées sur le site, sont montés sur<br />
scène pendant qu’au-dessus des spectateurs<br />
éclataient dans le ciel des feux d’artifice,<br />
moment d’apothéose. Malheureusement,<br />
c’est sous un ciel gris et par un temps maussade<br />
qui en a découragé plus d’un qu’Andy<br />
Palacio a pour sa part fait œuvre politique,<br />
non pas tant à travers les mots de ses chansons<br />
qu’en se faisant l’ambassadeur d’une culture<br />
menacée d’extinction, à savoir cette<br />
musique chaloupée issue de la culture afroamérindienne<br />
garifuna que Palacio tente à<br />
tout prix de sauvegarder et de revitaliser. Le<br />
chanteur, originaire du Belize, qui n’a pas eu<br />
l’auditoire qu’il méritait en raison du mauvais<br />
temps, a réjoui les braves venus entendre sa<br />
musique combien ensoleillée, dansante en<br />
même temps qu’émouvante et déchirante.<br />
LES ÉLÉGANTS<br />
Un certain raffinement dans le jeu, non<br />
pas tant un jeu virtuose (quoique la virtuosité<br />
soit souvent au rendez-vous) qu’une façon de<br />
jouer ou de chanter soignée et sophistiquée,<br />
voilà ce qui caractérise la musique des élégants.<br />
Premier en lice dans cette catégorie : le<br />
jeune compositeur et pianiste cubain de<br />
32 ans Roberto Fonseca qu’on a déjà pu<br />
entendre aux côtés des Ibrahim Ferrer,<br />
Omara Portuondo, Rubén González,<br />
Cachaíto López. C’est dire le talent du jeune<br />
homme qui propose une musique issue de la<br />
tradition cubaine et afro-cubaine, lorgnant<br />
également du côté du jazz latin. Pour son<br />
spectacle au Gesù, le pianiste a présenté avec<br />
générosité et recueillement les pièces de son<br />
dernier album Zamazu. Autre pianiste dont<br />
nous avons pu goûter le jeu fluide et inventif<br />
: l’Italien Stefano Bollani. Le musicien,<br />
qui n’en est pas à sa première visite chez nous,<br />
a pigé dans un répertoire des plus variés,