Facture-Biganos II. La croissance de la papeterie - Hubert Bonin - Free

8. Vers un fragile apogée
Cadres 33 masculins et une femme
Archives historiques de la Société générale, Émission d’obligations Cellulose du pin, 1958, 60908
Tout semble aller pour le mieux, au terme de ce cycle de croissance technique et
productive. En signe de cette prospérité, les effectifs de l’établissement se sont fortement
accrus, de 871 en 1940 à 1 200 en 1955, tandis que 1 400 emplois connexes ou indirects
(sous-traitance, etc.) renforceraient cette mobilisation de ressources humaines. Si
l’établissement n’est plus qu’une pièce dans un vaste rouage européen, il garde donc un
rôle clé pour des productions essentielles et portées par une bonne croissance à cet apogée
des Trente Glorieuses, et la production cumulée des sites de Facture et de Roquefort
double presque entre 1969 et 1972.
Tableau 10. Production cumulée des usines de Facture et Roquefort à l’apogée des Trente Glorieuses (tonnes)
1969 1970 1971 1972
Kraft liner 146 000 148 000 162 000 214 000
Kraft grande contenance 108 000 108 000 100 000 104 000
Kraft emballage 51 500 55 000 59 000 72 000
Total 205 000 301 000 321 000 390 000
Malgré cette force apparente, avec une production de 350 000 tonnes de pâte et de papier
kraft d’emballage en 1976, l’usine de Facture-Biganos est soudain confrontée à une érosion
de sa compétitivité dans la seconde moitié des années 1970 et surtout à une intensification
de la concurrence : de grosses usines de « liner » ouvrent en Suède et au Portugal, ou
accroissent leur potentiel de production, avec en 1973-1975 une augmentation de 450 000
tonnes des capacités 57 . Une étape décisive est atteinte, qui concerne en fait l’ensemble du
groupe Cellulose du pin et Saint-Gobain, et également toute l’industrie papetière française,
comme nous le verrons dans la troisième partie de notre étude.
Certes, le chiffre d’affaires du groupe Cellulose du pin a doublé de 268 millions de francs
(320 millions €) en 1964 à presque 500 millions (430 millions €) en 1972. Mais le profit
brut n’évolue que de 5,6 à 6,7 millions de francs pour la société mère et les chiffres
consolidés sont encore plus médiocres : « La faible rentabilité s’explique par une trop
grande dispersion de ses sites de production et par un coût trop élevé de sa matière
première par rapport à ses concurrents nordiques. Elle réside surtout dans une très (et
sans doute trop) grande dispersion des activités et une absence de spécialisation » 58 , tandis
que les prix stagnent à cause de la poussée des importations. Bref, la belle aventure vécue
par l’usine de Facture-Biganos est ternie par le caractère aventurier de la stratégie
multiforme et multi-sites du groupe ! Le « modèle économique » qui a prévalu depuis
1960, celui de la diversification horizontale et de l’intégration verticale et qui avait
prospéré semble remis en cause ; la juxtaposition d’une belle usine, vantée comme « la
plus puissante de l’Europe des Six », et d’une ribambelle d’usines de papier et de
transformation devient insensiblement contestée !
9. L’interférence d’une nouvelle exigence, l’environnement
Îlot industriel isolé dans un milieu forestier, cette usine-cathédrale est apparue comme un
bienfait pour une contrée manquant quelque peu d’une offre d’emploi vigoureuse, en des
temps où le tourisme du Bassin n’avait percé qu’en des espaces fort réduits. L’on se
préoccupait peu alors de ce qui devient « l’environnement ». Ainsi, tours de cette
cathédrale, les cheminées de l’usine envoient dans l’air non pas des substances toxiques,
57 Henri de Menthon, « Perspectives du carton ondulé et du kraft liner », L’Écho de la Cellulose du pin,
février 1976, n°1, pp. 4-5.
58 Marc de Ferrière Le Vayer, op.cit., p. 118.
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