Facture-Biganos II. La croissance de la papeterie - Hubert Bonin - Free

produites par les usines socles, dont celle de Facture. Une note d’avril 1940 avait conçu ce
dessein avec clarté, ce qui devait sceller un avenir durable à la Cellulose du Pin : « Il est
apparu que le fabricant, vendant à des intermédiaires autonomes (grossistes et
transformateurs) était en état de nette infériorité par rapport aux fabricantstransformateurs
vendant directement par le canal de leurs propres dépôts. Il a donc été
convenu en 1940 que Cellulose du pin rechercherait les moyens les plus propices et les plus
rapides pour se métamorphoser en fabricant-producteur-transformateur. » 3 La filière de la
caisserie carton est tout particulièrement prioritaire. Cette stratégie est emblématique du
combat, parfois désespéré, des sociétés françaises traditionnelles pour bâtir des firmes
puissantes, compétitives et, si possible, rentables 4.
Rien qu’en Gironde, en 1960, le groupe Saint-Gobain-Cellulose du Pin met la main sur les
trois usines de la CENPA à Bègles, fortes d’un millier de salariés : papeterie, sacherie et
caisserie pour cartonnages. La CENPA se concentre sur la partie Est du pays et une nouvelle
usine à Tarascon et se défausse de son site bèglais, dorénavant trop excentré. En fait, la
caisserie ferme, remplacée par un gros dépôt pour les produits d’emballage du groupe ; la
sacherie rejoint la filiale Société industrielle des emballages kraft (SIDEK, achetée en 1958
avec son usine de Villandraut) et, modernisée en 1965, se spécialise dans les emballages en
carton – tandis que l’usine de Facture se charge des sacs et emballages souples. Celle-ci
transfère sur Bègles une partie de ses machines anciennes, et l’on peut dire que les deux
usines fonctionnent de façon intégrée puisque celle de Bègles s’occupe de tous les
emballages carton ou « caisserie carton », avec 300 salariés 5 .
En parallèle, Saint-Gobain-Cellulose du pin reprend en 1972 la cartonnerie Soustre, à
Saint-Seurin-sur-L’Isle, dans le nord de la Gironde (créée en 1906), et ses 200 salariés, ce
qui conduit ce site à fusionner avec celui de Bègles dans la SOCAR (Cartonneries de Bègles
et Saint-Seurin). Cette nouvelle société transforme les cartons ondulés produits dans les
quatre usines de la Cellulose du Pin pour en achever la transformation en aval, le
conditionnement en boîtes et caisses, et l’impression, opérations consommatrices de maind’œuvre
6 . Entre-temps, la Cellulose du pin a été le vecteur d’un mouvement de
concentration qui a vu l’achat de plusieurs sociétés à l’échelle nationale : dès 1954, elle a
pris le contrôle de Walton & Place (région parisienne et Vendée), etc. SOCAR 7 finit, entre
janvier 1972 et janvier 1974, par fédérer cet écheveau d’entreprises de la filière de
transformation papier et carton, avec dix-huit usines et 15 % du marché, grâce à des
productions de 250 000 tonnes de carton et de 43 000 tonnes de papier. Un bond est
accompli en janvier 1986 quand SOCAR absorbe Lafarge Emballages/Lembacel. Le groupe
rassemble 38 établissements en 1988 (dont sept papeteries, treize cartonneries et seize
ateliers de transformation), 3 000 salariés et une part de marché évaluée à 20 %.
In fine, la Cellulose du pin est devenue, dans la seconde moitié des années 1970, le leader
français pour la fabrication de pâte à papier 8, loin devant Béghin, La Rochette-CENPA,
Aussedat-Rey, La Chapelle-Darblay ou Arjomari-Prioux, mais Béghin et La Chapelle-
3 Cité par : Rémy Handourtzel, SOCAR, une histoire d’avenir, Paris, Albin Michel et Public Histoire, 1989.
4 Cf. « Modernisation et concentration de 1958 à 1974 », in Marc de Ferrière Le Vayer, De la fin des familles
à la mondialisation. L’industrie papetière française depuis 1945, Orléans, Éditions Nicolas Pelletier, 2006,
pp. 101-115.
5 Cf. Jean Dumas, Les activités industrielles dans La Communauté urbaine de Bordeaux. Études de
géographie économique et sociologique, Bordeaux, Bière, 1980 (deux volumes), pp. 395-396.
6 Cf. Michel Preuilh, L’évolution de l’industrie dans l’agglomération bordelaise de 1948 à 1961, Collection de
l’Institut d’économie régionale du Sud-Ouest (IERSO), série « Problèmes de l’agglomération bordelaise »,
tome V, Bordeaux, Bière, 1964, pp. 76-77.
7 Rémy Handourtzel, SOCAR, op.cit.
8 Cf. « La Cellulose du pin : une relative réussite », in Marc de Ferrière Le Vayer, op.cit., pp. 115-120.
Absorption des Papeteries de la Seine (Nanterre) en 1962, etc.
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