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Sociologie des acteurs de la gentrification des quartiers anciens ...

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une i<strong>de</strong>ntité sociale valorisante (cette hypothèse semb<strong>la</strong>it en effet vérifiée à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte) ;<br />

l’hypothèse du choix d’un espace-support <strong>de</strong> goûts et <strong>de</strong> valeurs.<br />

Les ménages actuellement impliqués dans les <strong>quartiers</strong> en <strong>gentrification</strong> semblent mieux insérés<br />

professionnellement, et <strong>de</strong>vraient donc, selon ce modèle, avoir moins besoin <strong>de</strong> <strong>la</strong> scène<br />

rési<strong>de</strong>ntielle pour <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> leur i<strong>de</strong>ntité sociale. On les voit plutôt cumu<strong>la</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> i<strong>de</strong>ntités<br />

sociales assez valorisées dans plusieurs champs à <strong>la</strong> fois. C’est ce que montrent les auteurs <strong>de</strong> Du<br />

domicile à <strong>la</strong> ville [22] : les plus actifs dans le quartier sont aussi les plus investis<br />

professionnellement. Comment expliquer ces situations ? Peut-être le quartier permet-il <strong>de</strong> valoriser<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> dispositions qui <strong>de</strong>meurent non activées dans l’espace professionnel ?<br />

Même si parmi les premiers enquêtés du Bas-Montreuil, plusieurs semblent bien insérés<br />

professionnellement, d’autres cependant se sont installés dans ce quartier et s’y sont investis à un<br />

moment <strong>de</strong> crise dans le champ professionnel ou familial ; ils disposaient alors <strong>de</strong> ressources<br />

(finances, temps, compétences, etc) non exploitées dans ces sphères et qui furent investies dans <strong>la</strong><br />

vie locale.<br />

La problématique d’un arbitrage entre investissement dans le lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce ou dans le travail est<br />

néanmoins peut-être datée. Elle doit en tous cas être complétée par celle <strong>de</strong> l’arbitrage qui semble<br />

s’y être substitué, du moins dans les discours : celui qui oppose un style <strong>de</strong> vie très tourné vers le<br />

local et une vie éc<strong>la</strong>tée entre <strong><strong>de</strong>s</strong> espaces <strong>de</strong> pratiques très variés (on pense aux écrits <strong>de</strong> F. Ascher<br />

par exemple) ; ce<strong>la</strong> renvoie aux réflexions actuelles montrant que les pratiques d’ancrage et <strong>de</strong><br />

mobilité ne sont pas exclusives l’une <strong>de</strong> l’autre... On doit également penser aux diverses formes <strong>de</strong><br />

ruptures ou <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tivisation du statut professionnel qui peuvent être voulues et plus ou moins<br />

temporaires - on pense par exemple aux personnes en congé <strong>de</strong> maternité ou congé parental, ou<br />

mères (ou pères) au foyer avec <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants, ou encore aux personnes étrangères venues sans<br />

situation professionnelle préa<strong>la</strong>ble - situations qui impliquent souvent une présence plus importante<br />

dans le quartier <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce.<br />

L’hypothèse d’un rapport mythique au quartier ancien popu<strong>la</strong>ire doit elle aussi être testée dans les<br />

entretiens et l’observation : ce rapport ne risque-t-il pas d’être encore plus mythique aujourd’hui, si<br />

les conditions socio-économiques d’existence se sont élevées mais que le système <strong>de</strong> valeurs a<br />

perduré ? On a jusqu’ici retrouvé dans l’enquête <strong><strong>de</strong>s</strong> éléments du système <strong>de</strong> valeurs post-soixantehuitard,<br />

à commencer par l’image du « vil<strong>la</strong>ge », qui se caractérise surtout par <strong><strong>de</strong>s</strong> activités<br />

concentrées dans une aire restreinte, et par un fort <strong>de</strong>gré d’interconnaissance entre habitants du<br />

quartier.<br />

Au niveau <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à une image <strong>de</strong> quartier comme manifestant <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

positions, un jeu subtil apparaît autour <strong>de</strong> l’histoire sociale et politique <strong>de</strong> Montreuil. D’une part, on<br />

retrouve, parmi les éléments appréciés dans le quartier, <strong>la</strong> forte diversité sociale et ethnique ; mais<br />

il n’est pas sûr qu’elle soit aussi valorisée que sur les terrains antérieurs, ou du moins qu’elle le soit<br />

<strong>de</strong> façon aussi « mythifiée »... D’autre part, les « nouveaux » habitants manifestent un intérêt et un<br />

enthousiasme pour l’histoire industrielle et agricole <strong>de</strong> Montreuil, ce qui mène à <strong>la</strong><br />

patrimonialisation <strong>de</strong> bâtiments industriels et d’espaces horticoles (notamment les « murs à<br />

pêches », aujourd’hui partiellement c<strong>la</strong>ssés site protégé suite à l’action d’habitants réunis en<br />

association). Cette patrimonialisation, qui n’est pas sans rappeler le réinvestissement <strong>de</strong> l’histoire<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> canuts par les « embourgeoiseurs » <strong>de</strong> <strong>la</strong> Croix-Rousse, est bien sûr une attitu<strong>de</strong> nouvelle à<br />

l’égard <strong>de</strong> l’histoire récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> commune, contribuant à faire basculer dans un passé<br />

« historicisé » voire désincarné <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> très récente où <strong>la</strong> municipalité communiste, concentrée<br />

sur son électorat ouvrier, souhaitait construire <strong><strong>de</strong>s</strong> logements sociaux sur ces <strong>anciens</strong> espaces<br />

industriels ou horticoles en friche : comme l’écrit Sylvie Tissot dans sa thèse sur <strong>la</strong> réforme <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

<strong>quartiers</strong>, « avec les murs à pêches, une autre manière <strong>de</strong> raconter l’histoire se met en p<strong>la</strong>ce à<br />

Montreuil, qui signe <strong>la</strong> condamnation du modèle d’aménagement <strong>de</strong> l’après-guerre » [23].<br />

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