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Sociologie des acteurs de la gentrification des quartiers anciens ...

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A Montreuil, où <strong>la</strong> mairie est communiste <strong>de</strong>puis 1935 et jusqu’en 1992 (date où le maire actuel, J.-<br />

P. Brard, élu <strong>de</strong>puis 1984, quitte le PC), avec <strong><strong>de</strong>s</strong> succès garantis dès le premier tour jusqu’en 1995,<br />

l’enjeu politique est actuellement fort et très présent dans les discussions : le maire actuel semble<br />

menacé, ou du moins débordé par <strong><strong>de</strong>s</strong> électeurs écologistes, socialistes ou d’extrême-gauche qui ne<br />

lui ont pas accordé leur confiance en 2001, préférant voter pour le candidat affilié aux Verts - luimême<br />

issu <strong>de</strong> l’extrême gauche indépendante. Celui-ci a obtenu ses meilleurs résultats dans<br />

certains bureaux <strong>de</strong> vote du Bas-Montreuil. Ces scores nouveaux, portés par l’arrivée massive <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

nouveaux habitants dans le quartier, sont ambigus, et révélent à <strong>la</strong> fois sur le fond une adhésion<br />

globale à <strong>la</strong> politique municipale qui a fait Montreuil, et sur <strong>la</strong> forme, un net désaccord sur <strong>la</strong> façon<br />

<strong>de</strong> diriger du maire actuel.<br />

En pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> campagne pour le référendum concernant <strong>la</strong> constitution européenne, les militants<br />

politiques (PC, PS, Verts) et associatifs (ATTAC) distribuant <strong><strong>de</strong>s</strong> tracts étaient nombreux sur les<br />

marchés du Bas-Montreuil, et plusieurs associations, bars ou restaurants organisaient <strong><strong>de</strong>s</strong> débats<br />

politiques. La politique municipale est en tous cas un réel sujet <strong>de</strong> discussion entre nombre <strong>de</strong> nos<br />

enquêtés, et ce d’autant plus que le maire, <strong>de</strong>puis son retrait du PC, cherche à accumuler un capital<br />

politique « réputationnel » [25], multipliant pour ce<strong>la</strong> les contacts avec les média et les<br />

intellectuels, dont <strong>de</strong> nombreux représentants vivent aujourd’hui dans le Bas-Montreuil.<br />

Par ailleurs, il semble que le processus même <strong>de</strong> conquête et d’investissement dans un territoire,<br />

autant que son résultat, soit aussi source <strong>de</strong> valorisation sociale. Le texte <strong>de</strong> J.S. Bordreuil sur SoHo<br />

attire particulièrement l’attention sur tous les éléments à <strong>la</strong> fois du contexte et du déroulement du<br />

processus <strong>de</strong> <strong>gentrification</strong>, car ils peuvent être en eux-mêmes constitutifs <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité sociale mise<br />

en jeu. A SoHo, c’est l’action même <strong>de</strong> conquête du territoire et d’inscription spatiale - contre <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

institutions, contre <strong><strong>de</strong>s</strong> réglementations, etc. - qui, plus que son résultat, a participé à <strong>la</strong> construction<br />

i<strong>de</strong>ntitaire professionnelle <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes, car cette action <strong>de</strong> conquête et d’appropriation <strong>de</strong> l’espace<br />

requérait <strong><strong>de</strong>s</strong> savoir-faire et manifestait <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs spécifiques (capacités <strong>de</strong> mobilisation contre les<br />

frontières administratives et réelles, d’action collective, <strong>de</strong> visibilité ; transgression ; inventivité,<br />

etc.).<br />

Il faut ainsi considérer l’hypothèse selon <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> « conquête » d’espaces popu<strong>la</strong>ires et/ou<br />

dégradés met en œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences et <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs caractérisant l’i<strong>de</strong>ntité sociale recherchée<br />

par les gentrifieurs. Le mouvement même <strong>de</strong> « frottement » avec les habitants plus <strong>anciens</strong>, c’est-àdire<br />

<strong>de</strong> coexistence <strong>de</strong> mo<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> vie, d’attentes et <strong>de</strong> normes différentes, serait l’occasion pour ces<br />

ménages <strong>de</strong> mettre en œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> compétences, et <strong>de</strong> manifester <strong><strong>de</strong>s</strong> valeurs <strong>de</strong> façon valorisante.<br />

Sur <strong>la</strong> scène politique par exemple, les diverses interventions semblent par exemple être l’occasion<br />

non seulement <strong>de</strong> « conquérir, d’investir » l’espace politique <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, mais aussi <strong>de</strong> déployer <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

réseaux qui confèrent une visibilité locale, qui manifestent une certaine appartenance, et <strong>de</strong> mettre<br />

en œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources spécifiques : happenings ou concerts <strong>de</strong> soutien pour les uns, action directe<br />

dans <strong>la</strong> rue pour les autres, joutes orales pour certains, recours au droit ou à l’histoire pour les<br />

spécialistes, capacité et volonté <strong>de</strong> rallier le plus grand nombre ou action volontairement<br />

accaparée... Chacune <strong>de</strong> ces formes d’action, même si elle échoue à atteindre ses objectifs, aura au<br />

moins permis <strong>de</strong> faire preuve, sur <strong>la</strong> scène publique locale, <strong>de</strong> savoir-faire et <strong>de</strong> valeurs contribuant<br />

à <strong>la</strong> formation d’une i<strong>de</strong>ntité collective locale. Cette perspective, peu développée par les chercheurs<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> années 1970, semble ainsi particulièrement fécon<strong>de</strong> sur les terrains actuels.<br />

Deux exemples concrets illustrent cette perspective. D’abord dans celui <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes qui occupent <strong>de</strong><br />

façon plus ou moins légale d’<strong>anciens</strong> bâtiments industriels (affirmant ainsi <strong><strong>de</strong>s</strong> certaines positions<br />

par rapport à l’administration municipale) et qui les transforment en lieux <strong>de</strong> création artistique et<br />

<strong>de</strong> propositions culturelles envers les habitants (affirmant localement et publiquement <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

compétences architecturales et décoratives, ainsi qu’une i<strong>de</strong>ntité professionnelle <strong>de</strong> créateur et<br />

d’animateur culturel).<br />

On le constate ensuite dans le cas d’un investissement très particulier du milieu sco<strong>la</strong>ire : <strong>la</strong><br />

mobilisation, dans un quartier du Bas-Montreuil, <strong>de</strong> parents <strong>de</strong> catégories socioprofessionnelles<br />

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