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L'autonomie relative des Codes Pétroliers en matière ... - carpem

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L’autonomie <strong>relative</strong> <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> <strong>en</strong> <strong>matière</strong> fiscale <strong>en</strong> Afrique noire :<br />

Exemple à partir de l’impôt sur les sociétés <strong>en</strong> droit camerounais et ivoiri<strong>en</strong><br />

par Stéphane ESSAGA 1<br />

SOMMAIRE<br />

I- L’énonciation de la composition <strong>des</strong> produits : une liste illusoirem<strong>en</strong>t<br />

originale<br />

A- Un cont<strong>en</strong>u commun<br />

1- Les produits listés communém<strong>en</strong>t dans les deux législations<br />

2- Le cas particulier du traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> plus-values <strong>en</strong> Côte d’Ivoire<br />

B- Une originalité <strong>relative</strong><br />

1- La <strong>relative</strong> originalité <strong>des</strong> produits id<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t énumérés dans les deux législations<br />

2- La <strong>relative</strong> pertin<strong>en</strong>ce du traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> plus-values <strong>en</strong> Côte d’Ivoire : violation du droit<br />

communautaire et irrationalité de l’avantage ainsi cons<strong>en</strong>ti<br />

II- Les conditions de déductibilité <strong>des</strong> charges : <strong>des</strong> règles illusoirem<strong>en</strong>t<br />

optimales<br />

A- Les charges faisant l’objet d’une appropriation-réformation a minima<br />

1- Le domaine circonscrit <strong>des</strong> charges régies par les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong><br />

2- La portée délétère de cette appropriation<br />

B- Les charges faisant l’objet d’une complexification <strong>des</strong> conditions de déductibilité<br />

1- Le périmètre <strong>des</strong> charges concernées<br />

a- Les charges constitutives <strong>des</strong> frais généraux<br />

b- Le cas particulier <strong>des</strong> charges financières<br />

2- La nature de la complexité introduite<br />

a- Des conditions de déductibilités <strong>des</strong> frais généraux soit similaires, soit <strong>en</strong> deçà du droit<br />

commun<br />

1 Inspecteur <strong>des</strong> Impôts <strong>en</strong> service à la Direction Générale <strong>des</strong> Impôts du Cameroun<br />

Négociateur Pétrolier pour le compte de la République du Cameroun<br />

Représ<strong>en</strong>tant de l’Association Internationale <strong>des</strong> Négociateurs <strong>Pétroliers</strong> de Houston <strong>en</strong> Afrique C<strong>en</strong>trale<br />

Directeur Exécutif du C<strong>en</strong>tre Africain de Recherche sur les Politiques Energétiques et Minières (CARPEM, France)<br />

1


- Des conditions de déductibilité <strong>des</strong> intérêts soit limités dans leur nature, soit iniques dans<br />

leurs conditions<br />

i. La (double) limite quant à la nature <strong>des</strong> intérêts fiscalem<strong>en</strong>t déductibles<br />

i.a. Une limite négative : la non déductibilité <strong>des</strong> intérêts courus <strong>en</strong> phase d’exploration<br />

i.b. Une limite positive : la déductibilité <strong>des</strong> intérêts capitalisés <strong>en</strong> phase de développem<strong>en</strong>t<br />

ii. La limite quant au taux <strong>des</strong> intérêts appliqué<br />

INTRODUCTION<br />

Plus de 10 ans après la promulgation <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> Camerounais et ivoiri<strong>en</strong>, aucune analyse<br />

de ces instrum<strong>en</strong>ts n’est disponible. Aucune étude ni partielle ni complète, sur la nature, la portée et<br />

l’intérêt de ces lois-charnière n’a été faite par les universitaires et / ou chercheurs, alors même qu’elles<br />

constitu<strong>en</strong>t la pierre angulaire de pilotage, de gestion et finalem<strong>en</strong>t d’exploitation <strong>des</strong> ressources<br />

pétrolières de ces Etats.<br />

Les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> constitu<strong>en</strong>t un gisem<strong>en</strong>t d’informations à haute portée heuristique. Déjà leur<br />

irruption généralisée dans les années libérales s’explique de façon subjective et téléologique par la<br />

dynamique de marchandisation <strong>des</strong> droits pétroliers impulsée par les Etats-Unis d’Amérique 2 , et pas<br />

seulem<strong>en</strong>t objectivem<strong>en</strong>t par l’autonomisation du droit pétrolier vis-à-vis du droit minier 3 . Autrem<strong>en</strong>t<br />

dit, les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> <strong>en</strong> tant qu’instrum<strong>en</strong>ts juridiques symbolis<strong>en</strong>t 4 clairem<strong>en</strong>t l’arrimage (voulu ou<br />

contraint) à la mondialisation <strong>des</strong> Etats africains aux lois du marché, et plus précisém<strong>en</strong>t constitu<strong>en</strong>t les<br />

vecteurs de l’hégémonie du régime paraconstitutionnel 5 <strong>en</strong> <strong>matière</strong> pétrolière. La problématique de leur<br />

attractivité est au demeurant prise au sérieux par les acteurs, ceci indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

économique international 6 .<br />

2<br />

Lire Noel (P.), Production d’un ordre pétrolier libéral. Une politique normative américaine dans les relations<br />

internationales <strong>en</strong>tre 1980 et 2000, Thèse Université de Gr<strong>en</strong>oble II, 2000<br />

3<br />

Au début <strong>des</strong> indép<strong>en</strong>dances, la législation minière ne distinguait pas les différ<strong>en</strong>tes ressources minières, y compris celles<br />

du pétrole. Progressivem<strong>en</strong>t dans le temps, certaines lois comm<strong>en</strong>cèr<strong>en</strong>t à statuer seulem<strong>en</strong>t sur le pétrole brut, pour<br />

déboucher sur la généralisation <strong>des</strong> co<strong>des</strong> pétroliers à partir du milieu <strong>des</strong> années quatre –vingt, avec de rares exceptions<br />

comme le Maroc qui adopta son premier Code Pétrolier le 21 juillet 1958 sous la pression il est vrai de la rédaction alors <strong>en</strong><br />

cours de la Conv<strong>en</strong>tion <strong>en</strong>tre l’Etat marocain et le groupe itali<strong>en</strong> E.N/I, signée le 26 juillet 1958. (Lire Moulay Ahmed,<br />

Idrissi B<strong>en</strong>yacine, Droit pétrolier et conv<strong>en</strong>tions pétrolières au Maroc, Les éditions maghrébines, Casablanca, 1974, page<br />

11).<br />

4<br />

Lire Cabrillac (R.), Le symbolisme <strong>des</strong> co<strong>des</strong>, in L’Av<strong>en</strong>ir du droit, Mélanges <strong>en</strong> hommage à François Terré, Paris<br />

Editions Dalloz, 1999, pp 212-220.<br />

5<br />

Selon Pierre Noël, op. cit, 9, « les dispositions c<strong>en</strong>trales du régime juridique para-constitutionnel <strong>des</strong> investissem<strong>en</strong>ts<br />

concern<strong>en</strong>t le règlem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> différ<strong>en</strong>ds <strong>en</strong>tre investisseurs et Etat, le droit applicable au contrat, la définition <strong>des</strong> droits<br />

économiques, les conditions d’exercice du droit <strong>des</strong> nationalisations et de certaines prérogatives réglem<strong>en</strong>taires, l’égalité<br />

de traitem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre investisseurs étrangers et nationaux, et <strong>en</strong>fin les conditions d’octroi <strong>des</strong> droits d’accès au territoire ».<br />

6<br />

Ainsi le Présid<strong>en</strong>t de la Commission perman<strong>en</strong>te de négociation <strong>des</strong> Contrats <strong>Pétroliers</strong> et Gaziers au Cameroun<br />

affirmait : « la législation pétrolière précéd<strong>en</strong>te était jugée complexe par l’industrie pétrolière…Aujourd’hui, grâce<br />

notamm<strong>en</strong>t aux actions permises par le nouveau Code Pétrolier, nous sommes partis d’un niveau d’investissem<strong>en</strong>t de moins<br />

de 5 millions de dollars <strong>en</strong> 1997 à plus de 100 millions de dollars <strong>en</strong> 2002 ( …) C’est-à-dire qu’<strong>en</strong> trois années<br />

d’application du nouveau Code Pétrolier, les retombées sont fort éloqu<strong>en</strong>tes… » Interview parue dans le trimestriel<br />

2


En effet, les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> sont <strong>des</strong> instrum<strong>en</strong>ts juridiques décisifs dans l’appréciation de la<br />

citoy<strong>en</strong>neté internationale <strong>des</strong> Etats. Des mécanismes de protection aussi importants désormais tels<br />

l’arbitrage, notamm<strong>en</strong>t CIRDI 7 , les clauses législatives de stabilisation 8 et de droit applicable 9 , sont tant<br />

et plus de dispositifs à étudier, car permettant <strong>en</strong>suite de mieux juger de la portée juridique <strong>des</strong> contrats<br />

pétroliers 10 . Il s’agit donc égalem<strong>en</strong>t de véritables instrum<strong>en</strong>ts d’information sur la politique pétrolière<br />

<strong>des</strong> Etats, appréh<strong>en</strong>dés comme tels par le droit transnational . Ils fix<strong>en</strong>t le cadre légal d’octroi <strong>des</strong> droits<br />

d’exploration-production, de résolution <strong>des</strong> litiges, <strong>des</strong> obligations <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales et fiscales.<br />

S’agissant de la fiscalité pétrolière, élém<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral de négociation et de t<strong>en</strong>sion <strong>en</strong>tre les parties,<br />

elle déroge dans ses caractéristiques au droit fiscal de droit commun 11 . Les travaux actuels portant sur<br />

la fiscalité pétrolière ne r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t pas suffisamm<strong>en</strong>t compte de cette spécificité 12 . Toutefois,<br />

d’informations SNH Infos N°13 juin 2003, page 9. Depuis lors, plusieurs autres contrats ont été signés avec la République<br />

du Cameroun.<br />

7<br />

Conv<strong>en</strong>tion pour le règlem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> différ<strong>en</strong>ds relatifs aux investissem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong>tre Etats et ressortissants d’autres Etats, <strong>en</strong>trée<br />

<strong>en</strong> vigueur le 14 octobre 1966. Elle a été signée par le Cameroun le 23 septembre 1965 et les instrum<strong>en</strong>ts de ratification<br />

déposés le 3 Janvier 1967, pour une <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> vigueur le 02 février 1967, c’est-à-dire assez rapidem<strong>en</strong>t. Quant à la Côte<br />

d’Ivoire, elle a signé cette Conv<strong>en</strong>tion le 30 juin 1965, déposé les instrum<strong>en</strong>ts de ratification le 16 février 1966, pour une<br />

<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> vigueur de la Conv<strong>en</strong>tion dès le 14 octobre 1966, plus tôt <strong>en</strong>core que le Cameroun. Or, alors qu’aucun <strong>des</strong> Co<strong>des</strong><br />

pétroliers camerounais et ivoiri<strong>en</strong> n’impose le CIRDI comme instance d’arbitrage (article 115 alinéa 2 du Code pétrolier<br />

camerounais et 85 du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong>), il est l’instance arbitrale presque systématiquem<strong>en</strong>t choisie par les parties aux<br />

contrats. (Pour l’exemple du Cameroun, voire ESSAGA (V.S), La clause de stabilité fiscale dans les contrats pétroliers au<br />

Cameroun, mémoire de D.E.S.S. <strong>en</strong> Administration fiscale, Université de Douala, juin 2008).<br />

8<br />

Voir CAMERON (P.D), « Stabilisation in Investm<strong>en</strong>t Contracts and changes of rules in Host countries: Tools for Oil &<br />

Gas investors », final report 7 July 2006, www.aipn.org; CAMERON (P.D), International Energy Investm<strong>en</strong>t law : the<br />

pursuit of stability, Oxfrd University Press, mars 2010 ; MAYER (P.), « La neutralisation du pouvoir normatif de l'Etat <strong>en</strong><br />

<strong>matière</strong> de contrats d'Etat », clunet , 1986, p.5 et suiv. ; MONTEMBAULT (B.), « La stabilisation <strong>des</strong> contrats d'Etats à<br />

travers l'exemple <strong>des</strong> contrats pétroliers. Le retour <strong>des</strong> dieux sur l'olympe ? » RDAI/IBLJ, N°6, 2003; DAVID (N.), « Les<br />

clauses de stabilité dans les contrats pétroliers. Questions d'un pratici<strong>en</strong> », Clunet 1986 ; WEIL (P.), « Les clauses de<br />

stabilisation ou d'intangibilité insérées dans les accords de développem<strong>en</strong>t économiques », Mélanges Rousseau, Pédone<br />

1974<br />

9<br />

WEIL (P.), « Principes généraux du droit et contrats d'Etat », Etu<strong>des</strong> offertes à Berthold Goldman. Le droit <strong>des</strong> relations<br />

économiques internationales, Paris Litec, 1982<br />

10<br />

WENGLER (W.), « Les accords <strong>en</strong>tre Etats et <strong>en</strong>treprises étrangères sont-ils <strong>des</strong> Traités de droit international ? »,<br />

R.G.D.I.P, 1972, p.313) ; KAMTO (M.), « La notion de Contrat d'Etat: une contribution au débat», Revue de l'arbitrage<br />

2003, 719 ; LANKARANI (L.EL ZEIN), Les contrats d'Etat à l'épreuve du droit international, Thèse de droit international<br />

(inutile de la m<strong>en</strong>tion de la thèse car tu ne supprimes pas l’université ni la date de sout<strong>en</strong>ance), Editions Bruylant,<br />

Université de Bruxelles, 2001.<br />

11<br />

. La définition lég<strong>en</strong>daire de l’impôt suivant laquelle « l’impôt est une prestation pécuniaire requise <strong>des</strong> particuliers par<br />

voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie, <strong>en</strong> vue de la couverture <strong>des</strong> charges publiques » (in ENCYCLOPEDIAS<br />

UNIVERSALIS, v Impôt, Corpus 11, 1996, p.1000 et s. spéc.p.1001), n’est pas opérante <strong>en</strong> <strong>matière</strong> de fiscalité pétrolière.<br />

Elle ne s’accommode ni du caractère (partiellem<strong>en</strong>t) contractuel de la fiscalité pétrolière, ni de l’usage occasionnel du<br />

pétrole comme moy<strong>en</strong> de payem<strong>en</strong>t. Lire dans ce s<strong>en</strong>s Lascombe (M.), Elém<strong>en</strong>ts pour l’étude <strong>des</strong> clauses financières et<br />

fiscales <strong>des</strong> contrats pétroliers internationaux, mémoire de D.E.A de droit international, Université de Strasbourg 1978,<br />

pages 14 à 23.<br />

12<br />

Voir notre article « La spécificité de la fiscalité pétrolière », à paraître. L’on peut observer un contres<strong>en</strong>s théorique<br />

lorsqu’il est dit que « la fiscalité de droit commun et la fiscalité spécifique à laquelle est assujettie l’<strong>en</strong>treprise sont<br />

négociées <strong>en</strong>tre l’Etat producteur et son part<strong>en</strong>aire dans le cadre d’un package deal » Weiss (P.), in Encyclopédie juridique<br />

de l’Afrique, tome cinquième, Droit <strong>des</strong> bi<strong>en</strong>s, Les nouvelles Editions Africaines 1982, page 355). De même, le classem<strong>en</strong>t<br />

opéré par le docteur Dikoumé dans sa thèse par exemple (La fiscalité pétrolière <strong>des</strong> Etats membres de la CEMAC.<br />

Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad, C<strong>en</strong>trafrique, Paris, L’Harmattan, 2008), divisant la fiscalité<br />

pétrolière <strong>en</strong> « prélèvem<strong>en</strong>ts spécifiques » d’une part, et « impositions de droit commun » d’autre part souffre d’une<br />

impureté théorique certaine. Une caractéristique ess<strong>en</strong>tielle de l’impôt au s<strong>en</strong>s classique, c’est que l’impôt est un<br />

3


l’id<strong>en</strong>tification puis l’évaluation de la législation fiscale pétrolière dans ce qu’elle a de rigide, permet in<br />

fine d’apprécier la volonté <strong>des</strong> Etats d’instrum<strong>en</strong>ter au mieux (ou pas) la fiscalité pétrolière comme<br />

source de financem<strong>en</strong>t de leurs budgets. La maîtrise de la surface de rigidité <strong>des</strong> termes fiscaux, puis<br />

son pesage in concreto, contribu<strong>en</strong>t dans une large mesure à coter les Etats sur le marché <strong>des</strong> Etats<br />

« souverainistes » <strong>en</strong> <strong>matière</strong> pétrolière.<br />

L’impôt sur les sociétés constitue alors le terreau d’analyse par excell<strong>en</strong>ce, dans la mesure où<br />

c’est lui qui ambitionne directem<strong>en</strong>t et explicitem<strong>en</strong>t d’amputer le résultat bénéficiaire de l’<strong>en</strong>treprise.<br />

Une telle étude laisse clairem<strong>en</strong>t dégager l’énonciation d’une liste de produits illusoirem<strong>en</strong>t originale<br />

(I), tandis que les conditions de déductibilité <strong>des</strong> charges, davantage étoffées, sont illusoirem<strong>en</strong>t<br />

optimales (II).<br />

I- La composition <strong>des</strong> produits : une liste illusoirem<strong>en</strong>t originale<br />

Trois t<strong>en</strong>dances générales se dégag<strong>en</strong>t <strong>des</strong> systèmes fiscaux <strong>en</strong> <strong>matière</strong> pétrolière :<br />

- Soit le Code Pétrolier traite de la fiscalité pétrolière, et certains aménagem<strong>en</strong>ts sont introduits<br />

quant à l’imposition <strong>des</strong> bénéfices (prix affichés, charges déductibles…) ;<br />

- Soit le Code Pétrolier ne traite que de certains aspects de la fiscalité (redevances, impôt sur les<br />

bénéfices, taxe pétrolière spéciale, exonérations), et le Code Général <strong>des</strong> Impôts reste applicable<br />

aux opérations pétrolières.<br />

- Un chapitre particulier du Code Général <strong>des</strong> Impôts traite de la fiscalité pétrolière 13 .<br />

En réalité, la combinaison <strong>des</strong> deux premières variantes est la formule ret<strong>en</strong>ue par les Co<strong>des</strong><br />

camerounais et ivoiri<strong>en</strong>. Il y a un amalgame manifeste de dispositions spécifiques au secteur pétrolier<br />

prélèvem<strong>en</strong>t obligatoire, et perçu par voie d’autorité. Selon Laure Agron, « Aujourd’hui, l’impôt se définit comme un<br />

prélèvem<strong>en</strong>t obligatoire et sans contrepartie… » ( in Histoire du vocabulaire fiscal, thèse (inutile la m<strong>en</strong>tion), Paris,<br />

L.G.D.J. 2000, page 226), et les dictionnaires définiss<strong>en</strong>t pareillem<strong>en</strong>t l’impôt comme un « prélèvem<strong>en</strong>t obligatoire »<br />

(Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Paris PUF, 6è édition mise à jour juin 2004, page 461), ou comme « une contribution<br />

obligatoire » (Albert (J.L.), Pierre (J.L.), Richer (D.), (sous la dir), Dictionnaire de droit fiscal et douanier, Paris, Editions<br />

Ellipses 2007, page 280). Selon Gaston jèze, un « élém<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiel de l’impôt dans tous les Etats civilisés modernes, c’est<br />

la contrainte juridique. L’impôt est ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t un paiem<strong>en</strong>t forcé » (in Cours de finances publiques 1936-1937, LGDJ,<br />

1937, p.33. Lire aussi Négrin (O.), « Une lég<strong>en</strong>de fiscale : la définition de l’impôt de Gaston Jèze », Revue de droit public -<br />

n°1-2008). Or le caractère obligatoire <strong>des</strong> règles considérées comme « de droit commun », est contestable. Les règles<br />

d’assiette tant pour les produits (avec la règle de la fixation paritaire <strong>des</strong> prix affichés), que <strong>des</strong> charges (avec l’arrêté<br />

contractuel <strong>des</strong> taux d’amortissem<strong>en</strong>t ainsi que <strong>des</strong> montants déductibles au titre <strong>des</strong> provisions pour remise <strong>en</strong> état <strong>des</strong> sites<br />

par exemple), traduis<strong>en</strong>t non pas une obligation extérieure imposée à l’<strong>en</strong>treprise, mais une logique cons<strong>en</strong>suelle sur les<br />

règles de calcul de l’impôt sur les sociétés. En droit commun, il n’est pas possible de négocier ainsi les bases de calcul de<br />

l’impôt sur les sociétés, pour ne parler que cet impôt. En fait, il y a une confusion <strong>en</strong>tre les pouvoirs législatifs de l’Etatpuissance<br />

publique, seul susceptible de fixer <strong>des</strong> règles fiscales obligatoires, et les pouvoirs administratifs de l’Etat<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eur,<br />

qui contracte avec l’<strong>en</strong>treprise privée étrangère, et susceptible, dans le jeu de l’équilibre <strong>des</strong> contrats, de<br />

cons<strong>en</strong>tir <strong>des</strong> aménagem<strong>en</strong>ts dans le cadre légal fixé par l’Etat-puissance publique. (Voire Mayer (P.), « La neutralisation du<br />

pouvoir normatif de l’Etat <strong>en</strong> <strong>matière</strong> de contrats d’Etat »,op.cit. ; Kamto (M.), « La notion de contrat d’Etat : une<br />

contribution au débat », Revue de l’arbitrage 2003, n°4).<br />

13 Lire Recherche et production du pétrole et du gaz. Réserves, coûts, contrats, Institut français du pétrole, Editions<br />

Technip, Paris 2002, page 186<br />

4


d’une part, et une appropriation parfois pour les réformer <strong>des</strong> textes de droit commun d’autre part. Il<br />

convi<strong>en</strong>t d’id<strong>en</strong>tifier le cont<strong>en</strong>u de l’énonciation (A), puis de l’analyser <strong>en</strong>suite (B).<br />

1- Les produits listés<br />

A- Un cont<strong>en</strong>u commun<br />

S’agissant <strong>des</strong> produits, les co<strong>des</strong> pétroliers 14 ivoiri<strong>en</strong> et camerounais énonc<strong>en</strong>t similairem<strong>en</strong>t<br />

ainsi leur constitution :<br />

- la valeur de la production commercialisée par le Titulaire qui doit être conforme aux<br />

prix courants du marché international établis suivant les dispositions <strong>des</strong> Contrats<br />

<strong>Pétroliers</strong> ;<br />

- la valeur de la quote-part de la production versée <strong>en</strong> nature à l’Etat au titre de la<br />

redevance proportionnelle à la production <strong>en</strong> ce qui concerne les Contrats de<br />

Concession, le cas échéant ;<br />

- les rev<strong>en</strong>us prov<strong>en</strong>ant du stockage, du traitem<strong>en</strong>t et du transport <strong>des</strong> Hydrocarbures,<br />

ainsi que la v<strong>en</strong>te <strong>des</strong> substances connexes, s’il y a lieu ;<br />

- les plus-values prov<strong>en</strong>ant de la cession ou du transfert d’élém<strong>en</strong>ts quelconques de<br />

l’actif ;<br />

- tous autres rev<strong>en</strong>us ou produits se rapportant aux Opérations Pétrolières ou connexes à<br />

celles-ci.<br />

2- Le cas particulier du traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> plus-values <strong>en</strong> Côte d’Ivoire<br />

S’agissant <strong>des</strong> plus-values sur cession d’immobilisations, le Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong> se veut<br />

particulièrem<strong>en</strong>t incitatif , dans la mesure où il précise que « si l’exploitation est assurée par plusieurs<br />

sociétés associées, <strong>en</strong> cas de cession <strong>en</strong>tre les sociétés associées ou <strong>en</strong>tre une <strong>des</strong> sociétés associées et<br />

une de ses filiales, qui devi<strong>en</strong>drait partie dans ladite association, les plus- values de cession sont<br />

exclues, à condition que les actifs ainsi cédés soi<strong>en</strong>t comptabilisés par la société cessionnaire à la<br />

valeur apparaissant dans les livres de ladite société 15 ».<br />

Cet avantage <strong>en</strong> soi paraît logique et utile, dans la mesure où le modèle associatif au moins <strong>en</strong>tre<br />

sociétés nationales et investisseurs pétroliers étrangers est largem<strong>en</strong>t répandu <strong>en</strong> Afrique Noire, <strong>en</strong> Côte<br />

d’Ivoire notamm<strong>en</strong>t.<br />

B- Une originalité <strong>relative</strong><br />

1- La <strong>relative</strong> originalité <strong>des</strong> produits id<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t énumérés dans les deux législations<br />

2-<br />

Toutefois, à l’analyse, cette composition de produits qui se veut exhaustive, n’est pas si<br />

originale dans sa nom<strong>en</strong>clature.<br />

14<br />

Articles 71 et 94 <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> ivoiri<strong>en</strong> et camerounais.<br />

15<br />

Article 71 alinéa 4 in fine. Cette disposition déroge au droit commun ivoiri<strong>en</strong> (article 8 du CGI institué par l’article 6<br />

alinéa 1 de l’ordonnance n° 2000-252 du 28 mars 2000).<br />

5


Seul le premier point portant sur la valorisation de la production v<strong>en</strong>due est nécessairem<strong>en</strong>t<br />

particulier, car dérogeant aux règles de droit commun sur la détermination <strong>des</strong> produits imposables 16 .<br />

En ce qui concerne le deuxième point, les règles comptables OHADA <strong>relative</strong>s à la<br />

comptabilisation de la variation <strong>des</strong> stocks d’une part 17 , et fiscales <strong>relative</strong>s aux règles de rattachem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> charges aux produits 18 d’autre part, conduis<strong>en</strong>t à la valorisation automatique dans les produits de la<br />

quote-part de stocks de pétrole ainsi utilisée comme monnaie de payem<strong>en</strong>t.<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, il s’agit d’une édiction non nécessaire, dans la mesure où même <strong>en</strong> son abs<strong>en</strong>ce,<br />

cette règle prévaudrait. Dans le même s<strong>en</strong>s, les trois autres précisions de comptabilisation <strong>en</strong> produits<br />

sont parfaitem<strong>en</strong>t couvertes par les dispositions fiscales de droit commun libellées dans un même<br />

wording, qui exig<strong>en</strong>t, dans le cadre du calcul du bénéfice imposable, la prise <strong>en</strong> compte de toutes les<br />

opérations effectuées par l’<strong>en</strong>treprise 19 .<br />

Enumérer les prestations diverses telles le stockage, les produits prov<strong>en</strong>ant du traitem<strong>en</strong>t et du<br />

transport <strong>des</strong> Hydrocarbures, ainsi que la v<strong>en</strong>te <strong>des</strong> substances connexes, puis terminer par la<br />

disposition-bateau « tous autres rev<strong>en</strong>us ou produits se rapportant aux Opérations Pétrolières ou<br />

connexes à celles-ci », relève pratiquem<strong>en</strong>t de l’effet d’affichage.<br />

Dès lors, la volonté d’autonomie ici ne peut être valorisée que du point de vue de l’intégration<br />

formelle de règles de fond déjà existantes dans le dispositif tant comptable que fiscal du Cameroun que<br />

de la Côte d’Ivoire. Aucune substance normative fondam<strong>en</strong>tale supplém<strong>en</strong>taire ne résulte de cette<br />

intégration-appropriation, mais cela dénote clairem<strong>en</strong>t d’une dynamique d’autonomie voire<br />

d’hégémonie de ces co<strong>des</strong> pétroliers, par rapport au dispositif de droit commun.<br />

3- La <strong>relative</strong> pertin<strong>en</strong>ce du traitem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> plus-values <strong>en</strong> Côte d’Ivoire : violation du droit<br />

communautaire et irrationalité de l’avantage ainsi cons<strong>en</strong>ti<br />

La technique de comptabilisation énoncée par le dispositif ivoiri<strong>en</strong> n’est ni pertin<strong>en</strong>te, ni<br />

nécessaire. Elle n’est pas pertin<strong>en</strong>te car <strong>en</strong> vertu de l’article 35 de l’AUOHC, « la méthode<br />

d’évaluation <strong>des</strong> élém<strong>en</strong>ts inscrits <strong>en</strong> comptabilité est fondée sur la conv<strong>en</strong>tion du coût historique », le<br />

coût historique <strong>des</strong> bi<strong>en</strong>s inscrits à l’actif du bilan étant constitué par « le coût réel d’acquisition pour<br />

16 L’article 8 de l’acte uniforme organisation et harmonisation <strong>des</strong> comptabilités <strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises (AUOHC) <strong>en</strong> OHADA<br />

exige que les états financiers « décriv<strong>en</strong>t de façon régulière et sincère les évènem<strong>en</strong>ts, opérations et situations de l’exercice<br />

pour donner une image fidèle du patrimoine… ». Il est curieux que ce principe ne soit pas explicitem<strong>en</strong>t listé dans les neuf<br />

« fondem<strong>en</strong>ts même de la comptabilité » d’une doctrine réc<strong>en</strong>te (Voir B<strong>en</strong>oît Atangana Onana, Vers les normes mondiales :<br />

comparaison OHADA et IAS/IFRS, Editions Presses de l’UCAC Yaoundé 2007, page 54). Non seulem<strong>en</strong>t il est<br />

explicitem<strong>en</strong>t édicté par le droit comptable OHADA, mais figure dans les cadres 33, 34 et 46 <strong>des</strong> normes de l’International<br />

Financial Reporting Standards / IFRS. Il s’agit plus précisém<strong>en</strong>t de donner une « image fidèle de la position financière et de<br />

ses changem<strong>en</strong>ts ainsi que de la performance d’une <strong>en</strong>tité » (Voir Mém<strong>en</strong>to IFRS 2009, Editions Francis Lefebvre 2009,<br />

page 90).<br />

17 Dans le compte 73 précisém<strong>en</strong>t : voire Journal Officiel de l’OHADA n°10 – Droit comptable et système comptable<br />

OHADA, page 179.<br />

18 CE, 29 juill.1998, n°149517, Bergère de France : RJF 10/1998, p.746, n°1083 ; Oud<strong>en</strong>ot (P.), Fiscalité approfondie <strong>des</strong><br />

sociétés, Paris LITEC 2001, n°536, page 247<br />

19 « Le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d’après les résultats d’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> opérations de toute nature<br />

effectuées par les <strong>en</strong>treprises au cours de la période servant de base à l’impôt, y compris notamm<strong>en</strong>t les cessions<br />

d’élém<strong>en</strong>ts quelconques de l’actif, soit <strong>en</strong> cours, soit <strong>en</strong> fin d’exploitation ». Article 6 alinéa 2 du CGI camerounais, et 6 du<br />

CGI ivoiri<strong>en</strong>, tel que modifié par les articles 16 et 17 de l’ordonnance n°2000-252 du 28 mars 2000.<br />

6


ceux achetés à <strong>des</strong> tiers 20 ». Autrem<strong>en</strong>t dit, une telle comptabilisation violerait la fiabilité <strong>des</strong> états<br />

financiers de l’<strong>en</strong>treprise, et serait contraire au droit communautaire d’une part.<br />

D’autre part, il n’est pas nécessaire de comptabiliser à l’anci<strong>en</strong>ne valeur vénale le bi<strong>en</strong> acquis à<br />

une valeur marchande quelconque pour assurer la neutralité fiscale d’une telle opération. Il suffit<br />

d’exiger comme règle fiscale particulière que les amortissem<strong>en</strong>ts (fiscaux et non comptables) du bi<strong>en</strong><br />

<strong>en</strong> question soi<strong>en</strong>t effectués <strong>en</strong> fonction de l’anci<strong>en</strong>ne valeur, et non la comptabilisation du bi<strong>en</strong> luimême.<br />

Autrem<strong>en</strong>t dit, l’amortissem<strong>en</strong>t comptable sera bel et bi<strong>en</strong> effectué sur la base du coût<br />

d’acquisition, tandis que la quote-part d’amortissem<strong>en</strong>t <strong>relative</strong> à la plus value constituée sera<br />

réintégrée dans la liasse fiscale (Tableau de détermination du résultat fiscal).<br />

S’agissant maint<strong>en</strong>ant de l’appréciation économique d’un tel avantage, elle dévoile une<br />

acception naïve de l’association et <strong>des</strong> intérêts <strong>des</strong> parties. Lorsqu’une société v<strong>en</strong>d une immobilisation<br />

à une autre faisant partie de la même association qu’elle, leur intérêt commun à la bonne marche de ce<br />

consortium 21 peut être témoigné par une cession à la valeur vénale dudit bi<strong>en</strong>, ce qui évacue du coup<br />

la question de l’imposition de la plus-value. En revanche, admettre la possibilité d’une majoration<br />

d’une marge dans la valeur nette comptable du bi<strong>en</strong> cédé, mais prévoir une exonération de l’imposition<br />

de la plus-value ainsi dégagée, est contradictoire et inutile. Si les parties se distanc<strong>en</strong>t<br />

économiquem<strong>en</strong>t par l’admission <strong>en</strong> interne (dans l’association) de telles opérations<br />

commerciales, l’Etat n’a pas à rougir de devoir taxer le profit ainsi dégagé dans les conditions de<br />

droit commun.<br />

Enfin, interdire à la société cessionnaire la récupération intégrale de sa dép<strong>en</strong>se par le<br />

mécanisme légal <strong>des</strong> amortissem<strong>en</strong>ts, c’est favoriser finalem<strong>en</strong>t le cédant et défavoriser le cessionnaire,<br />

alors qu’il s’agirait de procéder inversem<strong>en</strong>t. L’étude de l’édiction <strong>des</strong> règles concernant les charges<br />

déductibles confirme une logique d’autonomie qui dans ce cas, compte t<strong>en</strong>u de la réformation du<br />

dispositif de droit commun, est <strong>en</strong> général préjudiciable soit aux Etats, soit aux parties.<br />

II- Les conditions de déductibilité <strong>des</strong> charges : une édiction illusoirem<strong>en</strong>t optimale<br />

Dans une imitation évid<strong>en</strong>te de la structuration <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>des</strong> Impôts, les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong><br />

camerounais et ivoiri<strong>en</strong>s comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t par énoncer le principe général suivant lequel : « le bénéfice net<br />

est établi après déduction de toutes les charges supportées pour les besoins <strong>des</strong> Opérations<br />

Pétrolières 22 ». Dans un souci de précision par rapport à certaines charges précises, et non<br />

d’exhaustivité 23 , les deux Co<strong>des</strong> énonc<strong>en</strong>t alors un certain nombre de charges, qui relèv<strong>en</strong>t tantôt d’une<br />

appropriation-réformation a minima (A), tantôt d’une appropriation – réformation inutilisable (B).<br />

A-Les charges faisant l’objet d’une appropriation-réformation a minima<br />

Dans un wording quasi similaire, les deux Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> énonc<strong>en</strong>t deux types de charges sans<br />

aucune spécificité par rapport aux charges de droit commun dans leur nature, mais dont l’appropriation<br />

par le législateur pétrolier débouche <strong>en</strong> général sur une édiction <strong>en</strong>-deçà <strong>des</strong> termes de droit commun.<br />

20<br />

Article 36 de l’AUOHC.<br />

21<br />

Notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vertu du jus fraternitatis qui le caractérise. Lire Ch<strong>en</strong>ut (C.-H.), Le contrat de consortium, Paris L.G.D.J.<br />

2003, n°50, page 35.<br />

22<br />

Articles 95 et 72 <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> camerounais et ivoiri<strong>en</strong><br />

23<br />

Les deux Co<strong>des</strong> dis<strong>en</strong>t alors que « Celles-ci (les charges déductibles) compr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>t… ».<br />

7


1- Le domaine circonscrit <strong>des</strong> charges régies par les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong><br />

A l’analyse, très peu de charges sont expressém<strong>en</strong>t régies par les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> camerounais<br />

et ivoiri<strong>en</strong>. Il s’agit uniquem<strong>en</strong>t :<br />

- <strong>des</strong> pertes de matériels ou de bi<strong>en</strong> résultant de <strong>des</strong>tructions ou de dommages, les bi<strong>en</strong>s auxquels il sera<br />

r<strong>en</strong>oncé ou qui seront abandonnés <strong>en</strong> cours d’année, les créances irrécouvrables et les indemnités<br />

versées aux tiers à titre de dommages 24 ;<br />

-<strong>des</strong> provisions raisonnables constituées <strong>en</strong> vue de faire face à <strong>des</strong> pertes ou charges nettem<strong>en</strong>t<br />

précisées et que <strong>des</strong> événem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> cours r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t probables 25 .<br />

Le reste de charges intégrées dans ces Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> font l’objet d’une « contractualisation »<br />

<strong>en</strong>tre les parties quant à ce qui est de leurs conditions de déductibilité, ce qui souligne l’intérêt de<br />

l’analyse de celles sus-évoquées se voulant impératives.<br />

2- La portée délétère de cette appropriation<br />

A la différ<strong>en</strong>ce de l’énoncé <strong>des</strong> produits sus–évoqués, l’appropriation de certaines règles<br />

concernant les conditions de déductibilité <strong>des</strong> charges par le législateur pétrolier ne se fait pas sans<br />

conséqu<strong>en</strong>ce.<br />

Pour certaines d’<strong>en</strong>tre elles, il édicte <strong>des</strong> conditions de déductibilité moins restrictives qu’<strong>en</strong><br />

droit commun, alors même que ce n’était manifestem<strong>en</strong>t pas son int<strong>en</strong>tion. Ainsi par exemple <strong>en</strong> ce qui<br />

concerne les conditions de déductibilité <strong>des</strong> provisions <strong>en</strong> <strong>matière</strong> de fiscalité pétrolière ivoiri<strong>en</strong>ne,<br />

elles sont <strong>en</strong>-deçà du droit commun 26 . Il s’agit d’une rédaction très laconique, voire simpliste. Aucun<br />

<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t formel n’est édicté, alors que le dispositif comptable et fiscal de droit commun est plus<br />

étoffé 27 .<br />

24<br />

Article 72 alinéa 4 du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong>. Le Code Camerounais parle de « pertes de matériels ou de bi<strong>en</strong>s résultant<br />

de <strong>des</strong>tructions ou d’avaries, les bi<strong>en</strong>s auxquels il est r<strong>en</strong>oncé ou qui sont mis au rebut <strong>en</strong> cours d’année, les créances<br />

irrécouvrables et les indemnités versées aux tiers à titre de dommages » (article 95 alinéa d)<br />

25<br />

Article 72 alinéa 6 du Code Pétrolier Ivoiri<strong>en</strong>. Au Cameroun, le législateur ajoute « <strong>en</strong> particulier la provision pour<br />

l’abandon <strong>des</strong> gisem<strong>en</strong>ts, constituée conformém<strong>en</strong>t à la réglem<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> vigueur et au Contrat Pétrolier ».<br />

(Article 95 alinéa f).<br />

26<br />

L’article 6, III, E du CGI ivoiri<strong>en</strong>, tel que modifié par la loi n°81-150 du 27 février 1981, an.fiscale (article 14), dispose<br />

comme charge déductible : « Les provisions constituées <strong>en</strong> vue de faire face à <strong>des</strong> pertes ou charges nettem<strong>en</strong>t précisées et<br />

que les évènem<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> cours r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t probables, à condition qu’elles ai<strong>en</strong>t été effectivem<strong>en</strong>t constatées dans les écritures<br />

de l’exercice et figurant au relevé <strong>des</strong> provisions prévu à l’article 17 ci-après ».<br />

27<br />

La Côte d’Ivoire a signé le traité OHADA le 17 Octobre 1993, et l’a ratifié assez tôt (le 29 septembre 1995), dont elle a<br />

déposé les instrum<strong>en</strong>ts le 13 décembre 1996. Or, l’Acte Uniforme portant organisation et harmonisation <strong>des</strong> comptabilités<br />

<strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises, a été adopté le 23 mars 2000, et publié au journal officiel de l’OHADA n°10 du 20 novembre 2000. Il est<br />

donc opposable à la République de Côte d’Ivoire depuis le 30 décembre 2001, et <strong>en</strong>tré <strong>en</strong> vigueur dès mars 2001,<br />

conformém<strong>en</strong>t aux mécanismes d’<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> vigueur <strong>des</strong> Actes uniformes OHADA. En vertu de cet acte uniforme, les<br />

<strong>en</strong>treprises sont t<strong>en</strong>ues de procéder au provisionnem<strong>en</strong>t comptable de toutes les charges ou pertes nettem<strong>en</strong>t précisées quant<br />

à leur objet, que <strong>des</strong> évènem<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us <strong>en</strong> cours r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t seulem<strong>en</strong>t probables, au passif du bilan dans les dettes<br />

financières. En vertu du principe de primauté du fait comptable, de nombreuses législations ainsi que la jurisprud<strong>en</strong>ce<br />

8


De même, les conditions de déductibilité fiscale <strong>des</strong> créances irrécouvrables ont été alignées <strong>en</strong><br />

droit fiscal camerounais aux conditions communautaires. Depuis la loi n°2007/005 du 26 décembre<br />

2007 portant loi de finances <strong>en</strong> République du Cameroun pour l’exercice 2008, les créances<br />

commerciales ne sont passées <strong>en</strong> charges déductibles que si le créancier apporte la preuve que<br />

l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> voies et moy<strong>en</strong>s de recouvrem<strong>en</strong>t amiable ou forcé prévus par l’Acte Uniforme<br />

OHADA portant organisation <strong>des</strong> procédures simplifiées de recouvrem<strong>en</strong>t et <strong>des</strong> voies d’exécution<br />

( AUPSRVE) ont été vainem<strong>en</strong>t mises <strong>en</strong> œuvre 28 .<br />

Concrètem<strong>en</strong>t, le législateur introduit <strong>des</strong> conditions objectives de droit à déductibilité fiscale,<br />

constituées par la mise <strong>en</strong> demeure <strong>en</strong> bonne et due forme, la saisie <strong>des</strong> bi<strong>en</strong>s ou le cas échéant, un<br />

procès verbal de car<strong>en</strong>ce, la v<strong>en</strong>te <strong>des</strong> bi<strong>en</strong>s, sans que cette v<strong>en</strong>te ne permette de réaliser la créance 29 .<br />

Ainsi, « lorsque les conditions ci-<strong>des</strong>sus ne sont pas respectées, les services procèd<strong>en</strong>t aux<br />

réintégrations nécessaires de toutes les créances passées <strong>en</strong> charges dont les preuves<br />

d’irrécouvrabilité ne sont pas fournies » 30 .<br />

Même si l’antériorité du Code Pétrolier camerounais ( 1999 ) par rapport à cette règle désormais<br />

fiscale (depuis 2008) seulem<strong>en</strong>t justifie une impossible parité <strong>en</strong>tre les deux dispositifs<br />

( de droit commun et du Code Pétrolier), il n’<strong>en</strong> demeure pas moins un antagonisme <strong>en</strong>tre deux normes,<br />

surtout que l’Administration fiscale, dans chacun de ces deux pays, peut fonder une telle réintégration<br />

à partir <strong>des</strong> dispositions OHADA uniquem<strong>en</strong>t, dont l’effet immédiatem<strong>en</strong>t abrogatoire a été plusieurs<br />

fois réaffirmé par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA 31 .<br />

B- Les charges faisant l’objet d’une complexification <strong>des</strong> conditions de déductibilité<br />

administrative exig<strong>en</strong>t une comptabilisation effective de la provision pour sa déductibilité fiscale (CE, 14 mars 1979,<br />

n°7360 : RJF 5/1979, n°272.- Doc.adm.4<br />

9<br />

E 121, n°4, 26 nov.1996 cités par Oud<strong>en</strong>ot (P.), op.cit .page 324).<br />

28<br />

Article 7 alinéa C nouveau du CGI camerounais. Il convi<strong>en</strong>t de préciser que l’AUPSRVE a été adopté au Gabon<br />

(Libreville) le 10 avril 1998, est <strong>en</strong>tré <strong>en</strong> vigueur 90 jours plus tard, soit le 10 juillet 1998, conformém<strong>en</strong>t à l’article 9 du<br />

Traité OHADA.<br />

29<br />

Circulaire n°0002/MINDI/DGI/LC/L du 11 janvier 2008 portant modalités d’application <strong>des</strong> dispositions fiscales de la loi<br />

n°2007/005 du 26 décembre 2007 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2008, page 3.<br />

30<br />

Ibidem.<br />

31<br />

Les juges ont notamm<strong>en</strong>t pu dire que « le droit fiscal ne fait pas partie à ce jour <strong>des</strong> <strong>matière</strong>s r<strong>en</strong>trant dans le domaine du<br />

droit <strong>des</strong> affaires harmonisé tel que défini par l’article 2 du Traité relatif à l’harmonisation du Droit <strong>des</strong> Affaires <strong>en</strong><br />

Afrique. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d’<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> vigueur de l’Acte Uniforme concerné<br />

mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> œuvre <strong>des</strong> mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrem<strong>en</strong>t déterminées par<br />

ledit Acte Uniforme, ces procédures fiscales doiv<strong>en</strong>t se conformer aux dispositions de celui-ci. » (Avis n°001/2001/EP<br />

Séance du 30 avril 2001, cité par Félix Onana Etoundi, La problématique de l’unification de la jurisprud<strong>en</strong>ce par la Cour<br />

Commune de Justice et d’arbitrage, collection « Pratique et cont<strong>en</strong>tieux du Droit Communautaire », Editions Droit au<br />

service du développem<strong>en</strong>t, février 2008, page 188). On ne voit pas comm<strong>en</strong>t ce qui est imposé à une administration fiscale<br />

ne le serait pas une <strong>en</strong>treprise dans le cadre du traitem<strong>en</strong>t de ses créances irrécouvrables d’une part. D’autre part,<br />

l’antériorité <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> par rapport à l’<strong>en</strong>trée <strong>en</strong> vigueur de l’AUPSRVE n’est pas décisive, dans la mesure où de<br />

façon constante, les juges énonc<strong>en</strong>t que « les Actes uniformes sont directem<strong>en</strong>t applicables et obligatoires dans les Etats<br />

parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure » ( Avis n°001/2001/EP du 30 avril<br />

2001, sur demande de la République de Côte d’Ivoire/99 ; arrêt n°21/2002 du 26 décembre 2002, Aff. Sté MOBIL OIL Côte<br />

d’Ivoire c/ SOUMAHORO MAMADOU, cités par ONANA ETOUNDI (F.) et MBOCK BIUMLA (J.-M.), Cinq ans de<br />

Jurisprud<strong>en</strong>ce comm<strong>en</strong>tée de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, Presses de l’AMA, 1ère édition-<br />

2005, page 131).


Il s’agit ici <strong>des</strong> charges dont les conditions de déductibilité sont contrôlées <strong>en</strong> vue d’éviter <strong>des</strong><br />

prix de transferts, mais pour lesquelles malheureusem<strong>en</strong>t le législateur a davantage compliqué que<br />

simplifié la tâche soit aux Administrations fiscales, soit aux <strong>en</strong>treprises pétrolières.<br />

1- Le périmètre <strong>des</strong> charges concernées<br />

a- Les charges constitutives de frais généraux<br />

Il s’agit dans un premier temps <strong>des</strong> coûts <strong>des</strong> fournitures, du personnel et <strong>des</strong> prestations de<br />

services fournis par <strong>des</strong> sociétés affiliées aux titulaires <strong>des</strong> contrats pétroliers, qui ne doiv<strong>en</strong>t pas<br />

excéder ceux qui serai<strong>en</strong>t normalem<strong>en</strong>t facturés dans <strong>des</strong> conditions de pleine concurr<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre un<br />

acheteur et un v<strong>en</strong>deur indép<strong>en</strong>dants pour <strong>des</strong> fournitures ou prestations de services similaires 32 .<br />

Le Code Pétrolier camerounais ajoute alors que « seul est déductible, le montant justifiable <strong>des</strong><br />

rémunérations versées au personnel employé à l’étranger par le Titulaire ou l’une quelconque de ses<br />

sociétés affiliées, dans la mesure où ce personnel est affecté aux Opérations Pétrolières conduites par<br />

le Titulaire sur le Territoire Camerounais 33 ».<br />

Enfin les législations pétrolières camerounaise et ivoiri<strong>en</strong>ne édict<strong>en</strong>t <strong>des</strong> règles spécifiques <strong>en</strong> ce<br />

qui concerne les conditions de déductibilité <strong>des</strong> intérêts, qui mérit<strong>en</strong>t un pesant d’att<strong>en</strong>tion particulier.<br />

b- Le cas particulier <strong>des</strong> charges financières<br />

Dans un second mouvem<strong>en</strong>t, ces co<strong>des</strong> invoqu<strong>en</strong>t le régime du traitem<strong>en</strong>t fiscal <strong>des</strong> intérêts,<br />

id<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t aménagé par les législations camerounaise et ivoiri<strong>en</strong>ne. Il est ainsi admis <strong>en</strong> charges<br />

déductibles « les intérêts <strong>des</strong> capitaux mis par <strong>des</strong> tiers à la disposition du Titulaire pour <strong>des</strong> besoins<br />

<strong>des</strong> Opérations Pétrolières de développem<strong>en</strong>t de gisem<strong>en</strong>ts et de Transport <strong>des</strong> Hydrocarbures, dans la<br />

mesure où ils n’excèd<strong>en</strong>t pas les taux normaux <strong>en</strong> usage sur les marchés financiers internationaux pour<br />

<strong>des</strong> prêts de nature similaire ».<br />

Les co<strong>des</strong> dispos<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t après que « sont égalem<strong>en</strong>t concernés, les intérêts servis<br />

aux associés ou à <strong>des</strong> sociétés affiliées à raison <strong>des</strong> sommes qu’ils mett<strong>en</strong>t à la disposition du Titulaire<br />

<strong>en</strong> sus de leur part de capital, à condition que ces sommes soi<strong>en</strong>t affectées à la couverture d’une quotepart<br />

raisonnable <strong>des</strong> investissem<strong>en</strong>ts de développem<strong>en</strong>t de gisem<strong>en</strong>ts d’Hydrocarbures et de Transport<br />

de leur production sur le Territoire Camerounais, et que les taux d’intérêts n’excèd<strong>en</strong>t pas ceux<br />

m<strong>en</strong>tionnés au paragraphe précéd<strong>en</strong>t 34 ».<br />

2-La nature de la complexité introduite<br />

a- Des conditions de déductibilité <strong>des</strong> frais généraux soit similaires, soit <strong>en</strong> deçà du droit<br />

commun<br />

32 Article 72, alinéa 1, a du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong>.<br />

33 Article 95 alinéa a du Code Pétrolier camerounais.<br />

34 Articles 95 alinéa c du Code Pétrolier camerounais, et 72 alinéa 3 du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong><br />

10


S’agissant <strong>des</strong> frais généraux dont les conditions de déductibilité sont restrictives dans un but de<br />

contrôle de prix de transfert, il s’avère d’une part que l’une <strong>des</strong> conditions ess<strong>en</strong>tielles de déductibilité<br />

fiscale <strong>des</strong> charges, figurant déjà dans le dispositif de droit commun, est que celle-ci doit avoir un li<strong>en</strong><br />

direct avec l’exploitation 35 . Cela correspond parfaitem<strong>en</strong>t à la condition de li<strong>en</strong> direct avec les<br />

opérations pétrolières exigée par les législateurs pétroliers camerounais et ivoiri<strong>en</strong>.<br />

Qui plus est <strong>en</strong> ce qui concerne les charges de personnel, les deux législations de droit commun<br />

pos<strong>en</strong>t déjà le principe suivant lequel « les rémunérations allouées à un salarié ne sont admises <strong>en</strong><br />

déduction <strong>des</strong> résultats que dans la mesure où n’étant pas excessives par rapport au service r<strong>en</strong>du,<br />

elles correspond<strong>en</strong>t à un travail effectif et sont conformes aux normes conv<strong>en</strong>tionnelles 36 ».<br />

Il s’agit là alors d’une intégration dans la législation pétrolière parfaitem<strong>en</strong>t neutre par rapport à<br />

ce qui est déjà consigné dans le droit commun.<br />

Enfin <strong>en</strong> ce qui concerne le contrôle <strong>des</strong> prix de transfert <strong>en</strong>tre sociétés affiliées, par rapport<br />

auquel est introduite la méthode du prix comparable sur le marché libre (« CUP ») 37 , elle exige <strong>en</strong><br />

réalité un canevas administratif sans lequel elle est difficilem<strong>en</strong>t applicable. Une telle règle pour<br />

méritoire qu’elle peut être, devait être complétée par l’obligation par les Etats de fixer un cadre<br />

réglem<strong>en</strong>taire d’application sans lequel ce principe demeure une simple pétition 38 .<br />

b-Des conditions de déductibilité <strong>des</strong> intérêts soit limités dans leur nature, soit iniques dans leur nature<br />

En droit fiscal, les intérêts sont <strong>des</strong> charges déductibles, pour peu qu’ils respect<strong>en</strong>t les<br />

conditions générales de déductibilité <strong>des</strong> charges d’exploitation 39 . En l’occurr<strong>en</strong>ce, il faudrait juste que<br />

l’emprunt ait été contracté pour les besoins de l’<strong>en</strong>treprise 40 .<br />

Or les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> camerounais et ivoiri<strong>en</strong> introduis<strong>en</strong>t un double corset qui complexifie<br />

les mécanismes de déductibilité <strong>des</strong> intérêts :<br />

i. La (double) limite quant à la nature <strong>des</strong> intérêts fiscalem<strong>en</strong>t déductibles<br />

35<br />

Le CGI camerounais est plus précis que son homologue ivoiri<strong>en</strong>, dans la mesure où <strong>en</strong> Côte d’Ivoire il est simplem<strong>en</strong>t<br />

affirmé que « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges » (article 6.III du CGI), alors qu’au Cameroun il<br />

est dit que « le bénéfice net imposable est établi sous déduction de toutes charges nécessitées directem<strong>en</strong>t par l’exercice de<br />

l’activité imposable au Cameroun » (article 7 du CGI).<br />

36<br />

Article 7, A, 1, a du CGI camerounais. Le libellé ivoiri<strong>en</strong> est différ<strong>en</strong>t mais garde le même principe, <strong>en</strong> édictant que « les<br />

rémunérations ne sont admises <strong>en</strong> déduction que dans la mesure où elles correspond<strong>en</strong>t à un travail effectif et ne sont pas<br />

excessives eu égard à l’importance du service r<strong>en</strong>du. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou<br />

indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages <strong>en</strong> nature et remboursem<strong>en</strong>t de frais ».(article 6, III, A1).<br />

37<br />

Ou comparable uncontrolled price method <strong>en</strong> anglais « La méthode du prix comparable sur le marché libre consiste à<br />

opérer une comparaison directe du prix de transfert avec le prix pratiqué par <strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises indép<strong>en</strong>dantes, dites<br />

<strong>en</strong>treprises référ<strong>en</strong>tes, pour <strong>des</strong> transactions similaires situées dans <strong>des</strong> conditions économiques s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t analogues à<br />

celles de l’<strong>en</strong>treprise dont les prix de transfert sont analysés ». (Douvier (P.-J.), Gibert (B.), Gelin (S.), Le Boulanger (A.),<br />

Prix de transfert , collection Dossiers pratiques Francis Lefebvre, Editions Francis Lefebvre 2008, page 68)<br />

38<br />

Lire Najib Gharbi, Le contrôle fiscal <strong>des</strong> prix de transfert, thèse Université de Paris 13, l’Harmattan 2005, pages 146 à<br />

165. Il existe par exemple <strong>des</strong> Gui<strong>des</strong> relatifs exclusivem<strong>en</strong>t au contrôle <strong>des</strong> prix de transfert dans l’administration fiscale<br />

française. Au Cameroun, un canevas similaire a été introduit par le législateur de droit commun, par l’insertion de l’article L<br />

19 bis dans le dispositif de droit commun. (Voir la circulaire n°0004/MINEFI/DGI/LC/L précisant les modalités<br />

d’application <strong>des</strong> dispositions fiscales de la loi <strong>des</strong> finances pour l’exercice 2007, page 12.<br />

39<br />

Voir Mobibo Touré, Le traitem<strong>en</strong>t fiscal <strong>des</strong> charges financières de l’<strong>en</strong>treprise, Thèse Paris II, L.G.D.J. 1994, p.59<br />

40<br />

Voir Oud<strong>en</strong>ot (P.), Fiscalité approfondie <strong>des</strong> sociétés, op.cit., page 302<br />

11


i.a. Une limite négative : la non déductibilité <strong>des</strong> intérêts courus <strong>en</strong> phase d’exploration<br />

Les législations camerounaise et ivoiri<strong>en</strong>ne introduis<strong>en</strong>t une sélection <strong>des</strong> intérêts fiscalem<strong>en</strong>t<br />

déductibles <strong>en</strong> fonction de l’évolution <strong>des</strong> opérations pétrolières : les intérêts (et agios) doiv<strong>en</strong>t être<br />

consécutifs à <strong>des</strong> emprunts faits « pour <strong>des</strong> besoins <strong>des</strong> Opérations Pétrolières de développem<strong>en</strong>t de<br />

gisem<strong>en</strong>ts et de Transport <strong>des</strong> Hydrocarbures ». Autrem<strong>en</strong>t dit, ceux concernant l’exploration et la<br />

production ne sont-ils pas déductibles 41<br />

L’affirmative doit être faite <strong>en</strong> ce qui concerne les intérêts de capitaux <strong>en</strong> phase<br />

d’exploration 42 : ils doiv<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> vertu de cette disposition, et par un raisonnem<strong>en</strong>t a contrario, être<br />

incorporés dans le coût <strong>des</strong> immobilisations, et amortis au rythme de ces dernières. Autrem<strong>en</strong>t dit,<br />

l’<strong>en</strong>treprise a l’obligation d’ « activer » les intérêts courus <strong>des</strong> emprunts contractés <strong>en</strong> phase<br />

d’exploration.<br />

Il s’agit là d’une contrainte dans la mesure où <strong>en</strong> droit comptable communautaire, l’option<br />

d’une telle comptabilisation est laissée au choix de l’<strong>en</strong>treprise 43 .<br />

i.b. Une limite positive : la déductibilité <strong>des</strong> intérêts capitalisés <strong>en</strong> phase de développem<strong>en</strong>t<br />

Quel est <strong>en</strong> revanche le traitem<strong>en</strong>t fiscal applicable à <strong>des</strong> intérêts courus sur acquisition d’une<br />

immobilisation, mais <strong>en</strong> phase de développem<strong>en</strong>t ? Il convi<strong>en</strong>t de rappeler que les coûts de<br />

développem<strong>en</strong>t sont constitués de l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> coûts recouvrant <strong>en</strong> général le forage <strong>des</strong> puits de<br />

production (et s’il y a lieu les puits d’injection), la réalisation <strong>des</strong> installations de surface (réseaux de<br />

collecte, unités de séparation et de traitem<strong>en</strong>t, réservoirs de stockage, unités de pompage et de<br />

comptage), et la réalisation <strong>des</strong> installations de transport (pipeline, terminaux de chargem<strong>en</strong>t) 44 .<br />

En vertu <strong>des</strong> dispositions du droit comptable OHADA sus évoquées, l’option est laissée à<br />

l’<strong>en</strong>treprise sur l’activation ou non de ceux-ci. Dans l’hypothèse d’une activation de ces intérêts 45 ,<br />

l’<strong>en</strong>treprise procèderait à l’amortissem<strong>en</strong>t comptable du bi<strong>en</strong> suivant sa valeur d’acquisition, dont font<br />

41<br />

L’activité de développem<strong>en</strong>t n’est curieusem<strong>en</strong>t pas définie dans les deux Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong>, et n’est évoquée que dans le<br />

cadre de la définition <strong>des</strong> activités d’exploitation, <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dues comme « opérations <strong>des</strong>tinées à extraire les hydrocarbures à<br />

<strong>des</strong> fins commerciales, notamm<strong>en</strong>t les opérations de développem<strong>en</strong>t et de production… » (Article 1<br />

12<br />

er alinéa j <strong>des</strong> deux<br />

Co<strong>des</strong>). Par contre l’activité de Transport est <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due comme étant constituée par les « activités de transport par<br />

canalisations <strong>des</strong> hydrocarbures extraits jusqu’aux points de chargem<strong>en</strong>t, ou de grosse consommation <strong>en</strong> république de<br />

Côte d’Ivoire, hormis les réseaux de collecte et de <strong>des</strong>serte sur les gisem<strong>en</strong>ts… » (Article 1 er alinéa k du Code ivoiri<strong>en</strong>, et<br />

article 1 er alinéa t du code Camerounais).<br />

42<br />

Ou « recherche », il s’agit <strong>des</strong> « activités de reconnaissance détaillée ainsi que les forages de recherche <strong>des</strong>tinés à<br />

découvrir <strong>des</strong> gisem<strong>en</strong>ts d’hydrocarbures économiquem<strong>en</strong>t exploitables, y compris les activités d’évaluation et de<br />

délimitation d’une découverte d’hydrocarbures présumée commerciale » (article 1 er alinéa g). Elles sont effectuées avant la<br />

découverte du gisem<strong>en</strong>t, et recouvr<strong>en</strong>t la géophysique sismique, l’interprétation géologique et géophysique, les forages<br />

d’exploration y compris les tests de puits.<br />

43<br />

« Lorsque l’<strong>en</strong>treprise considère comme frais à immobiliser les intérêts intercalaires dus sur la période de construction<br />

d’une immobilisation, ces intérêts sont d’abord comptabilisés au débit du compte 67-frais financiers, puis transférés au<br />

débit du compte d’immobilisation concerné par le crédit du compte 72- Production immobilisée » ( Droit comptable et<br />

système comptable OHADA, journal officiel N°10, 20 novembre 2000, page 170.<br />

44<br />

Voir Recherche et Production du pétrole et du Gaz, op.cit., page 315<br />

45<br />

Suivant l’article 37 de l’Acte Uniforme portant droit comptable OHADA, « le coût réel d’acquisition d’un bi<strong>en</strong> est formé<br />

du prix d’achat définitif, <strong>des</strong> charges accessoires rattachables directem<strong>en</strong>t à l’opération d’achat et <strong>des</strong> charges<br />

d’installation qui sont nécessaires pour mettre le bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> état d’utilisation ».


partie les intérêts 46 . Toutefois, sur le plan fiscal, la quote part d’amortissem<strong>en</strong>t liquidée sur ceux-ci<br />

peut être rejetée par les ag<strong>en</strong>ts du fisc à titre d’amortissem<strong>en</strong>ts non déductibles. Dans le même temps, le<br />

droit à déduction intégrale de la charge d’intérêts serait perdu, <strong>en</strong> vertu du principe de la spécialité <strong>des</strong><br />

exercices 47 .<br />

Dès lors, les deux Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> prévoyant la déductibilité immédiate <strong>des</strong> intérêts <strong>en</strong> phase de<br />

développem<strong>en</strong>t, indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de l’incorporation possible de ceux-ci dans la valeur du bi<strong>en</strong><br />

immobilisé, l’<strong>en</strong>treprise est alors t<strong>en</strong>ue de procéder chronologiquem<strong>en</strong>t aux traitem<strong>en</strong>ts suivants<br />

- activer les intérêts capitalisables dans la valeur de l’immobilisation acquise, et amortir ainsi<br />

comptablem<strong>en</strong>t cette valeur au taux d’amortissem<strong>en</strong>t de cette dernière.<br />

-Réintégrer extracomptablem<strong>en</strong>t la quote part d’amortissem<strong>en</strong>t liquidée sur les intérêts incorporés dans<br />

la valeur de l’immobilisation ;<br />

-Déduire <strong>des</strong> résultats fiscaux de l’exercice au cours duquel ont couru les intérêts 48 .<br />

Ce retraitem<strong>en</strong>t extracomptable concilie à la fois le traitem<strong>en</strong>t comptable choisi par l’<strong>en</strong>treprise<br />

d’une part, et l’application <strong>des</strong> dispositions fiscales <strong>relative</strong>s aux intérêts contractés <strong>en</strong> phase de<br />

développem<strong>en</strong>t d’autre part 49 .<br />

Enfin, il convi<strong>en</strong>t de se demander le sort fiscal <strong>des</strong> intérêts contractés <strong>en</strong> phase de production,<br />

phase ultime de la phase d’exploitation. Si ce volet de l’activité pétrolière n’est pas explicitem<strong>en</strong>t cité<br />

dans le traitem<strong>en</strong>t fiscal <strong>des</strong> intérêts, nous p<strong>en</strong>sons qu’<strong>en</strong> considération de ce qu’elle constitue l’autre<br />

pan <strong>des</strong> activités d’exploitation 50 , les intérêts contractés p<strong>en</strong>dant cette phase doiv<strong>en</strong>t être traités de la<br />

même manière que ceux courus <strong>en</strong> phase de développem<strong>en</strong>t.<br />

ii. La limite quant au taux <strong>des</strong> intérêts appliqué<br />

Plus substantiellem<strong>en</strong>t préjudiciable aux intérêts <strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises pétrolières au Cameroun et <strong>en</strong><br />

Côte d’Ivoire, est le plafonnem<strong>en</strong>t de déductibilité constitué par « les taux normaux <strong>en</strong> usage sur les<br />

marchés internationaux pour <strong>des</strong> prêts de nature similaire ». Autrem<strong>en</strong>t dit, l’investisseur pétrolier<br />

camerounais et ivoiri<strong>en</strong> doit toujours être capable de démontrer que la charge financière comptabilisée<br />

est conforme à ce qui est pratiquée à l’échelle internationale, au regard de la nature du prêt contracté.<br />

Cette contrainte est égalem<strong>en</strong>t ret<strong>en</strong>ue dans l’hypothèse où le prêteur ne serait pas un tiers, mais<br />

<strong>des</strong> associés ou sociétés affiliées à raison <strong>des</strong> sommes qu’ils mett<strong>en</strong>t à la disposition de l’<strong>en</strong>treprise <strong>en</strong><br />

46<br />

En vertu de l’article 45 de l’Acte Uniforme portant droit comptable OHADA, « l’amortissem<strong>en</strong>t est la constatation<br />

comptable obligatoire de l’amoindrissem<strong>en</strong>t de la valeur <strong>des</strong> immobilisations qui se dépréci<strong>en</strong>t de façon certaine et<br />

irréversible avec le temps, l’usage, ou <strong>en</strong> raison du changem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> techniques, de l’évolution <strong>des</strong> marchés ou de toute<br />

autre cause. Il consiste pour l’<strong>en</strong>treprise à répartir le coût du bi<strong>en</strong> sur sa durée probable d’utilisation… ».<br />

47<br />

L’article 59 de l’Acte Uniforme portant droit comptable OHADA dispose clairem<strong>en</strong>t que « le résultat de chaque exercice<br />

est indép<strong>en</strong>dant de celui qui le précède et de celui qui le suit ; pour sa détermination, il convi<strong>en</strong>t de lui rattacher et de lui<br />

imputer tous les évènem<strong>en</strong>ts et toutes les opérations qui lui sont propres et ceux-là seulem<strong>en</strong>t ».<br />

48<br />

Les intérêts courus sont ceux qui ont été « gagnés » depuis la précéd<strong>en</strong>te échéance, et sont acquis au jour le jour.<br />

Confer Lassègue (P.), Lexique de comptabilité, Dunod 6<br />

13<br />

ème Editions 2007, page 418<br />

49<br />

Pour la différ<strong>en</strong>ce de traitem<strong>en</strong>t fiscal et comptable <strong>des</strong> intérêts incorporés dans les stocks <strong>en</strong> France, voir Oud<strong>en</strong>ot (P.),<br />

op.cit.page 307<br />

50<br />

Les activités d’exploitation sont <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dues comme les « opérations <strong>des</strong>tinées à extraire les hydrocarbures à <strong>des</strong> fins<br />

commerciales, notamm<strong>en</strong>t les opérations de développem<strong>en</strong>t et de production… » (Article 1 er alinéa j).


sus de leur part de capital 51 . Or cette limite du montant déductible, calculée <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce aux taux <strong>en</strong><br />

usage sur les marchés internationaux, est nécessairem<strong>en</strong>t plus restrictive que les taux admis dans les<br />

activités de droit commun. En effet, les taux directeurs de la Banque C<strong>en</strong>trale Europé<strong>en</strong>ne (BCE) par<br />

exemple, principal outil dont dispose la BCE pour influer sur l'octroi de crédits et moduler l'inflation<br />

dans la zone euro, sont largem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> deçà <strong>des</strong> taux directeurs <strong>des</strong> banques c<strong>en</strong>trales africaines.<br />

Les banques qui veul<strong>en</strong>t se refinancer à court terme peuv<strong>en</strong>t le faire <strong>en</strong> payant un intérêt sur la<br />

somme qu'elles emprunt<strong>en</strong>t auprès <strong>des</strong> banques c<strong>en</strong>trales de leurs pays respectifs. Cet intérêt est calculé<br />

d'après le taux <strong>en</strong> cours à la BCE. Si ce taux d'intérêt est fort, les banques vont limiter leur crédit<br />

sachant que le refinancem<strong>en</strong>t leur sera couteux, elles auront le comportem<strong>en</strong>t inverse si ce taux d'intérêt<br />

est faible. Les banques répercut<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite, <strong>en</strong> principe, ce loyer sur les intérêts <strong>des</strong> crédits qu'elles<br />

accord<strong>en</strong>t à leurs propres cli<strong>en</strong>ts. Plus le taux de la BCE est bas, plus le coût du crédit a <strong>des</strong> chances<br />

d'être bon marché ce qui, <strong>en</strong> théorie, favorise la croissance.<br />

A l'inverse, une hausse du taux du crédit permet théoriquem<strong>en</strong>t de ral<strong>en</strong>tir la demande et par<br />

conséqu<strong>en</strong>t d'éviter une surchauffe génératrice d'inflation. Or suivant les étu<strong>des</strong> faites par <strong>des</strong><br />

spécialistes sur la politique du crédit <strong>en</strong> Afrique noire, les taux d’intérêts locaux sont <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne<br />

supérieurs de 3 points <strong>en</strong>viron à ceux de la zone euro par exemple, qui elle-même est supérieure d’un<br />

point au moins au taux directeur de la Grande Bretagne, <strong>des</strong> Etats-Unis et du Japon.<br />

En considération du bonus de 3 points accordé <strong>en</strong> sus du taux directeur de la BCEAO comme<br />

plafond du droit à déduction <strong>en</strong> Afrique de l’ouest par exemple, un investisseur pétrolier <strong>en</strong> Côte<br />

d’Ivoire qui emprunterait dans une banque locale, et non sur les marchés internationaux, pourrait avoir<br />

à réintégrer plus de la moitié de la charge ainsi normalem<strong>en</strong>t due.<br />

Exemple : Liquidation d’une hypothèse d’emprunt local <strong>en</strong> zone BCEAO :<br />

MONTANT DE L'EMPRUNT 5 000 000 000<br />

Taux d'Intérêt annuel BCEAO 5%<br />

Taux d'int.Banq secondaire 7,5%<br />

Charge annuelle réelle 375 000 000<br />

Taux d'escompte <strong>en</strong> GB ou aux USA 2%<br />

Taux d'int.Banq secondaire 2,50%<br />

Charge déductible (plafond) 125 000 000<br />

Charge à réintégrer 250 000 000<br />

Maint<strong>en</strong>ant, il peut se poser la question de savoir pourquoi une <strong>en</strong>treprise susceptible de se<br />

financer sur les marchés internationaux opterait pour un emprunt local. Indép<strong>en</strong>damm<strong>en</strong>t de toute<br />

réponse possible et imaginable, force est de constater qu’un tel dispositif est pénalisant tant pour les<br />

<strong>en</strong>treprises, que pour les banques locales d’ailleurs aussi dont les produits (les prêts) sont forcém<strong>en</strong>t<br />

peu attractifs au regard de leur fiscalité locale auprès <strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises (quote part d’intérêts fiscalem<strong>en</strong>t<br />

non déductibles).<br />

51 Article 72 alinéa 3 du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong> et 95 alinéa c du Code Pétrolier camerounais.<br />

14


En tout état de cause, quand bi<strong>en</strong> même les législateurs camerounais et ivoiri<strong>en</strong> assumerai<strong>en</strong>t<br />

parfaitem<strong>en</strong>t ce dispositif contraignant pour les <strong>en</strong>treprises pétrolières, il demeurerait la difficulté pour<br />

les Administrations fiscales de trouver <strong>des</strong> référ<strong>en</strong>ces précises comme le taux de plafonnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

intérêts payés d’une part, et il convi<strong>en</strong>drait de reconnaître qu’alors que les Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> se veul<strong>en</strong>t<br />

incitatifs, il s’agirait clairem<strong>en</strong>t là d’une mesure quasi-répressive par rapport au droit commun d’autre<br />

part.<br />

CONCLUSION<br />

En conclusion, l’autonomie 52 <strong>des</strong> Co<strong>des</strong> <strong>Pétroliers</strong> camerounais comme source 53 de la fiscalité<br />

pétrolière est contestable. Il se dégage certes <strong>des</strong> dynamiques « autonomistes » et « indép<strong>en</strong>dantistes »<br />

claires <strong>en</strong> <strong>matière</strong> d’impôt sur les sociétés. Mais ces instrum<strong>en</strong>ts normatifs emprunt<strong>en</strong>t <strong>en</strong> réalité <strong>des</strong><br />

dispositifs comptables existant, soit pour les « replacarder » parfaitem<strong>en</strong>t (les produits notamm<strong>en</strong>t), soit<br />

pour les reformer a minima (les créances irrécouvrables, les provisions <strong>en</strong> Côte d’Ivoire), soit <strong>en</strong>fin<br />

pour les réformer dans le s<strong>en</strong>s d’une plus grande complexité et une <strong>relative</strong> pertin<strong>en</strong>ce (traitem<strong>en</strong>t fiscal<br />

<strong>des</strong> intérêts), ce qui introduit un doute sur la logique usitée par le législateur. Dès lors, ces logiques<br />

appropriatives et réformatrices s’appar<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t davantage à <strong>des</strong> sc<strong>en</strong>arii d’auto-assomption normative<br />

sans relief optimal. Additionnées aux nombreuses dispositions prévoyant <strong>des</strong> r<strong>en</strong>vois aux contrats<br />

pétroliers notamm<strong>en</strong>t, ces règles se voulant autonomes et impératives fond<strong>en</strong>t devant le dispositif<br />

flexible aménagé, relevant toutes <strong>des</strong> charges calculées. Ce sont précisém<strong>en</strong>t :<br />

- la fraction raisonnable <strong>des</strong> dép<strong>en</strong>ses administratives du siège social de l’<strong>en</strong>treprise à l’étranger<br />

pouvant être imputée aux opérations pétrolières sur le territoire conformém<strong>en</strong>t au contrat pétrolier 54 .<br />

- les amortissem<strong>en</strong>ts portés <strong>en</strong> comptabilité par l’<strong>en</strong>treprise, dans la limite <strong>des</strong> taux définis dans le<br />

contrat pétrolier, y compris les amortissem<strong>en</strong>ts qui aurai<strong>en</strong>t été différés au cours d’exercices antérieurs<br />

déficitaires 55 . (…).<br />

52<br />

Le mot « Autonomie » possède une origine étymologique grecque. Auto signifie que l’on se donne à soi-même et Nomos<br />

désigne la loi.<br />

53<br />

La notion de source est utilisée ici dans son acception formelle, telle qu’introduite par François Gény, qui nous dit : «<br />

J’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds, par source formelle du droit positif, les injonctions d’autorités, extérieures à l’interprète et ayant qualité pour<br />

commander à son jugem<strong>en</strong>t, quand ces injonctions, compétemm<strong>en</strong>t formées, ont pour objet propre et immédiat la révélation<br />

d’une règle, qui serve à la direction de la vie juridique » ( in Méthode d’interprétation et sources <strong>en</strong> droit privé positif, T.I,<br />

1919, réed.1996, LGDJ n°91).<br />

54<br />

Article 72, alinéa 1, b du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong>, et 95 alinéa b in fine du Code Pétrolier camerounais.<br />

55<br />

Article 95 alinéa b du Code Pétrolier camerounais, et 72 alinéa 2 du Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong>, qui ajoute que « le contrat de<br />

partage de production peut définir <strong>des</strong> modalités particulières d’amortissem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> coûts pétroliers récupérables ».<br />

15


-<strong>en</strong> droit camerounais, <strong>des</strong> provisions pour abandon de gisem<strong>en</strong>ts, constituées pour l’abandon de <strong>des</strong><br />

gisem<strong>en</strong>ts, constituée conformém<strong>en</strong>t à la réglem<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> vigueur et au Contrat Pétrolier 56 .<br />

Cerise sur le gâteau, même « le taux de l’impôt sur les sociétés applicable aux rev<strong>en</strong>us tirés <strong>des</strong><br />

opérations de Recherche et d’Exploitation est fixé par le Contrat Pétrolier 57 » au Cameroun, ce qui<br />

achève de flexibiliser les règles de l’impôt sur les sociétés. Si <strong>en</strong>fin l’on y ajoute toutes les « normes<br />

fiscales administratives 58 » non seulem<strong>en</strong>t inévitables mais indisp<strong>en</strong>sables dans l’<strong>en</strong>trelacs de<br />

dispositions tant éparses que complexes, les Co<strong>des</strong> pétroliers sus étudiés s’avèr<strong>en</strong>t finalem<strong>en</strong>t<br />

davantage être <strong>des</strong> normes d’habilitation 59 , que <strong>des</strong> sources autonomes et impératives <strong>en</strong> <strong>matière</strong> de<br />

droit fiscal, <strong>en</strong> tout cas <strong>en</strong> ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, prélèvem<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral et décisif dans<br />

l’appréciation de la pression fiscale <strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises pétrolières.<br />

56<br />

Article 95 alinéa f du Code Pétrolier camerounais.<br />

57<br />

Article 96 alinéa 1 du Code Pétrolier camerounais. Par contre, le Code Pétrolier ivoiri<strong>en</strong> r<strong>en</strong>voie au Code général <strong>des</strong><br />

impôts <strong>en</strong> ce qui concerne les modalités de calcul et de recouvrem<strong>en</strong>t de l’impôt sur les sociétés (article 73), ce qui <strong>en</strong>traîne<br />

l’applicabilité du taux de droit commun aux <strong>en</strong>treprises pétrolières.<br />

58<br />

Sur cette notion, lire Pelletier (M.), Les normes du droit fiscal, thèse Paris 1, Editions Dalloz, 2008, page 219 à 233.<br />

59<br />

Lire Tusseau (G.), Les normes d’habilitation, thèse Paris 10, Editions Dalloz, 2006<br />

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