Chypre - Musée du Louvre
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Plat provenant <strong>du</strong> trésor de Lamboussa-Lapithos,<br />
Combat de David et Goliath.<br />
D.49,4 cm. Metropolitan Museum of Art © Metropolitan<br />
Museum of Art, Dist. RMN-GP / image of the MMA.<br />
Le plus grand plat de la série s’organise en trois registres<br />
que sépare un tertre herbeux. À la partie supérieure, Goliath<br />
et David, ce dernier béni <strong>du</strong> ciel par la main de Dieu, se défient<br />
dans la vallée <strong>du</strong> Térébinthe, qui sépare les villes de Soko et<br />
Azéqa, ceintes de remparts ; entre eux, le Térébinthe,<br />
personnifié comme les fleuves dans l’Antiquité, appuyé sur<br />
une jarre, tient un roseau. En-dessous, le registre principal,<br />
le plus large, est occupé par le combat de David, muni de sa<br />
fronde, et de Goliath, en présence des armées de Saül et des<br />
Philistins, qui, à droite, semblent déjà saisis de crainte. En<br />
dessous, David, sa fronde et des pierres derrière lui, tranche la<br />
tête de Goliath. La mise en scène, les attitudes variées, accentuées<br />
par les différences d’échelle entre la partie centrale<br />
et les deux autres, les plans superposés dans la scène <strong>du</strong><br />
combat, et l’abondance des lignes diagonales donnent à l’ensemble<br />
un caractère dynamique exceptionnel, en même<br />
temps qu’ils singularisent l’instant le plus dramatique.<br />
Neuf plats retraçant des épisodes de la vie de David, remarquablement bien conservés, ont été découverts en<br />
1902 avec le « second » trésor de Lamboussa, l’ancienne Lapithos, et sont aujourd’hui partagés entre le Cyprus<br />
Museum de Nicosie, qui en a recueilli trois, et le Metropolitan Museum de New York. Cinq sont de nouveau réunis<br />
à Paris pour la première fois depuis le bref passage dans le commerce des antiquités parisien des six plats de<br />
l’histoire de David acquis en 1906 par John Pierpont Morgan. La série se compose d’un grand plat, qui pèse à lui<br />
seul près de six kilos, représentant le combat de David et Goliath, de quatre plats de taille moyenne, dont le poids<br />
approche tout de même pour chacun trois livres, et de quatre petits, pesant chacun un peu moins de une livre.(…)<br />
La quantité exceptionnelle d’argent investie dans l’ensemble, près de treize kilos au total, est donc, à tous égards,<br />
considérable. Plusieurs techniques de mise en forme et de décor ont été utilisées. Les plats ont d’abord été obtenus<br />
à la fonte, et les poinçons ont été apposés au revers sous le pied annulaire rapporté avant la finition qui en a<br />
endommagé plusieurs. Les fonds pourraient avoir été repris au martelage, et les reliefs ont été entièrement repris<br />
en ciselure avec l’aide très ponctuelle de la gravure, appliquées toutes deux avec une précision et une sûreté de<br />
main exceptionnelles. On remarque aussi l’usage abondant <strong>du</strong> pointillé qui dessine, parfois avec une extrême<br />
finesse, les ornements et les détails des vêtements et des accessoires, ourle les nimbes et esquisse avec habileté<br />
les quelques plantes et fleurs. Si les diverses techniques utilisées se rencontrent sur bien d’autres oeuvres d’orfèvrerie<br />
de la fin de l’Antiquité, elles s’y déploient cependant rarement avec une telle maîtrise.<br />
La série retrace les événements de la jeunesse de David tels qu’ils sont rapportés par la Bible (Samuel, XVI-XVII).<br />
Elle s’ouvre avec l’onction de David par Samuel (New York, non exposé), puis se poursuit par la confrontation<br />
de David et de son frère Eliab (New York, non exposé, identification cependant incertaine), la convocation chez<br />
Saül, la comparution de David à la cour de Saül, les combats probatoires de David contre un ours (Nicosie, non<br />
exposé) et contre un lion, l’armement de David (New York, non exposé), le combat de David et Goliath et, enfin,<br />
le mariage de David et Mikal. L’accent est intentionnellement mis sur le combat de David et Goliath, qui occupe<br />
le plus grand plat, ainsi que sur l’onction, la comparution devant Saül, l’armement de David et son mariage,<br />
représentés sur les plats de taille moyenne, les quatre petits étant réservés à des épisodes qu’on peut qualifier<br />
secondaires si l’on se place <strong>du</strong> point de vue d’une interprétation allégorique exaltant la royauté de David et son<br />
élection divine.(…)<br />
Dès 1936, André Grabar a replacé la série des plats de David dans le cadre <strong>du</strong> développement de l’art impérial à<br />
Constantinople, et dressé un premier parallèle entre l’histoire <strong>du</strong> héros biblique victorieux de Goliath et la propagande<br />
des empereurs de la fin <strong>du</strong> VI e siècle et <strong>du</strong> VII e siècle dans leur lutte contre les Perses (...). À sa suite,<br />
Steven H. Wander a plus précisément mis en rapport l’iconographie et la date des oeuvres, assurée par leurs<br />
poinçons, avec la victoire d’Héraclius, en 627, contre les Perses, qui con<strong>du</strong>isit les armées byzantines jusqu’au<br />
coeur de leur État, à Ctésiphon, et permit de recouvrer Jérusalem et les provinces d’Orient : les chroniqueurs<br />
byzantins, tel le patriarche Nicéphore vers 800, rapporteront bientôt qu’Héraclius a défié, comme le héros de la<br />
Bible, le général des armées perses, et le bruit de la victoire de l’empereur, réputée s’être conclue sur un combat<br />
singulier, s’est propagé jusque dans la Gaule mérovingienne, où le chroniqueur Frédégaire le qualifie de<br />
« nouveau David ». (…)<br />
Ce texte est extrait de la publication <strong>Chypre</strong> entre Byzance et l’Occident, IV e -XVI e siècle, sous la direction de Jannic Durand<br />
et Dorota Giovannoni. Coédition Somogy / musée <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong> éditions.<br />
Chapitre : Le double trésor de Lamboussa-Lapithos par Jannic Durand - Texte de Jannic Durand.