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Michaïl Prokhorov : riche et encore

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N°178 du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru Bimensuel en langue française<br />

с п р и л о ж е н и е м н а р у с с к о м я з ы к е : с т р . I - I V<br />

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15 ans en Russie<br />

<strong>Michaïl</strong> <strong>Prokhorov</strong> : <strong>riche</strong> <strong>et</strong> <strong>encore</strong><br />

Evgueniï Yassine :<br />

privatisation, piège à cons ? pages 6-7<br />

Kremlin :<br />

cuisine de haute exigence pages 10-11<br />

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Tel. : + 7 (495) 787 99 85<br />

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Service de presse d’Oneksim


02<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Pour les fêtes<br />

de fi n d’année,<br />

off rez une vision<br />

diff érente de la<br />

Russie<br />

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commentées en français, russe <strong>et</strong> anglais<br />

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ou par e-mail livres@lcdr.ru.<br />

Le livre est aussi disponible а la rédaction<br />

du Courrier de Russie :<br />

22/2 Bolchaïa Nikitskaïa, entrée 3, bureau 33, Moscou.<br />

Entre-deux<br />

Le 18 novembre, venez fêter le Beaujolais nouveau <strong>et</strong><br />

l’ouverture de la Semaine de la Gastronomie française<br />

au Else Café : restaurant, salle de conférence <strong>et</strong> centre<br />

de bien-être.<br />

Au programme :<br />

* Dégustation de Beaujolais nouveau, cuvée 2010<br />

* Surprise du chef <strong>et</strong> spécialités françaises<br />

* Court métrage de style français <strong>et</strong> lotterie<br />

A partir de 19:00 !<br />

Organisé par Russian Business Event Agency<br />

www.elseclub.ru<br />

Rédactrice en chef<br />

Inna Doulkina<br />

inna.doulkina@lcdr.ru<br />

Rédacteur en chef adjoint<br />

Simon Roblin<br />

simon.roblin@lcdr.ru<br />

Rédacteurs<br />

Vera Gaufman,<br />

Gabrielle Leclair<br />

Correctrice de la version française<br />

Julia Breen<br />

Rédactrice de la version russe<br />

Ekaterina Litvintseva<br />

ekaterina.litvintseva@lcdr.ru<br />

Correctrice de la version russe<br />

Natalia Leïbina<br />

Rédacteur en chef du site Intern<strong>et</strong><br />

Guillaume Clément Marchal<br />

guillaume.marchal@lcdr.ru<br />

Directrice artistique<br />

Galina Kouzn<strong>et</strong>sova<br />

N’hésitez pas à contacter la rédaction<br />

Email : courrierderussie@mail.ru<br />

Tél. (495) 691 83 18<br />

Adresse du journal<br />

22/2 Ul. Bolshaya Nikitskaya<br />

Bureau 33, 103009 Moscou<br />

Contacts pour la publicité<br />

Tél. (495) 690 64 39<br />

Directeur administratif<br />

& commercial<br />

Thomas Kerhuel<br />

thomas.kerhuel@lcdr.ru<br />

Responsables commerciaux<br />

Alla Tselevich<br />

alla.tselevich@lcdr.ru<br />

Yana Sergeeva<br />

yana.sergeeva@lcdr.ru<br />

Ilya Blokhin<br />

ilya.blokhin@lcdr.ru<br />

Responsable distribution<br />

& partenariats<br />

Anastasia Masherova<br />

anastasia.masherova@lcdr.ru<br />

Responsable abonnements<br />

Olga Sherbakova<br />

abonnement@lcdr.ru<br />

Edité par<br />

OOO Novyi Vek Media ©<br />

(Nouveau Siècle Media)<br />

Enregistré auprès du TsTU<br />

du Ministère de la presse <strong>et</strong> des media<br />

PI N. 1-01029<br />

Directeur de la publication<br />

Jean-Félix de La Ville Baugé<br />

Fondateurs<br />

Philippe Pelé Clamour<br />

Jean-Luc Pipon<br />

Emmanuel Quid<strong>et</strong><br />

Le journal est distribué<br />

gratuitement<br />

<strong>et</strong> sur abonnement.<br />

Il est imprimé à partir de fi lms au<br />

OAO Moskovskaia<br />

Gas<strong>et</strong>naia Tipografi ia,<br />

123995, Moscou,<br />

Oulitsa 1905 goda, dom 7.<br />

Volume 3 p.l.<br />

Tirage 15 000 exemplaires<br />

Commande N° 2966<br />

Donné à imprimer<br />

le 10 Novembre 2010


Il ne faut pas m<strong>et</strong>tre le<br />

sombrero avant le<br />

poncho.<br />

Proverbe mexicain<br />

Rentré en France pour les vacances<br />

de la Toussaint, j’ai eu bien du mal à<br />

comprendre ce qui s’y passait. Ire de<br />

la population à propos des r<strong>et</strong>raites,<br />

discussions à n’en plus fi nir sur un<br />

remaniement ministériel qui ne changera pas<br />

grand-chose vu la conjoncture internationale,<br />

réforme de la fi scalité pour faire payer les<br />

« <strong>riche</strong>s ». En fait, seule la vision que les Français<br />

ont du monde <strong>et</strong> d’eux-mêmes peut expliquer<br />

c<strong>et</strong> état de fait. La France a probablement<br />

besoin de c<strong>et</strong>te catharsis pour mieux renaître<br />

ensuite.<br />

Mais pour l’heure, la France est on ne peut<br />

plus fi gée quand le reste du monde n’en fi nit pas<br />

de bouger. Quand il faudrait se résoudre à imaginer<br />

de nouveaux modèles, états-majors des<br />

partis politiques <strong>et</strong> syndicats en sont à disserter<br />

sur les r<strong>et</strong>raites <strong>et</strong> à trier <strong>riche</strong>s <strong>et</strong> pauvres. Il faut<br />

dire que la France a été longtemps en pointe,<br />

mais le monde était alors bien diff érent.<br />

Saint-Louis a fondé la Sorbonne au XIII e<br />

siècle. Au XV e , la France <strong>et</strong> l’Europe ont découvert<br />

l’imprimerie, les voyages <strong>et</strong> par suite<br />

les échanges, le crédit lombard, les premières<br />

sociétés multinationales à comptoirs multiples<br />

avec Jacques Cœur. Puis au XVII e , ce fut le début<br />

des empires coloniaux <strong>et</strong> le mercantilisme<br />

<strong>et</strong> dès 1685, l’établissement du Code noir. Au<br />

XIX e , l’industrialisation, les sociétés par actions,<br />

l’apogée du colonialisme. Enfi n au XX e siècle, le<br />

marxisme, l’affi rmation des droits de l’homme,<br />

la décolonisation suivie des chocs pétroliers,<br />

l’émancipation de la femme <strong>et</strong> surtout l’inversion<br />

entre Nord <strong>et</strong> Sud de la poussée démographique.<br />

L’Europe toujours très puissante vit sur<br />

son passé. Mais maintenant plus de frontières<br />

au moins au plan technique, l’accès de tous<br />

au savoir, aux divers marchés, l’inversion des<br />

échanges… <strong>et</strong> comme seul outil un capitalisme<br />

en crise. Mais maîtriser les fl ux n’est pas si<br />

simple quand d’autres ont plus de ressources<br />

naturelles, des moyens humains pléthoriques<br />

avec des exigences sociales proches de rien.<br />

La France peut compter, raboter, qui comprend<br />

ce qu’il faut m<strong>et</strong>tre en abscisses <strong>et</strong> en<br />

ordonnées ? De préférence à chaudes larmes<br />

pour mieux se dédouaner de ne pas chercher à<br />

comprendre, intellectuels <strong>et</strong> journalistes ne vendent<br />

qu’émotion ; économistes, scientifi ques <strong>et</strong><br />

autres polytechniciens ne font pas mieux. Sans<br />

être sûrs de maîtriser risques <strong>et</strong> enjeux, ils résolvent<br />

tout <strong>et</strong> son contraire le plus froidement du<br />

monde. Et je ne parle pas des énarques qui pour<br />

durer, préfèrent gérer, restructurer sans panache<br />

plutôt que de mener une politique claire<br />

<strong>et</strong> ambitieuse. Au point qu’on peut se demander<br />

si tout n’irait pas mieux si intellectuels <strong>et</strong> politiques<br />

décidaient seulement d’aller à la pêche.<br />

Le pire est que le système est en faillite.<br />

Et invoquer le passé, aussi glorieux soit-il, ne<br />

donne pas plus de droits. Sans même parler<br />

de l’Europe, la France découvre que rien n’est<br />

acquis. Un rapide inventaire ne plaide pas en<br />

faveur du contraire. La France compte 36 682<br />

communes <strong>et</strong> 503 117 élus locaux ou conseillers<br />

régionaux ; 3 650 000 entreprises, 200 000 exploitations<br />

agricoles plein temps ; 28 millions<br />

d’actifs, 7 millions de fonctionnaires dont<br />

280 000 militaires permanents.<br />

La France, c’est 35 millions de foyers fi scaux,<br />

parmi lesquels 15 millions (soit moins<br />

d’un ménage sur deux) paient l’impôt sur le revenu<br />

<strong>et</strong> 500 000 contribuent à hauteur de 43 %<br />

de l’impôt. Le revenu médian est de 27 150 euros<br />

par an, soit 2 260 euros par mois. Le niveau<br />

de vie médian (qui prend compte des économies<br />

d’échelle procurée par la vie en commun) s’établit<br />

à 17 600 euros par an <strong>et</strong> par membre du<br />

ménage, soit 1 470 euros par mois. Le revenu<br />

disponible de 10% des personnes les plus modestes<br />

se compose à près de 42% de transferts<br />

sociaux <strong>et</strong> 7 800 000 personnes vivent sous le<br />

seuil de pauvr<strong>et</strong>é (60% du niveau de vie médian).<br />

Combien de gens travaillent a Radio-France<br />

? Environ un tiers.<br />

José Artur<br />

On est tenté d’appliquer à la France toute entière<br />

le bon mot de José Artur. Une grosse auto<br />

avec un tout p<strong>et</strong>it moteur… Et pourtant la route<br />

est pleine d’embûches.<br />

2,8 millions de chômeurs, 68 512 accidents<br />

faisant 85 000 blessés <strong>et</strong> près de 4 000 morts sur<br />

les routes. Plus généralement, 530 000 morts<br />

par an, dont 300 000 en établissements hospitaliers.<br />

346 932 nouveaux cancers (197 717 pour<br />

l’homme <strong>et</strong> 149 215 chez la femme), la mortalité<br />

par cancer touchant 147 239 personnes<br />

(85 311 hommes <strong>et</strong> 61 928 femmes). En termes<br />

d’incidence, le cancer de la prostate est le plus<br />

fréquent avec plus de 71 000 cas, suivi par le<br />

cancer du sein (51 759), le cancer colorectal (39<br />

491) <strong>et</strong> le cancer du poumon (34 185). Ce dernier<br />

serait le plus meurtrier (28 380), devant le<br />

cancer colorectal (17 408). Cependant, passé 60<br />

ans, les Français gagnent désormais deux mois<br />

d’espérance de vie par an <strong>et</strong> la France, y compris<br />

les DOM-TOM, comptait 825 000 naissances<br />

l’an passé.<br />

Portrait abrupt qui montre que la vie ne s’articule<br />

pas autour de la <strong>riche</strong>sse ou de la pauvr<strong>et</strong>é,<br />

ni même de la r<strong>et</strong>raite.<br />

La France a inventé l’automobile, l’aviation,<br />

le minitel, le TGV, développé l’énergie nucléaire.<br />

Elle a raté l’informatique, mais réussit<br />

<strong>encore</strong> dans le luxe, les cosmétiques, la mode <strong>et</strong><br />

la cuisine, même si tout a été fait pour détruire<br />

artisans <strong>et</strong> agriculteurs. Le monde a fait d’incroyables<br />

progrès <strong>et</strong>, de la femme de ménage à<br />

l’artisan en passant même par l’éboueur, chacun<br />

a voiture, écran plat, centrale vapeur, micro-ondes,<br />

téléphone sans fi l, ordinateur <strong>et</strong> part<br />

en vacances. Un p<strong>et</strong>it monde bourgeois qui vit<br />

bien ! Dès lors les socialistes ont un immense<br />

problème de fond.<br />

Justes héritiers de la SFIO (Section Française<br />

de l’Internationale Ouvrière), ils préfèrent<br />

draguer les sociaux-démocrates, chrétiens de<br />

gauche <strong>et</strong> autres humanistes, plutôt que rester<br />

fi dèles à leurs premières amours. S’ils étaient<br />

logiques, ils devraient se tourner vers les masses<br />

chinoises, indiennes ou africaines. Mais la solidarité<br />

s’arrête souvent là où commence le sacrifi<br />

ce personnel. La vraie charité, ce n’est pas partager<br />

ce que l’on a, mais partager ce que l’autre<br />

n’a pas <strong>et</strong> ça, c’est plutôt chrétien.<br />

Il ne peut être question d’acquis sociaux s’ils<br />

ne sont pas appliqués à tous <strong>et</strong> par tous. Seulement<br />

nostalgique de son passé, coincée dans<br />

des principes abscons, la France fait tout pour<br />

ignorer une bonne partie de l’Humanité.<br />

Pour avancer, il suffi rait de se rappeler la<br />

loi des grands nombres. L’explosion démographique<br />

n’autorise plus l’Europe <strong>et</strong> <strong>encore</strong> moins<br />

la France à prétendre représenter un échantillon<br />

signifi catif. Elles sont condamnées à raisonner<br />

en fonction des plus grands communs<br />

diviseurs : la <strong>riche</strong>sse mondiale <strong>et</strong> le nombre<br />

d’individus. On trouvera peut-être l’algorithme<br />

de l’humanité ou une théorie de la relativité<br />

entre peuples. A défaut, l’Europe se verra appliquer<br />

le plus p<strong>et</strong>it commun multiple : le seuil de<br />

pauvr<strong>et</strong>é.<br />

Naturam expelles furca, tamen<br />

usque recurr<strong>et</strong> (Chassez le naturel à<br />

coups de fourche, il revient au galop)<br />

Horace<br />

Car nous sommes revenus au XV e siècle, époque<br />

où la Chine, l’Inde <strong>et</strong> l’Empire Ottoman étaient<br />

Éditorial<br />

Texte : Jean-Luc Pipon<br />

Les <strong>riche</strong>s, les pauvres <strong>et</strong> les autres<br />

extrêmement puissants. Arabes <strong>et</strong> Vénitiens livraient<br />

soie <strong>et</strong> épices à l’Europe à cinquante fois<br />

le prix de départ. L’Europe a alors fui à l’Ouest.<br />

Mais aujourd’hui, chacun a fait le tour. Faut-il<br />

se barricader ? La Russie nous a assez montré<br />

à quoi menait l’entêtement.<br />

Le monde peut-il changer ? Un monde plus<br />

équitable, plus juste. Eff ectivement nous fi nirons<br />

peut-être tous par manger des aliments<br />

à base de soja <strong>et</strong> d’huile de palme. Pour beaucoup<br />

ce sera un plus, mais pas pour les Français.<br />

Et qu’on ne me parle pas d’écologie. Leurs<br />

leaders ne savent même pas ce que mange un<br />

canard, ni traire une vache.<br />

Pas besoin d’écologie pour observer la<br />

nature. Gregory King (1695) dont les travaux<br />

n’ont été publiés qu’en 1973 est le premier à<br />

avoir tenté une projection de la population<br />

mondiale. La population qu’il estimait à 630<br />

millions en 1695 devait atteindre 780 millions<br />

en 2050. Nous sommes déjà 6,5 milliards !<br />

La vie ne se résume pas à trier <strong>riche</strong>s <strong>et</strong><br />

pauvres, à imposer ceux-ci pour aider ceux-là à<br />

mieux avaler la pilule. Chacun a le droit à sa vie<br />

aujourd’hui <strong>et</strong> maintenant.<br />

Au XVI e siècle, les Percherons allaient<br />

chercher fortune en partant pour la Nouvelle<br />

France. Aujourd’hui, c’est plus simple, forts<br />

des moyens <strong>et</strong> techniques de communication, il<br />

faut s’acharner à être de tous les fl ux.<br />

Car si la France était plus <strong>riche</strong> de ressources,<br />

elle ne gagnerait pas grand-chose à<br />

montrer sa force. La Russie est <strong>encore</strong> là pour<br />

nous le montrer. Poursuivant une tradition séculaire<br />

depuis Pierre le grand en passant par<br />

Catherine II, elle maintient un régime de despotes<br />

éclairés. En d’autres temps, autocratie <strong>et</strong><br />

servage n’ont fait qu’entraver le développement<br />

capitaliste. Aujourd’hui la Russie est plus respectée<br />

qu’il y a vingt ans. Elle a repris la main<br />

sur ses ressources naturelles, mais toujours<br />

loin d’avoir résolu ses problèmes internes.<br />

Pendant ce temps, la nature implacable<br />

livre son lot d’évènements internationaux :<br />

revers de Barack Obama aux midterm elections,<br />

assassinat de chrétiens en Irak, visite en<br />

France du président chinois, rachat de bons du<br />

trésor américains. Pour se sortir du chaos avant<br />

03<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

tous les autres ? Offi ciellement pour limiter un<br />

risque infl ationniste. Peut-être aussi pour limiter<br />

les risques que la Chine ait défi nitivement<br />

la clé pour que les Etats-Unis fassent le grand<br />

plongeon quand elle le voudra. Dans l’instant,<br />

l’assouplissement quantitatif de la FED aide<br />

les pays comme la Russie à boucler plus facilement<br />

leur budg<strong>et</strong>.<br />

L'ennemi est bête : il croit que c'est<br />

nous l'ennemi, alors que c'est lui !<br />

Pierre Desproges<br />

Tout cela donne le vertige. Heureusement pour<br />

beaucoup, le monde reste bien plus simple. Acquérir<br />

son indépendance, fonder une famille,<br />

vivre en société. Au Sénégal, le paludisme recule<br />

à grands pas. Mais en Irak, les chrétiens<br />

qui étaient 300 000 il y a vingt ans, ne sont plus<br />

que quelques milliers.<br />

J’aime c<strong>et</strong>te défi nition de l’identité nationale<br />

de Guy Laporte trouvée sur Intern<strong>et</strong>. La<br />

France est le pays de la liberté dans la vérité, de<br />

la droiture, bref de la franchise. Voilà ce qu’est<br />

être Français ! Ni un sang, ni une terre, ni des<br />

papiers, mais une vertu !<br />

Assurément, la clé de toute société humaine<br />

ne se résume pas à la capacité de faire<br />

coexister <strong>riche</strong>s <strong>et</strong> pauvres, mais bien de perm<strong>et</strong>tre<br />

la recherche du bien commun. Seules,<br />

l’éducation, l’intelligence, la discipline, l’ambition<br />

diff érencient l’homme de l’animal. La<br />

paix sociale, la domesticité de la société <strong>et</strong> la<br />

satisfaction de besoins quotidiens ne suffi sent<br />

pas pour diff érencier la société du simple zoo.<br />

Le choix n’est pas entre un steak à 5 euros<br />

dans une épicerie de luxe ou 4 steaks hachés<br />

surgelés moins chers dans un hypermarché,<br />

mais d’avoir plaisir à produire de la viande, de<br />

savoir la préparer <strong>et</strong> de pouvoir la consommer.<br />

Qui sait <strong>encore</strong> faire la diff érence entre veau <strong>et</strong><br />

agneau. Et qui sait qu’un simple morceau de<br />

paleron suffi t à faire un excellent pot au feu.<br />

Le monde n’est toujours pas parti bien loin<br />

<strong>et</strong> pourrait même revenir sur ses pas. Comme<br />

dit le proverbe, il ne faut pas m<strong>et</strong>tre le sombrero<br />

avant le poncho. ڤ<br />

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04<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Le Courrier de Russie : Vous avez réussi.<br />

Quel est votre horizon aujourd’hui ?<br />

Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong> : Je ne crois pas avoir réussi.<br />

J’ai créé la base pour réussir. Mon succès<br />

est dans l’avenir. Si j’estimais que mon succès<br />

était passé, il serait temps de partir à la r<strong>et</strong>raite.<br />

Tous les sept ou huit ans, il faut que je change<br />

de business. Pour commencer j’ai travaillé dans<br />

les PME, ensuite dans la banque puis comme<br />

directeur d’une multinationale <strong>et</strong> maintenant je<br />

suis investisseur privé. Dans quatre ans, je ferai<br />

autre chose, je ne sais pas <strong>encore</strong> quoi <strong>et</strong> ne<br />

l’envisage jamais.<br />

LCDR : A quoi attribuez-vous c<strong>et</strong>te lassitude ?<br />

M. P. : Ce n’est pas de la lassitude, au contraire,<br />

c’est une envie de faire autre chose. Après sept<br />

ou huit ans dans une activité, on n’a plus faim,<br />

on est rassasié mais aujourd’hui j’ai <strong>encore</strong> plus<br />

d’énergie qu’hier pour travailler dans les nouveaux<br />

domaines.<br />

LCDR : Votre stratégie d’investissement estelle<br />

tournée vers la France ?<br />

M. P. : Il y a un élément stratégique essentiel<br />

Éminence<br />

Texte : Jean-Félix de La Ville Baugé<br />

Photo : Service de presse d'Oneksim<br />

à mon avis, le business doit être rapide, il faut<br />

trouver la voie la plus courte, c’est en fait la<br />

théorie de la paresse absolue : tu agis là où tu<br />

es meilleur que les autres. Je pense que mon<br />

avantage est en Russie si je peux y trouver des<br />

actifs dont le prix est inférieur à celui auquel ils<br />

seraient vendus en France.<br />

LCDR : De quelle manière procédez-vous<br />

dans la recherche de vos actifs ?<br />

M. P. : Quand nous analysons un actif, nous<br />

faisons un premier plan avec une équipe gestionnaire<br />

puis nous regardons si avec un partenaire<br />

russe ou étranger 1+1 est égal à plus de<br />

deux <strong>et</strong> quand c’est le cas, on y va.<br />

LCDR : Des exemples ?<br />

M. P. : Oui, avec une entreprise française justement,<br />

Dalkia, pour monter un proj<strong>et</strong> sur le marché<br />

du chauff age en Russie qui est un marché<br />

en mauvais état. Nous parvenons donc à avoir<br />

un avantage concurrentiel en combinant l’expérience<br />

en la matière de Dalkia International<br />

<strong>et</strong> notre compréhension professionnelle de la<br />

réalité russe. Le résultat sera merveilleux, il y<br />

a vraiment beaucoup de choses à faire sur ce<br />

marché.<br />

LCDR : Vous avez en revanche eff ectué des<br />

investissements culturels en fi nançant l’exposition<br />

« Sibérie inconnue » en France, à<br />

Lyon ?<br />

M. P. : J’ai des relations particulières avec la<br />

France <strong>et</strong> la fondation que j’ai créée travaille<br />

en Sibérie <strong>et</strong> a son état-major à Krasnoïarsk.<br />

Quand nous envisagions de quelle façon célébrer<br />

l’année croisée France-Russie, nous avons<br />

noté que Krasnoïarsk <strong>et</strong> Lyon étaient toutes les<br />

deux des villes au centre de leur pays, bien sûr<br />

ce sont deux pays diff érents mais les cultures<br />

de deux villes au centre peuvent s’unir. Pour la<br />

culture russe, la matriochka a nourri le monde<br />

entier <strong>et</strong> rempli sa mission, nous, nous avons<br />

choisi d’autres représentants de c<strong>et</strong>te culture :<br />

des artistes doués qui s’expriment sur la Sibérie.<br />

« La culture je comprends<br />

son rôle mais je préfère le<br />

sport »<br />

LCDR : Vous avez déclaré avoir une relation<br />

particulière à la culture.<br />

M. P. : La culture, je comprends son rôle <strong>et</strong><br />

notamment son infl uence sur l’évolution des<br />

sociétés mais je préfère le sport. Le mécène le<br />

plus horrible est celui qui juge qu’il a un goût,<br />

les dégâts qu’il causera seront à la hauteur des<br />

investissements réalisés. La culture est un domaine<br />

d’activité assez spécifi que, moi je suis<br />

un mécène modèle, j’y agis avec l’esprit froid <strong>et</strong><br />

non le cœur chaud.<br />

LCDR : Pourquoi ?<br />

M. P. : Parce que tous les changements de société<br />

dans le monde ont été des changements<br />

culturels qui entraînaient ensuite des changements<br />

économiques <strong>et</strong> ce, depuis la Renaissance,<br />

alors on ne va pas réinventer la bicycl<strong>et</strong>te.<br />

La connaissance des lois sociales augmente les<br />

bénéfi ces <strong>et</strong> procure un grand plaisir aux gens<br />

cultivés !<br />

LCDR : Vous parliez de la Renaissance, les<br />

Médicis ont commencé par le pouvoir économique,<br />

puis culturel avec le mécénat, puis politique<br />

puis religieux, où vous situez-vous ?<br />

M. P. : J’espère que je resterai à la première<br />

étape.<br />

LCDR : Religieux, politique, non ?<br />

M. P. : Je suis <strong>encore</strong> loin de ces étapes. La<br />

politique ne m’intéresse pas, les gens qui en<br />

font sont dans des états de non liberté absolue,<br />

il n’y a pas de p<strong>et</strong>its plaisirs pour eux dans la<br />

Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong> est président du<br />

fonds d’investissement Oneksim.<br />

C'est avec Norilsk Nickel dont il a été<br />

directeur général de 2001 à 2007 qu'il<br />

a bâti sa fortune.<br />

Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong> : « Je ne rêve pas »<br />

Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong> est la deuxième fortune de Russie. C’est aussi un oligarque à part, réputé pour<br />

sa simplicité, son goût du sport <strong>et</strong> de la bonne chère. Entr<strong>et</strong>ien exclusif avec Le Courrier de Russie.<br />

vie puisqu’il y a toujours l’opinion publique. J’ai<br />

du respect pour eux <strong>et</strong> je me dis souvent : comment<br />

font-ils pour aimer autant le pouvoir ? La<br />

qualité <strong>et</strong> la joie de vivre font que je resterai à<br />

c<strong>et</strong>te première étape des Médicis.<br />

LCDR : Parlez-nous de votre relation à la<br />

France.<br />

M. P. : La France <strong>et</strong> la Russie sont les pays<br />

où je passe le plus de temps. A Moscou je fais<br />

mon business <strong>et</strong> dès que je le peux, je passe des<br />

vacances en France. J’ai une faiblesse, je suis<br />

gourmand <strong>et</strong> la cuisine française est celle que<br />

je préfère. C’est une grande épreuve pour moi à<br />

chaque fois parce que je mange trop <strong>et</strong> dois ensuite<br />

faire cinq à huit heures de sport par jour !<br />

LCDR : Qu’aimez-vous en France en dehors<br />

de la nourriture ?<br />

M. P. : L’ambiance, il y a quelque chose que je<br />

ne peux pas expliquer, mon énergie augmente,<br />

c’est peut-être ça que j’aime en France, une<br />

énergie forte.<br />

LCDR : C’est amusant, c’est exactement le<br />

contraire qu’on entend des Français de Moscou.<br />

M. P. : C’est la loi des systèmes : quand un<br />

homme se meut à l’intérieur d’un système, il<br />

n’y a pas d’énergie, quand il passe d’un système<br />

à un autre, l’énergie est diff érente.<br />

« Moi j’aime la France »<br />

LCDR : Et les liens culturels, historiques<br />

entre la France <strong>et</strong> la Russie ?<br />

M. P. : Diffi cile d’être objectif, moi j’aime la<br />

France. Au XVIIIe siècle, l’élite russe parlait<br />

mieux le français que le russe, ce n’est pas par<br />

hasard. Historiquement on voit qu’en politique<br />

étrangère, les relations entre la Russie <strong>et</strong> la<br />

France, même sous l’Union Soviétique, étaient<br />

>


Au classement Forbes 2010,<br />

il est le deuxième homme<br />

d'affaires le plus <strong>riche</strong> de<br />

Russie (13,4 milliards de dollars<br />

contre 9,5 en 2009).<br />

bonnes. Sur les questions les plus aiguës, il y a<br />

toujours eu une convergence de vues.<br />

LCDR : Qu’est-ce qui vous excite aujourd’hui ?<br />

M. P. : La vie même. Je ne fais rien de ce qui ne<br />

m’excite pas. J’adore les diffi cultés pour les surmonter<br />

ensuite. Vous connaissez le proverbe<br />

russe : « Nous créons nous-mêmes nos diffi -<br />

cultés pour les surmonter de façon héroïque ».<br />

LCDR : Quel type de diffi cultés ?<br />

M. P. : Dans le sport, le business, c’est le côté<br />

extrême qui m’attire tant qu’il est contrôlé.<br />

Quand il n’est pas contrôlé, je le m<strong>et</strong>s sous<br />

contrôle d’abord, <strong>et</strong> je m’en occupe après. Je<br />

vais vous donner un exemple. Je fais du j<strong>et</strong> ski.<br />

Quand la vague était supérieure à deux mètres,<br />

je ne pouvais pas sauter à 360 ° <strong>et</strong> puis on m’a<br />

donné la solution : un tremplin <strong>et</strong> après six<br />

mois d’entraînements, je sautais à quatre ou<br />

cinq mètres. Et pourtant j’avais déjà plus de<br />

quarante ans. L’extrême était devenu contrôlé.<br />

LCDR : Y-a-t il des challenges qui vous attirent<br />

plus que les autres ?<br />

M. P. : Non, pour moi, c’est un ensemble de<br />

plaisirs <strong>et</strong> souvent de diffi cultés que ce soit dans<br />

le sport ou dans le business. Il y a tout de même<br />

une diff érence très sensible entre les deux : le<br />

business est une création <strong>et</strong> le sport professionnel<br />

une guerre. Les gens ont choisi le sport<br />

pour ne pas faire la guerre, ils se battent à mort<br />

sans compromis alors que le business est tout<br />

de même aff aire de compromis.<br />

« La guerre comporte la<br />

destruction de ce pour<br />

quoi tu luttes »<br />

LCDR : Les joueurs de bask<strong>et</strong> ou de football<br />

américains font fi gure de rigolos à côté de<br />

certains hommes d’aff aires, pour vous le business<br />

ne serait pas la guerre ?<br />

M. P. : Moi j’ai pitié des gens qui font la guerre<br />

dans les aff aires, ils n’en tirent pas de plaisir. Il<br />

faut savoir faire la guerre mais la guerre est une<br />

mesure extrême <strong>et</strong> le compromis est beaucoup<br />

plus effi cace. La guerre comporte la destruction<br />

de ce pour quoi tu luttes, je le sais de mes<br />

propres erreurs, je sais qu’il faut tout faire pour<br />

l’éviter.<br />

LCDR : Vous déclarez ne pas lire de romans<br />

mais des essais ?<br />

M. P. : Je m’intéresse beaucoup aux théories<br />

futuristes pour ordonner ma planifi cation. En<br />

quinze ans on peut très bien imaginer des innovations<br />

qui changeront le monde. Aussi rapidement<br />

que le téléphone portable <strong>et</strong> Intern<strong>et</strong> l’ont<br />

fait dans les quinze dernières années.<br />

LCDR : Par exemple ?<br />

M. P. : Je vais vous donner un exemple simple<br />

: j’ai un gisement de cuivre. Je sais que des innovations<br />

nanotechnologiques pourraient perm<strong>et</strong>tre<br />

de créer un matériau dix fois plus effi -<br />

cace que le cuivre. Je dois savoir ce qui se passe<br />

dans les matériaux pour savoir si dans trois ou<br />

cinq ans on aura découvert un tel matériau pour<br />

pouvoir vendre mon gisement avant.<br />

« Je n’ai pas d’idole »<br />

LCDR : Y-a-t-il des personnages que vous<br />

admirez en Russie ou en France ?<br />

M. P. : Je n’ai pas d’idole. En France, j’aime bien<br />

le Président Sarkozy, les lois qu’il fait éveillent du<br />

respect en moi. A la RSPP (Union des industriels<br />

<strong>et</strong> des entrepreneurs russes), je dirige le comité<br />

sur les aff aires sociales <strong>et</strong> je me r<strong>et</strong>rouve de temps<br />

en temps dans la peau du président de la République.<br />

Je sais que chaque fois qu’il fait quelque<br />

chose, il a les syndicats en face, sa tâche est dure.<br />

LCDR : Le comité des aff aires sociales ?<br />

M. P. : Oui, nous traitons tout ce qui a trait à<br />

l’aspect social des aff aires <strong>et</strong> ça me donne beaucoup<br />

de maux de tête !<br />

LCDR : Sur quels thèmes travaillez-vous ?<br />

M. P. : Nous travaillons sur les lois systémiques<br />

qui stimuleraient la production <strong>et</strong> l’effi cacité de<br />

l’économie nationale. Malheureusement ici le<br />

système de répartition est dominant. La Russie<br />

est entre l’Europe <strong>et</strong> l’Asie : en Europe la production<br />

<strong>et</strong> les standards sociaux sont élevés, en Asie<br />

la production est élevée mais la protection sociale<br />

basse, en Russie il y a de hauts standards de<br />

protection sociale mais une production basse <strong>et</strong><br />

ça se relie mal avec la concurrence globale. J’ai-<br />

Éminence<br />

Texte : Jean-Félix de La Ville Baugé<br />

Photo : Marie de La Ville Baugé<br />

merais rendre la Russie plus concurrentielle, offrir<br />

aux gens une opportunité légale de travailler<br />

beaucoup <strong>et</strong> gagner beaucoup. Mes propositions<br />

ne sont pas populaires mais je continuerai.<br />

« Il faut libéraliser la durée<br />

légale du travail »<br />

LCDR : Quelles sont vos propositions ?<br />

M. P. : La première proposition consiste à simplifi<br />

er le licenciement <strong>et</strong> diminuer les dépenses<br />

sur les allocations de licenciement : il faut donner<br />

moins pour la personne <strong>et</strong> plus pour sa formation,<br />

peut-être que les dépenses vont augmenter<br />

mais on aura là un employé formé qui<br />

va augmenter la productivité du travail <strong>et</strong> on va<br />

diminuer le nombre d’employés ineffi caces.<br />

La deuxième vise à multiplier les emplois<br />

à distance : en Russie, une femme chef-comptable<br />

part en congé maternité pour un an alors<br />

qu’elle pourrait très bien travailler de chez elle<br />

par Intern<strong>et</strong>.<br />

La troisième serait de libéraliser la durée légale<br />

du travail : le code du travail russe interdit<br />

de travailler plus de huit heures par jour alors<br />

qu’il y a des jeunes qui voudraient travailler<br />

plus pour gagner plus. Nous proposons donc<br />

que des accords soient passés pour perm<strong>et</strong>tre à<br />

ceux qui veulent travailler plus de le faire.<br />

La quatrième consiste à simplifi er la classifi<br />

cation des métiers. Il y a en Russie un annuaire<br />

du métier d’ouvrier qui comporte 7000<br />

catégories alors que dans les pays développés,<br />

il n’en comporte que 700, vous imaginez les<br />

dépenses qu’occasionnent ces 7000 catégories.<br />

Nous proposons de simplifi er c<strong>et</strong> annuaire<br />

05<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

avec les économies aff érentes <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre en<br />

place des formations dans de nouvelles spécialités<br />

dans des lycées prévus à c<strong>et</strong> eff <strong>et</strong>.<br />

LCDR : Pour fi nir <strong>et</strong> même si vous déclarez<br />

ne pas lire de romans, y-a-t-il un romancier<br />

français dont vous vous sentez proche ?<br />

M. P. : Il y en a un qui a eu beaucoup d’infl<br />

uence sur moi : Guy de Maupassant.<br />

LCDR : Quand on regarde la photo du jeune<br />

sergent <strong>Prokhorov</strong> qui marchait devant ses<br />

hommes à vingt ans, à quoi rêvait-il ? Ses<br />

rêves sont-ils toujours les mêmes ?<br />

M. P. : Je ne rêve pas. La vie, j’aime la vie, j’ai<br />

tant de choses à faire, tant d’amis intéressants<br />

à voir <strong>et</strong> je n’ai pas le temps pour tout. Dans ce<br />

sens, je ne rêve pas.<br />

LCDR : Et la nuit ?<br />

M. P. : La nuit je dors. ڤ<br />

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06<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

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Protocole à la<br />

convention fi scalerusso–chypriote<br />

: quelles<br />

conséquences ?<br />

La Russie <strong>et</strong> Chypre ont conclu à<br />

Nicosie le 7 octobre, durant la visite<br />

du président Medvedev, un Protocole<br />

modifi ant leur Convention de double<br />

imposition.<br />

C<strong>et</strong> accord revêt une importance<br />

particulière dans la mesure où les<br />

sociétés chypriotes constituent des<br />

véhicules traditionnels d’investissement<br />

en Russie.<br />

Les principales modifi cations<br />

apportées par le Protocole sont les<br />

suivantes :<br />

• Sous réserve de quelques exceptions<br />

(sociétés cotées…), les plus-values<br />

de cession de titres de sociétés à<br />

prépondérance immobilière (c’està-dire<br />

dont la valeur est constituée à<br />

au moins 50 % par des immeubles)<br />

seront imposables dans l’Etat de<br />

situation desdits immeubles ; c<strong>et</strong>te<br />

disposition entrera en vigueur la quatrième<br />

année suivant la ratifi cation de<br />

l’avenant ;<br />

• les autorités fi scales chypriotes<br />

ne pourront plus opposer le secr<strong>et</strong><br />

commercial ou bancaire pour refuser<br />

une demande d’assistance de leurs<br />

homologues russes ; c<strong>et</strong>te disposition<br />

entrera en vigueur lorsque Chypre<br />

aura adapté sa législation en ce sens ;<br />

• enfi n, une mesure anti-« tax treaty<br />

shopping » est également adoptée.<br />

En contrepartie, Chypre sera r<strong>et</strong>irée<br />

de la liste noire des paradis fi scaux<br />

en Russie <strong>et</strong> les sociétés mères<br />

chypriotes pourront dorénavant bénéfi<br />

cier de l’exonération des dividendes<br />

distribués par leurs fi liales russes au<br />

lieu d’une r<strong>et</strong>enue à la source actuellement<br />

de 5 % si l’investissement<br />

atteint désormais au moins 100 K€<br />

(100 K USD jusqu’à présent) ou de<br />

10 % si le seuil n’est pas atteint.<br />

Le Protocole entrera en vigueur à<br />

compter de sa ratifi cation par les<br />

deux Etats.<br />

En résumé, si ces nouvelles stipulations<br />

sont donc susceptibles d’atténuer<br />

à l’avenir l’intérêt de recourir à<br />

des structures chypriotes pour des<br />

investissements immobiliers en Russie,<br />

elles perm<strong>et</strong>tront, en revanche,<br />

d’améliorer prochainement la fl uidité<br />

des remontées de dividendes entre<br />

les groupes russes <strong>et</strong> leurs holdings<br />

basées à Chypre.<br />

Gayk Safaryan André Loup<br />

Senior Associate Senior Associate<br />

CMS, Russia CMS, Russia<br />

Acteur<br />

Texte : Simon Roblin<br />

Photo : Kommersant<br />

Le Courrier de Russie : Vous dites que les marchés<br />

ne sont pas effi caces en Russie. Pourquoi ne<br />

le sont-ils pas, <strong>et</strong> que manque-t-il aujourd'hui<br />

à la Russie pour que l’on puisse vraiment parler<br />

d’économie de marché ?<br />

Evgueniï Yassine : Il y a déjà une économie de<br />

marché en Russie. Simplement, le système institutionnel<br />

n’est pas <strong>encore</strong> établi assez solidement<br />

pour la faire fonctionner pleinement. Les<br />

problèmes de défense des droits de la propriété<br />

privée, de droit de la concurrence, de suprématie<br />

du droit, continuent à se poser.<br />

C’est une conséquence prévisible du fait que<br />

nous n’avons pas connu l’économie de marché<br />

pendant 70 ans. Jusqu’ici, les réformes entreprises<br />

ont j<strong>et</strong>é les bases, mais n’ont pas posé le<br />

cadre correspondant. Ce travail se poursuit, mais<br />

avec de grandes diffi cultés. C’est dû en particulier<br />

au fait qu’au cours des dix dernières années,<br />

l’intervention de l’Etat dans l’économie s’est fortement<br />

renforcée, au prétexte que le marché n’est<br />

pas assez effi cace par lui-même, que les entrepreneurs<br />

sont trop intéressés, pas assez responsables,<br />

<strong>et</strong> ainsi de suite.<br />

LCDR : Dans ce contexte d’ineffi cacité relative<br />

du marché, pensez-vous que le programme de<br />

privatisations annoncé c<strong>et</strong> été doit être entrepris<br />

dès 2011, conformément au vœu de ses<br />

promoteurs ?<br />

E. Y. : Je répondrais que si le marché n’est pas<br />

effi cace, c’est précisément parce que le secteur<br />

étatique y occupe une place trop importante. Les<br />

entreprises étatiques jouissent ouvertement de<br />

privilèges spécifi ques vis-à-vis des entreprises<br />

privées, justifi és par les tâches que l’Etat leur assigne.<br />

De plus, les organes étatiques <strong>et</strong> les fonctionnaires<br />

exercent une forte pression, soi-disant<br />

au nom de l’Etat, mais en réalité dans leur propre<br />

intérêt égoïste, sur le secteur privé.<br />

En bref, il n'y a pas de conditions équitables<br />

d’exercice entre le secteur étatique <strong>et</strong> le business<br />

privé. C’est un problème grave, car ce dernier<br />

est conduit à restreindre son horizon, limiter les<br />

risques pris, <strong>et</strong> n’investit pas autant qu’il le devrait.<br />

LCDR : Qu’en est-il du cadre institutionnel<br />

susceptible de garantir le bon déroulement du<br />

programme de privatisations prévu : est-il<br />

assez consolidé pour que les choses se fassent<br />

dans de bonnes conditions ?<br />

E. Y. : D’après ce que je comprends, le contenu<br />

du plan qui a été annoncé c<strong>et</strong> été, issu des eff orts<br />

du ministère du Développement économique, se<br />

présente comme une tentative de la part des libéraux<br />

au gouvernement de revenir au plan de création<br />

d’un système institutionnel adéquat à l’économie<br />

de marché initié dans les années 1990.<br />

LCDR : Mais quelles sont leur chances de réussite,<br />

<strong>et</strong> s’agit-il vraiment d’un r<strong>et</strong>our à l’inspiration<br />

libérale des années 1990 ?<br />

E. Y. : Les privatisations sont en permanence<br />

l’obj<strong>et</strong> d’une lutte politique intense. Le tournant<br />

eff ectué au début des années 2000 en faveur<br />

d’une plus grande immixtion de l’Etat a<br />

été motivé par le fait que dans les années 1990<br />

une grande partie de la propriété de l’Etat<br />

a été distribuée aux entrepreneurs appelés<br />

« oligarques ». La nouvelle équipe nommée par<br />

Poutine s’est eff orcée de changer la situation, <strong>et</strong><br />

de redistribuer la propriété au profi t du nouveau<br />

pouvoir en place en constituant de grandes entreprises<br />

d’Etat, car une partie des gens avaient<br />

été faits oligarques, mais pas eux. Mais dès 2002-<br />

2003, il est devenu clair que l’on était allé trop<br />

loin dans c<strong>et</strong>te direction. Et quand il est apparu<br />

dans la période récente que la crise avait épuisé<br />

les réserves fi nancières de l’Etat russe, il a été<br />

décidé de les reconstituer aux dépens des entreprises<br />

d’Etat, en les privatisant en partie.<br />

Mais en soi, la privatisation n’a de sens que<br />

si elle consiste en un transfert eff ectif du contrôle<br />

sur les actifs au profi t de propriétaires privés, <strong>et</strong> où<br />

ces actifs sont ouverts à tous les vents du marché.<br />

Si le contrôle sur le business reste dans les mains<br />

de l’Etat, il n'y a guère à attendre de r<strong>et</strong>ombées<br />

positives, autres que les fl ux fi nanciers apportés<br />

par des fous qui vont acquérir des paqu<strong>et</strong>s minoritaires.<br />

Je dis « fous », parce que ceux qui achèteront<br />

ne pourront pas exercer d’infl uence sur la<br />

politique de l’entreprise.<br />

En 1989, Evgueniï Yassine a participé à la conduite des<br />

travaux de la Commission d’Etat du Conseil des ministres<br />

d’URSS pour la réforme économique. Il est l’un des treize<br />

coauteurs du programme de transition à l’économie<br />

de marché connu sous le nom des « 500 jours ». Ce<br />

programme n’a pas été réalisé, mais a servi de base<br />

au premier programme de privatisation des entreprises<br />

étatiques.<br />

Evgueniï Yassine : « Les privatisations<br />

sont en permanence l’obj<strong>et</strong> d’une<br />

lutte intense »<br />

Directeur scientifi que du Haut collège d’économie (EHESE) depuis 1998, connu pour ses convictions<br />

libérales inébranlables, Evgueniï Yassine est l’un des économistes les plus écoutés de Russie.<br />

Appelé au poste de ministre de l’Economie en novembre 1994, en plein milieu du premier mandat<br />

de Boris Eltsine, il a été l’un des principaux artisans de la « transition à l’économie de<br />

marché ». C’est dire que peu de gens sont mieux placés que lui pour aborder la question des<br />

privatisations dans la Russie d’hier – <strong>et</strong> d’aujourd’hui.<br />

A l’heure où un nouveau chantier est à l’ordre du jour, qui prévoit la cession sur cinq ans de<br />

l’équivalent de 50 milliards d’euros d’actifs de grandes entreprises d’Etat telles que Transneft <strong>et</strong><br />

Rosneft, VTB <strong>et</strong> Sberbank, <strong>et</strong> d’autres <strong>encore</strong> dont la liste n’est pas défi nitivement arrêtée, il a bien<br />

voulu exposer son point de vue au Courrier de Russie.<br />

Je suis donc content de voir que l’idée de la<br />

privatisation en elle-même est remise en circulation,<br />

mais je ne vois jusqu’ici aucun pas réel dans<br />

c<strong>et</strong>te direction.<br />

LCDR : Aujourd'hui, concrètement, qui sont<br />

les fous qui vont ach<strong>et</strong>er des parts dans ces<br />

conditions, <strong>et</strong> y a-t-il des entreprises étrangères<br />

qui seront tentées de le faire ? Prenons le<br />

cas d’AvtoVAZ. Entre Renault, qui se contente<br />

de ses 25% à défaut de pouvoir accéder au<br />

paqu<strong>et</strong> de contrôle, <strong>et</strong> la corporation d’Etat<br />

Rostekhnologuii, qui a décidé d’augmenter sa<br />

part, qui passera à la faveur d’une émission<br />

de capital de 18,8% à 29% en 2011, puis à<br />

36,4% en 2012, la situation semble bloquée,<br />

les deux actionnaires n’ayant pas les mêmes<br />

objectifs. Est-ce que ce type de situation pourrait<br />

se généraliser ?<br />

E. Y. : Si je prends le cas concr<strong>et</strong> d’AvtoVAZ, le<br />

dispositif de la prime à la casse suit son cours<br />

[mis en place en Russie le 8 mars 2010, il perm<strong>et</strong><br />

de recevoir une somme d’argent forfaitaire de<br />

50000 roubles à valoir sur l’achat d’un véhicule<br />

neuf en échange de la restitution d’une voiture<br />

destinée à la casse, ndlr], mais il reste qu’Avto-<br />

VAZ est toujours dans l’impasse, <strong>et</strong> approche du<br />

dépôt de bilan. Dans ces conditions, les gens qui<br />

sont au gouvernement, à Rostekhnologuii, qui<br />

font du marchandage avec Renault en disant :<br />

« d’accord, on va vous donner 35% », à la place<br />

de Renault, je leur aurais dit non. Ils vont attendre,<br />

se rapprocher un peu plus du gouff re, <strong>et</strong><br />

>


Dans les années 1980, la ministre du Développement<br />

économique Elvira Nabioullina a été l’élève de Evgueniï<br />

Yassine.<br />

Dans les années 1990, elle a travaillé sous sa direction<br />

à la RSPP (Union russe des industriels <strong>et</strong> des entrepreneurs)<br />

<strong>et</strong> au ministère de l'Economie.<br />

Elle est mariée à Iaroslav Kouzminov, recteur du Haut<br />

collège d'économie.<br />

dire : « bon, 45% ». Mais à la place de Renault,<br />

je dirais : « non, 55% <strong>et</strong> on n’en parle plus » [fi n<br />

octobre, Carlos Ghosn, le PDG de Renault, s’est<br />

déclaré prêt à rach<strong>et</strong>er les parts de Troïka Dialog,<br />

qui désire se dégager partiellement, par étapes,<br />

du capital d’AvtoVAZ dont elle détient <strong>encore</strong> un<br />

peu moins du quart, <strong>et</strong> début novembre Vladimir<br />

Poutine a proposé à Ghosn de faire monter la part<br />

de Renault jusqu’au paqu<strong>et</strong> de contrôle, ndlr].<br />

Il y a une espèce de marchandage en cours,<br />

mais il est clair que sans investisseurs étrangers,<br />

les Russes eux-mêmes ne pourront pas résoudre<br />

les problèmes posés. Mais ils ne veulent pas céder.<br />

Tant que le marché ne le leur aura pas fait<br />

pénétrer dans le cerveau, ils ne comprendront<br />

pas qu’ils n’y arriveront pas, qu’ils y perdent tout.<br />

Poutine doit se convaincre qu’ils ne peuvent rien<br />

faire sans le marché, <strong>et</strong> faire taire ses sentiments<br />

nationaux.<br />

Mais si j’étais à la place des Russes d’Avto-<br />

VAZ, je me demanderais : à qui vendre, à Renault,<br />

ou aux Coréens ? Les Français sont trop habitués<br />

à la bureaucratie, ils ressemblent aux Russes. Ils<br />

marchandent trop longtemps.<br />

LCDR : Quelles sont les entreprises qui vont<br />

fi nalement être privatisées en priorité, d’après<br />

vous ?<br />

E. Y. : Je dirais que si la privatisation a pour but<br />

de dégager un certain montant de ressources<br />

fi nancières pour réaliser des tâches pour lesquelles<br />

l’Etat n’a pas les fonds nécessaires, alors<br />

il faut commencer par les grosses entreprises<br />

pétrolières, Rosneft, Gazprom, puis continuer<br />

avec les grandes banques, Sberbank <strong>et</strong> VTB.<br />

Mais si l’on cherche à entamer le processus de<br />

modernisation de l’industrie, alors il faut vendre<br />

les entreprises de construction de machines-outils<br />

<strong>et</strong> le producteur de moteurs d’avion Permskie<br />

Motory, qui ont été l’obj<strong>et</strong> de tractations avec<br />

des investisseurs étrangers qui n’ont pas abouti,<br />

avec Siemens dans le premier cas en 2006 ou<br />

2007, United Technologies dans le second cas<br />

dans les années 1990.<br />

LCDR : Sait-on comment vont se dérouler les<br />

appels d’off re, y aura-t-il des garanties en matière<br />

de transparence des procédures, pour les<br />

investisseurs étrangers en tout cas ?<br />

E. Y. : Je pense que là où l’on va adm<strong>et</strong>tre des<br />

investisseurs étrangers, les questions informelles<br />

d’« économie de l’ombre » auront déjà<br />

été réglées en amont de la procédure, <strong>et</strong> sur ces<br />

bases-là, une fois les candidats présélectionnés,<br />

on pourra espérer une certaine transparence. Par<br />

ailleurs, si vous investissez dans un secteur quelconque<br />

qui n’attire pas beaucoup l’attention des<br />

dirigeants de l’Etat russe, hors du pétrole, du gaz,<br />

des métaux, vous pourrez travailler dans la transparence,<br />

dans les limites que l’on peut attendre<br />

dans un pays comme la Russie.<br />

LCDR : La situation actuelle est-elle vraiment<br />

diff érente de celle des années 1990, <strong>et</strong> les résultats<br />

de la redistribution des actifs peuvent-ils<br />

être mieux maîtrisés ? Quand Gaïdar a réalisé<br />

son programme, il a cru qu’il fallait commencer<br />

par créer une classe de propriétaires des<br />

moyens de production, <strong>et</strong> que la formation des<br />

institutions qui garantiraient la pérennité des<br />

Evgueniï Yassine<br />

Sur les causes de la crise<br />

mondiale :<br />

« Les explications données<br />

jusqu’ici, limitées aux aspects<br />

fi nanciers <strong>et</strong> au constat certes<br />

juste de l’insuffi sance de régulation,<br />

n’ont pas saisi les deux<br />

facteurs structurels fondamentaux<br />

: l’entrée de l’économie<br />

mondiale dans une nouvelle<br />

phase de son développement<br />

dans les sphères agricole<br />

<strong>et</strong> industrielle, qui répond à<br />

des lois auxquelles nous ne<br />

sommes pas <strong>encore</strong> habitués<br />

à nous confronter ; le changement<br />

structurel en profondeur<br />

de l’économie mondiale,<br />

avec la montée des pays dits<br />

émergents, la Chine <strong>et</strong> l’Inde,<br />

<strong>et</strong> le changement radical des<br />

rapports de force sur l’arène<br />

mondiale. »<br />

« Deux phénomènes ont joué<br />

un rôle déterminant dans le<br />

déclenchement de la crise<br />

fi nancière mondiale : la<br />

entreprises suivrait sous sa pression…<br />

E. Y. : Du temps de Gaïdar, la situation était<br />

autre qu’on ne le dit, <strong>et</strong> la logique de développement<br />

des événements également. Il fallait mener<br />

une privatisation dans un pays où il n'y avait<br />

jamais eu de capital privé. Le gouvernement<br />

comprenait parfaitement qu’il devait trouver un<br />

soutien avant tout du côté des entrepreneurs privés.<br />

Or le business, alors, c’était principalement<br />

les p<strong>et</strong>its marchés <strong>et</strong> les p<strong>et</strong>ites banques, montés<br />

par des gens qui la veille <strong>encore</strong> ne possédaient<br />

rien. C’est pourquoi la première étape de la privatisation<br />

a consisté à ém<strong>et</strong>tre des vouchers <strong>et</strong> à<br />

distribuer les actifs, ou aux collectifs de travail,<br />

ou aux citoyens qui détenaient ces vouchers. Ces<br />

vouchers étaient de l’argent généré spécialement<br />

pour que les gens puissent acquérir des parts de<br />

ces actifs étatiques sous forme de propriété privée.<br />

Si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire<br />

pas beaucoup l’attention des dirigeants de l’Etat russe, hors<br />

du pétrole, du gaz, des métaux, vous pourrez travailler dans<br />

la transparence, dans les limites que l’on peut attendre dans<br />

un pays comme la Russie.<br />

Ensuite, le gouvernement a voulu vendre<br />

plus cher, car il fallait stabiliser la situation, combattre<br />

l’infl ation, <strong>et</strong> l’Etat avait besoin d’argent<br />

pour boucler le budg<strong>et</strong>. La seconde phase, c’était<br />

une privatisation fi nancière, qui n’aurait pu réussir<br />

que si l’on avait pu vendre les actifs à des<br />

étrangers. Mais on avait peur des étrangers, qui<br />

avaient les moyens de tout ach<strong>et</strong>er <strong>et</strong> de contrôler<br />

ainsi la politique économique russe. D’autant<br />

plus que les étrangers en question étaient<br />

plutôt douteux, des sociétés dont le siège était<br />

soi-disant à Londres mais dont les propriétaires<br />

n’étaient pas des gens recommandables. La si-<br />

surabondance d’argent bon<br />

marché <strong>et</strong> le manque de sens<br />

de la responsabilité fi nancière<br />

des grandes puissances<br />

économiques mondiales,<br />

Etats-Unis en tête ; le système<br />

de gestion des risques<br />

commerciaux, qui perm<strong>et</strong> aux<br />

producteurs de s’affranchir<br />

des risques liés aux prix des<br />

matières premières en ach<strong>et</strong>ant<br />

des contrats « futures »<br />

que leurs contreparties ne<br />

sont pas, en fi n de cycle, en<br />

mesure d’assumer.<br />

Les entrepreneurs, c’est une<br />

catégorie de gens qui exercent<br />

une activité impliquant<br />

des risques. Si vous voulez<br />

vous débarrassez complètement<br />

du risque, vous devez<br />

aussi renoncer à la possibilité<br />

de dégager des bénéfi ces. »<br />

Christian de Boissieu<br />

Sur les remèdes de sortie de<br />

crise :<br />

« Le G20 s’est contenté, depuis<br />

l’automne 2008, de traiter<br />

Acteur<br />

Texte : Simon Roblin<br />

Le Haut collège d’économie fait monter sa cote<br />

Avec le « colloque scientifi que franco-russe » qui s’est tenu les 28 <strong>et</strong> 29 octobre, le Haut<br />

collège d’économie (Vyschaïa Chkola Ekonomiki en russe) s’était fi xé un programme<br />

ambitieux tant par le nombre <strong>et</strong> la qualité des intervenants que par la diversité des<br />

thèmes abordés.<br />

Moment fort de c<strong>et</strong>te matinée, Evgueniï Yassine, directeur scientifi que de l’EHESE, <strong>et</strong><br />

Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris I Panthéon Sorbonne <strong>et</strong><br />

président du Conseil d’analyse économique auprès du président français, ont présenté<br />

leur « rapport scientifi que », dont Le Courrier de Russie vous propose quelques extraits.<br />

les problèmes de régulation<br />

fi nancière <strong>et</strong> bancaire. La<br />

France, soutenue par la Russie,<br />

propose aujourd'hui de<br />

m<strong>et</strong>tre en débat autour de la<br />

table du G20 la question des<br />

déséquilibres internationaux,<br />

celle des taux de change<br />

<strong>et</strong> celle des monnaies de<br />

réserve, suj<strong>et</strong>s qui ont joué un<br />

rôle important dans la crise<br />

mondiale depuis 2007, mais<br />

n’ont pas été traités par le<br />

G20 depuis deux ans. »<br />

« Face à la crise, il fallait être<br />

keynésien ; en phase de sortie<br />

de crise, il faut faire du Schump<strong>et</strong>er<br />

: il ne s’agit plus de réguler<br />

la demande à court terme<br />

par des politiques de relance<br />

par le défi cit budgétaire, mais<br />

de stimuler la compétitivité<br />

des entreprises <strong>et</strong> de l’offre <strong>et</strong><br />

m<strong>et</strong>tre le paqu<strong>et</strong> sur l’innovation,<br />

la recherche <strong>et</strong> développement<br />

<strong>et</strong> la compétitivité de<br />

nos systèmes d’enseignement<br />

<strong>et</strong> de recherche. » ڤ<br />

tuation était très dangereuse. C’est pourquoi le<br />

gouvernement s’est dit : mieux vaut vendre bon<br />

marché, mais aux nôtres. En outre, il y avait des<br />

conséquences politiques : les Russes sont très<br />

sensibles sur la question de savoir à qui on vend,<br />

<strong>et</strong> ils étaient contents de voir que l’on vendait à<br />

des nationaux.<br />

M<strong>et</strong>tez-vous à la place de Tchernomyrdine<br />

ou de Tchoubaïs, qui devaient résoudre ces problèmes,<br />

<strong>et</strong> trouver 1,5 milliards de dollars pour<br />

équilibrer le budg<strong>et</strong>. Ils ont fi nalement récolté<br />

07<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

un milliard en vendant à Khodorkovskiï, Potanine,<br />

Berezovskiï <strong>et</strong> consorts, c’est-à-dire aux<br />

« nôtres ».<br />

LCDR : Et aujourd'hui, alors ?<br />

E. Y. : Aujourd'hui la situation est très diff érente.<br />

La moitié des actifs est <strong>encore</strong> dans les mains de<br />

l’Etat. Parmi les gens qui ont reçu des actifs autrefois,<br />

une bonne partie sont des gestionnaires<br />

effi caces. Qui peut dire que Potanine gère mal<br />

Norilsk Nickel ? Khodorkovskiï a managé Ioukos<br />

très effi cacement. Schwindler, le représentant<br />

d’Abramovitch à la tête de Sibneft, a été un excellent<br />

manager. Mais ces entreprises ont justement<br />

été nationalisées, ou peut-être faut-il parler d’expropriation.<br />

Appeler « nationalisation » ce qui<br />

s’est passé avec Ioukos, je n’oserais pas, parce<br />

qu’ils l’ont tout simplement récupérée. Juger une<br />

seconde fois Khodorkovskiï pour le vol qu’il aurait<br />

commis, c’est une honte.<br />

Il y a assez de bons chefs d’entreprise en Russie.<br />

Le problème, c’est que, quand ils se m<strong>et</strong>tent<br />

à gagner beaucoup d’argent, les fonctionnaires<br />

cherchent à tout accaparer. L’exemple suivant,<br />

après Khodorkovskiï, c’est celui de Tchitchvarkin :<br />

ce n’est pas du pétrole, juste des téléphones, mais<br />

il y avait beaucoup d’argent en jeu. Oui, peut-être<br />

qu’il a entrepris quelque chose de contraire à la<br />

loi, après qu’on lui a saisi un lot de téléphones<br />

importés à la douane <strong>et</strong> que l’on s’est mis à les<br />

vendre…<br />

Comment privatiser, à qui vendre dans ces<br />

conditions ? Je dirais : si les hommes d’aff aires<br />

russes ont de l’argent, on peut leur vendre, mais<br />

aujourd'hui il est possible de vendre aussi à des<br />

étrangers. Si vous ne voulez pas donner accès aux<br />

étrangers à un secteur ou une entreprise donnés,<br />

le concours ne sera ouvert qu’aux Russes, <strong>et</strong> le<br />

prix de vente chutera. Mais en tout cas il faudra<br />

des règles claires. Si vous voulez accomplir un<br />

miracle dans un domaine quelconque, alors il faut<br />

laisser entrer des étrangers. Aujourd'hui, je pense<br />

que l’on peut ouvrir les privatisations <strong>et</strong> aux uns <strong>et</strong><br />

aux autres. Cela dit, ce sont les étrangers qui sont<br />

dans la position la plus confortable. Les Russes<br />

ont de l’argent frais, mais ils ont exporté beaucoup<br />

de capitaux à l’étranger, qu’ils ne vont pas<br />

rapatrier, car ils ne font pas confi ance au pouvoir<br />

actuel. ڤ


08<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Entreprises<br />

Renault m<strong>et</strong> le paqu<strong>et</strong><br />

sur la Russie<br />

Renault n’a pas tardé à emprunter l’autoroute<br />

que lui ouvre le proj<strong>et</strong> de loi sur les<br />

conditions d’implantation des constructeurs<br />

étrangers en Russie (voir Le Courrier de Russie<br />

n° 176). Alors qu’il avait toujours affi rmé,<br />

depuis le rachat pour 1 milliard de dollars de<br />

25% des parts d’AvtoVAZ au début 2008, que<br />

le constructeur n’augmenterait plus sa participation,<br />

son PDG Carlos Ghosn a fait savoir le<br />

27 octobre que l’alliance Renault-Nissan était<br />

prête à acquérir les parts détenues par Troïka<br />

Dialog, (24,8% du capital d’AvtoVAZ, pour<br />

une valeur estimée de 600 millions de dollars).<br />

Le président du conseil d’administration de<br />

Troïka Rouben Vardanan a précisé que les transactions<br />

se feraient par lots – le premier serait<br />

cédé en 2011 – <strong>et</strong> que la banque d’investissement<br />

ne prévoyait pas de sortir totalement du<br />

capital d’AvtoVAZ. Selon une autre source, le<br />

premier lot serait vendu avant la fi n 2010 à Nissan,<br />

qui pourrait alors se joindre à l’accord d’actionnaires<br />

d’AvtoVAZ, <strong>et</strong> déterminer ses droits<br />

<strong>et</strong> obligations en matière de développement de<br />

l’entreprise.<br />

Sergueï Tchemezov, le patron de<br />

Rostekhnologuii, détentrice aujourd'hui de<br />

18,8% du capital d’AvtoVAZ, a fait savoir de<br />

son côté que la corporation d’Etat était prête<br />

à céder à Nissan une part de 4% après la première<br />

étape de l’émission de capital, qui fera<br />

passer sa participation à 29% en 2011.<br />

Le 2 novembre, Vladimir Poutine a affi rmé<br />

à Carlos Ghosn son soutien à la décision éventuelle<br />

de l’alliance Renault-Nissan d’augmenter<br />

sa participation jusqu’à hauteur du paqu<strong>et</strong><br />

de contrôle.<br />

Les analystes estiment que ce changement<br />

de cap dans la stratégie de Renault s’explique<br />

par les perspectives favorables qui se dessinent<br />

sur le marché automobile russe <strong>et</strong> l’amélioration<br />

de la santé fi nancière du groupe Renault<br />

dans le monde en 2010.<br />

Ghosn a indiqué que Renault ne pourrait<br />

atteindre ses objectifs en Russie – détenir 40%<br />

de parts de marché dans 5 ans – sans s’appuyer<br />

sur les possibilités d’augmentation de la<br />

capacité de production off ertes par l’usine de<br />

Togliatti.<br />

Vedomosti, 29/10/2010, 2/11/ 2010<br />

ErDF se m<strong>et</strong> au jus<br />

ErDF, la fi liale d’EDF en Russie, est sur le<br />

point de se voir confi er par la holding russe<br />

MRSK la gestion du paqu<strong>et</strong> de contrôle qu’elle<br />

détient dans la société TRK, qui assure la distribution<br />

d’énergie dans la région de Tomsk.<br />

MRSK contrôle les réseaux de distribution des<br />

fournisseurs d’énergie sur l’ensemble de la Fédération.<br />

ErDF n’entrera pas, toutefois, dans le capital<br />

de TRK. La privatisation des réseaux de<br />

distribution n’est pas à l’ordre du jour : MRSK<br />

ne délègue pour l’heure que la gestion des sociétés<br />

de distribution, <strong>et</strong> conservera ses paqu<strong>et</strong>s<br />

de contrôle jusqu’en 2015 si la demande de mo-<br />

Cotes & Cours<br />

Texte : Simon Roblin<br />

ratoire qu’elle a adressée au gouvernement est<br />

acceptée. La réforme de l’organisation publique<br />

non-commerciale Système unifi é d’énergie<br />

électrique de Russie (RAO « EES ») prévoyait<br />

que la cession des actifs d’Etat détenus par<br />

MRSK pourrait commencer dès 2011.<br />

Selon les analystes, les entreprises occidentales<br />

comme ErDF introduiront des procédures<br />

de gouvernance plus rigoureuses <strong>et</strong> une<br />

plus grande transparence en matière de gestion<br />

<strong>et</strong> de système d’achats.<br />

Kommersant, 26/10/2010<br />

Mistral gagnant : oui, mais<br />

pour qui ?<br />

Le ministère de la Défense a déclaré ouvertes<br />

les enchères sur l’achat d’un « bâtiment<br />

de projection <strong>et</strong> de commandement » pour le<br />

compte de la marine de guerre russe (VMF).<br />

Le suspense est faible : le ministère <strong>et</strong> le haut<br />

commandement militaire ne font pas mystère<br />

du fort penchant qu’ils ont toujours pour le<br />

Mistral, devenu, plus qu’une arme de guerre,<br />

un véhicule de l’amitié politique entre les gouvernements<br />

français <strong>et</strong> russe.<br />

La menace brandie par la Russie en revenant<br />

sur l’option de la négociation exclusive<br />

avec la France n’a toutefois pas été vaine. Certaines<br />

restrictions ont été levées, <strong>et</strong> en particulier<br />

la coque ne sera pas livrée nue. Pierre<br />

Legros, directeur des chantiers navals publics<br />

DCNS, a en eff <strong>et</strong> déclaré fi n octobre que les<br />

Mistral livrés à la Russie seraient équipés des<br />

mêmes systèmes de commandement de pointe<br />

que ceux qui sont fabriqués pour la marine française.<br />

Dans l’hypothèse la plus vraisemblable aujourd’hui,<br />

où 2 des 4 Mistral commandés par<br />

la marine russe seraient construits en Russie,<br />

c’est aux chantiers navals Baltzavod, contrôlés<br />

par la Mejprombank de Sergueï Pougatchev,<br />

que reviendrait le contrat. Mais les experts notent<br />

que ni Baltzavod ni son concurrent OSK<br />

n’ont la capacité de gérer un tel chantier.<br />

Le ministère a lui-même du mal à justifi<br />

er le choix du Mistral. Et de l’avis même du<br />

chef de la VMF Vladimir Vysotskiï, c’est dans<br />

l’océan Indien que celui-ci, irremplaçable en<br />

matière de commandement de groupements<br />

de forces navales en eaux éloignées, serait à sa<br />

place. Or la marine russe n’y possède pas aujourd'hui<br />

de tels groupements. Les mauvaises<br />

langues disent qu’il ne s’agit que d’assouvir un<br />

vieux rêve nourri par l’amirauté depuis le temps<br />

de l’URSS.<br />

Kommersant, 25/10/2010, 26/10/2010<br />

En Russie<br />

Envie de Potash : Fosagro<br />

n’a pas peur de s’engraisser<br />

Fosagro, l’un des plus gros producteurs d’engrais<br />

chimiques russes, rêve de prendre le<br />

contrôle du canadien Potash (PotashCorp),<br />

leader mondial de la production de potassium,<br />

dont l’américain BHP Billigton cherche lui aussi<br />

à s’emparer. La valeur de l’entreprise serait<br />

aujourd'hui de 43 milliards de dollars.<br />

www.vitaly.livejournal.com<br />

Pour mener à bien son proj<strong>et</strong>, le président<br />

du Conseil d’administration de Fosagro Vladimir<br />

Litvinenko n’a pas hésité à adresser le 20<br />

octobre une l<strong>et</strong>tre à Vladimir Poutine, dans laquelle<br />

il explique que l’acquisition perm<strong>et</strong>trait à<br />

la Russie de contrôler plus de 70% de la commercialisation<br />

des engrais potassiques dans le<br />

monde. Le potassium est selon lui un produit<br />

agrochimique stratégique en matière de politique<br />

de sécurité alimentaire. Fosagro serait en<br />

outre le seul prétendant sérieux aujourd'hui en<br />

Russie à ne pas risquer de tomber sous le coup<br />

des lois anti-monopole russes, car elle ne dispose<br />

pas à ce jour de gisements de potassium.<br />

Elle aurait déjà l’aval des dirigeants de Potash<br />

<strong>et</strong> aurait passé un accord de co-fi nancement à<br />

hauteur de 50% du coût de la transaction – qui<br />

n’a pas été précisé – avec un pool d’institutions<br />

bancaires canadiennes. Les 50% restants<br />

devraient donc être assumés par les banques<br />

russes, si toutefois les autorités compétentes<br />

donnent leur accord.<br />

Vedomosti, 3/11/ 2010<br />

Inteko : quand Loujkov<br />

déménage, Batourina fait<br />

le ménage<br />

Alors que le couple Loujkov-Batourina<br />

cherche à sauver les meubles, la presse<br />

russe s’excite autour des opérations de restructuration<br />

des actifs d’Inteko, qui seraient actuellement<br />

à l’étude. La société, présente dans la<br />

construction, la production de matériaux de<br />

construction, le développement immobilier <strong>et</strong><br />

la pétrochimie, a permis à la femme de l’exmaire<br />

de bâtir, sur fond de corruption présumée,<br />

une fortune personnelle estimée par le magazine<br />

Forbes à 2,9 milliards d’euros.<br />

Les deux prétendants principaux au rachat<br />

de ces actifs exposés seraient la banque VTB<br />

<strong>et</strong> des structures commerciales dont la banque<br />

Rossia <strong>et</strong> Sourgoutneftegaz, la société de Iouriï<br />

Kovaltchouk, sont co-propriétaires.<br />

Pour LifeNews, Elena Batourina cherche<br />

à se débarrasser uniquement des actifs qui<br />

pourraient créer des problèmes au couple. Selon<br />

Kommersant, elle examine la possibilité de<br />

ne vendre que les proj<strong>et</strong>s de développement en<br />

phase de lancement.<br />

Marker, 1/11/ 2010, LifeNews, 1/11/ 2010,<br />

Kommersant, 2/11/ 2010, Forbes 2/11/ 2010<br />

Pervyï Kanal : Abramovitch<br />

passe aux aveux<br />

L<br />

’oligarque Roman Abramovitch s’est décidé<br />

à offi cialiser une information jamais confi rmée<br />

formellement jusqu’alors par aucune des<br />

parties intéressées : il détient 49% des actions<br />

de Pervyï Kanal, la première chaîne de télévision<br />

russe en termes d’audience, dont l’Etat<br />

détient les 51% restants. Depuis 2001, date<br />

du rachat à Boris Berezovskiï des parts qu’il<br />

détenait alors dans ORT (l’ancien nom de la<br />

chaîne), régnait l’omerta sur le suj<strong>et</strong>.<br />

Kommersant, 3/11/ 2010 (interview de John<br />

Mann, représentant d’Abramovitch au sein de<br />

la société Millhouse LLC, qui gère ses actifs)<br />

Corporations d’Etat Résultat de la restructuration Délais de restructuration<br />

Rosnano S.A. Fin 2010<br />

ASV Société de droit public Dernier trimestre 2011<br />

Olimpstroï Liquidation Eté 2014<br />

Fond JKKh Liquidation 1er janvier 2012<br />

VEB Société de droit public D’ici le 1er janvier 2012<br />

Rostekhnologuiï S.A. Elaboration du proj<strong>et</strong> de loi sur la réorganisation<br />

au 4e trimestre 2010<br />

Rosatom Inconnu La décision sera prise avant la fi n 2010<br />

Avtodor S.A. Elaboration du proj<strong>et</strong> de loi sur la réorganisation<br />

au 4e trimestre 2010<br />

Il a fait il a dit<br />

Tchernomyrdine : parti<br />

pour toujours, il restera<br />

pour l’éternité<br />

Viktor Tchernomyrdine est décédé des suites<br />

d’une longue maladie dans la nuit du 3<br />

novembre, à l’âge de 72 ans. Fondateur de<br />

Gazprom (1989), successeur de Gaïdar à la tête<br />

du gouvernement sous Eltsine (1992-1996),<br />

conseiller <strong>et</strong> représentant spécial du président<br />

russe pour la coopération économique avec les<br />

pays membres de la CEI depuis 2009, il restera<br />

dans les mémoires comme l’un de ceux sans<br />

qui la Russie n’aurait pas survécu à l’époque<br />

dite de la « transition ».<br />

Ancien apparatchik, Tchernomyrdine a<br />

commencé sa carrière comme ouvrier de l’industrie<br />

gazière pour la fi nir en oligarque (le magazine<br />

Forbes le comptait en 2001 au nombre<br />

des milliardaires russes les plus fortunés, avec<br />

un patrimoine évalué au minimum à 1 milliard<br />

de dollars).<br />

Il a été salué par tous les responsables politiques<br />

qui l’ont connu, Poutine le premier, autant<br />

sinon plus pour son sens de l’humour que<br />

pour son sens de la responsabilité. « Je suis<br />

pour le marché mais pas pour le bazar », avaitil<br />

ainsi lâché au plus fort de la transition.<br />

Ria Novosti, Vedomosti, Pervyï Kanal, 3/11/ 2010<br />

Agenda<br />

Phamtech 2010<br />

D ans<br />

ce salon consacré à l’analyse des tendances<br />

de développement du secteur pharmaceutique,<br />

on invite les entreprises représentées<br />

à « ne pas tomber dans la publicité ». La<br />

section « Pharma people » leur perm<strong>et</strong>tra toutefois<br />

de faire le plein de candidatures de frais<br />

émoulus des facultés.<br />

Du 23 au 26 novembre 2010 au VVC (Vserossiïskiï<br />

Vystavotchnyï Tsentr, Pavillon 75).<br />

Site Intern<strong>et</strong> : www.pharmtech-expo.ru<br />

Festival russe du vin<br />

(Rossiïskiï Festival Vina)<br />

C<strong>et</strong>te exposition internationale perm<strong>et</strong>tra<br />

aux producteurs <strong>et</strong> aux distributeurs de<br />

vins <strong>et</strong> spiritueux de se chercher des partenaires<br />

dans le monde entier. Sur la « Tasting<br />

Aera » auront lieu des dégustations <strong>et</strong> des master<br />

classes.<br />

Du 18 au 21 novembre 2010 à Crocus Expo<br />

(pavillon 1, hall 1), Krasnogorsk.<br />

Site Intern<strong>et</strong> : www.drinksindustry.ru ڤ


« Adm<strong>et</strong>tons que quelqu’un me règle mon compte : qui ça intéressera de savoir que je<br />

n’ai jamais dénoncé personne, que je ne me suis jamais battu avec qui que ce soit. Je<br />

vois déjà la scène : un de mes assassins créera le site pravdakashina.ru, où il écrira que les<br />

bourreaux sanglants de Poutine ont assassiné Oleg Kachine, espoir de la presse libre. Vu<br />

comme ça, sérieusement, ça devient effrayant. Je ne sais pas si je fais bien d’écrire tout<br />

cela à découvert. Mais tout de même, au cas où, ne croyez pas ce qu’ils écriront sur moi<br />

dans ce site. »<br />

Oleg Kachine, 5 juill<strong>et</strong> 2005, 17:13<br />

http://avmalgin.livejournal.com/2191580.html<br />

Agression sous caméras<br />

Le 6 novembre, à 00h20, Oleg Kachine rentrait<br />

chez lui, au 28 de la rue Piatnitskaïa. Un<br />

taxi l'a conduit jusqu'à l'entrée d'une cour<br />

fermée au public par des portes <strong>et</strong> une barrière<br />

à digicode.<br />

« À minuit 20, ma femme m'a dit : j'ai l'impression<br />

qu'on frappe quelqu'un devant la<br />

porte », a raconté à Kommersant Vladimir Ladokhine.<br />

Il vit avec sa famille au rez-de-chaussée de<br />

l'immeuble <strong>et</strong> s'occupe de l'entr<strong>et</strong>ien des parties<br />

communes. M. Ladokhine explique qu'il a enfi<br />

lé un manteau <strong>et</strong> est sorti de l'autre côté de la<br />

grille. « Au moment où je me suis montré, deux<br />

espèces de types se sont mis à courir vers les<br />

cours non éclairées, en direction de Piatnitskaïa,<br />

ajoute Vladimir. Oleg était assis par terre juste au<br />

pied de la porte, entièrement tuméfi é. Il m’a dit :<br />

« Deux salopards m'ont attaqué. Ils m'attendaient.<br />

» Le journaliste était clairement conscient<br />

<strong>et</strong> a même essayé de se lever, mais il est tombé<br />

immédiatement en disant : « Je ne peux pas, mes<br />

jambes…». Ensuite, raconte Vladimir Ladokhine,<br />

Oleg Kachine s’est écroulé sur le sol. « Il pleuvait,<br />

je ne pouvais pas le traîner. J'ai apporté une<br />

large planche <strong>et</strong> du cellophane, je l'ai allongé<br />

<strong>et</strong> couvert. On a appelé les secours, poursuit le<br />

concierge. En les attendant, Oleg a <strong>encore</strong> une<br />

fois répété que ses agresseurs l’attendaient. Et<br />

puis il a dit : « J'ai l'impression qu'ils m'ont cassé<br />

les dents, j'ai mal partout. »<br />

Les secours ont conduit Oleg Kachine à l'hôpital<br />

municipal n°36. Il a alors expliqué ce qui<br />

s’était passé par téléphone à sa femme, Evguenia<br />

Milova. Les médecins ont précisé à Kommersant<br />

que Kachine était conscient lors de son admission,<br />

il souff rait de fractures de la mâchoire, des jambes,<br />

des mains (une phalange d'un de ses doigts était<br />

pratiquement arrachée), d’un traumatisme crânien<br />

<strong>et</strong> de nombreuses blessures. Le journaliste<br />

a été anesthésié. Quand il a commencé de perdre<br />

connaissance, on l’a placé en sommeil médicalisé.<br />

Le 7 novembre, il a subi de nouvelles opérations :<br />

on a posé des plaques de titane sur ses mâchoires<br />

brisées, fi xé sa jambe cassée. Les chirurgiens ont<br />

travaillé trois heures, après quoi les médecins ont<br />

pu assurer que le cerveau d'Oleg n'avait pas été<br />

touché.<br />

Pour l’agression contre le journaliste, le comité<br />

d'enquête du Parqu<strong>et</strong> de la capitale a ouvert<br />

une enquête pénale sur le fondement de l'article<br />

« Tentative de meurtre » (art. 105 du Code Pénal<br />

de la Fédération de Russie). Le président russe<br />

Dmitriï Medvedev a ordonné au Procureur général<br />

Iouriï Tchaïka de prendre l'enquête sous<br />

contrôle spécial, <strong>et</strong> le chef du MVD (ministère de<br />

l’Intérieur, ndt) Rachid Nourgaliev a promis de<br />

confi er la recherche des coupables aux meilleurs<br />

enquêteurs du MOuR (police judiciaire moscovite,<br />

ndt).<br />

D'après Vladimir Markine, représentant offi<br />

ciel du comité d'enquête près du Parqu<strong>et</strong> de la<br />

Fédération, on sait actuellement que juste avant<br />

l'agression, les deux voyous ont suivi durant un<br />

court moment le journaliste. L’un deux portait un<br />

bouqu<strong>et</strong> de fl eurs : soit pour détourner l'attention,<br />

soit pour cacher le morceau d'armature métallique<br />

avec lequel, comme on le suppose, les coups ont<br />

été portés. Les agresseurs, visiblement, savaient<br />

de quel côté le journaliste s'approcherait de son<br />

immeuble, étant donné qu'ils le gu<strong>et</strong>taient à c<strong>et</strong><br />

endroit alors que l’autre côté de l’immeuble est<br />

aussi muni de portes <strong>et</strong> d’une barrière. Le 18 octobre,<br />

Oleg avait publié un article dans la revue<br />

Vlast, consacré au recensement de la population.<br />

Le journaliste y écrivait notamment : « Je peux me<br />

féliciter <strong>et</strong> m’enorgueillir, depuis un an déjà, d’au<br />

moins une chose : personne ne sait où j'habite ».<br />

Versions de l’entourage<br />

du journaliste<br />

Les journalistes, politiciens, acteurs de la<br />

société civile <strong>et</strong> bloggeurs qui connaissent<br />

bien Oleg Kachine ont proposé un certain<br />

nombre de versions sur la question de savoir<br />

qui pouvait être à l’origine de l’agression. Selon<br />

l’une de ces hypothèses, l’attaque pourrait être la<br />

conséquence du confl it autour de la forêt de Khimki.<br />

Oleg Kachine avait interviewé en exclusivité<br />

pour Kommersant un activiste du mouvement<br />

Antifa, un des organisateurs du pogrom commis<br />

à l'administration de Khimki, ainsi que de l’un<br />

des participants de c<strong>et</strong>te même action, Maksim<br />

Solopov, actuellement en liberté surveillée. À<br />

l'appui de c<strong>et</strong>te version : les caractéristiques des<br />

coups portés à Oleg coïncident avec les blessures<br />

que des inconnus avaient infl igées, il y a<br />

deux ans, à Mikhaïl Bek<strong>et</strong>ov, défenseur de la forêt<br />

de Khimki <strong>et</strong> rédacteur en chef de Khimkinskaïa<br />

Pravda. De plus, un jour avant l'agression<br />

d’Oleg Kachine, on a attaqué <strong>et</strong> mutilé un autre<br />

militant, le chef de la section du parti Pravoe delo<br />

pour la ville de Khimki, Konstantin F<strong>et</strong>issov. « Il<br />

avait fait beaucoup pour que le suj<strong>et</strong> ait une large<br />

résonance», a déclaré à Kommersant Evguenia<br />

Tchirikova, leader du mouvement de défense de<br />

la forêt. Nous considérons que l’agression contre<br />

À la une<br />

Kommersant : Andreï Kozenko, Vladislav<br />

Trifonov, Maria Semendiaeva, Mikhaïl<br />

Kirtzer<br />

Rabkor.ru : Dmitriï Jvania<br />

Traduit par Julia Breen<br />

L’Armature comme moyen de censure<br />

Dans la nuit du 5 au 6 novembre, Oleg Kachine, correspondant de la maison d’édition Kommersant, a été sauvagement<br />

frappé près de son immeuble à Moscou. Il a été admis à l’hôpital avec des blessures graves <strong>et</strong> a déjà<br />

subi plusieurs opérations. Les médecins estiment que son état est grave. Il est d’ores <strong>et</strong> déjà évident que le journaliste<br />

a été victime d’une agression planifi ée à l’avance : les enregistrements de caméras vidéo installées près<br />

du lieu de l’attaque perm<strong>et</strong>tent d’établir que les deux voyous attendaient précisément Kachine. Une enquête<br />

pénale a été ouverte sur le fondement de l’article « Tentative de meurtre » du Code pénal de la Fédération.<br />

Oleg a été commise selon un schéma dûment<br />

préétabli, au même titre que les attaques contre<br />

Konstantin F<strong>et</strong>issov <strong>et</strong> Mikhaïl Bek<strong>et</strong>ov. À la<br />

place des enquêteurs, c’est là-dessus que je porterais<br />

mon attention. »<br />

Les bloggeurs envisagent aussi l’hypothèse<br />

selon laquelle l'agression d’Oleg Kachine serait<br />

liée au confl it qui l’opposait à Andreï Tourtchak,<br />

gouverneur de la région de Pskov. En août dernier,<br />

dans son blog sur LiveJournal, Oleg, commentant<br />

la démission du gouverneur de la région de<br />

Kaliningrad Gueorguiï Boos, avait exprimé une<br />

opinion sans détour sur le gouverneur. Ce dernier,<br />

dans les commentaires, avait exigé des excuses,<br />

qu’Oleg lui avait refusées. Trois semaines avant<br />

son agression, Oleg Kachine, citant ses sources,<br />

a déclaré à ses collègues de la rubrique Société<br />

de Kommersant qu’Andreï Tourtchak, non seulement<br />

n’avait pas oublié l’off ense, mais prétendait<br />

aussi vouloir se venger. Plus tard, le journaliste<br />

a <strong>encore</strong> une fois déclaré à ses collègues, sur un<br />

ton mi-sérieux mi-humoristique : « S’il m’arrive<br />

quelque chose, c’est Tourtchak ».<br />

Enfi n, selon la troisième version avancée par<br />

les journalistes, l'agression contre Oleg Kachine<br />

pourrait être le fait d’une organisation de jeunesse<br />

pro-Kremlin, la Jeune garde de Edinaïa Rossia. Le<br />

11 août, un texte était publié sur le site de l’organisation,<br />

qui affi rmait que Kommersant employait<br />

des « saboteurs de l'information ». Le texte était<br />

illustré d’une photographie d'Oleg Kachine barrée<br />

de la mention : « Sera puni ». Toutefois, après<br />

le tabassage d'Oleg Kachine, le site de la Jeune<br />

garde a rapidement publié une interview d’Andreï<br />

Tatarinov, membre du conseil politique du mouvement<br />

<strong>et</strong> membre de la Chambre civile. Tatarinov y<br />

exige « une enquête prompte <strong>et</strong> diligente » sur le<br />

tabassage de Kachine. Kommersant ڤ<br />

On assassine les journalistes, ça veut dire<br />

que le journalisme est vivant<br />

journalisme est mort, <strong>et</strong> nous voulons<br />

jouer avec lui comme s’il était au zénith. «Le<br />

Nous tentons de réveiller, à coups de<br />

chaudes caresses, une jeune fi lle, alors qu'elle<br />

est depuis longtemps déjà une vieillarde, qui<br />

plus est à l’agonie … », m'écrivait récemment un<br />

vieil ami <strong>et</strong> collègue, grâce à l'entremise duquel,<br />

à l’époque, je suis devenu journaliste. (…)<br />

Je comprends mon ami. Mais je pense qu'il<br />

a tort. Le journalisme, dans notre pays, est bien<br />

vivant. Le journalisme russe est vivant parce que,<br />

dans notre pays, on assassine les journalistes,<br />

on les frappe à mort. Ce qui signifi e que par<br />

leurs écrits, ils inquiètent certaines personnes.<br />

Au temps de la perestroïka, on pouvait écrire <strong>et</strong><br />

dire ce qu’on voulait. Mais quand on a le droit de<br />

tout dire, c’est signe que la vérité n’a que peu de<br />

puissance. Aujourd’hui, c’est tout autre chose.<br />

Je ne connais pas personnellement Mikhaïl Bek<strong>et</strong>ov<br />

ni Oleg Kachine. Je sais seulement qu'ils<br />

dénonçaient les responsables politiques, l'arbitraire<br />

des miliciens, qu’ils défendaient la forêt<br />

de Khimki. Je lisais leurs articles, <strong>et</strong> c’était du<br />

journalisme avec un grand J. Du journalisme<br />

vivant, <strong>et</strong> pas une « vieillarde agonisante ». On<br />

n’agresse pas les vieillards au coin des rues, on<br />

ne les frappe pas avec des tiges de métal, on ne<br />

leur écrase pas des phalanges. (…)<br />

Je ne sais pas qui a commandité l’agression<br />

de Kachine : les Nachi, la Jeune garde, les nazis,<br />

le gouverneur de la région de Pskov Andreï<br />

Tourtchak ou les constructeurs de la route au<br />

milieu de la forêt de Khimki. L’essentiel, c’est<br />

qu’une telle atmosphère se soit installée dans<br />

notre pays : que, pour un texte, on risque la<br />

mort. Et, pour mourir, il faut être un authentique<br />

journaliste vivant.<br />

À ce qu’on dit, il ne faudrait pas canoniser<br />

Kachine. Il aurait prétendument commencé à<br />

Kaliningrad comme national-bolchévique avant<br />

de collaborer à des éditions aussi pro-kremlin<br />

que le site Vzgliad <strong>et</strong> le journal Ré-action, pour<br />

fi nir par se rapprocher des Antifa <strong>et</strong> des anarchistes.<br />

Et quoi ? Si on va par là, je n’ai jamais<br />

aimé les gens qui « ont choisi une voie une fois<br />

<strong>et</strong> pour toujours ».<br />

Je me fi che profondément de savoir qui était<br />

Oleg Kachine à ses débuts. Ce que je sais, c’est<br />

que maintenant, il est entre la vie <strong>et</strong> la mort. Et<br />

qu’il s’est r<strong>et</strong>rouvé dans c<strong>et</strong> état pour avoir écrit<br />

des choses qui n'ont pas plu aux apologistes du<br />

pouvoir. Rabkor.ru ڤ<br />

09<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Kachine dans les blogs<br />

Il pourrait arriver la même chose à chacun<br />

d'entre nous. L'État ne défend aucunement ses<br />

citoyens, il ne défend que ses intérêts propres.<br />

Les organisations censées lutter, sur le papier,<br />

contre l'extrémisme, s'occupent, dans la pratique,<br />

de tout autre chose. La racaille criminelle<br />

qui fait son business est toute puissante en Russie<br />

<strong>et</strong> s'est étroitement liée à un État embourbé<br />

dans le vol <strong>et</strong> la corruption.<br />

Oleg, mon cher, tiens bon, je t'en prie.<br />

http://drugoi.livejournal.com/3405604.html<br />

C'est précisément lui [Sourkov] qui dresse des<br />

jeunes au lac Seliger, c'est sous son commandement<br />

que s'élaborent des mouvements<br />

où les militants des droits de l'homme, les<br />

journalistes <strong>et</strong> l'opposition sont peints sous les<br />

traits de criminels nazis. C'est précisément lui<br />

qui est à l'origine des organisations extrémistes<br />

Nachi, Jeune garde, Jeune Russie, Stal, <strong>et</strong>c.,<br />

qui défi lent dans les rues de Moscou avec<br />

des banderoles dénonçant les « Ennemis de<br />

la Russie ». Et ces ennemis, ce sont à nouveau<br />

l'opposition, les défenseurs des droits de<br />

l'homme, les journalistes.<br />

Pour l'atmosphère de haine qui s'est installée<br />

dans le pays <strong>et</strong> qui a rendu possible, également,<br />

l'agression contre Kachine, M. Sourkov<br />

porte une responsabilité personnelle. Et tant<br />

qu'il sera au pouvoir, une menace réelle<br />

continuera de planer sur la vie <strong>et</strong> la santé<br />

des journalistes, des défenseurs des droits de<br />

l'homme <strong>et</strong> des membres de l'opposition.<br />

http://b-nemtsov.livejournal.com/88758.html<br />

J’ai bien l’impression que personne n’a commandité<br />

l’agression de Kachine. Ce n’est pas<br />

un journaliste si terrifi ant, ce Kachine. Dans ce<br />

pays, de toute façon, un journaliste ne peut<br />

pas faire peur. Il suffi t que la bonne personne<br />

téléphone à l’autre bonne personne, <strong>et</strong> hop !<br />

n’importe quel journaliste se fait virer <strong>et</strong> va se<br />

faire voir. Pas la peine d’ouvrir une quelconque<br />

enquête pénale… les types qui ont frappé Kachine,<br />

vraisemblablement, ce sont deux bons<br />

gars russes ordinaires, simplement armés de la<br />

connaissance de la vérité.<br />

http://blguanblch.livejournal.com/763818.<br />

html<br />

Mais qu’est-ce qu’ils m’emmerdent, tous, avec<br />

ce Kachine ! C’est tout juste si ça ne devient<br />

pas le type le plus important du pays !<br />

À la radio, à la télé, sur le n<strong>et</strong>, sur<br />

LiveJournal : toutes les nouvelles ne parlent<br />

que de lui. En Russie, chaque jour, on frappe,<br />

tue <strong>et</strong> viole des dizaines de gens. En quoi<br />

seraient-ils pires que lui ? Pourquoi est-ce que<br />

je dois, d’absolument partout, entendre combien<br />

de dents on a cassé à un quelconque<br />

provocateur ?<br />

À mon humble avis, le journalisme est un boulot<br />

de porcs. Le pire. Déterrer la merde. Surtout<br />

sur les questions socio-politiques. La liberté<br />

d’expression, dans notre pays, n’a jamais existé,<br />

n’existe pas <strong>et</strong> n’existera pas, <strong>et</strong> la censure<br />

étatique n’a rien à voir là-dedans. En Russie, le<br />

journaliste doit comprendre que s’il s’attaque<br />

à certains intérêts, il peut le payer physiquement.<br />

Et je ne crois pas qu’on ne les ait pas<br />

assez prévenus. Et puis c<strong>et</strong>te forêt de Khimki, là,<br />

personne n’en a rien à cirer : la route est bien<br />

plus nécessaire.<br />

http://super-oslik.livejournal.com/24703.html<br />

Une agression a été commise contre le journaliste<br />

du quotidien Kommersant Oleg Kachine. À<br />

l’époque, journaliste débutant, il a beaucoup<br />

écrit sur l’activité du Parti national-bolchévique,<br />

<strong>et</strong> ses publications l’ont rendu célèbre. Il écrivait<br />

de façon plutôt objective, <strong>et</strong> c’est ce qui<br />

lui a valu des louanges. Je tiens à lui exprimer,<br />

ainsi qu’à ses proches, toute ma compassion.<br />

J’espère qu’il se rétablira <strong>et</strong> remontera au front.<br />

http://limonov-eduard.livejournal.com/90219.<br />

html


10<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Reportage<br />

Texte : Gabrielle Leclair<br />

Photo : Galina Kouzn<strong>et</strong>sova<br />

Palais du Kremlin. 10h. Les employés<br />

de Kombinat Pitaniïa Kremliovskiï<br />

s’aff airent pour dresser un banqu<strong>et</strong><br />

de 600 personnes qui doit se tenir<br />

dans quelques heures, préparer la<br />

visite imminente du président du<br />

Qatar, <strong>et</strong> le déjeuner en comité restreint du Patriarche<br />

Kirill. Journée, à vrai dire, classique pour<br />

les employés de Guennadiï Korolev, sous-directeur<br />

de l’organisation qui gère notamment toutes<br />

les réceptions données par le président Medvedev,<br />

le Premier ministre Poutine <strong>et</strong> le Patriarche Kirill.<br />

Marmelades de fruits, roul<strong>et</strong>te de cèpes, tartel<strong>et</strong>tes<br />

au caviar rouge, salade Olivier, broch<strong>et</strong>tes<br />

de saumon, pirojkis, mousse de mangue <strong>et</strong> fruit<br />

de la passion… Les cuisiniers préparent le menu<br />

pour le banqu<strong>et</strong> pendant que les serveurs dressent<br />

le buff <strong>et</strong>. Au même moment, des sandwichs<br />

sont à préparer pour être vendus aux spectateurs<br />

de la représentation quotidienne du Bolchoï. De<br />

son p<strong>et</strong>it bureau qui juxtapose la cuisine, le chef<br />

cuisinier Jérôme Rigaud supervise tout. Confi ant,<br />

il tâche de rendre ses 30 cuisiniers autonomes :<br />

« le rôle d’un chef n’est pas de tout faire, mais<br />

d’aiguiller ses apprentis », explique ce Français<br />

qui forme son personnel sans jamais élever<br />

la voix. C’est important de bien s’entendre car<br />

« on voit plus les cuisiniers que sa propre<br />

famille », reprend le chef. Dans une ambiance<br />

plutôt détendue pour une mission d’une telle exigence,<br />

les cuisiniers travaillent au son d’une radio<br />

diff usant des tubes universels des années 80.<br />

Isolée dans le bloc pâtisserie de la cuisine, Janna<br />

s’apprête à faire déguster au chef le dessert<br />

qu’elle a elle-même conçu pour le déjeuner du<br />

Patriarche. Une mousse de melon couverte d’une<br />

gelée de menthe, avec une sauce menthe vanille<br />

agrémentée de quelques fruits des bois. Le des-<br />

sert est exclusif : pas question de servir deux fois<br />

le même plat. « Il faut se renouveler sans cesse »,<br />

explique Janna dont le visage détendu <strong>et</strong> souriant<br />

confi rme qu’elle « ne s’ennuie jamais ». Depuis<br />

trois ans, c<strong>et</strong>te pâtissière de 40 ans innove quotidiennement<br />

pour un président particulièrement<br />

friand de sorb<strong>et</strong>s. Mais, la plupart du temps, c’est<br />

Jérôme <strong>et</strong> Guennadiï qui imposent le menu. « Il<br />

arrive aussi que le président exige un produit<br />

en particulier », confi e Janna, qui ne dévoilera<br />

pourtant sous aucun prétexte les desserts favoris<br />

de Medvedev. « Si les plats préférés du président<br />

sont dévoilés dans la presse, on court le<br />

risque que tous ses hôtes les reproduisent indéfi -<br />

niment », commente Jérôme.<br />

Une exigence d’État<br />

Mais, avant de présenter quoi que ce soit au chef<br />

Rigaud, « les produits sont soumis au service du<br />

protocole », confi e Janna, qui a suivi Jérôme au<br />

Kremlin depuis le restaurant français Nostalgie,<br />

à Moscou. Les médecins <strong>et</strong> technologues militaires<br />

du FSO (service fédéral russe de sécurité,<br />

chargé de la protection du président) soum<strong>et</strong>tent<br />

tous les aliments qui seront préparés pour le président,<br />

le Premier ministre <strong>et</strong> le Patriarche à des<br />

analyses en laboratoire. Les normes sont drastiques.<br />

« Les cèpes, les courg<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> la salade frisée<br />

ne passent pas », observe Jérôme. Pourquoi ?<br />

Quelles sont ces normes ? «Je ne peux rien vous<br />

dire, sinon je me ferai fusiller », plaisante amèrement<br />

un médecin venu m<strong>et</strong>tre dans ses sach<strong>et</strong>s<br />

en plastique le contenu des repas du président<br />

pour les prochains jours. Lorsque Medvedev s’en<br />

va en voyage, sauf s’il est invité, toute la p<strong>et</strong>ite<br />

troupe gastronomique l’accompagne. Dans leurs<br />

bagages : tous les produits bien sûr, les ustensiles<br />

de cuisines, <strong>et</strong> même les gros appareils<br />

On n’a jamais vu un régime<br />

politique renverser une<br />

cusine nationale.<br />

Viviane Chocas<br />

Cuisine top secrète<br />

Les milliers de moscovites qui défi lent chaque jour sur la place Rouge ne peuvent s’imaginer ce<br />

qui se passe au quotidien dans les cuisines du Kremlin. Le Courrier de Russie s’est introduit discrètement<br />

pour une visite dans les coulisses gourmandes du palais présidentiel, l’un des lieux les plus<br />

surveillés au monde.<br />

Qu’est ce que le Kombinat<br />

Pitaniïa Kremliovskiï ?<br />

C’est un organisme qui supervise la<br />

nourriture servie dans les bâtiments dépendant<br />

du Kremlin (Palais du Kremlin,<br />

Bolchoï, Staraïa Plochtchad…). Il comprend<br />

2000 personnes dirigées par Igor<br />

Boukharov, président de l’Association<br />

des restaurateurs <strong>et</strong> hôteliers de Russie<br />

<strong>et</strong> président d’honneur du Bocuse d’or.<br />

La pesée des portions :<br />

vestige de l’URSS<br />

Ce qui frappe dans les cuisines du<br />

Kremlin, c'est que chacun des produits<br />

alimentaires est pesé. Par exemple,<br />

chaque sandwich au jambon doit<br />

contenir le même grammage de jambon<br />

<strong>et</strong> de pain. Idem pour les milliers<br />

de canapés servis pour le banqu<strong>et</strong> de<br />

ce soir.... La tradition date de l'époque<br />

soviétique, quand chaque portion était<br />

dûment pesée pour éviter les vols de<br />

nourriture par les cuisiniers.<br />

Comparaison discrète<br />

Selon Jérôme Rigaud, les mesures de<br />

sécurité <strong>et</strong> autres normes sont plus<br />

contraignantes en Russie qu’en France.<br />

Lorsque Nicolas Sarkozy est entouré<br />

de plus de 100 personnes, ce sont des<br />

traiteurs extérieurs qui le servent. Et les<br />

cuisiniers de L’Élysée ne suivent jamais<br />

le président dans ses déplacements.<br />

Le chef cuisinier Jérôme Rigaud<br />

Guennadiï Korolev, directeur adjoint des<br />

cuisines du Kremlin<br />

Les cuisiniers du Kremlin préparent le banqu<strong>et</strong><br />

Janna en pâtisserie Iouriï, un des 30 cuisiners Vakhtang, le sous chef Viktor, un des maîtres d’hôtel<br />

comme les fours. « Nous avons un avion particulier<br />

», rassure Jérôme.<br />

Lorsque Medvedev reçoit des invités, à ces exigences<br />

s’ajoutent celles de ceux qu’il reçoit. Ce<br />

matin, Jérôme Rigaud a reçu un fax énumérant<br />

les aliments que le président de l’État du Qatar<br />

ne peut consommer ou n’apprécie pas. La liste<br />

est longue. Mais le chef la tient secrète. On apprend<br />

seulement que, en présence du président<br />

de l’Émirat musulman, Medvedev <strong>et</strong> les autres<br />

invités devront se passer d’alcool. Tout le challenge<br />

des cuisiniers du Kremlin tient dans le fait<br />

de réaliser un menu de haute qualité en se passant<br />

de ces nombreux produits.<br />

Mais cuisiner dans les règles de l’art présidentiel<br />

n’est pas tout, il faut <strong>encore</strong> que le service soit<br />

impeccable. Étonnamment timide, Anton, serveur<br />

attitré de Medvedev depuis un an, explique :<br />

« je dois réfl échir à chacun de mes actes. Prendre<br />

les distances nécessaires pour ne pas gêner le<br />

président, sans pour autant m’éloigner trop au<br />

cas où il aurait besoin de moi ». Évidemment, le<br />

service se fait dans le plus grand silence <strong>et</strong> l’on<br />

n’adresse pas la parole au chef de l’État, mais «<br />

s’il pose une question, je dois pouvoir y répondre<br />

justement ». C<strong>et</strong>te attitude est essentielle, selon<br />

Viktor, maître d’hôtel depuis 1976 : « nous<br />

représentons la Russie dans notre manière de<br />

servir », dit avec sagesse c<strong>et</strong> homme au visage<br />

doux <strong>et</strong> à l’attitude irréprochable. D’autres, cependant,<br />

conçoivent leur métier avec moins de<br />

solennité, comme Iouriï, plus détendu <strong>et</strong> extrêmement<br />

jovial. Ce pilier des cuisines du Kremlin<br />

depuis plus de 30 ans avoue sans complexe <strong>et</strong><br />

tout en s’amusant que « ce qu’il y a de particulier<br />

ici, c’est la vue qu’on a sur le Kremlin <strong>et</strong> la<br />

ville ». De loin, Iouriï peut observer les passants,<br />

mais eux ne le verront jamais cuisiner. ڤ


En France, la cuisine est une<br />

forme sérieuse d’art <strong>et</strong> un<br />

sport national.<br />

Julia Child<br />

Au goût du Kremlin<br />

dans les cuisines du<br />

Kremlin, c’est comme dans le<br />

sport : il faut gagner le match<br />

tous les jours. » Depuis janvier<br />

«Travailler<br />

2008, Jérôme Rigaud est le<br />

responsable cuisinier des réceptions<br />

données par le président Medvedev. Quand<br />

on demande à ce Français de 35 ans comment<br />

il est arrivé là, il répond tout simplement<br />

qu’il s’est trouvé « au bon endroit au bon moment<br />

». Ce que confi rme son parcours professionnel,<br />

qui n’est qu’une suite d’opportunités<br />

saisies au vol. Un enchaînement de défi s qu’il<br />

s’est lancés depuis qu’il a su qu’il ne pourrait<br />

plus jouer au rugby, sport auquel il s’adonnait<br />

depuis l’adolescence.<br />

À l’âge de 19 ans, ce joueur de deuxième division<br />

à Perpignan se blesse. A la suite d’une rupture<br />

des ligaments croisés du genou, Jérôme doit renoncer<br />

non seulement à sa passion mais également<br />

à son rêve de devenir un jour inspecteur de<br />

police. « Une immense déception », souligne-il.<br />

Le jeune homme, natif d’Abidjan (Côte d’Ivoire),<br />

restera « déprimé » jusqu’au jour où un ami serveur<br />

lui propose de venir l’aider pour la soirée<br />

du Nouvel An dans un restaurant de Perpignan.<br />

Jérôme a alors 22 ans, <strong>et</strong> se découvre une nouvelle<br />

vocation : « Ca m’a donné envie d’ouvrir<br />

un restaurant ». Il décide d’en faire son métier.<br />

Après avoir été formé, notamment, par les grands<br />

chefs français Joël Robuchon <strong>et</strong> Michel Troisgros,<br />

Jérôme Rigaud reçoit plusieurs propositions.<br />

L’une d’elles l’intrigue. Un certain Eldorado, à<br />

Moscou, le demande. « Je n’avais jamais entendu<br />

parler de ce restaurant ni trouvé aucune<br />

information sur Intern<strong>et</strong> », explique Jérôme qui<br />

décide pourtant de tenter l’aventure russe. « Une<br />

ouverture d’esprit <strong>et</strong> un goût du voyage » qui lui<br />

viennent, assure-t-il, de ses 16 premières années<br />

passées en Afrique. L’occasion est idéale<br />

pour se lancer un défi : « Même si tu ne connais<br />

pas les gens qui vont t’entourer ni leur culture,<br />

tu dois réussir à t’adapter ». Rapidement, c’est<br />

chose faite. Au bout de deux ans <strong>et</strong> demi, Jérôme<br />

quitte l’Eldorado <strong>et</strong> passe au Nostalgie, le plus<br />

ancien des restaurants français de Moscou.<br />

Deux ans plus tard, Igor Boukharov, propriétaire<br />

du Nostalgie, commence à se charger des<br />

banqu<strong>et</strong>s présidentiels. Il demande à Jérôme de<br />

l’aider de façon ponctuelle. Le jeune Français<br />

commence, « p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it », à diriger les banqu<strong>et</strong>s<br />

donnés par le président Medvedev. « Une<br />

sorte de test », pense Jérôme qui sera embauché<br />

dans les cuisines du Kremlin à plein temps,<br />

après cinq mois d’« essai ». Tout s’est déroulé<br />

en douceur, « c’est pour ça que j’ai accepté»,<br />

confi e Jérôme, qui souligne que « [s’il avait] su<br />

d’emblée les contraintes <strong>et</strong> la charge de travail<br />

que cela impliquait, [il aurait] refusé ».<br />

Chef sous haute surveillance<br />

Ces cinq mois d’essai ont aussi servi aux services<br />

de renseignement du président pour mener<br />

une enquête complète sur Rigaud, sa famille<br />

<strong>et</strong> ses amis. Surveillance rapprochée qui<br />

reste d’actualité. « Je suis sur écoute 24h/24 »,<br />

observe le cuisinier, qui se sait surveillé jusque<br />

dans ses soirées personnelles. Mais Jérôme affi<br />

rme ne rien changer pour autant à son mode<br />

de vie : « C’est normal, car je travaille pour le<br />

président d’une grande puissance mondiale ».<br />

Aujourd’hui, il oublie même les médecins militaires<br />

qui gu<strong>et</strong>tent ses faits <strong>et</strong> gestes lorsqu’il<br />

cuisine pour Medvedev dans une salle spéciale,<br />

à laquelle les autres cuisiniers – sans parler<br />

des journalistes – n’ont pas accès.<br />

« Le plus diffi cile dans ce travail est de s’adapter<br />

au rythme », explique celui qui doit être au<br />

service du président en permanence. Pas de va-<br />

Portrait<br />

Texte : Gabrielle Leclair<br />

Photo : Galina Kouzn<strong>et</strong>sova<br />

cances depuis trois ans, pas le temps de profi ter<br />

de son passe-temps préféré, le rugby, même<br />

si « la cuisine ressemble à tous les sports collectifs<br />

». Il faut que Jérôme soit toujours prêt<br />

à cuisiner, servir <strong>et</strong> diriger en fonction des<br />

événements organisés par le président. « On<br />

peut m’appeler ce soir à 22h pour un banqu<strong>et</strong><br />

de 200 personnes, demain, à l’autre bout de la<br />

ville », explique-t-il. À cela s’ajoute l’absence<br />

de routine dans les cuisines du Kremlin. « Le<br />

menu de chaque banqu<strong>et</strong> est unique », précise<br />

Jérôme. Le public étant prestigieux, « c’est<br />

un combat permanent » pour plaire à chaque<br />

réception. Avec Guennadiï Korolev, le sousdirecteur<br />

des cuisines du Kremlin, il supervise<br />

tout. Du choix de la vaisselle, des menus <strong>et</strong> des<br />

produits au nombre de serveurs <strong>et</strong> de cuisiniers<br />

requis. Dans ces choix, Jérôme a apporté un<br />

peu de french touch <strong>et</strong> bousculé les habitudes<br />

des cuisines du Kremlin.<br />

« J’adapte la cuisine<br />

française au goût<br />

russe »<br />

Le chef français a fait découvrir un système basé<br />

sur des menus dégustation, avec six ou sept<br />

plats par personne. Auparavant, on apportait de<br />

grands plats sur la table, <strong>et</strong> chacun se servait.<br />

Jérôme Rigaud a introduit une haute cuisine,<br />

« moins axée sur la quantité mais plus raffi née<br />

<strong>et</strong> plus diversifi ée », explique Guennadiï, qui<br />

souligne que même si le cuisinier « ne parle<br />

pas parfaitement russe, il nous comprend très<br />

bien ». C’est certainement ce qui a fait son<br />

succès dans les cuisines de la présidence.<br />

« S’il avait cuisiné comme un Français pour<br />

des Français, il n’est pas certain que ça aurait<br />

plu », poursuit un Guennadiï qui apprécie tout<br />

particulièrement la cuisine française, « fondée<br />

sur le choix de produits authentiques ». Jérôme<br />

11<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Jérôme Rigaud est le seul étranger employé à la présidence russe. Depuis bientôt trois ans, le chef<br />

cuisinier français prépare lui-même les plats qui sont servis à la table présidentielle dans le palais<br />

du Kremlin <strong>et</strong> ailleurs. Pour le plaisir de Dmitriï Medvedev <strong>et</strong> de ses hôtes, il a adapté sa cuisine au<br />

goût russe. Portrait d’un chef friand de défi s <strong>et</strong> de diversité.<br />

Jérôme Rigaud en<br />

10 dates<br />

21 février 1975 : Naissance à Abidjan en<br />

Côte d’Ivoire<br />

1996 : Apprenti auprès du chef Jean-Paul<br />

Hartmann à l’Almandin, restaurant une étoile<br />

au Michelin près de Perpignan.<br />

1998 : Commis de cuisine puis chef de partie<br />

à L’Astorg, restaurant parisien une étoile<br />

sous la tutelle de Joël Robuchon<br />

2000 : Chef de partie puis sous-chef de<br />

cuisine dans la Maison Troisgros, à Roanne.<br />

2003 : Chef cuisinier du restaurant Le Balthus,<br />

à Beyrouth, au Liban<br />

2004 : Chef cuisinier à l’Eldorado, à Moscou<br />

2006 : Chef cuisinier au Nostalgie, à Moscou<br />

11 septembre 2007 : Prépare son premier<br />

banqu<strong>et</strong> pour le président Medvedev<br />

1 e janvier 2008 : Devient le chef cuisinier<br />

en titre du président Medvedev<br />

a introduit dans l’assi<strong>et</strong>te présidentielle des produits<br />

atypiques <strong>et</strong> de grande qualité comme le<br />

sel noir, le thé de Taiwan <strong>et</strong>, bientôt, le chocolat<br />

français Weiss. Il apprend à ses trente cuisiniers<br />

russes à faire leur pâté foie gras. Le professeur<br />

se dit parfaitement satisfait de ses apprentis, qui<br />

ont le sens du travail <strong>et</strong> ne se plaignent jamais<br />

de faire, chaque jour, des heures supplémentaires<br />

: « En France, ce ne serait pas possible »,<br />

observe Jérôme.<br />

Vakhtang, son second, note lui aussi des changements,<br />

remarquant notamment « l’arrivée<br />

dans la cuisine de nouveaux poissons comme le<br />

turbot ou la dorade ». Iouriï, cuisinier au Kremlin<br />

depuis 30 ans, se souvient qu’il y a quelques<br />

années <strong>encore</strong>, ils préparaient des « sangliers<br />

<strong>et</strong> des esturgeons entiers », servis dans d’immenses<br />

plats. Viktor, maître d’hôtel, remarque<br />

que le chef français est arrivé à un moment où<br />

« la cuisine du Kremlin, en même temps que les<br />

idées du président au pouvoir, commençaient à<br />

changer ». Un président tourné vers l’Occident<br />

promeut logiquement une cuisine qui lui ressemble.<br />

Même si Jérôme tire beaucoup de satisfactions<br />

de son travail au Kremlin, il compte bien<br />

réaliser son rêve, toujours le même depuis ce<br />

fameux Jour de l’An. « Ici, c’est ma dernière<br />

place avant que je n’ouvre ma brasserie en<br />

Espagne ou en Australie », explique ce Français<br />

de l’Etranger. Dans l’un de ces deux pays<br />

« qui l’attirent », il continuera de faire ce qu’il a<br />

toujours fait : « travailler avec des produits que<br />

n’importe qui peut se payer, mais que personne<br />

ne peut cuisiner comme moi ». Un proj<strong>et</strong> <strong>encore</strong><br />

vague pour le Français qui ne prévoit pas<br />

<strong>encore</strong> concrètement de quitter les cuisines du<br />

Kremlin. « Je partirai quand je m’ennuierai »,<br />

ce qui est quasiment impossible, « ou quand je<br />

craquerai », ce qui est plus probable si son patron<br />

ne lui accorde pas de répit. ڤ


12 Le Courrier de Russie<br />

Texte<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Devoir lire les jeunes poètes :<br />

le châtiment me paraît cruel.<br />

Heureusement qu’il est des<br />

gens qui ne partagent pas mon<br />

point de vue. Olga Loukinova<br />

<strong>et</strong> Andreï Nosov s’adonnent à<br />

c<strong>et</strong>te tâche depuis cinq ans déjà, <strong>et</strong> n’ont aucune<br />

intention de s’arrêter... Depuis 2006, ces deux<br />

diplômés de l<strong>et</strong>tres de 22 <strong>et</strong> 23 ans organisent<br />

à Nij niï Novgorod le festival Molodoï literator<br />

(« jeune littérateur »), qui réunit des jeunes<br />

poètes de la région de la Volga. L’événement<br />

a permis à de nombreux auteurs de rencontrer<br />

des éditeurs, <strong>et</strong> Nij niï Novgorod a connu<br />

une renaissance de sa communauté littéraire.<br />

« Quand nous avons commencé, il n’y avait que<br />

quelques personnes en ville qui organisaient<br />

des soirées littéraires, <strong>et</strong> je les connaissais tous,<br />

confi e Andreï. Aujourd’hui, je reçois chaque<br />

semaine des invitations de la part de gens dont<br />

le nom m’est inconnu. » Pour convaincre la<br />

jeunesse novgorodienne que « lire, c’est très à<br />

la mode », Olga <strong>et</strong> Andreï ont aussi lancé dans<br />

la ville le mouvement du bookcrossing 1 <strong>et</strong> organisé<br />

des lectures de poèmes dans un tram qui<br />

circule autour du Kremlin... « Des diffi cultés,<br />

on en a eues, mais à chaque étape, nous avons<br />

rencontré des gens qui acceptaient de nous aider<br />

sans rien demander en échange », explique<br />

Olga, enthousiaste. Des amis venaient en masse<br />

pour distribuer les invitations, des propriétaires<br />

de cafés <strong>et</strong> cinémas accordaient gracieusement<br />

leurs locaux, les maires des villes de la région<br />

invitaient Olga <strong>et</strong> Andreï à donner des conférences<br />

dans des bibliothèques <strong>et</strong> maisons de la<br />

culture. « Nous pensions que seules des vieilles<br />

viendraient. Mais à chaque fois, les salles étaient<br />

remplies de jeunes », témoigne Andreï.<br />

Car aujourd’hui comme par le passé, les<br />

bleds russes perdus entre champs <strong>et</strong> marais regorgent<br />

de poètes qui crient leurs sentiments<br />

en crachant du sang <strong>et</strong> de la chair. « Bien sûr, la<br />

plupart des gens qui nous envoient leurs travaux<br />

écrivent comme si rien ne s’était passé dans la<br />

poésie depuis Pouchkine. Ils connaissent très<br />

peu les poètes contemporains », observe Olga.<br />

Certes, ils sont nombreux à penser que Brodski<br />

est <strong>encore</strong> vivant ou à n’avoir jamais entendu<br />

parler de Prigov. Mais peu importe. Exclus du<br />

« contexte littéraire », égarés dans le temps <strong>et</strong><br />

l’espace, ils affi rment par leurs balbutiements<br />

poétiques la dignité <strong>et</strong> la valeur humaines. Et<br />

Dossier<br />

: Inna Doulkina<br />

Photo : Kommersant<br />

Fin octobre, la Maison des artistes de Moscou a accueilli le festival Crosscontact. Sa<br />

mission : présenter au public les initiatives culturelles qui foisonnent dans les régions<br />

russes. Festivals littéraires, graffi tis post-soviétiques <strong>et</strong> vidéos poétiques... Le Courrier de<br />

Russie a rencontré des gens sans qui rien de tel ne se serait passé.<br />

Cuisiniers poétiques<br />

Olga <strong>et</strong> Andreï en sont conscients. « Ce qui<br />

nous intéresse, c’est de préparer un terrain où<br />

se formeront des génies, pas de regr<strong>et</strong>ter leur<br />

absence », souligne la jeune femme. Ni elle ni<br />

Andreï n’écrivent de poèmes. Ce ne sont pas<br />

non plus eux qui jugent la qualité des oeuvres<br />

qu’on leur soum<strong>et</strong> pour participation aux festivals.<br />

La tâche est confi ée à un jury composé de<br />

poètes <strong>et</strong> écrivains de renom, comme Lev Kharlamov<br />

ou Zakhar Prilepine. « Nous r<strong>et</strong>irons de<br />

grandes satisfactions de notre travail d’organisateurs.<br />

Nous ne recherchons pas les lauriers<br />

des poètes. À chacun son travail », proclamentils<br />

à l’unisson.<br />

En ce moment, dans leur besace : trois recueils<br />

de poèmes de jeunes auteurs de la Volga<br />

publiés sur une subvention gagnée auprès des<br />

autorités municipales. Au nombre de leurs proj<strong>et</strong>s<br />

: organiser un festival d’interprètes <strong>et</strong> un<br />

autre de jeunes dramaturges. Je les imagine,<br />

tous deux installés sur un toit novgorodien,<br />

armés de louches géantes, remuer l’air de leur<br />

ville natale pour le rendre plus nourrissant <strong>et</strong><br />

plus appétissant.<br />

L’envie leur est venue quand ils étaient <strong>encore</strong><br />

de sages étudiants. Le doyen de la faculté<br />

avait lancé un concours du « meilleur proj<strong>et</strong><br />

culturel ». Olga a proposé, avec une copine,<br />

un festival poétique, <strong>et</strong> remporté sa première<br />

subvention. Pour l’édition suivante, elles se<br />

sont fait aider par Andreï <strong>et</strong> son ami. Depuis,<br />

la copine a fait deux enfants <strong>et</strong> s’est r<strong>et</strong>irée du<br />

jeu. L’ami est parti étudier à Saint-Pétersbourg.<br />

Olga <strong>et</strong> Andreï veillent toujours, près de la marmite<br />

où mij ote le bouillon culturel nij niï-novgorodien.<br />

Pour y ajouter un peu de piment, Andreï<br />

prévoit d’ouvrir prochainement, avec une bande<br />

de complices, une p<strong>et</strong>ite librairie intellectuelle.<br />

Olga, de son côté, poursuit à Moscou des<br />

études de gestion de proj<strong>et</strong>s culturels. « Je ne<br />

sais pas où je vivrai dans l’avenir, mais je peux<br />

affi rmer que tous mes proj<strong>et</strong>s futurs prendront<br />

place à Nij niï Novgorod », déclare-t-elle catégorique.<br />

Une image vaut mille<br />

mots.<br />

Confucius<br />

Ca bouge à Nijniï Novgorod<br />

En préparant mon interview, j’étais certaine<br />

que j’allais devoir aff ronter deux individus souffrant<br />

de graphorrhée. Je les voyais blêmes, leurs<br />

yeux ardents. Exaltés comme des professeurs<br />

de littérature soviétique <strong>et</strong> rêveurs comme des<br />

hérissons perdus dans le brouillard. Du haut de<br />

mon snobisme moscovite, j’étais certaine de devoir<br />

faire preuve d’une extrême indulgence face<br />

à ces deux provinciaux aux passions douteuses<br />

<strong>et</strong> aux goûts discutables. Mais au cours de nos<br />

quatre-vingt-dix minutes d’entr<strong>et</strong>ien, mes lèvres<br />

n’ont pas une fois r<strong>et</strong>rouvé leur expression ironique<br />

habituelle : j’avais devant moi deux commissaires,<br />

hautement professionnels, menant<br />

leurs opérations d’une main ferme <strong>et</strong> la tête<br />

froide. Ils pourraient aussi bien le faire à Londres<br />

ou à Berlin. Par bonheur pour la Russie, ils ont<br />

choisi Nij niï Novgorod. ڤ<br />

1 Le bookcrossing, autrement appelé BC ou BX, est un phénomène<br />

mondial dont le concept est de faire circuler des livres en les<br />

« libérant » dans la nature pour qu’ils puissent être r<strong>et</strong>rouvés <strong>et</strong> lus<br />

par d’autres personnes, qui les relâcheront à leur tour.


Créer ce que jamais nous ne<br />

verrons, c’est cela la poésie.<br />

Gerardo Diego<br />

Révolutionnaires visuels<br />

M<strong>et</strong>tre des mots en phrases<br />

<strong>et</strong> construire avec des cathédrales<br />

littéraires : les<br />

Russes savent faire depuis<br />

longtemps. Les l<strong>et</strong>tres<br />

sont depuis toujours leur<br />

moyen d’expression favori. Les images, elles, sont<br />

quelque peu délaissées. Certes, le génie russe est<br />

aussi dans les icônes de Roublev ou les fi lms de<br />

Khlebnikov, mais ces fi gurations, quelques sublimes<br />

soit-elles, pâlissent sous les lumières de<br />

la Grande littérature.<br />

Nul ne sait pourquoi les Russes aiment<br />

mieux raconter des histoires plutôt que<br />

dessiner ; interpréter plutôt que représenter ;<br />

transformer plutôt que transm<strong>et</strong>tre. L’explication<br />

est-elle à chercher du côté des paysages ternes de<br />

grandes plaines russes qui inspirent moins que le<br />

ciel italien ou les champs de Provence ? qui éteignent<br />

les passions <strong>et</strong> incitent à la méditation ?..<br />

Peut-être. C’est pourtant en leur sein, au milieu<br />

des champs nus <strong>et</strong> nuages écrasants, que sont<br />

nés Pavel Mourykine <strong>et</strong> Nikita Smorkalov, deux<br />

artistes de 22 ans qui se sont fi xé pour mission de<br />

révolutionner la culture visuelle russe.<br />

Pour accomplir c<strong>et</strong> exploit, les deux diplômés<br />

d’histoire de l’université d’Ijevsk, en Oudmourtie,<br />

créent des « espaces de lumière » <strong>et</strong> des « catalogues<br />

de présence ». Le dernier en date répertorie<br />

les « moments sacrés » qui se produisent à<br />

Sviïajsk, île de la Volga où rien n’a été construit<br />

depuis le début du siècle dernier. « Oubliée » par<br />

les architectes soviétiques du fait de sa situation<br />

reculée, l’île a conservé ses églises en bois, ses<br />

routes pavées de pierres blanches <strong>et</strong> son atmos-<br />

phère de ville enchantée des contes slaves. Si la<br />

Russie a ses endroits « rouges », marqués par<br />

la mémoire des révoltes populaires comme Lougansk<br />

ou Tcheliabinsk, elle en compte aussi des<br />

« blancs », <strong>et</strong> Sviïajsk fait partie des plus entiers.<br />

Rempart de l’orthodoxie dans le Tatarstan musulman,<br />

Sviïajsk s’éveille au son des cloches <strong>et</strong> édifi e<br />

un monument aux offi ciers blancs morts pendant<br />

la guerre civile. « Un lieu très puissant, avec du<br />

caractère » : ainsi le caractérisent Pavel <strong>et</strong> Nikita.<br />

Pour saisir l’esprit de Sviïajsk, ils y fi lment la vie<br />

quotidienne, pendant un mois, <strong>et</strong> en font des vidéos<br />

poétiques. Imaginez : vaches aux mamelles<br />

généreuses, ruines blanches comme du sucre,<br />

fresques pâles dansant sur les murs... Et, entre<br />

chaque séquence, le ciel bleu foncé, éternel, engloutissant.<br />

Le bleu du ciel <strong>et</strong> l’or des autels. Le<br />

bleu des coupoles <strong>et</strong> l’or des étoiles qui les parsèment.<br />

Les couleurs des coiff es des magiciens<br />

du Moyen Âge <strong>et</strong> de la Vierge Marie... L’or <strong>et</strong> le<br />

bleu rythment le fi lm sur Sviïajsk, сontent son<br />

âme. Mais pourquoi donc avoir préféré le fi lm à<br />

un roman ?<br />

Parce que les textes sont trompeurs <strong>et</strong> les<br />

images un peu moins. « Quand vous écrivez,<br />

vous interprétez la réalité plutôt que vous ne la<br />

transm<strong>et</strong>tez. Alors que si vous prenez une caméra<br />

<strong>et</strong> commencez de fi lmer tout ce qui vous entoure,<br />

vous serez plus proche de la vérité », expliquent<br />

les artistes. Selon eux, l’image précède toujours<br />

l’idée. Elle est plus primitive, mais aussi plus<br />

puissante. La réalité est vivante <strong>et</strong> dépasse les représentations<br />

que nous nous en faisons. Elle ne<br />

peut être décortiquée en mots fi gés : elle s’étouff e<br />

sous leur poids <strong>et</strong> fi nit immanquablement par les<br />

Belles images<br />

Visages sereins, yeux clairs à l’expression<br />

vide <strong>et</strong> puissante. Décidément,<br />

ce sont les habitants de Nij niï Novgorod<br />

qui peuplaient l’électritchka<br />

bruyante <strong>et</strong> puante emportant Venedikt<br />

Erofeev – écrivain-ivrogne le<br />

plus célèbre de Russie – au comble de ses délires.<br />

Rappelez-vous ses lignes : « Je suis r<strong>et</strong>ourné<br />

dans le wagon. Les gens me regardaient d’un air<br />

impassible, leurs yeux étaient ronds <strong>et</strong>, aurait-on<br />

dit, parfaitement vides. Ça me plaît. J’aime que<br />

le peuple de mon pays ait les yeux vides <strong>et</strong> globuleux.<br />

Des yeux comme ça ne vous vendent pas.<br />

Les jours de malheurs, de doutes, de réfl exions<br />

pénibles, ces yeux ne battent pas des paupières.<br />

Tout leur est don de Dieu... »<br />

Ce sont ces mots qui me reviennent à l’esprit<br />

quand j’observe Sergueï Ragozine, venu éclairer<br />

la jeunesse branchée de la capitale sur l’état des<br />

lieux du graffi ti à Nij niï Novgorod. Son visage timide<br />

<strong>et</strong> un peu pâle se dissout dans l’ombre, on<br />

ne voit que ses yeux bleus qui dégagent une force<br />

tranquille. Lui, spécialiste en technologies de<br />

l’information, s’occupe depuis quatre ans de promouvoir<br />

le graffi ti dans sa ville natale aux parfums<br />

de bois humide <strong>et</strong> de métal grillé. « Un jour, je<br />

suis passé devant un mur peint de graffi tis. J’ai<br />

trouvé cela merveilleux. J’ai eu envie de connaître<br />

les gens qui l’avaient fait. » C’est ainsi que tout<br />

a commencé. Ont suivi des expositions – fi nancées<br />

par Sergueï de sa poche faute d’avoir trouvé<br />

des sponsors –, des performances <strong>et</strong> des conférences.<br />

Les mythes ont la peau dure, <strong>et</strong> l’entreprise<br />

de les démolir demande à Sergueï beaucoup<br />

d’eff orts. « Les graff eurs ne sont pas des voyous,<br />

s’empresse-t-il de préciser. Ce sont des gens<br />

cultivés, larges d’esprit, anglophones. Ils ont une<br />

vision des choses très fi ne <strong>et</strong> originale ». Pour<br />

l’exprimer, les jeunes artistes de l’ex-capitale de<br />

l’industrie militaire ne manquent pas d’espaces.<br />

Palissades d’usines, stades ou stations électriques<br />

désaff ectés – l’héritage de l’Empire qui<br />

avait forgé sa puissance dans des fours Martin<br />

passe à vitesse grand V aux mains des descendants<br />

des ouvriers novgorodiens. Et quoi de plus<br />

légitime. C’est eux que l’on voit, regards plongés<br />

au fond d’eux-mêmes, bonn<strong>et</strong>s baissés jusqu’aux<br />

sourcils, envahir discrètement ces forteresses<br />

industrielles. Les carcasses reprennent vie sous<br />

leur main. Cosmonautes aux sourires maniaques,<br />

soldats de l’Armée rouge aux antennes extraterrestres,<br />

enfants heureux jouant à la bombe<br />

atomique... Pour appréhender les peurs de la<br />

civilisation soviétique, il suffi t de s’off rir une<br />

balade dans les quartiers industriels de la ville.<br />

« Je trouve que tout ce qu’ils font est beau », affi<br />

rme Sergueï, péremptoire. Absence de regard<br />

critique ? Non, plutôt sa façon de rapprocher le<br />

Dossier<br />

Texte : Inna Doulkina<br />

faire exploser. Qui n’a connu ces moments où<br />

l’on ne trouve plus ses mots ?.. Certes, la vidéo<br />

comporte aussi sa part de subjectivité mais, paradoxalement,<br />

Pavel <strong>et</strong> Nikita ne cherchent pas<br />

à être objectifs. « Ce serait trop prétentieux, précisent-ils.<br />

Nous n’avons pas peur d’une subjectivité<br />

honnête <strong>et</strong> assumée. »<br />

Cheveux longs, gros pulls tricotés, yeux amusés.<br />

Pavel <strong>et</strong> Nikita m’expliquent en riant qu’Ijevsk<br />

grouille d’artistes indépendants, qu’à Moscou<br />

beaucoup de gens parlent tout seuls dans<br />

la rue, qu’ils ont nommé leur groupe artistique<br />

Anachorète avant de devoir – parce que personne<br />

n’était capable de le prononcer correctement – le<br />

renommer en Atelier des arts de lumière. « Aujourd’hui,<br />

la technique de la vidéo est accessible<br />

à un très grand nombre. Pour faire du cinéma,<br />

il suffi t de se payer une caméra <strong>et</strong> d’accorder à<br />

c<strong>et</strong>te occupation son temps <strong>et</strong> son attention »,<br />

affi rment les artistes qui, quand ils ne fi lment<br />

pas la nature oudmourtienne sur le compte de<br />

la télévision locale, animent un atelier cinématographique<br />

dans un lycée d’Ijevsk. « Le cinéma<br />

tel qu’on le connaît s’est depuis longtemps fi gé<br />

dans son développement. Pour le ramener à la vie,<br />

il faut se débarrasser de tous nos clichés morts,<br />

m<strong>et</strong>tre les compteurs à zéro, créer dans une totale<br />

liberté ». Intelligence remarquable, humour<br />

sans bornes <strong>et</strong> pas une note de ce snobisme trop<br />

largement répandu chez les jeunes intellos de la<br />

capitale, Pavel <strong>et</strong> Nikita renoncent aux mots car<br />

les grandes idées qu’ils ont servi à formuler n’ont<br />

pas sauvé la Mère Russie. Peut-être les images<br />

qui frappent droit au ventre sans passer par le cerveau<br />

en seront-elles capables ?.. ڤ<br />

moment où Nij niï Novgorod sera la capitale mondiale<br />

du graffi ti. « Il ne faut rien interdire, décrèt<strong>et</strong>-il.<br />

Que les gens peignent sur tous les murs de la<br />

ville ! Il n’y a rien à craindre. Les mauvais graffi tis<br />

ont la vie courte. » En eff <strong>et</strong>, ils sont rapidement<br />

recouverts par d’autres : plus expressifs, plus subtils,<br />

plus signifi catifs. « Et ce n’est qu’en créant<br />

un milieu qu’on peut espérer croiser un jour des<br />

génies », poursuit Sergueï. À l’en croire, il est<br />

grand temps. Si dans les années 1990, les diff érents<br />

groupes artistiques en Russie se disputaient<br />

la place au soleil, l’heure est aujourd’hui à la coopération<br />

<strong>et</strong> au compromis. « Je soutiens toutes<br />

les initiatives liées à la promotion de l’art actuel,<br />

explique Sergueï. Peu importe que je le trouve à<br />

mon goût. Nous défrichons tous le même champ<br />

<strong>et</strong> n’avons rien à disputer. » Dans ses proj<strong>et</strong>s :<br />

une exposition de graffi ti novgorodien à Kirov <strong>et</strong><br />

une autre, très importante, au début de l’année<br />

prochaine, dans l’ancien bâtiment de l’Arsenal de<br />

Nij niï Novgorod qui abrite aujourd’hui le Centre<br />

public d’art contemporain. « La directrice nous<br />

laisse le sous-sol. Le lieu est merveilleux. Nous<br />

allons le transformer le temps de l’exposition en<br />

une ligne de métro. » Un métro qui traverse le<br />

passé <strong>et</strong> emmène loin dans l’avenir. Beau symbole.<br />

Les yeux bleus de Sergueï s’allument, puis<br />

r<strong>et</strong>rouvent en un instant leur expression sereine<br />

habituelle. ڤ<br />

13<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Le Courrier de Russie<br />

sur le web<br />

www.lecourrierderussie.<br />

ru<br />

Le Courrier de Russie, c’est également<br />

un site d’actualités, lecourrierderussie.ru,<br />

à consulter jour après jour pour<br />

suivre <strong>et</strong> vivre la Russie au plus près<br />

Nos derniers suj<strong>et</strong>s à consulter sur<br />

lecourrierderussie.ru<br />

Mikhaïl Khodorkovskiï : « L’élite ne se<br />

réveillera qu’une fois la situation devenue<br />

vraiment grave »<br />

Mikhaïl Khodorkovskiï a donné une<br />

interview exclusive à Novaïa Gaz<strong>et</strong>a,<br />

traduite en français sur le site du Courrier<br />

de Russie<br />

« Un certain nombre de problèmes doivent<br />

être résolus afi n que les autres nations<br />

nous envient <strong>et</strong> souhaitent venir<br />

vivre en Russie plutôt que de nous mépriser<br />

en silence »<br />

Monsieur le Président...<br />

L<strong>et</strong>tre ouverte adressée au président<br />

de la Fédération de Russie suite à<br />

l’agression du journaliste Oleg Kachine<br />

« Le droit du journaliste à remplir normalement<br />

ses obligations sans craindre<br />

pour sa vie, c’est le droit de la société à<br />

parler <strong>et</strong> être entendue »<br />

Russes <strong>et</strong> puissants<br />

Vladimir Poutine est arrivé à la quatrième<br />

place dans le dernier classement<br />

Forbes des personnes les plus puissantes<br />

du monde<br />

Travailler plus, plus, plus<br />

Selon polit.ru, 58% des Russes sont<br />

opposés à l’introduction de la semaine<br />

de travail de 60 heures proposée par<br />

Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong><br />

Droit <strong>et</strong> Vérité : Mikhalkov persiste <strong>et</strong><br />

signe<br />

Rien de bien nouveau dans le manifeste<br />

du réalisateur Nikita Mikhalkov,<br />

Pravo i Pravda (Droit <strong>et</strong> Vérité) pour<br />

le quotidien Vedomosti<br />

R<strong>et</strong>rouvez également chaque mardi sur<br />

lecourrierderussie.ru des proverbes<br />

russes traduits en français, chaque mercredi,<br />

des vidéos musicales en russe, <strong>et</strong><br />

chaque jeudi, nos bons plans pour une<br />

semaine bien pleine dans la rubrique<br />

Moscou est à nous.


9<br />

14<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Guide<br />

Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Dernier<br />

cercle avant l’antre de l’Ange déchu. Péché<br />

de trahison. Médée, c’était l’Inacceptable.<br />

Par amour pour un homme, elle trahit son<br />

père <strong>et</strong> son peuple, jalousie <strong>et</strong> colère, elle<br />

assassine ses enfants. Magicienne surpuissante,<br />

elle transgresse l’ultime tabou,<br />

incarne le Mal <strong>et</strong> le chaos, Titan dévorant<br />

sa progéniture, monstre suprême. L’ombre<br />

continue de planer, la sorcière fascine <strong>et</strong> dégoûte.<br />

Le mythe est repoussoir, construit la norme sociale en miroir inversé.<br />

Jusqu’au spectacle Médée. Épisodes, zong-opéra. Le poète Liokha<br />

Nikonov <strong>et</strong> le m<strong>et</strong>teur en scène Giuliano di Capua relisent la tragédie<br />

: Euripide a menti, accusé l’étrangère pour préserver l’unité de<br />

la Grèce. La princesse de Corynthe est Géorgienne, confl it ossète en<br />

fi ligrane, la fi lle du roi rival est victime d’hommes bouchers, menteurs<br />

<strong>et</strong> lâches, qui l’accablent parce qu’elle a refusé de se soum<strong>et</strong>tre. Inscrite<br />

dans un présent tout proche, la Médée de c<strong>et</strong> opéra punk, pétersbourgeois<br />

<strong>et</strong> époustoufl ant, est victime sacrifi cielle, bouc émissaire <strong>et</strong><br />

furie, révolutionnaire, prophétesse de terribles augures. Médée fi gure<br />

inverse, aux ailes trop grandes, condamnée.<br />

Médée. Épisodes, opéra punk, le 27 novembre, à 19h, TsDKh,<br />

Krimskiï Val, 10.<br />

www.teatrodicapua.com/medea/p<br />

Conception : Vera Gaufman<br />

Texte : Julia Breen<br />

Réalisation : Galina Kouzn<strong>et</strong>sova<br />

Bienvenue dans le Huitième Cercle. Vous êtes<br />

chez les menteurs, les voleurs. Trompeurs,<br />

mauvais conseillers <strong>et</strong> faux-monnayeurs. Alchimistes.<br />

Performers <strong>et</strong> artistes contemporains,<br />

expérimentateurs invétérés. Le fossé<br />

capitale/province est toujours partout présent.<br />

Parfois, il est presque infranchissable. Alors on<br />

salue chaleureusement l’initiative éphémère <strong>et</strong> fragile<br />

de ce « musée vivant de la performance » au Centre<br />

municipal d’art contemporain de Voronej. La performance comme essence<br />

de l’art contemporain. Et au-delà. L’art ne peint plus des héros,<br />

mais s’approche, au contraire, au plus près de l’humain trop humain,<br />

colle au réel, abolit au maximum la distance. L’art classique observait<br />

depuis l’extérieur, façonnant l’obj<strong>et</strong> sur des canons formels quand<br />

l’art contemporain se veut expression des profondeurs de l’être, inverse<br />

le point de vue. La performance en est l’aboutissement, la représentation<br />

est abolie, l’acte devient spectacle, au moment même où<br />

il a lieu. Tout le XXe 8<br />

siècle dans un concept.<br />

« Musée vivant de la performance », du 12 au 19 novembre, Centre<br />

municipal d’art contemporain, oul. 20 l<strong>et</strong> Oktyabria, TTs Evropa,<br />

5-iï <strong>et</strong>aj, Voronej.<br />

7<br />

Bienvenue dans le Septième<br />

Cercle. Coupables du péché<br />

de violence. Une violence<br />

nécessaire, lieu de<br />

possibles, zone réservée,<br />

territoire neutre, sans loi,<br />

hors codes de la communauté,<br />

rituel initiatique, pour<br />

s’apprivoiser. Iouriï Bykov, c’est la<br />

« nouvelle vague russe ». Son dernier fi lm, Jit’<br />

(2010), pose à la morale la question de la survie,<br />

aux limites du Bien <strong>et</strong> du Mal, que rest<strong>et</strong>-il<br />

de l’humain confronté à l’extrême. Un type<br />

partait simplement à la chasse, mais, témoin<br />

d’une scène, se r<strong>et</strong>rouve à tirer un inconnu des<br />

pattes de bandits qui le poursuivent. Il faut fuir,<br />

à deux. Contraints par l’urgence de faire avec<br />

<strong>et</strong> ensemble, jusqu’à se r<strong>et</strong>rouver confronté au<br />

choix ultime, lui ou moi, un seul vivra. Tenter<br />

de maintenir des principes, s’accrocher à une<br />

abstraction, une certaine idée de soi, système<br />

de valeurs <strong>et</strong> éthique pour fi nir mal, broyé.<br />

Ou vivre peinard, serein, sans scrupules <strong>et</strong><br />

surtout sans questions. Bykov fi lme l’humain<br />

imparfait, en équilibre instable entre lui <strong>et</strong> luimême,<br />

ne tire surtout pas de conclusion. Il a<br />

une croyance, pourtant, absurde <strong>et</strong> folle, fi ne<br />

espérance, peut-être dans la justice. Car celui<br />

qui reste en vie n’est pas forcément le vainqueur.<br />

Jit’, Iouriï Bykov (2010), première russe le<br />

11 novembre.<br />

6<br />

DÉPART<br />

Bienvenue dans le Sixième Cercle. Hérétiques,<br />

athées <strong>et</strong> épicuriens. Andreï<br />

Plakhov est critique, commentateur cinéma<br />

attitré du quotidien Kommersant,<br />

membre du jury à Berlin, Locarno, Tokyo,<br />

San Sebastian. Winzavod lui ouvre le programme<br />

« Cinéma avec Andreï Plakhov ». La<br />

graine <strong>et</strong> le mul<strong>et</strong>, Abdellatif Kechiche, indéniablement très grand<br />

fi lm. Une vraie histoire. Qui dit toutes les histoires. Admirablement<br />

inscrite dans un milieu <strong>et</strong> une époque <strong>et</strong> parle en même temps de<br />

partout <strong>et</strong> toujours, de noblesse <strong>et</strong> de bassesses, d’humanité en profondeur,<br />

amours contrariées, générations sourdes. Les vieux ont sacrifi<br />

é <strong>et</strong> cru bon de se taire, ils ont espéré, les gamins les renient <strong>et</strong><br />

leur crachent au nez sur un sol étranger, veulent tout, tout de suite.<br />

Assimilation dévoreuse. Et puis la grâce, le temps d’un instant, autour<br />

d’un couscous, générosité pure <strong>et</strong> entière, abandon, folie, une<br />

fl eur des villes née dans la boue rayonne, inonde de soleil la grisaille,<br />

brûle de fraîcheur <strong>et</strong> d’énergie vitale. Et au même moment l’autre qui<br />

s’éteint, usé, vieil arbre déplacé, racines tronquées. Dans une danse.<br />

Kinoteatr s Andreem Plakhovym : La graine <strong>et</strong> le mul<strong>et</strong>, A. Kechiche<br />

(2007), le 15 novembre, à 20h. Tsurtsum kafe, Winzavod,<br />

4-iï Syromiatnitcheskiï per., d. 1/8, str. 6.<br />

www.winzavod.ru<br />

Vous ne savez plus que faire de votre temps libre ? J<strong>et</strong>ez<br />

les dés <strong>et</strong> lancez-vous dans un voyage insolite à travers<br />

les neuf cercles de l’Enfer. Vos guides, fi ns connaisseurs<br />

des ténèbres, vous feront goûter leurs plaisirs inattendus.<br />

Suivez leurs conseils, vous ne serez pas déçus. À la prochaine<br />

au purgatoire !<br />

4Bienvenue dans le Quatrième Cercle.<br />

Après avoir fait fortune, vous partez<br />

investir en Sibérie. Au passage prenez<br />

des informations à la nouvelle fondation<br />

de l’oligarque <strong>Prokhorov</strong>. Allez<br />

directement au purgatoire.<br />

Bienvenue dans le Huitième<br />

Cercle. Testez votre effi cacité<br />

au musée vivant de la performance.<br />

8<br />

Bienvenue dans le Troisième<br />

Cercle. Goûtez les plats<br />

bourguignons au restaurant<br />

Kaï. Passez votre tour. 3<br />

Bienvenue dans le Neuvième<br />

Cercle. Vous êtes<br />

terrorisés par la magicienne<br />

Médée lors de<br />

l’opéra punk. Passez votre<br />

tour.<br />

9<br />

ARRIVÉE<br />

BIENVENUE AU PUR-<br />

GATOIRE. PASSEZ UNE<br />

SEMAINE CHAUDE !<br />

7<br />

Bienvenue dans le Septième<br />

Cercle. Découvrez<br />

les limites entre le bien <strong>et</strong><br />

le mal en regardant Jit’, le<br />

dernier fi lm de Iouriï Bykov.<br />

Bienvenue dans le Cinquième Cercle. Les coléreux<br />

<strong>et</strong> les mélancoliques. Tulpan, c’est la première<br />

fi ction du réalisateur de documentaires Sergueï<br />

Dvortsevoï. Dvortsevoï vient du Kazakhstan, <strong>et</strong><br />

5<br />

son fi lm, il souffl e comme la steppe. C’est lent<br />

<strong>et</strong> immédiat, immense <strong>et</strong> simplissime. La steppe<br />

est le lieu d’un présent éternel, où l’histoire<br />

n’existe pas. Où rien n’évolue, ne progresse, ne<br />

change, où le rythme est celui du soleil, de l’herbe <strong>et</strong><br />

des brebis. Aza revient chez lui, démobilisé après le service dans la Flotte.<br />

Enfant de berger, il vise l’impossible <strong>et</strong> s’y attelle : bâtir une maison, installer<br />

l’eau <strong>et</strong> l’électricité, devenir propriétaire, écrire une Histoire. Caïn<br />

dans le monde d’Abel, Aza est toute la vanité <strong>et</strong> par là la grandeur de<br />

l’existence humaine. Pour posséder des moutons, il faut se marier. Mais<br />

la seule jeune fi lle à 300 kilomètres à la ronde c’est Tulpan. Et Tulpan<br />

ne veut pas épouser Aza. Parce qu’il a les oreilles décollées. Le fi lm en a<br />

mis, du temps, à se faire, en a épuisé, des équipes de tournage. Parce que<br />

Dvortsevoï laisse la réalité s’écrire d’elle-même dans ses cadres. Parce<br />

que dans la steppe, le quotidien est parabole. Voyage dans un autre espace-temps.<br />

Tulpan (2007), Sergueï Dvortsevoï.


1Bienvenue dans le Premier<br />

Cercle. Jouez les païens en<br />

vous rendant au festival d’art<br />

rituel In Out. Allez à la case<br />

suivante.<br />

5Bienvenue dans le Septième<br />

Cercle. Laissez-vous entraîner<br />

dans un autre espace-temps<br />

avec Tulpan, le fi lm de Sergueï<br />

Dvortesvoï. Revenez à la case<br />

départ.<br />

6Bienvenue dans le Sixième<br />

Cercle. Echappez-vous le<br />

temps du festival «cinéma<br />

avec Andreï Plakhov». Allez<br />

à la case suivante.<br />

2Bienvenue dans le Deuxième<br />

Cercle. Partez à la découverte<br />

du festival du nouveau<br />

théâtre européen. Avancez de<br />

deux cases.<br />

Bienvenue dans le Quatrième Cercle. Les Avares <strong>et</strong><br />

les prodigues. Mikhaïl <strong>Prokhorov</strong> est un oligarque,<br />

4<br />

milliardaire. Il a fait fortune sur les charognes de<br />

l’Empire, au temps des privatisations. Entre les<br />

usines de nickel, les villas yachts <strong>et</strong> j<strong>et</strong>s privés ou la<br />

NBA qu’il s’est off ert comme un p<strong>et</strong>it plaisir, il a <strong>encore</strong><br />

créé une Fondation de soutien à la culture. Échaudé à<br />

Courchevel, <strong>Prokhorov</strong> revient en France la tête haute <strong>et</strong>, sous le bras, une<br />

grandiose exposition Sibérie inconnue, à Lyon. Avare <strong>et</strong> prodigue. Inclassable.<br />

Comme la Sibérie, lieu symbolique d’une Russie ô combien duelle,<br />

plurielle, terre impraticable <strong>et</strong> hostile, <strong>et</strong> <strong>riche</strong> <strong>et</strong> nourricière ; insondables<br />

réserves souterraines, lieu des utopies, colonies <strong>et</strong> conquêtes. L’ombre des<br />

camps de travail <strong>et</strong> la pur<strong>et</strong>é de l’eau du Baïkal. Contrastes <strong>et</strong> paradoxe,<br />

contradictions infi nies comme les espaces. La fondation <strong>Prokhorov</strong> dévoile<br />

une Sibérie aussi archaïque qu’à la pointe, centre d’innovation technologique,<br />

pôle majeur de l’art contemporain russe.<br />

Festival Sibérie inconnue, La création russe contemporaine, du 15 au<br />

21 novembre, Lyon, France.<br />

www.prokhorovfund.ru<br />

3<br />

Guide<br />

1<br />

Bienvenue dans le Troisième Cercle.<br />

Coupables du péché de gourmandise <strong>et</strong><br />

gardés par Cerbère. Le chef français<br />

Nicolas Isnard s’envole en tournée,<br />

vient régaler les papilles moscovites.<br />

Si la France ne vit pas ses meilleurs<br />

moments, poids d’un passé qui ne<br />

survit que dans les représentations,<br />

certitudes <strong>et</strong> leçons de morale obsolètes,<br />

sclérose <strong>et</strong> rétrécissement des perspectives… on<br />

continue au moins de s’y faire plaisir à table. Hommage<br />

à la Bourgogne. Ironie : la région, à force d’isolation<br />

<strong>et</strong> de ferm<strong>et</strong>ure, de refus catégorique de toutes<br />

les innovations, fi nit par se r<strong>et</strong>rouver aujourd’hui à<br />

l’avant-garde, somm<strong>et</strong> d’une gastronomie de luxe célébrée<br />

dans le monde entier. À propos de luxe, entre<br />

nous, au restaurant Kaï, avec des business-lunches<br />

à 1 650 roubles, il sera conseillé de savourer. Mais<br />

puisque la très vieille France fait <strong>encore</strong> du bon vin, au<br />

diable les varices !<br />

Cuisine de Bourgogne, Nicolas Isnard au restaurant<br />

Kaï, du 22 au 26 novembre, Kaï, Swiss hotel Krasnye<br />

kholmy, Kosmodamianskaïa nab., 52, str. 6.<br />

www.swissotel.com<br />

15<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Bienvenue dans le Premier Cercle. Vous<br />

êtes chez les non-baptisés. Ils ont vécu<br />

avant l’avènement du Christ. Leur<br />

péché n’est pas mortel. Condamnés<br />

à errer, aveugles. L’Âge moderne a<br />

mis Dieu à mort, m<strong>et</strong>tait l’homme au<br />

centre <strong>et</strong> préparait sa chute. Ses enfants,<br />

maudits, devraient se r<strong>et</strong>rouver sans Père,<br />

privés d’abstraction <strong>et</strong> d’entité suprême.<br />

Eff ondrement des murs <strong>et</strong> utopies réalisées, illusion<br />

dévoilée, système déconstruit <strong>et</strong> désacralisé, nous nous<br />

sommes réveillés groggy, comme d’un cauchemar sans fi n, assis<br />

sur des cendres. Contre le Dieu matériel, on recherche du sens<br />

<strong>et</strong> des mondes parallèles. Dans le vide spirituel, on s’engouff re,<br />

piocher ici <strong>et</strong> là, troquer l’autorité contre la discipline. Consentie.<br />

Le centre culturel Dom invite le festival InOut, nouvel art rituel.<br />

Le créateur s’eff ace devant la création, le post-modernisme, orphelin,<br />

se fabrique des racines, se redécouvre archaïque, inspiré,<br />

soumis. Se contenter d’être, absolument, ne pas se contempler.<br />

Au plus profond de soi jusqu’à s’oublier. Chamanisme XXI e siècle<br />

<strong>et</strong> avant-garde classique, musique rituelle tibétaine <strong>et</strong> drone ambient.<br />

Néo-paganisme de rigueur. Ommmmm…<br />

Festival d’art rituel In Out, le 19 novembre, à partir de 20h,<br />

Centre culturel Dom, Bolshoï ovtchinnikovskiï per., d. 24, str. 4.<br />

www.dom.com.ru<br />

2<br />

Bienvenue dans le Deuxième<br />

Cercle. Péché de chair, ils<br />

ont placé la passion audessus<br />

du devoir. Il fut un<br />

temps où l’on enterrait les<br />

comédiens la nuit, hors les<br />

Murs, avec les Juifs <strong>et</strong> les<br />

excommuniés. Le théâtre occidental<br />

s’est détaché du rituel<br />

originel, n’est plus vecteur mais fi n<br />

en soi, devenu art. Le festival NET, pour<br />

Novyi Evropeïskiï teatr (Nouveau théâtre<br />

européen), se veut depuis 1998 « fenêtre<br />

sur l’Europe » <strong>et</strong> tient le cap. C<strong>et</strong>te année<br />

le festival innove : abolition des repères<br />

oblige, NET n’observe plus l’Ouest depuis<br />

la grande Russie mais devient lieu même<br />

du croisement, « festival des carrefours des<br />

diff érentes cultures européennes ». D’Allemagne,<br />

Finlande, France <strong>et</strong> Aut<strong>riche</strong> mais<br />

aussi Bulgarie, Pologne, Hongrie, L<strong>et</strong>tonie…,<br />

des troupes pour interroger un théâtre<br />

« nomade ». Qu’est-ce qu’écrire produire<br />

jouer hors de son pays natal, dans une autre<br />

langue ? Où les frontières, où l’étrang<strong>et</strong>é<br />

? À l’encontre de l’exil forcé, déchirures <strong>et</strong><br />

espace unifi é, identités confi squées dissolues<br />

; le voyage, désir curiosité rencontres,<br />

partage sans eff acer. Toujours se rappeler<br />

d’où l’on vient <strong>et</strong> ce dont on est dépositaire<br />

pour être libre <strong>et</strong> seul. Jamais se conformer.<br />

Manifeste pour une Europe d’en bas,<br />

appropriée, complexe, multiple, en mouvement,<br />

inaliénable.<br />

Festival NET, nouveau théâtre européen,<br />

jusqu’au 28 novembre.<br />

www.n<strong>et</strong>fest.ru


16<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

En forme<br />

Stévia : le goût du sucre sans le sucre<br />

Le 10 octobre dernier, le grand rabbin<br />

de Russie Berl Lazar a certifi é casher<br />

une marque de boissons traditionnelles<br />

nommée BioBiss. Tarkhun,<br />

Diouchess <strong>et</strong> autres délices locaux<br />

sont commercialisés par c<strong>et</strong>te marque moscovite<br />

qui produit ses breuvages avec des ingrédients<br />

naturels, <strong>et</strong> sans sucre. D’où provient<br />

donc le goût du sucre? Pour le consommateur<br />

attentif l’étiqu<strong>et</strong>te contient un mot qui r<strong>et</strong>iendra<br />

l’attention: stévia.<br />

Le stévia est une plante d’aspect buissonneux,<br />

originaire d’Amérique du Sud, qui<br />

contient des substances au goût sucré. Il en<br />

existe environ deux cent sortes dont la plus<br />

réputée pour ses propriétés édulcorantes est<br />

le stevia rebaudiana. A l’origine, c<strong>et</strong>te plante,<br />

aussi appelée chanvre d’eau, était largement<br />

consommée par les indiens Guarani du Paraguay<br />

<strong>et</strong> du Brésil, qui l’utilisaient pour ses<br />

vertus médicinales.<br />

Du point de vue médical le stévia est véritablement<br />

à la frontière entre le médicament<br />

<strong>et</strong> l’aliment. Pour zéro calorie, la douceur<br />

gustative est assurée, ce qui perm<strong>et</strong>trait de<br />

remplacer le sucre là où il ne remplit qu’un<br />

rôle d’édulcorant, <strong>et</strong> ferait du stévia un moyen<br />

de lutte contre l’obésité. De plus, plusieurs<br />

études semblent indiquer des eff <strong>et</strong>s positifs<br />

sur le diabète, ou <strong>encore</strong> l'ostéoporose. Il<br />

serait antifongique <strong>et</strong> antibactérien <strong>et</strong> aurait<br />

même un eff <strong>et</strong> protecteur pour les dents.<br />

Véritable pionnier, le Japon a banni les édulcorants<br />

artifi ciels dans les années 70, <strong>et</strong> les<br />

a remplacés par le stévia. Aujourd’hui c<strong>et</strong>te<br />

plante représente 50% du marché des produits<br />

sucrés dans l’archipel, avec notamment<br />

des chewing-gums, des boissons, mais<br />

aussi du dentifrice ou <strong>encore</strong> des produits de<br />

conservation des viandes <strong>et</strong> des poissons.<br />

Santé <strong>et</strong> Beauté<br />

ALLIANCE<br />

MEDICALE<br />

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Spécialistes français ou francophones<br />

Généralistes<br />

Dermatologue<br />

Kinésithérapeute<br />

Psychologue<br />

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Tél. : 8 (499) 243-49-69<br />

8 (915) 352-77-97<br />

www.alliancemedicale.ru<br />

En Russie, le stévia est connu depuis 1934,<br />

après que la plante a été ramenée d’une expédition<br />

en Amérique latine, par Nikolaï Vavilov,<br />

botaniste <strong>et</strong> généticien de renom. Il y<br />

est cultivé des zones méridionales jusqu’à<br />

Saint-Pétersbourg, <strong>et</strong> des recherches pour la<br />

création de nouvelles variétés résistantes au<br />

froid sont en cours. En France, le climat plus<br />

clément perm<strong>et</strong> jusqu’à deux récoltes par an.<br />

Toujours en France, l’utilisation d’extraits de<br />

stévia dans l’agroalimentaire est autorisée depuis<br />

2009, <strong>et</strong> les édulcorants de table depuis<br />

janvier 2010. Autre son de cloche pourtant<br />

dans le reste de l’UE où l’utilisation du stévia<br />

reste proscrite, bien que les démarches d'accréditation<br />

suivent leur cours.<br />

US Dental<br />

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Aux Etats-Unis, les lobbies des édulcorants<br />

ont réussi à r<strong>et</strong>arder de deux décennies l’autorisation<br />

de mise sur le marché par la Food<br />

and Drug Administration (FDA). Le stévia<br />

y est désormais commercialisé depuis deux<br />

ans. En 2006, l’Organisation Mondiale de la<br />

Santé (OMS) a déclaré la consommation humaine<br />

sans danger.<br />

Côté prix, les extraits de stévia coûtent entre<br />

600 <strong>et</strong> 2800 roubles le kilo selon les fournisseurs,<br />

tandis que le sucre revient à 100<br />

roubles en moyenne (sucre blanc, de canne,<br />

en cube <strong>et</strong> en poudre confondus). Sachant<br />

que le pouvoir édulcorant du rébiauside est<br />

300 fois supérieur à celui du sucre, il coûte<br />

entre 12 <strong>et</strong> 50 fois moins cher. Si le stévia<br />

Pour passer des annonces<br />

dans c<strong>et</strong>te nouvelle<br />

rubrique, appelez le<br />

690-64-39<br />

présente beaucoup d’avantages par rapport<br />

au sucre, ce dernier n’en est pas moins nécessaire<br />

au fonctionnement de l’organisme.<br />

Comme toute bonne chose : à consommer<br />

avec modération.<br />

Ugo Pfenninger<br />

Idée de rec<strong>et</strong>te:<br />

Moelleux chocolat au stévia<br />

Ingrédients (Pour 4 personnes) :<br />

- 200 g chocolat noir<br />

- 2 œufs entiers<br />

- 1 cuillère à soupe de beurre<br />

- 1 cuillère à soupe de maïzena (poudre<br />

de fécule)<br />

- 1 cuillère à café de stévia (poudre des<br />

feuilles)<br />

- poivre du moulin ou cannelle selon les<br />

goûts<br />

Préchauffez votre four à 180°C. Pendant<br />

ce temps, faites fondre le chocolat au<br />

bain-marie <strong>et</strong> incorporez-y le beurre. Une<br />

fois l’opération terminée, r<strong>et</strong>irez la casserole<br />

du feu <strong>et</strong> incorporez la maïzena, les<br />

oeufs battus, le stévia <strong>et</strong> un peu d’eau<br />

afi n de conférer à la masse une texture<br />

ferme <strong>et</strong> lisse.<br />

Remplissez vos moules de la pâte ainsi<br />

faite, en vous assurant qu’elle ne soit<br />

pas trop liquide. Enfournez de huit à dix<br />

minutes selon vos goûts <strong>et</strong> saupoudrez<br />

de copeaux de noix de coco à la sortie<br />

du four.<br />

Bon appétit!


Quand on meurt de faim, il se<br />

trouve toujours un ami pour<br />

vous offrir à boire.<br />

Antoine Blondin<br />

Utopie russe<br />

à l’anglaise<br />

30 octobre, un samedi. Moscou commence à célébrer<br />

Halloween, fête profondément orthodoxe. Depuis<br />

le matin, on croise dans les rues de p<strong>et</strong>its trolls, des<br />

sorcières souriantes <strong>et</strong> des vampires ensanglantés. La<br />

ville, couverte de nuages, est plutôt triste.<br />

En savourant la bruine, je me dirige avec mon ami<br />

français B.B. vers le théâtre académique de la jeunesse<br />

(RAMT), situé à côté du Bolchoï. Il est midi. Et c’est<br />

précisément à midi que débute le spectacle Sur les<br />

rives de l’Utopie, inspiré de la pièce éponyme de Tom<br />

Stoppard. L’ œuvre traite de l’évolution de la pensée<br />

philosophique russe au XIX e siècle. Et il ne faut pas<br />

moins de dix heures pour en parler.<br />

Spectacle en triptyque : trois pièces – Voyage,<br />

Naufrage <strong>et</strong> Sauv<strong>et</strong>age – d’une durée de deux heures<br />

trente chacune. Avec des pauses de trente minutes<br />

entre les spectacles <strong>et</strong> des entractes de quinze minutes<br />

: nul besoin donc de s’équiper de sandwiches ou<br />

de thermos de thé.<br />

Le buff <strong>et</strong> du théâtre propose toutes sortes de boissons<br />

– y compris champagne <strong>et</strong> cognac, si le spectacle<br />

vous paraissait particulièrement long –, canapés<br />

au caviar <strong>et</strong> friandises. Si le choix ne vous satisfait pas,<br />

il reste l’option MacDo, juste à côté du théâtre. Attention<br />

cependant, il vous faudra avaler votre hamburger<br />

en chemin : les sévères ouvreuses ne vous perm<strong>et</strong>tront<br />

pas de l’emporter dans la salle.<br />

Du courage, il en faut indéniablement pour tenir ces<br />

Rives de l’Utopie jusqu’à la fi n. Pour endurer sans faillir<br />

ces dix heures de marathon, il faut être soit masochiste,<br />

soit philosophe. Ou <strong>encore</strong> accompagné d’un ami fi dèle<br />

qui vous prêtera son épaule, pour un p<strong>et</strong>it somme, au<br />

cas où. Studieuse <strong>et</strong> disciplinée, j’ai bien dormi la nuit<br />

d’avant afi n de me préparer au mieux <strong>et</strong> d’éviter d’abuser<br />

de l’épaule de B.B.<br />

Les pièces comptent plus de 70 personnages : Bakounine,<br />

Tourgueniev, Belinski, Stankevitch, mais<br />

aussi Herzen, Ogarev, Sazonov, <strong>et</strong> même Marx. Les<br />

péripéties de la pensée russe prennent vie dans les tragédies<br />

personnelles des héros, dont la moitié meurent<br />

vers la fi n de la pièce.<br />

Naufrage porte sur la révolution française de 1848.<br />

Les acteurs chantent La Marseillaise. Herzen, détruit<br />

par l’eff ondrement de ses idées <strong>et</strong> l’adultère de<br />

son épouse, se laisse guider par une p<strong>et</strong>ite femme qui<br />

ressemble trait pour trait à la Liberté de la toile de Delacroix.<br />

Sauv<strong>et</strong>age est <strong>encore</strong> plus triste. Herzen a perdu<br />

son fi ls <strong>et</strong> sa mère dans un naufrage. Veuf, il partage<br />

dès lors le quotidien de son ami Ogarev, <strong>et</strong> surtout de<br />

la femme de ce dernier, Nathalie. Ensemble, ils tentent<br />

de réveiller l’intelligentsia en éditant la revue Kolokol.<br />

En vain.<br />

Si nous ne l’avions pas su, nous aurions été incapables<br />

de deviner que la pièce a été écrite par un Anglais.<br />

Top Stoppard est parvenu, avec brio, à saisir les<br />

racines de tous les malheurs russes, à une telle profondeur<br />

que j’en suis restée bouche bée. Le problème,<br />

avec nous, les Russes, c’est que nous passons notre<br />

temps à emprunter les idées les plus avancées venues<br />

d’Occident – depuis le capitalisme allemand jusqu’au<br />

ménage à trois à la française – sans être, pourtant,<br />

jamais vraiment capables de les m<strong>et</strong>tre en pratique<br />

correctement, jusqu’au bout.<br />

Presque tous les spectateurs sont restés jusqu’au<br />

bout. À la fi n, ils se sont tous levés pour une standing<br />

ovation qui a duré plus de dix minutes. J’étais debout<br />

aussi, époustoufl ée, émerveillée, estomaquée, à applaudir<br />

jusqu’à en avoir mal aux mains. Désolée pour<br />

tout ce pathos, les mots me manquent : c’était tout<br />

simplement génial !<br />

Vera Gaufman<br />

Prochain spectacle : le 18 décembre 2010, au RAMT,<br />

Teatralnaïa ploshad, 2. Bill<strong>et</strong>s : (+7 495) 69 200 69, www.<br />

ramt.ru.<br />

publi-reportage<br />

CUISINE GASTRONOMIQUE<br />

Moscou en bouteille<br />

GET SMART GET LAID<br />

Baraque à falafel<br />

Oulitsa ousatcheva. Une rue étonnante<br />

où les bâtiments de pierre se transforment<br />

au fi l du chemin en p<strong>et</strong>its blocs<br />

de préfabriqués diff ormes. Un restaurant<br />

végétarien aurait ouvert ses portes, il y a un<br />

mois à peine, dans c<strong>et</strong> amas de ferrailles sale <strong>et</strong> peu<br />

rassurant. Diffi cile à croire. Et pourtant si, c’est<br />

écrit en toutes l<strong>et</strong>tres : Korolevskiï Falafel. On comprend<br />

mieux pourquoi le gros milicien croisé plus<br />

tôt nous a demandé à plusieurs reprises si c’était<br />

bien le lieu que nous cherchions car « ce n’est pas<br />

vraiment un restaurant ». Il est vrai que l’on s’attendait<br />

plus à une sorte de Starbucks végétarien<br />

qu’à ce p<strong>et</strong>it boui-boui de 10m 2 prêt à fermer ses<br />

portes… alors qu’il n’est que 20h30. Drôle de sortie<br />

pour un vendredi soir.<br />

Vêtue d’un gros manteau d’hiver, la jeune<br />

serveuse qui s’apprêtait à quitter la bicoque s’empresse<br />

de sortir, à notre arrivée, les aliments de<br />

p<strong>et</strong>ites boîtes en plastique rouge pendant que nous<br />

nous débarrassons de nos manteaux <strong>et</strong> prenons<br />

place sur les quatre uniques tabour<strong>et</strong>s du lieu. La<br />

salle est si exiguë qu’elle est vite envahie par l’odeur<br />

du graillon. 30 secondes plus tard, nos sandwichs<br />

de boul<strong>et</strong>tes de pois chiches, dites falafels (99<br />

roubles), sont prêts à déguster. Ça, c’est de la restauration<br />

rapide ! Un peu trop peut-être puisqu’ils<br />

sont froids. Quelques secondes aux micro-ondes<br />

<strong>et</strong> r<strong>et</strong>our dans nos assi<strong>et</strong>tes… trop chauds c<strong>et</strong>te<br />

fois ! Les boul<strong>et</strong>tes de falafel sont à point mais le<br />

pain pita, les légumes <strong>et</strong> le houmous sont ramollis<br />

par la chaleur, alors qu’ils sont justement censés<br />

apporter toute la fraîcheur à c<strong>et</strong>te spécialité culinaire<br />

du Proche-Orient.<br />

Alors que nous essayons de nous concentrer<br />

pour manger nos sandwichs proprement <strong>et</strong> sans<br />

en perdre la moitié, David, le directeur du lieu,<br />

explique comment reconnaître un bon falafel. De<br />

ses grosses mains, il rompt une boul<strong>et</strong>te en deux :<br />

« Vous voyez, la couleur verte montre que c’est bon<br />

produit, si c’est jaune, c’est un faux ». Contentes de<br />

Les Beatles vus<br />

par une star du<br />

blues moscovite.<br />

Levan Lomidze <strong>et</strong><br />

les Blues Cousins<br />

(Russie)<br />

Les 25 novembre <strong>et</strong> 23 décembre.<br />

Blues, harmonica, guitare, vocal<br />

L’idée, c’est un mini-festival consacré au travail du<br />

quatuor légendaire de Liverpool, au cours duquel<br />

seront jouées, à côté des grands hits des années 70,<br />

les créations immortelles des Beatles. Des musiciens<br />

d’un tel niveau réunis sur la scène du jazz-club<br />

Soyouz kompozitorov, ça ne se rate pas ! Le leader<br />

des Blues Cousins, Levan Lomidze, est le premier<br />

guitariste russe reconnu aux États-Unis, où il a donné<br />

plus de 100 concerts, dont des apparitions dans<br />

les plus prestigieux festivals blues du pays. La presse<br />

américaine a réagi avec fougue, admiration <strong>et</strong> enthousiasme<br />

au succès vertigineux des Blues Cousins. Levan<br />

Lomidze a été sacré meilleur musicien blues de<br />

l’année par les auditeurs de l’émission Doctor Blues<br />

(Open radio). Il fi gure également au panthéon des dix<br />

plus grands guitaristes de Russie.<br />

Ouvert de 11h à 1h du matin<br />

manger de vraies boul<strong>et</strong>tes, nous observons qu’une<br />

p<strong>et</strong>ite bière avec ne serait pas de refus. L’homme<br />

aux gros sourcils noirs est étonné qu’on puisse<br />

penser accompagner un falafel d’une bière. Il n’en<br />

propose pas, mais nous indique où nous pouvons<br />

en trouver. Dans la « cabine » d’à côté, un jeune<br />

garçon sert des bières pression au verre pour 66<br />

roubles. Dans c<strong>et</strong> endroit absolument hors du commun,<br />

trois types déjà bien alcoolisés ingurgitent<br />

leurs bières comme de l’eau. R<strong>et</strong>our au fast-food où<br />

David ne se vexe pas devant les boissons rapportées.<br />

Au contraire, il note que la bière manque au menu<br />

de la gargote qu’il a conçue lui-même <strong>et</strong> nous demande<br />

des conseils sur la marque à commander.<br />

C<strong>et</strong> homme, d’origine géorgienne, s’aperçoit<br />

rapidement que ses trois seules clientes de la soirée<br />

sont françaises. Il entame alors un long monologue<br />

sur les lieux qu’il a visités dans la capitale française<br />

: « Ah… Paris ! » s’exclame-t-il à plusieurs<br />

reprises en français. « Place Vendôme, jardin des<br />

Tuileries, Champs Elysées, Euro Disney… » Celui<br />

qui assure qu’il est le seul à faire ses propres falafels<br />

à Moscou se souvient de ceux qu’il a goûtés dans le<br />

Marais… <strong>et</strong> nous fait alors revisiter Paris. David fait<br />

l’ambiance à lui seul. Ce qui rend fi nalement le lieu<br />

sympathique. Mais un trouble-fête, venu de la bicoque<br />

d’à côté, entre en titubant pour commander<br />

un sandwich. Le service est terminé. David a défi nitivement<br />

rangé ses falafels <strong>et</strong> ses chakchoukas (120<br />

roubles). Il faudra revenir le lendemain matin pour<br />

la formule p<strong>et</strong>it-déjeuner (de 39 à 49 roubles). L’intrus<br />

insiste. L’atmosphère s’alourdit soudainement.<br />

La serveuse nous lance un regard eff rayé en nous<br />

faisant comprendre qu’il faut quitter l’endroit. 40<br />

minutes après être entrées, nous partons en hâte.<br />

Un vrai fast-food.<br />

Gabrielle Leclair<br />

Korolevskiï Falafel<br />

26, Ousatcheva oul., Ousatchevskiï Trade House<br />

+ 7 (495) 363 11 91<br />

Cynthia<br />

Saunders<br />

(USA)<br />

Les 18,19 <strong>et</strong> 20 novembre.<br />

Jazz, vocal.<br />

Dans le monde de la<br />

musique, on l’appelle<br />

Cynthia Jazz. C<strong>et</strong>te vocaliste jazz brillante <strong>et</strong> pénétrante<br />

apaise l’âme <strong>et</strong> insuffl e la soif de vivre à tous<br />

ceux qui l’entendent. Armée de son ravissant sourire,<br />

Cynthia s’entr<strong>et</strong>ient chaleureusement avec<br />

son public, l’attirant dans son monde musical <strong>et</strong><br />

emplissant ses auditeurs d’émotions fortes <strong>et</strong> nouvelles.<br />

Sur elle, les critiques jazz ont écrit ceci :<br />

« Cynthia possède une voix très belle, qui embrasse<br />

les styles du passé, du présent <strong>et</strong> même du futur. Et<br />

elle est également un remarquable auteur de chansons…<br />

À toutes les compositions jazz interprétées par<br />

Cynthia vient s’ajouter la douceur toute particulière<br />

de la voix de la chanteuse, qu’il s’agisse de ballades<br />

jazz émouvantes <strong>et</strong> éternelles ou de mélodies latinoaméricaines<br />

vivantes <strong>et</strong> épicées. »<br />

Jazz-club « Soyouz kompozitorov »<br />

Moscou, Brioussov per., 8/10 str. 2, M° Okhotnyï riad,<br />

Tel : +7(495) 629 65 63, www.ucclub.ru<br />

www.artistico.ru<br />

cafe@artistico.ru Kamergersky per. 5/6, Tél. : 692 40 42, Fax : 692 52 71<br />

17<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Unités<br />

nationales<br />

Je n’ai toujours pas compris ce<br />

qu’était le Jour de l’Unité nationale<br />

– j’avoue ne pas avoir trop<br />

cherché non plus – si ce n’est<br />

un jour férié en plein milieu de la<br />

semaine <strong>et</strong>, en toute logique, une<br />

occasion pour mes amis moscovites<br />

de sortir jusqu’au matin.<br />

Rendez-vous dans le restaurant<br />

situé au cinquième étage<br />

de la synagogue Bolchaïa Bronnaïa,<br />

peuplé d’un sympathique<br />

mélange de Russes, de Français,<br />

<strong>et</strong> même un Amerloque, fi lles <strong>et</strong><br />

garçons, gay <strong>et</strong> straight, 25-35<br />

ans. Dans le lot, quelques expat’<br />

que je ne connais pas <strong>encore</strong>. Le<br />

problème des expat’, c’est qu’ils<br />

fi nissent forcément par quitter<br />

Moscou, <strong>et</strong> qu’ils se débrouillent<br />

toujours pour plier bagages au<br />

moment précis où l’on commençait<br />

à s’attacher. Comme quoi,<br />

en amitié aussi, il vaut mieux<br />

consommer local.<br />

Après un chachlik kasher<br />

surépicé (290 roubles), direction<br />

Solianka où, comme dans toutes<br />

les discothèques de Moscou, on<br />

se demande en arrivant si l’on n’a<br />

pas confondu l’entrée du night<br />

club avec celle du club d’aérobic.<br />

Car quand les Moscovites dansent,<br />

ils n’y vont pas à moitié !<br />

La nuit se poursuit au Proekt<br />

OGI. Autre ambiance, moins<br />

branchée peut-être, mais tout<br />

aussi animée. Les effl uves de vodka<br />

ont remplacé celles des eaux<br />

de toil<strong>et</strong>te. On discute, on rit, on<br />

danse. On est bien.<br />

Résultat des courses :<br />

2 verres de vin à la synagogue<br />

(600 roubles la bouteille de Carignan),<br />

4 vodkas tonic (210<br />

roubles au Solianka), quelques<br />

gorgées de Long Island bues<br />

ici <strong>et</strong> là dans les verres de mes<br />

amis (500 roubles), 1 vodka shot<br />

(70 roubles à OGI), 1 Sambuca<br />

fl ambée (250 roubles), une pinte<br />

de Baltika (100 roubles), <strong>encore</strong><br />

quelques gorgées de gin dans une<br />

after je ne sais plus où, <strong>et</strong> bien<br />

trop de cigar<strong>et</strong>tes (20 roubles le<br />

paqu<strong>et</strong> dans n’importe quel cabanon).<br />

8 heures du matin. R<strong>et</strong>our<br />

en taxi, <strong>et</strong> en (très) bonne compagnie.<br />

Guillaume Clément Marchal<br />

Restaurant de la synagogue<br />

Bolchaïa Bronnaïa<br />

Bolchaïa Bronnaïa oul., 6, str. 3<br />

Métro : Tverskaïa<br />

+7 (495) 202 45 30<br />

Solianka<br />

Solianka oul., 11/6, str. 1<br />

Métro : Kitaï Gorod<br />

s-11.ru, +7 (495) 221 75 57<br />

Proekt OGI<br />

Potapovskiï per., 8/12<br />

Métro : Tchistye Proudy<br />

+7 (495) 627 53 66


18<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

R<strong>et</strong>rouvez à chaque numéro du Courrier de Russie le clin d’œil<br />

pratique pour votre expatriation !<br />

LA CHRONIQUE DES EXPATRIES :<br />

All’eau !<br />

de YAN SOTTY<br />

A votre arrivée en Russie, les premiers conseils<br />

que l’on vous donne ont trait à la santé ! Et vous<br />

entendrez régulièrement : « Ne buvez jamais<br />

l’eau du robin<strong>et</strong> ! ». N’exagérons rien ! L’eau<br />

est potable, même si elle se caractérise souvent<br />

par un p<strong>et</strong>it goût inhabituel. Encore convientil,<br />

selon les organismes, de ne pas en ingurgiter<br />

de grandes quantités qui pourraient éventuellement générer de p<strong>et</strong>its<br />

désagréments.<br />

En tout cas, si vous êtes du genre ultra-prudent, vous pourrez toujours<br />

vous rabattre sur les bouteilles d’eau minérale vendues dans les<br />

supermarchés, ou plus simplement <strong>encore</strong>, louer, voire ach<strong>et</strong>er une fontaine<br />

d’eau <strong>et</strong> ses réserves.<br />

Les sociétés de distribution d’eau potable pour fontaine sont nombreuses<br />

<strong>et</strong>, parmi les plus connues en Russie, fi gurent Vitelia, Nestlé<br />

Waters, Cone-Forest <strong>et</strong> Korolevskaya Voda. Leurs tarifs de service sont<br />

sensiblement équivalents…<br />

La fontaine d’eau, dite en russe « cooler », selon le terme anglais,<br />

vous perm<strong>et</strong>tra d’avoir à domicile de l’eau fraîche ou chaude. Vous pourrez<br />

l’ach<strong>et</strong>er dès votre arrivée (entre 4000 <strong>et</strong> 8000 roubles pour une fontaine)<br />

<strong>et</strong> vous ferez des économies si vous prévoyez de vivre plus d’un an<br />

à Moscou. Un détail d’importance : en cas de problème, toute intervention<br />

vous coûtera le déplacement du spécialiste <strong>et</strong> la réparation Autre<br />

option, pour une somme <strong>encore</strong> raisonnable, la location de la fontaine<br />

(400 roubles mensuels) qui perm<strong>et</strong> un remplacement gratuit de matériel<br />

en cas de dysfonctionnement.<br />

Pour ces fontaines, les bombonnes d’eau d’une capacité de 19 à 23<br />

litres, se commandent par 3 minimum, pour une somme d’environ 250<br />

roubles pas bombonne. Pour un couple avec un enfant, vous pouvez tabler<br />

globalement sur une consommation de 4 bouteilles par mois en été<br />

<strong>et</strong> de 3 bouteilles en hiver.<br />

La livraison des bombonnes est gratuite. Dans la majorité des cas,<br />

vous êtes livrés le lendemain de la commande, rarement le jour même.<br />

Avec l’avantage appréciable de ne pas avoir à monter tous ces litres<br />

d’eau au domicile, surtout quand l’ascenseur est inexistant dans votre<br />

immeuble ! Sachant qu’il vous faudra trouver un endroit où stocker les<br />

bombonnes de réserve…P<strong>et</strong>it détail d’importance relatif à la livraison :<br />

si, pour plusieurs sociétés, c<strong>et</strong>te livraison s’eff ectue dans une fourch<strong>et</strong>te<br />

approximative de 3 heures, Nestlé <strong>et</strong> Cone-Forest sont généralement<br />

respectueux des horaires convenus.<br />

A savoir également : l’eau qui vous est proposée n’est pas une eau<br />

minérale particulière mais l’eau fournie par les services techniques de la<br />

ville <strong>et</strong> traitée par les soins de la société. Ce qui incite certains à s’approvisionner<br />

en plus de bouteilles d’eau minérale qu’ils avouent consommer<br />

« sans modération »…<br />

Se m<strong>et</strong>tre à l’eau, soit ! Mais sachons quand même raison garder !<br />

* Yan Sotty est directeur de « Wellcome Abroad Relocations»,<br />

société de services pour expatriés en Russie<br />

www.wellcomeabroad.ru<br />

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Vivre en hauteur: les pours <strong>et</strong> les contres de<br />

la vie en gratte-ciel<br />

Il y a deux catégories de gens. La première se compose de<br />

personnes bien ancrées au sol, qui aiment la terre <strong>et</strong> qui préfèrent<br />

rester auprès d’elle. Elles rêvent d’une maison avec<br />

pelouse <strong>et</strong> jardin potager, n’importe où, mais pas en ville.<br />

Et puis, il y a c<strong>et</strong>te seconde catégorie qui, malgré ses airs de<br />

respectabilité plane toujours dans les nuages. Ce sont les enfants<br />

des mégalopoles, ceux pour qui le vacarme des villes est<br />

comme le bruissement des feuilles qui tombent, le chuchotement<br />

confus de la paisible rivière.<br />

Pour c<strong>et</strong>te dernière catégorie, le comble du bonheur se situe<br />

au 40 e étage d’un gratte-ciel. Ces bâtiments sont pensés <strong>et</strong><br />

construits pour eux, un peu comme « des villes dans la ville ».<br />

Y vivre témoigne d’un certain statut social. La quasi-totalité<br />

des constructions de ce type font partie des classes « business »<br />

<strong>et</strong> « élite ». Bien entendu, les ach<strong>et</strong>eurs potentiels de ces biens<br />

immobiliers à Moscou ont des revenus confortables.<br />

Il y a bien sûr avantages <strong>et</strong> inconvénients à résider dans un<br />

gratte-ciel. Considérons tout d’abord les points positifs. Outre<br />

le prestige, il y a la place, car en général les appartements sont<br />

plus spacieux que ceux des habitations conventionnelles. Dans<br />

ces « villes dans la ville », les infrastructures sont très développées.<br />

En général, ces constructions sont subdivisées en plusieurs<br />

zones : bureaux, surfaces commerciales, loisirs... Il est<br />

possible d’y faire ses courses, d’aller au cinéma, de se rendre au<br />

bureau, à la piscine... <strong>et</strong> tout cela sans sortir de chez soi. Quant<br />

à la pur<strong>et</strong>é de l’air, elle augmente avec l’altitude. Enfi n, la vue<br />

est souvent saisissante.<br />

Revers de la médaille : les coûts d’entr<strong>et</strong>iens de telles<br />

constructions sont deux fois plus élevés que ceux des autres<br />

habitations. De plus, s’ils veulent éviter les imbroglios, les résidents<br />

doivent se m<strong>et</strong>tre d’accord sur le choix des entreprises<br />

de maintenance. Bien que l’air pompé au somm<strong>et</strong> soit plus pur,<br />

il est aussi plus raréfi é, ce serait un peu comme vivre à la mon-<br />

tionné. TV satellite. Interphone. Vidéo<br />

surveillance. Parking surveillé à proximité<br />

de l’immeuble.<br />

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M. Tchistye proudi, oulitsa Pokrovka<br />

140 m 2 . Meubles fournis sur demande.<br />

Cuisine totalement équipée. Air condi-<br />

tagne. L’organisme des citadins doit s’acclimater à ces conditions,<br />

<strong>et</strong> cela n’est pas donné à tout le monde. Par exemple, les<br />

personnes atteintes de problèmes cardiovasculaires devraient<br />

éviter de vivre au-delà du 20 e étage. La vie en altitude peut<br />

accentuer des troubles psychiques préexistants, constituer un<br />

terreau favorable à l’apparition de phobies, voire favoriser les<br />

pulsions suicidaires. Principal point de friction entre défenseurs<br />

<strong>et</strong> opposants aux gratte-ciel: l’aspect sécuritaire de telles<br />

méga-structures. Les ingénieurs, quant à eux, affi rment que<br />

les habitants des tours sont biens mieux protégés des incendies<br />

ou des accidents électriques, grâce aux systèmes de distribution<br />

d’eau <strong>et</strong> anti-incendie, ainsi qu’à la gestion des ascenseurs,<br />

contrairement à ce qui se fait dans les constructions conventionnelles.<br />

Toutefois, une évacuation de milliers de personnes <strong>et</strong> leur<br />

mise en lieu sûr en l’espace de 2 ou 3 minutes semble peu<br />

plausible. Ce à quoi tout système sophistiqué ne changerait<br />

probablement rien. En fait, les gratte-ciel, dans un tissu urbain<br />

dense, compliquent considérablement le travail des pompiers<br />

: l’espace minimal entre le dispositif d’évacuation pour les<br />

étages supérieurs <strong>et</strong> le bâtiment doit être de 10 mètres, tandis<br />

que l’espace entre la nacelle <strong>et</strong> le bâtiment doit être de 6.<br />

Les appartements des gratte-ciel représentent une forme<br />

exotique d’habitation pour une clientèle non moins exotique :<br />

des gens aisés, aventureux, amateurs de sensations fortes, qui<br />

apprécient les vibrations d’une mégalopole <strong>et</strong> pour lesquels<br />

«être au somm<strong>et</strong>», c’est vivre au somm<strong>et</strong>. Quant à Jean-<br />

Claude Van Damme, il garde toujours des parachutes dans son<br />

appartement non moins haut perché.<br />

tionné. TV Satellite. Intern<strong>et</strong>. Vidéosurveillance.<br />

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« Rumeur des boulevards nocturnes.<br />

Le dernier rayon de soleil s’est éteint.<br />

Partout, partout des couples <strong>et</strong> des couples.<br />

Le frémissement des lèvres <strong>et</strong> l’audace des yeux.<br />

Je suis seule, ici. Il serait doux d’appuyer sa tête<br />

Au tronc d’un châtaignier !<br />

Dans mon сœur pleure un vers de Rostand.<br />

Comme à Moscou que j’ai abandonné.<br />

Paris la nuit m’est étranger <strong>et</strong> pitoyable,<br />

Le délire d’autrefois est plus cher à mon coeur.<br />

En rentrant chez moi, je r<strong>et</strong>rouve la tristesse des<br />

viol<strong>et</strong>tes<br />

Et le portrait de quelqu’un à l’expression amicale.<br />

(...)<br />

Dans le vaste <strong>et</strong> joyeux Paris<br />

Je rêve d’herbage, de nuages,<br />

Les rives s’éloignent, les ombres se rapprochent<br />

Et la douleur en moi est aussi profonde que jadis.<br />

»<br />

« J’avais oublié qu’en vous le сœur n’est qu’une<br />

vieillesse,<br />

Enigma<br />

Texte sélectionné par<br />

Jean-Félix de La Ville Baugé<br />

Et non une étoile, je l’avais oublié !<br />

J’avais oublié que votre poésie vient des livres<br />

Et vos critiques de la jalousie.<br />

Vieillard précoce, l’espace d’un instant,<br />

J’ai oublié que vous êtes un grand poète. »<br />

« La guerre, la guerre ! Encens devant les icônes !<br />

Les éperons tintent,<br />

Mais je n’ai rien à faire ni des calculs du tsar<br />

Ni des querelles des peuples ! »<br />

« Traquée dans le monde entier,<br />

Tu as des ennemis sans nombre,<br />

Comment donc t’abandonnerais-je,<br />

Comment te trahirais-je ?<br />

Où trouverais-je la sagesse de dire<br />

Œil pour œil, dent pour dent ?<br />

Ô Allemagne, ma folie,<br />

Ô Allemagne, mon amour ! »<br />

« Je sais la vérité ! Arrière la vérité d’hier !<br />

Il ne faut pas que l’homme se déchaîne contre<br />

l’homme »<br />

« André Chénier est monté sur l’échafaud<br />

Et moi, je vis <strong>et</strong> c’est là un péché mortel !<br />

Il y a des époques de fer pour tout le monde,<br />

Et il n’est pas de poète celui qui chante quand la<br />

parole est à la poudre ! »<br />

« Un jour adorable créature,<br />

Je ne serai plus pour toi qu’un souvenir,<br />

Perdu, dans ta mémoire aux yeux bleus<br />

Perdu, enseveli, si loin, si loin !<br />

Tu oublieras mon profi l au nez busqué,<br />

Mon front auréolé par la fumée de cigar<strong>et</strong>tes,<br />

Mon rire continuel qui agace les gens,<br />

Et la centaine de bagues d’argent sur ma main<br />

laborieuse,<br />

Et notre grenier-cabine de bateau,<br />

Et le désordre de mes paperasses.<br />

Tu oublieras l’année terrible, sublimée par le<br />

Malheur.<br />

Tu étais <strong>encore</strong> si p<strong>et</strong>ite <strong>et</strong> moi <strong>encore</strong> si jeune ! »<br />

« Celui qui survit mourra ; celui qui est mort ressuscitera<br />

;<br />

Et les descendants, évoquant le passé, demanderont<br />

d’une voix de tonnerre :<br />

« Où étiez-vous ? » La réponse résonnera aussi<br />

comme un coup de tonnerre : « Sur le Don ! »<br />

« Qu’y faisiez-vous ? – Nous y subissions notre<br />

martyre.<br />

Puis enfi n, exténués, nous nous sommes couchés<br />

<strong>et</strong> assoupis. »<br />

Et les p<strong>et</strong>its-fi ls songeurs inscriront dans leur dictionnaire,<br />

Après le mot Devoir, le mot Don. »<br />

« Où sont les cygnes ? – Les cygnes sont partis.<br />

Et les corbeaux ? – Les corbeaux sont restés.<br />

Où sont-ils partis, les cygnes ?- Là où partent les<br />

grues migratrices.<br />

Quant à moi, je considère que toute<br />

chose dirigée contre l’Union Soviétique,<br />

contre nous, n’a pas droit à<br />

l’existence<br />

Maïakovski, 1929<br />

« Pour le sommeil de la mort personne n’est trop vieux »<br />

Pourquoi sont-ils partis ? – Pour n’être pas plumés.<br />

Et Papa, où est-il ? – Dors, dors ! Le Sommeil<br />

Chevauchant le coursier des steppes va venir<br />

nous chercher.<br />

Où nous emmèrera-t-il ? – Vers le Don des<br />

cygnes,<br />

Là, tu le sais, où se trouve mon beau cygne<br />

blanc. »<br />

« Au-delà de quelles mers <strong>et</strong> de quelles villes<br />

Dois-je te chercher, toi l’invisible, toi l’aveugle ?<br />

Je m’en rem<strong>et</strong>s pour les adieux aux fi ls télégraphiques<br />

Et, appuyée au poteau qui les supporte, je<br />

pleure. »<br />

« Que dois-je faire de ma démesure<br />

Dans un monde où tout n’est que mesure ? »<br />

« Le carré d’une l<strong>et</strong>tre.<br />

Encre <strong>et</strong> magie.<br />

Pour le sommeil de la mort<br />

Personne n’est trop vieux.<br />

Le carré d’une l<strong>et</strong>tre. »<br />

« Comment ça va la vie avec une autre ?<br />

Plus simple, n’est-ce pas ? »<br />

La réponse à l’enigma du précédent<br />

numéro était : Arkady Gaydamak.


N°178 с 12 по 26 ноября 2010<br />

Афиша Вера Гауфман<br />

О, NET<br />

В Москве проходит 12-й Международный<br />

фестиваль «Новый Европейский<br />

Театр» (NET-2010). Тема фестиваля—staging<br />

abroad. Режиссеровучастников<br />

забросили в чужую страну<br />

и предложили поработать с театральной<br />

труппой, которая не говорит на их<br />

родном языке. В результате болгары<br />

занимались с немцами, немцы с<br />

латвийцами, латвийцы с русскими,<br />

австрияки с венграми (у них вообще<br />

древний союз) и так далее.<br />

Результаты этих экспериментов можно<br />

увидеть с 8 по 28 ноября в центре<br />

Мейерхольда, театре Наций, театре<br />

«Практика». В числе постановок, есть<br />

пьесы классиков со стажем (Чехов,<br />

Гоголь), а есть произведения авторов и<br />

помоложе (Вырапаев, Хандке).<br />

Особого внимания заслуживает,<br />

пожалуй, чеховский «Дядя Ваня» в<br />

трактовке французского режиссера<br />

Эрика Лакаскада (Eric Lacascade)<br />

совместно с труппой театра Оскараса<br />

Коршуноваса из Литвы. Чехов политовски,<br />

во французской сценографии,<br />

в сопровождении песни Симона<br />

и Гарфанкеля «Прощай, любовь»—зрелище<br />

явно не для консерваторов и не<br />

для слабонервных.<br />

«Дядя Ваня» (Антон Чехов), театр Оскараса<br />

Коршуноваса / Городской театр<br />

(Вильнюс, Литва), постановка Эрика<br />

Лакаскада (Франция)<br />

26, 27 ноября<br />

Сцена Центра им. Вс. Мейерходьда,<br />

ул. Новослободская, 23<br />

http://www.n<strong>et</strong>fest.ru/<br />

Пьер-Лоран Эмар выйдет<br />

на Триумфальную<br />

Наверное, все уже привыкли, что<br />

французы, которые посещают в этом<br />

году Россию, приезжают в рамках<br />

перекрестного года Франция—<br />

Россия. Не пропустите ещё одно<br />

музыкальное событие этого года. Если<br />

вы до этого обходили Триумфальную<br />

площадь стороной (мало ли, ОМОН<br />

или «Стратегия 31» встанут на пути), то<br />

ради пианиста Пьера-Лорана Эмара<br />

(Pierre-Laurent Aimard) стоит приехать<br />

на станцию метро «Маяковская». В<br />

Концертном зале им. П.И. Чайковского<br />

пройдут выступления знаменитого<br />

французского музыканта, который,<br />

кстати, имел счастье жениться на<br />

русской пианистке Ирине Катаевой.<br />

19 ноября Пьер-Лоран Эмар проведет<br />

мастер-класс, 20 ноября выступит с<br />

Национальным филармоническим<br />

оркестром России под руководством<br />

Владимира Спивакова, а 21 числа<br />

состоится его сольный концерт. В<br />

программе Мессиан, Форе, Равель,<br />

Пуленк, Дебюсси.<br />

Пьер-Лоран Эмар<br />

19—21 ноября<br />

Концертный зал им. Чайковского,<br />

Триумфальная площадь, 4/31<br />

Прямиком из Канн<br />

В ноябре в российский прокат выходит<br />

мультфильм «Рапунцель», очередная<br />

забавная диснеевская анимация по<br />

мотивам детской сказки. А для развлече-<br />

ния взрослых Бертран Тавернье (Bertrand<br />

Tavernier) снял «Принцессу де Монпансье»,<br />

которая участвовала в конкурсной<br />

программе Каннского кинофестиваля.<br />

Видимо, коса Мелани Тьерри (Mélanie<br />

Thierry), исполнительницы главной роли<br />

Мари де Монпансье, оказалась недостаточно<br />

длинной, поэтому никакой награды<br />

фильм из Канн не увез. 21 ноября<br />

кино можно будет посмотреть в «Ролане»<br />

в рамках фестиваля «Арт-Мейнстрим».<br />

Но можно и подождать официального<br />

российского релиза 9 декабря. Заинтересовавшимся<br />

есть смысл перечитать<br />

Дюма и приготовиться к кровопролитным<br />

столкновениям католиков и протестантов<br />

на большом экране.<br />

«Принцесса де Монпасье», в прокате с<br />

9 декабря<br />

Идиоты и ангелы<br />

на Солянке<br />

Аниматора Билла Плимптона (Bill<br />

Plympton) пытались одарить Оскаром<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Михаил Прохоров: «Я не мечтаю»<br />

Многие мечтают оказаться на<br />

его месте. А ему кажется, что<br />

вершина ещё далеко. О сложных сложных<br />

подъемах, крутых спусках<br />

и простых радостях бытия<br />

мы поговорили с Михаилом<br />

Прохоровым, самым удачливым<br />

российским предпринимателем.<br />

Начало. Продолжение на с. II.<br />

D.R.<br />

уже три раза с 1987 года. Его новый<br />

полнометражный мультфильм «Идиоты<br />

и ангелы», где нет ни одного диалога,<br />

выходит в российский прокат 18 ноября.<br />

Маэстро должен сам приехать<br />

представлять свой шедевр, гениальность<br />

которого Терри Гиллиам (Terry<br />

Gilliam) охарактеризовал фразой «Где<br />

он берет свою наркоту?». В ожидании<br />

российского релиза можно сходить<br />

на выставку в галерею «На Солянке»—<br />

выставка «Плимптунс» пройдет с 10<br />

по 21 ноября. На ней будут представлены<br />

оригинальные работы автора<br />

для короткометражек Your face, How<br />

to kiss, The cow who wanted to be a<br />

Hamburger, Guide Dog и другие.<br />

«Плимптунс»<br />

10—21 ноября<br />

Галерея «На Солянке»<br />

Ул. Солянка, 1/2, стр. 2 (вход с ул. Забелина)<br />

http://solgallery.ru/exhibitions/193


II<br />

Le Courrier de Russie<br />

12 – 26 ноября 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Бизнес<br />

Текст: Жан-Феликс де Ля Виль Боже<br />

Перевод: Вера Гауфман<br />

«Политика меня не интересует. Люди,<br />

которые ей занимаются, не вполне<br />

свободны»<br />

Михаил Прохоров<br />

Михаил Прохоров: «Я не мечтаю»<br />

Le Courrier de Russie: Вы преуспели в жизни.<br />

К чему Вы стремитесь сегодня?<br />

М. П.: Я не считаю, что преуспел. Я создал<br />

фундамент, чтобы преуспеть в дальнейшем.<br />

Мой успех—в будущем. Если бы я считал,<br />

что всего достиг, мне было бы пора уходить на<br />

пенсию. Раз в семь или восемь лет мне нужно<br />

менять сферу деятельности. Я начинал в малом<br />

бизнесе, потом я был директором банка,<br />

потом генеральным директором корпорации,<br />

а сейчас я частный инвестор. Через четыре<br />

года я буду заниматься чем-то другим, ещё не<br />

знаю чем, пока ещё не загадываю.<br />

LCDR: Вы не чувствуете усталости?<br />

М. П.: Нет, не чувствую. Наоборот, мне всё<br />

время хочется делать что-то новое. После<br />

восьми лет работы в одной области у меня<br />

пропадает чувство «голода», наступает насыщение.<br />

И сегодня я как никогда полон энергии<br />

и готов осваивать новые горизонты.<br />

LCDR: Собираетесь ли Вы инвестировать<br />

во французскую экономику?<br />

М. П.: Да, но для меня важно, чтобы бизнес<br />

приносил быстрый результат. Нужно найти<br />

самый короткий путь к успеху. Я исповедую<br />

теорию абсолютной лени и стараюсь действовать<br />

только в тех сферах, где у меня есть<br />

конкурентное преимущество. В России я могу<br />

найти активы, стоимость которых меньше,<br />

чем та, за которую они продавались бы во<br />

Франции.<br />

LCDR: Каким образом Вы ищете активы?<br />

М. П.: Когда мы анализируем актив, мы<br />

сначала составляем план с управляющей<br />

командой, потом смотрим с российским или<br />

иностранным партнёром, равняется ли 1+1<br />

больше двух. Если это так, мы его покупаем.<br />

LCDR: Например?<br />

М. П.: Сейчас мы делаем совместный проект<br />

с французской компанией Dalkia по модернизации<br />

российских отопительных систем. На<br />

сегодняшний день эти системы у нас находятся<br />

в плачевном состоянии. Наше конкурентное<br />

преимущество в том, что в своей работе<br />

мы соединяем опыт Dalkia International и свое<br />

видение российской реальности. Результат<br />

будет замечательным, потому что, как я уже<br />

сказал, на этом рынке есть, чем заняться.<br />

LCDR: Вы занимаетесь поддержкой<br />

культурных инициатив. При содействии<br />

Вашего фонда в Лионе открывается выставка<br />

«Неизвестная Сибирь». Почему<br />

именно там?<br />

М. П.: У меня особые отношения с Францией.<br />

Фонд, который я создал, базируется в Сибири,<br />

в Красноярске. Когда мы думали, каким образом<br />

отметить перекрестный год России—<br />

Франции, мы заметили, что и Красноярск, и<br />

Лион расположены в географических центрах<br />

своих стран. Конечно, это разные страны. Тем<br />

интересней проследить, как будут взаимодействовать<br />

их культуры на выставке. Матрёшкой<br />

уже все наелись. Мы хотим познакомить<br />

Францию с новыми представителями российской<br />

культуры: молодыми, современными, талантливыми.<br />

LCDR: К культуре у Вас особое отношение?<br />

М. П.: Я понимаю роль культуры, в частности,<br />

её влияние на развитие общества.<br />

Начиная с эпохи Ренессанса все важные<br />

общественные трансформации начинались<br />

с культурных изменений, которые влекли за<br />

собой экономические. Но мне больше нравится<br />

спорт. Считаю, что меценат, который<br />

полагает, что разбирается в культуре, может<br />

нанести ей большой вред, так как, вместо<br />

того, чтобы прислушиваться к мнению экспертов,<br />

он будет навязывать свое собственное<br />

видение. Я же в этом смысле—идеальный<br />

меценат! Так как руководствуюсь<br />

холодным рассудком, а не горячим сердцем.<br />

«Я понимаю роль культуры,<br />

… но мне больше<br />

нравится спорт»<br />

LCDR: Вы заговорили об эпохе Ренессанса.<br />

Вам, конечно, известна история семейства<br />

Медичи. В начале их интересовало<br />

экономическое могущество. Затем они<br />

стремились обрести культурное влияние,<br />

потом политическое и наконец религиозное.<br />

На каком этапе находитесь Вы?<br />

М. П.: Я надеюсь, что останусь на первом<br />

этапе.<br />

LCDR: Религия, политика Вас не интересуют?<br />

М. П.: Я слишком далёк от этого. Политика<br />

меня не интересует. Люди, которые ей занимаются,<br />

не вполне свободны. В их жизни<br />

нет места маленьким удовольствиям, потому<br />

что над ними всегда довлеет общественное<br />

мнение. Я с уважением отношусь к политикам,<br />

но иногда думаю: как можно настолько<br />

любить власть? Я слишком ценю качество<br />

жизни и радость жить, поэтому я останусь на<br />

первом этапе семейства Медичи.<br />

LCDR: Расскажите о Вашем отношении<br />

к Франции.<br />

М. П.: Франция и Россия—это страны, где<br />

я провожу больше всего времени. В Москве<br />

я работаю, а как только у меня появляется<br />

свободное время, уезжаю во Францию отдыхать.<br />

У меня есть слабость: я гурман, и французская<br />

кухня—моя любимая. Каждый раз<br />

для меня это огромное испытание, потому<br />

что я слишком много ем и потом мне нужно<br />

отрабатывать по 5–8 часов в спортзале!<br />

LCDR: Что еще Вам нравится во Франции,<br />

кроме еды?<br />

М. П.: Атмосфера. Там есть нечто такое, что я<br />

не могу объяснить. У меня становится больше<br />

энергии. Наверное, это то, что мне как<br />

раз и нравится во Франции, мощная энергия.<br />

LCDR: Забавно, французы, которые живут<br />

в Москве, говорят прямо противоположное…<br />

М. П.: Это закон систем. Когда человек постоянно<br />

живет в пределах одной системы, он<br />

не ощущает энергию, которая в ней заложена.<br />

Но при этом он может ощутить энергию<br />

чужой системы, если вдруг в ней окажется.<br />

«Я обожаю преодолевать<br />

трудности»<br />

LCDR: Что не оставляет вас равнодушным?<br />

М. П.: Сама жизнь. Я не делаю ничего, что<br />

мне бы не нравилось. Я обожаю преодолевать<br />

трудности. Есть такая русская пословица:<br />

«Мы сами себе создаем сложности, чтобы<br />

потом их героически преодолевать».<br />

LCDR: Какого рода сложности Вы имеете<br />

в виду?<br />

М. П.: Больше всего в бизнесе и в спорте<br />

меня привлекает экстрим. Контролируемый<br />

экстрим.<br />

LCDR: А неконтролируемый?<br />

М. П.: Я беру его под контроль. Я приведу<br />

пример. Я занимаюсь аквабайком. Раньше,<br />

когда волна была больше двух метров, я не<br />

мог делать переворот на 360°. Мне посоветовали<br />

потренироваться на батуте, и уже<br />

через 6 месяцев я делал прыжки при высоте<br />

волны 4 и даже 5 метров. Хотя мне тогда уже<br />

было больше 40 лет. Экстрим был взят под<br />

контроль.<br />

LCDR: Есть ли сложности, которые Вас<br />

привлекают больше других?<br />

М. П.: Нет, для меня это комплекс удовольствий,<br />

будь то в спорте или в бизнесе. Между<br />

ними есть одно существенное отличие: бизнес—это<br />

созидание, а профессиональный<br />

спорт—война. Люди выбирают спорт, чтобы<br />

не воевать. Они бескомпромиссно бьются на<br />

смерть, в то время как бизнес—это всё-таки<br />

дело компромисса.<br />

«Война подразумевает<br />

разрушение того, за что<br />

ты борешься»<br />

LCDR: Баскетболисты забавно бы смотрелись<br />

рядом с некоторыми бизнесменами.<br />

Для Вас бизнес—это война?<br />

М. П.: Мне жаль людей, которые воюют в<br />

бизнесе. Им это не доставляет удовольствия.<br />

Нужно уметь воевать, но война—это крайняя<br />

мера, компромисс—значительно более<br />

эффективен. Война подразумевает разрушение<br />

того, за что ты борешься. Я это выяснил<br />

путем собственных ошибок. Теперь я знаю,<br />

что войны нужно избегать любыми способами.<br />

«У меня нет кумиров»<br />

LCDR: Есть ли люди, которыми Вы восхищаетесь<br />

во Франции или в России?<br />

М. П.: У меня нет кумиров. Во Франции мне<br />

нравится Николя Саркози. Законы, которые<br />

он принимает, вызывают во мне уважение.<br />

Каждый раз, когда он что-то делает, ему противостоят<br />

профсоюзы. У него очень сложная<br />

задача. В РСПП я возглавляю комитет по социальным<br />

вопросам, и там я иногда чувствую<br />

себя в шкуре французского президента.<br />

LCDR: Комитет по социальным вопросам?<br />

М. П.: Да, мы занимаемся всем, что имеет отношение<br />

к социальному аспекту бизнеса, и от<br />

этого у меня часто болит голова!<br />

LCDR: А какими именно вопросами Вы занимаетесь?<br />

М. П.: Мы занимаемся системными законами,<br />

которые позволили бы увеличить эффективность<br />

нашей экономики. Россия находится<br />

между Европой и Азией: в Европе уровень >


«Еще ни один политический<br />

режим не сверг национальную<br />

кухню»<br />

Вивиан Шокас<br />

производительности и социальные стандарты<br />

высоки. В Азии производительность<br />

высокая, а социальная защищенность<br />

низкая. В России существуют<br />

высокие стандарты социальной защиты,<br />

но производительность низкая, и это<br />

плохо согласуется с глобальной конкуренцией.<br />

Я бы хотел сделать Россию более<br />

конкурентоспособной, дать людям<br />

возможность много работать, не нарушая<br />

трудовой кодекс, и много зарабатывать.<br />

Мои предложения непопулярны, но<br />

я буду продолжать на них настаивать.<br />

«Нужно увеличить продолжительностьрабочего<br />

дня»<br />

LCDR: Расскажите, что Вы предлагаете.<br />

М. П.: Я предлагаю упростить процедуру<br />

увольнения и уменьшить пособия по<br />

безработице: нужно давать меньше денег<br />

человеку на руки, и больше вкладывать<br />

в его переподготовку. Расходы, вероятно,<br />

возрастут, но тогда у нас будет больше<br />

подготовленных сотрудников, которые<br />

увеличат производительность труда.<br />

Вторая мера—позволить людям работать<br />

дистанционно. Третья мера—увеличить<br />

продолжительность рабочего дня:<br />

российский трудовой кодекс запрещает<br />

работать больше 8 часов в день, в то время<br />

как многие молодые люди хотели бы<br />

работать больше, чтобы зарабатывать<br />

больше. Надо сделать так, чтобы трудовые<br />

договора заключались таким образом,<br />

чтобы те, кто хочет больше работать,<br />

могли это делать. Четвертая мера —<br />

упростить классификацию профессий. В<br />

России есть каталог профессий, который<br />

включает 7000 категорий, в то время как<br />

в развитых странах их число не превышает<br />

700. Представьте расходы, связанные<br />

с этими 7000 категориями! Я предлагаю<br />

составить новый каталог с привлечением<br />

предприятий и организовать обучение<br />

новым специальностям.<br />

LCDR: Вы говорили как-то, что не<br />

читаете романы, только эссе. Может<br />

быть, есть французский писатель,<br />

чьё творчество Вам всё-таки<br />

близко?<br />

М. П.: Да, есть романист, который на<br />

меня сильно повлиял: Ги де Мопассан.<br />

Во всех смыслах. А вообще мне очень<br />

интересны футуристические теории, я<br />

их использую, чтобы планировать свое<br />

будущее. Мир сейчас развивается очень<br />

быстро. Простой пример: у меня есть<br />

месторождение меди. Я знаю, что сейчас<br />

ведутся эксперименты по созданию<br />

нового материала с улучшенными свойствами<br />

по сравнению с медью. Я должен<br />

всё знать о продвижении этих работ, чтобы<br />

продать мое месторождение до того,<br />

как этим новым металлом все начнут<br />

пользоваться.<br />

LCDR: Мне попалась на глаза фотография,<br />

на которой молодой сержант<br />

Прохоров марширует во главе<br />

взвода. О чём он мечтает?<br />

М. П.: Я не мечтаю. Я люблю жизнь, мне<br />

столько всего нужно успеть, встретиться<br />

со множеством интересных людей! У<br />

меня нет времени на мечты.<br />

LCDR: А ночью?<br />

М. П.: Ночью я сплю. ڤ<br />

Жером Риго (Jérôme Rigaud) на кремлевской<br />

кухне с января 2008 года.<br />

Когда интересуешься, как ему это<br />

удалось, он скромно отвечает, что оказался в<br />

«нужном месте в нужное время». Впрочем, на<br />

протяжении его карьеры таких возможностей<br />

у него было немало.<br />

Жером родился в Абиждане, столице<br />

Кот-д’Ивуара, в семье преподавателей. Там<br />

же и провел первые 16 лет своей жизни. Когда<br />

ему было 19, Жером играл за сборную Перпиньяна<br />

по регби. Но случилась неудача: бесстрашный<br />

француз разорвал связки колена, и<br />

на любимом увлечении пришлось поставить<br />

точку. Мечта стать инспектором полиции тоже<br />

оказалась невыполнимой. «Это было для<br />

меня огромным разочарованием»,—признается<br />

Жером. «Разочарование» длилось недолго.<br />

Однажды знакомый официант предложил<br />

Жерому поработать на новогоднем банкете.<br />

Опыт оказался удачным, и в 22 года Жером<br />

понял, что у него есть призвание. «Я решил<br />

открыть ресторан».<br />

Но вначале пришлось поучиться. С наставниками<br />

Жерому повезло. Ими оказались<br />

повара мишленовских ресторанов Жоэль<br />

Робюшон (Joël Robuchon) и Мишель Труагро<br />

(Michel Troisgros). Когда пришло время<br />

искать работу, он указал в резюме эти две<br />

фамилии, поместил в сеть и стал ждать предложений.<br />

Из большого их количества понастоящему<br />

заинтриговало его только одно: от<br />

ресторана «Эльдорадо» из сумрачной снежной<br />

Москвы. «Я ничего не слышал об этом<br />

ресторане, в интернете тоже ничего о нём не<br />

нашёл,—рассказывает Жером.—Но я решил<br />

приянять вызов, посмотреть, способен ли я<br />

выжить в чужой среде». Оказалось, что да.<br />

Через два года работы в Эльдорадо, Жерома<br />

переманил к себе Игорь Бухаров, владелец<br />

ресторана «Ностальжи».<br />

Еще через два года Игорь предложил Жерому<br />

помочь ему в организации президентского<br />

банкета. Через пять месяцев он был принят на<br />

работу на кухню Кремля, где готовят завтраки,<br />

обеды и ужины для президента, премьерминистра<br />

и патриарха. «Я согласился, потому<br />

что сам процесс найма происходил очень плавно.<br />

Если бы я заранее знал, сколько мне придётся<br />

работать и с какими ограничениями придётся<br />

столкнуться, я бы десять раз подумал».<br />

Повар под присмотром<br />

Ровно пять месяцев понадобилось спецслужбам,<br />

чтобы выяснить, кто такой Жером, чем<br />

Культура<br />

Текст: Габриель Леклер<br />

Перевод: Инна Дулькина,<br />

Вера Гауфман<br />

Фото: Галина Кузнецова<br />

занимаются члены его семьи, близкие друзья<br />

и дальние знакомые. Даже сейчас он под наблюдением:<br />

«Меня прослушивают 24 часа в<br />

сутки,—уверен Жером, — это нормально, что<br />

за мной следят, я ведь работаю на президента<br />

одной из крупнейших держав мира». Чтобы<br />

приготовить обед для президента, Жером удаляется<br />

в спецкухню. За ним следуют люди в<br />

белых халатах и погонах с двуглавыми орлами.<br />

Под их бдительным взором, француз разбивает<br />

яйца и месит тесто. Но убедиться в этом мы<br />

не смогли, ведь в это помещение нас, разумеется,<br />

не пустили.<br />

«Самое сложное—это приспособиться к<br />

ритму»,—признается Жером. Вот уже три<br />

года как у французского повара не было отпуска.<br />

Времени хватает только на сон, да и то<br />

не всегда. «Мне могут позвонить в 10 часов<br />

вечера и сказать, что завтра в другом конце<br />

города будет банкет на 200 человек». Зато<br />

работу не назовешь рутинной. Для каждого<br />

банкета нужно придумывать новое меню. А<br />

еще контролировать выбор посуды, продуктов,<br />

количество официантов и поваров.<br />

III<br />

Le Courrier de Russie<br />

12 – 26 ноября 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

На вкус Кремля<br />

Жером Риго – первый иностранный шеф-повар в Кремле. Уже около трёх лет он<br />

готовит блюда, которые отправляются прямиком на стол президенту.<br />

Настроения поваров, кстати, за последнее<br />

время заметно изменились. В русской кухне<br />

стали отчетливо слышаться французские<br />

ноты.<br />

С приходом Жерома на кремлевских застольях<br />

еду стали подавать в семь приёмов,<br />

каждому гостю отдельную порцию. Больше<br />

не нужно тянуться вилкой к салату в дальнем<br />

левом углу, с риском задеть локтем важного<br />

соседа. Новый девиз кремлёвской кухни —<br />

поражать не количеством, а разнообразием.<br />

Благодаря французскому повару, Дмитрий<br />

Медведев смог попробовать черную соль,<br />

тайваньский чай и французский шоколад<br />

Weiss. Под началом Жерома трудятся 30 поваров.<br />

Они собственноручно готовят фуа-гра<br />

и нередко задерживаются на работе, чтобы<br />

перенять у французского повара новые секреты.<br />

«Мне повезло. Мои коллеги очень<br />

трудолюбивы и никогда не жалуются. Не то<br />

что французы!»,—смеётся Жером.<br />

Замечают изменения и старейшие работники<br />

комбината. Кто-то жалеет, что больше<br />

не подают поросячьи тушки и осетров с<br />

веточкой петрушки. Кто-то радуется, что на<br />

кремлёвскую кухню приплыли дорада и тюрбо.<br />

Говорят, президент очень любит рыбу. И<br />

ещё поговаривают, что Дмитрий Медведев<br />

гораздо требовательней в выборе блюд, чем<br />

Владимир Путин. И что питаться он хочет<br />

«как в Европе». Новые идеи в политике, новые<br />

блюда на столе...<br />

Жерому в Кремле очень нравится, но о своей<br />

давней мечте он не забыл. «Это последнее<br />

место, где я работаю по найму»,—говорит<br />

он, лукаво улыбаясь. А потом—собственный<br />

ресторан на испанском или австралийском<br />

побережье. «Я буду заниматься там тем<br />

же, что я делаю сейчас: готовить необычные<br />

блюда из обычных продуктов». Но случится<br />

это не сегодня и даже не завтра. «Я уйду, когда<br />

почувствую скуку. А пока мне скучать не<br />

приходится». ڤ


IV Le Courrier de Russie<br />

Текст:<br />

12 – 26 ноября 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

Сегодня на повестке дня—новый<br />

проект приватизации. В течение<br />

пяти лет активы крупнейших государственных<br />

предприятий (среди<br />

них Транснефть, Роснефть, ВТБ, Сбербанк<br />

и др.) должны перейти в частные руки. Евгений<br />

Ясин дает свой анализ сложившейся<br />

ситуации и делится с Le Courrier de Russie<br />

своими размышлениями по поводу новой<br />

экономической программы.<br />

Le Courrier de Russie: Евгений Григорьевич,<br />

можно ли сегодня вообще говорить<br />

о рыночной экономике в России?<br />

Евгений Ясин: Конечно, рыночная экономика<br />

в России уже существует. Но при этом<br />

ещё недостаточно выстроена институциональная<br />

система, которая способствовала<br />

бы её функционированию. Есть проблемы с<br />

защитой прав собственности, с равенством<br />

условий конкуренции, верховенством права.<br />

Работа по совершенствованию законодательства<br />

идет, но с большим трудом. Сложности<br />

связаны с тем, что в последние 10<br />

лет воздействие государства на экономику<br />

существенно усилилось. Государство объясняет<br />

своё вмешательство тем, что рынок<br />

малоактивен, что предпринимателей интересует<br />

только выгода, что они не готовы<br />

нести ответственность за последствия своих<br />

действий и т.д.<br />

LCDR: На Ваш взгляд, в этом причина<br />

недостаточной эффективности российских<br />

рынков?<br />

Е. Я.: Рынок неэффективен именно из-за<br />

того, что государственный сектор имеет в<br />

нём слишком большой удельный вес. Государственные<br />

компании обладают определёнными<br />

привилегиями, и государство<br />

оправдывает это тем, что на них возложены<br />

задачи государственной значимости. Равноправных<br />

отношений между государством<br />

и бизнесом не существует. В нашей стране<br />

ситуация осложняется ещё и тем, что у нас<br />

частный сектор испытывает давление со стороны<br />

чиновников, которые утверждают, что<br />

они действуют от имени государства. Но на<br />

самом деле, зачастую речь идет о преследовании<br />

корыстных частных интересов. В этих<br />

условиях бизнес вынужден ограничивать<br />

риски и с осторожностью инвестировать в<br />

российскую экономику.<br />

Новая программа приватизации призвана<br />

решить проблему чрезмерного присутствия<br />

государства на рынке. Она должна быть<br />

принята к исполнению с 2011 года, в соответствии<br />

с пожеланиями её инициаторов.<br />

LCDR: А какие институты могут обеспечить<br />

успешную реализацию программы<br />

приватизации?<br />

Е. Я.: Насколько я понимаю, план приватизации,<br />

который был объявлен этим летом,—<br />

это плод усилий министерства экономического<br />

развития. По сути его содержания,<br />

могу сказать, что либералы в правительстве<br />

делают попытку вернуться к планам создания<br />

институциональной системы, соответ-<br />

Экономика<br />

Симон Роблен<br />

Перевод: Вера Гауфман<br />

ствующей рыночной экономике первого послесоветского<br />

десятилетия.<br />

LCDR: Вы считаете, что речь идёт о<br />

возврате к либеральным идеям 90-х годов?<br />

Е. Я.: Сегодня, как и в начале 90-х, государству<br />

нужны деньги. Когда стало очевидно,<br />

что кризис опустошил финансовые резервы<br />

страны, было решено, как и тогда, пополнить<br />

их за счет частичной приватизации госпредприятий.<br />

Но вопрос в том, что сама по себе приватизация<br />

имеет смысл только в том случае,<br />

если контроль над активами передаётся в<br />

частную собственность. Если же контроль<br />

бизнеса остаётся в руках государства, то позитивных<br />

последствий, кроме притока денег<br />

от тех дураков, которые будут покупать акции<br />

миноритарных пакетов, не будет. Я говорю<br />

«дураки», потому что те, кто купит эти<br />

акции, в действительности не смогут оказывать<br />

влияния на политику компаний.<br />

То, что идея приватизации стоит на повестке<br />

дня, это хорошо, но пока я не вижу<br />

реальных намерений для её реализации.<br />

LCDR: Какие предприятия, на Ваш<br />

взгляд, будут приватизированы в первую<br />

очередь?<br />

Е. Я.: Если задачей приватизации является<br />

получение дополнительных финансовых<br />

ресурсов, которых не хватает для решения<br />

государственных задач, то в первую очередь<br />

должны быть приватизированы крупные нефтяные<br />

компании «Роснефть», «Газпром»<br />

и крупные банки «Сбербанк», «ВТБ» и т.д.<br />

Но если государство планирует начать модернизацию<br />

российской промышленности,<br />

«Если вы инвестируете в сектора, которые привлекают<br />

государственное руководство не так сильно, как<br />

нефть, газ, металлы, то вы можете работать спокойно—там<br />

будет достаточная прозрачность, в пределах<br />

того, что можно ожидать в такой стране, как<br />

Россия ».<br />

Евгений Ясин<br />

Евгений Ясин: «Равноправных отношений между<br />

государством и бизнесом не существует»<br />

Евгений Ясин – один из из самых самых влиятельных экономистов России. Бывший министр экономики, научный<br />

руководитель Высшей школы экономики (ГУ-ВШЭ), г-н Ясин был одним из ключевых инициаторов постановки<br />

страны на рыночные рельсы.<br />

В России достаточно хороших предпринимателей. Проблема<br />

в том, что когда они начинают много зарабатывать,<br />

чиновники хотят всё у них отобрать.<br />

D.R.<br />

то приватизацию следует распространить и<br />

на «Силовые машины» и на производителя<br />

авиадвигателей «Пермские моторы». Надо<br />

сказать, что попытки приватизировать эти<br />

компании уже предпринимались: в первом<br />

случае сделка с Siemens почти состоялась в<br />

2006-2007 годах, а во втором случае в 1990-е<br />

переговоры шли с United Technologies. Но<br />

сделки в обоих случаях были сорваны.<br />

LCDR: Известно ли, как будут проходить<br />

тендеры? Россия может гарантировать<br />

прозрачность процедур для иностранных<br />

инвесторов?<br />

Е. Я.: В тех областях, куда будут допускаться<br />

иностранные инвесторы, к моменту начала<br />

соответствующих процедур теневые вопросы<br />

уже будут решены и их решения уже<br />

будут заложены в условия тендера. Дальше<br />

уже можно рассчитывать на определённую<br />

прозрачность. Впрочем, если вы инвестируете<br />

в сектора, которые привлекают государственное<br />

руководство не так сильно, как<br />

нефть, газ, металлы, то вы можете работать<br />

спокойно—там будет достаточная прозрачность,<br />

в пределах того, что можно ожидать в<br />

такой стране, как Россия.<br />

LCDR: И тем не менее, отличается ли<br />

нынешняя ситуация в России от ситуации<br />

в 90-е годы? Могут ли результаты<br />

перераспределения активов на этот раз<br />

быть более предсказуемыми? Ведь когда<br />

Гайдар осуществлял свою программу,<br />

он думал, что необходимо начать с<br />

создания класса собственников средств<br />

производства и что создание институтов,<br />

гарантирующих непреходящий<br />

характер предприятий, будет ответом<br />

на потребность и давление со стороны<br />

частников...<br />

Е. Я.: Во времена Гайдара ситуация была<br />

другая и логика развития событий тоже.<br />

Тогда нужно было проводить приватизацию<br />

в стране, где никакого частного капитала и в<br />

помине не было. Правительство хорошо понимало,<br />

как важно найти поддержку среди<br />

индивидуальных предпринимателей. А весь<br />

бизнес в то время—это были, в основном,<br />

мелкие торговцы и банкиры, которые только<br />

вчера начали дело. Поэтому первый этап<br />

приватизации заключался в том, что государство<br />

выпустило ваучеры и стало раздавать<br />

активы.<br />

Затем у правительства возникла необходимость<br />

продавать госсобственность по более<br />

высокой цене: государство нуждалось в<br />

деньгах, чтобы закрыть «дыру» в бюджете.<br />

Поэтому была проведена денежная приватизация.<br />

Кстати, она могла бы оказаться очень<br />

успешной, если бы было принято решение<br />

продавать активы иностранцам. Но иностранцам<br />

правительство продавать не решилось:<br />

у них было достаточно средств, чтобы<br />

купить всё в этой стране и взять под свой<br />

контроль экономическую политику России.<br />

Кроме того, заинтересованные иностранцы<br />

тогда были сомнительными. Это было просто<br />

опасно. Поэтому правительство решило, что<br />

лучше продавать дёшево, но своим.<br />

LCDR: А как Вы оцениваете сегодняшнюю<br />

ситуацию?<br />

Е. Я.: Сейчас положение дел совершенно<br />

иное. Половина активов находится в руках<br />

государства. Что касается другой половины,<br />

то среди тех, кто получил госкомпании<br />

в собственность, большинство стали эффективными<br />

управленцами. Кто может сказать,<br />

что Потанин плохо управляет «Норильским<br />

Никелем»? Ходорковский был очень эффективным<br />

менеджером «Юкоса», и Швидлер,<br />

представитель Абрамовича, был отличным<br />

менеджером компании «Сибнефть»—но<br />

эти компании снова национализировали,<br />

можно даже сказать, экспроприировали.<br />

Назвать то, что произошло с «Юкосом»,<br />

«национализацией» нельзя,—просто отобрали<br />

и всё. Да ещё хотят осудить на второй<br />

срок, как будто лично Ходорковский украл<br />

всю нефть. Позор!<br />

В России достаточно хороших предпринимателей.<br />

Проблема в том, что, когда они<br />

начинают много зарабатывать, чиновники<br />

хотят всё у них отобрать.<br />

Как приватизировать и кому продавать в<br />

этих условиях? Если у российских бизнесменов<br />

есть деньги, то можно им продавать.<br />

Но сегодня уже нестрашно продавать и<br />

иностранцам. Просто должны быть ясные<br />

правила. Если вы не хотите пускать иностранцев<br />

в какую-то определенную отрасль,<br />

просто сделайте закрытый конкурс, в котором<br />

будут участвовать только русские. Но<br />

надо понимать, что и цена тогда упадёт…<br />

А если вы все-таки хотите совершить чудо<br />

в какой-нибудь отрасли, то путь один: нужно<br />

дать иностранцам возможность инвестировать.<br />

ڤ

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