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Le Courrier de Russie<br />
Du 12 au 26 novembre 2010<br />
www.lecourrierderussie.ru<br />
Guide<br />
Bienvenue dans le Neuvième Cercle. Dernier<br />
cercle avant l’antre de l’Ange déchu. Péché<br />
de trahison. Médée, c’était l’Inacceptable.<br />
Par amour pour un homme, elle trahit son<br />
père <strong>et</strong> son peuple, jalousie <strong>et</strong> colère, elle<br />
assassine ses enfants. Magicienne surpuissante,<br />
elle transgresse l’ultime tabou,<br />
incarne le Mal <strong>et</strong> le chaos, Titan dévorant<br />
sa progéniture, monstre suprême. L’ombre<br />
continue de planer, la sorcière fascine <strong>et</strong> dégoûte.<br />
Le mythe est repoussoir, construit la norme sociale en miroir inversé.<br />
Jusqu’au spectacle Médée. Épisodes, zong-opéra. Le poète Liokha<br />
Nikonov <strong>et</strong> le m<strong>et</strong>teur en scène Giuliano di Capua relisent la tragédie<br />
: Euripide a menti, accusé l’étrangère pour préserver l’unité de<br />
la Grèce. La princesse de Corynthe est Géorgienne, confl it ossète en<br />
fi ligrane, la fi lle du roi rival est victime d’hommes bouchers, menteurs<br />
<strong>et</strong> lâches, qui l’accablent parce qu’elle a refusé de se soum<strong>et</strong>tre. Inscrite<br />
dans un présent tout proche, la Médée de c<strong>et</strong> opéra punk, pétersbourgeois<br />
<strong>et</strong> époustoufl ant, est victime sacrifi cielle, bouc émissaire <strong>et</strong><br />
furie, révolutionnaire, prophétesse de terribles augures. Médée fi gure<br />
inverse, aux ailes trop grandes, condamnée.<br />
Médée. Épisodes, opéra punk, le 27 novembre, à 19h, TsDKh,<br />
Krimskiï Val, 10.<br />
www.teatrodicapua.com/medea/p<br />
Conception : Vera Gaufman<br />
Texte : Julia Breen<br />
Réalisation : Galina Kouzn<strong>et</strong>sova<br />
Bienvenue dans le Huitième Cercle. Vous êtes<br />
chez les menteurs, les voleurs. Trompeurs,<br />
mauvais conseillers <strong>et</strong> faux-monnayeurs. Alchimistes.<br />
Performers <strong>et</strong> artistes contemporains,<br />
expérimentateurs invétérés. Le fossé<br />
capitale/province est toujours partout présent.<br />
Parfois, il est presque infranchissable. Alors on<br />
salue chaleureusement l’initiative éphémère <strong>et</strong> fragile<br />
de ce « musée vivant de la performance » au Centre<br />
municipal d’art contemporain de Voronej. La performance comme essence<br />
de l’art contemporain. Et au-delà. L’art ne peint plus des héros,<br />
mais s’approche, au contraire, au plus près de l’humain trop humain,<br />
colle au réel, abolit au maximum la distance. L’art classique observait<br />
depuis l’extérieur, façonnant l’obj<strong>et</strong> sur des canons formels quand<br />
l’art contemporain se veut expression des profondeurs de l’être, inverse<br />
le point de vue. La performance en est l’aboutissement, la représentation<br />
est abolie, l’acte devient spectacle, au moment même où<br />
il a lieu. Tout le XXe 8<br />
siècle dans un concept.<br />
« Musée vivant de la performance », du 12 au 19 novembre, Centre<br />
municipal d’art contemporain, oul. 20 l<strong>et</strong> Oktyabria, TTs Evropa,<br />
5-iï <strong>et</strong>aj, Voronej.<br />
7<br />
Bienvenue dans le Septième<br />
Cercle. Coupables du péché<br />
de violence. Une violence<br />
nécessaire, lieu de<br />
possibles, zone réservée,<br />
territoire neutre, sans loi,<br />
hors codes de la communauté,<br />
rituel initiatique, pour<br />
s’apprivoiser. Iouriï Bykov, c’est la<br />
« nouvelle vague russe ». Son dernier fi lm, Jit’<br />
(2010), pose à la morale la question de la survie,<br />
aux limites du Bien <strong>et</strong> du Mal, que rest<strong>et</strong>-il<br />
de l’humain confronté à l’extrême. Un type<br />
partait simplement à la chasse, mais, témoin<br />
d’une scène, se r<strong>et</strong>rouve à tirer un inconnu des<br />
pattes de bandits qui le poursuivent. Il faut fuir,<br />
à deux. Contraints par l’urgence de faire avec<br />
<strong>et</strong> ensemble, jusqu’à se r<strong>et</strong>rouver confronté au<br />
choix ultime, lui ou moi, un seul vivra. Tenter<br />
de maintenir des principes, s’accrocher à une<br />
abstraction, une certaine idée de soi, système<br />
de valeurs <strong>et</strong> éthique pour fi nir mal, broyé.<br />
Ou vivre peinard, serein, sans scrupules <strong>et</strong><br />
surtout sans questions. Bykov fi lme l’humain<br />
imparfait, en équilibre instable entre lui <strong>et</strong> luimême,<br />
ne tire surtout pas de conclusion. Il a<br />
une croyance, pourtant, absurde <strong>et</strong> folle, fi ne<br />
espérance, peut-être dans la justice. Car celui<br />
qui reste en vie n’est pas forcément le vainqueur.<br />
Jit’, Iouriï Bykov (2010), première russe le<br />
11 novembre.<br />
6<br />
DÉPART<br />
Bienvenue dans le Sixième Cercle. Hérétiques,<br />
athées <strong>et</strong> épicuriens. Andreï<br />
Plakhov est critique, commentateur cinéma<br />
attitré du quotidien Kommersant,<br />
membre du jury à Berlin, Locarno, Tokyo,<br />
San Sebastian. Winzavod lui ouvre le programme<br />
« Cinéma avec Andreï Plakhov ». La<br />
graine <strong>et</strong> le mul<strong>et</strong>, Abdellatif Kechiche, indéniablement très grand<br />
fi lm. Une vraie histoire. Qui dit toutes les histoires. Admirablement<br />
inscrite dans un milieu <strong>et</strong> une époque <strong>et</strong> parle en même temps de<br />
partout <strong>et</strong> toujours, de noblesse <strong>et</strong> de bassesses, d’humanité en profondeur,<br />
amours contrariées, générations sourdes. Les vieux ont sacrifi<br />
é <strong>et</strong> cru bon de se taire, ils ont espéré, les gamins les renient <strong>et</strong><br />
leur crachent au nez sur un sol étranger, veulent tout, tout de suite.<br />
Assimilation dévoreuse. Et puis la grâce, le temps d’un instant, autour<br />
d’un couscous, générosité pure <strong>et</strong> entière, abandon, folie, une<br />
fl eur des villes née dans la boue rayonne, inonde de soleil la grisaille,<br />
brûle de fraîcheur <strong>et</strong> d’énergie vitale. Et au même moment l’autre qui<br />
s’éteint, usé, vieil arbre déplacé, racines tronquées. Dans une danse.<br />
Kinoteatr s Andreem Plakhovym : La graine <strong>et</strong> le mul<strong>et</strong>, A. Kechiche<br />
(2007), le 15 novembre, à 20h. Tsurtsum kafe, Winzavod,<br />
4-iï Syromiatnitcheskiï per., d. 1/8, str. 6.<br />
www.winzavod.ru<br />
Vous ne savez plus que faire de votre temps libre ? J<strong>et</strong>ez<br />
les dés <strong>et</strong> lancez-vous dans un voyage insolite à travers<br />
les neuf cercles de l’Enfer. Vos guides, fi ns connaisseurs<br />
des ténèbres, vous feront goûter leurs plaisirs inattendus.<br />
Suivez leurs conseils, vous ne serez pas déçus. À la prochaine<br />
au purgatoire !<br />
4Bienvenue dans le Quatrième Cercle.<br />
Après avoir fait fortune, vous partez<br />
investir en Sibérie. Au passage prenez<br />
des informations à la nouvelle fondation<br />
de l’oligarque <strong>Prokhorov</strong>. Allez<br />
directement au purgatoire.<br />
Bienvenue dans le Huitième<br />
Cercle. Testez votre effi cacité<br />
au musée vivant de la performance.<br />
8<br />
Bienvenue dans le Troisième<br />
Cercle. Goûtez les plats<br />
bourguignons au restaurant<br />
Kaï. Passez votre tour. 3<br />
Bienvenue dans le Neuvième<br />
Cercle. Vous êtes<br />
terrorisés par la magicienne<br />
Médée lors de<br />
l’opéra punk. Passez votre<br />
tour.<br />
9<br />
ARRIVÉE<br />
BIENVENUE AU PUR-<br />
GATOIRE. PASSEZ UNE<br />
SEMAINE CHAUDE !<br />
7<br />
Bienvenue dans le Septième<br />
Cercle. Découvrez<br />
les limites entre le bien <strong>et</strong><br />
le mal en regardant Jit’, le<br />
dernier fi lm de Iouriï Bykov.<br />
Bienvenue dans le Cinquième Cercle. Les coléreux<br />
<strong>et</strong> les mélancoliques. Tulpan, c’est la première<br />
fi ction du réalisateur de documentaires Sergueï<br />
Dvortsevoï. Dvortsevoï vient du Kazakhstan, <strong>et</strong><br />
5<br />
son fi lm, il souffl e comme la steppe. C’est lent<br />
<strong>et</strong> immédiat, immense <strong>et</strong> simplissime. La steppe<br />
est le lieu d’un présent éternel, où l’histoire<br />
n’existe pas. Où rien n’évolue, ne progresse, ne<br />
change, où le rythme est celui du soleil, de l’herbe <strong>et</strong><br />
des brebis. Aza revient chez lui, démobilisé après le service dans la Flotte.<br />
Enfant de berger, il vise l’impossible <strong>et</strong> s’y attelle : bâtir une maison, installer<br />
l’eau <strong>et</strong> l’électricité, devenir propriétaire, écrire une Histoire. Caïn<br />
dans le monde d’Abel, Aza est toute la vanité <strong>et</strong> par là la grandeur de<br />
l’existence humaine. Pour posséder des moutons, il faut se marier. Mais<br />
la seule jeune fi lle à 300 kilomètres à la ronde c’est Tulpan. Et Tulpan<br />
ne veut pas épouser Aza. Parce qu’il a les oreilles décollées. Le fi lm en a<br />
mis, du temps, à se faire, en a épuisé, des équipes de tournage. Parce que<br />
Dvortsevoï laisse la réalité s’écrire d’elle-même dans ses cadres. Parce<br />
que dans la steppe, le quotidien est parabole. Voyage dans un autre espace-temps.<br />
Tulpan (2007), Sergueï Dvortsevoï.