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Michaïl Prokhorov : riche et encore

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Dans les années 1980, la ministre du Développement<br />

économique Elvira Nabioullina a été l’élève de Evgueniï<br />

Yassine.<br />

Dans les années 1990, elle a travaillé sous sa direction<br />

à la RSPP (Union russe des industriels <strong>et</strong> des entrepreneurs)<br />

<strong>et</strong> au ministère de l'Economie.<br />

Elle est mariée à Iaroslav Kouzminov, recteur du Haut<br />

collège d'économie.<br />

dire : « bon, 45% ». Mais à la place de Renault,<br />

je dirais : « non, 55% <strong>et</strong> on n’en parle plus » [fi n<br />

octobre, Carlos Ghosn, le PDG de Renault, s’est<br />

déclaré prêt à rach<strong>et</strong>er les parts de Troïka Dialog,<br />

qui désire se dégager partiellement, par étapes,<br />

du capital d’AvtoVAZ dont elle détient <strong>encore</strong> un<br />

peu moins du quart, <strong>et</strong> début novembre Vladimir<br />

Poutine a proposé à Ghosn de faire monter la part<br />

de Renault jusqu’au paqu<strong>et</strong> de contrôle, ndlr].<br />

Il y a une espèce de marchandage en cours,<br />

mais il est clair que sans investisseurs étrangers,<br />

les Russes eux-mêmes ne pourront pas résoudre<br />

les problèmes posés. Mais ils ne veulent pas céder.<br />

Tant que le marché ne le leur aura pas fait<br />

pénétrer dans le cerveau, ils ne comprendront<br />

pas qu’ils n’y arriveront pas, qu’ils y perdent tout.<br />

Poutine doit se convaincre qu’ils ne peuvent rien<br />

faire sans le marché, <strong>et</strong> faire taire ses sentiments<br />

nationaux.<br />

Mais si j’étais à la place des Russes d’Avto-<br />

VAZ, je me demanderais : à qui vendre, à Renault,<br />

ou aux Coréens ? Les Français sont trop habitués<br />

à la bureaucratie, ils ressemblent aux Russes. Ils<br />

marchandent trop longtemps.<br />

LCDR : Quelles sont les entreprises qui vont<br />

fi nalement être privatisées en priorité, d’après<br />

vous ?<br />

E. Y. : Je dirais que si la privatisation a pour but<br />

de dégager un certain montant de ressources<br />

fi nancières pour réaliser des tâches pour lesquelles<br />

l’Etat n’a pas les fonds nécessaires, alors<br />

il faut commencer par les grosses entreprises<br />

pétrolières, Rosneft, Gazprom, puis continuer<br />

avec les grandes banques, Sberbank <strong>et</strong> VTB.<br />

Mais si l’on cherche à entamer le processus de<br />

modernisation de l’industrie, alors il faut vendre<br />

les entreprises de construction de machines-outils<br />

<strong>et</strong> le producteur de moteurs d’avion Permskie<br />

Motory, qui ont été l’obj<strong>et</strong> de tractations avec<br />

des investisseurs étrangers qui n’ont pas abouti,<br />

avec Siemens dans le premier cas en 2006 ou<br />

2007, United Technologies dans le second cas<br />

dans les années 1990.<br />

LCDR : Sait-on comment vont se dérouler les<br />

appels d’off re, y aura-t-il des garanties en matière<br />

de transparence des procédures, pour les<br />

investisseurs étrangers en tout cas ?<br />

E. Y. : Je pense que là où l’on va adm<strong>et</strong>tre des<br />

investisseurs étrangers, les questions informelles<br />

d’« économie de l’ombre » auront déjà<br />

été réglées en amont de la procédure, <strong>et</strong> sur ces<br />

bases-là, une fois les candidats présélectionnés,<br />

on pourra espérer une certaine transparence. Par<br />

ailleurs, si vous investissez dans un secteur quelconque<br />

qui n’attire pas beaucoup l’attention des<br />

dirigeants de l’Etat russe, hors du pétrole, du gaz,<br />

des métaux, vous pourrez travailler dans la transparence,<br />

dans les limites que l’on peut attendre<br />

dans un pays comme la Russie.<br />

LCDR : La situation actuelle est-elle vraiment<br />

diff érente de celle des années 1990, <strong>et</strong> les résultats<br />

de la redistribution des actifs peuvent-ils<br />

être mieux maîtrisés ? Quand Gaïdar a réalisé<br />

son programme, il a cru qu’il fallait commencer<br />

par créer une classe de propriétaires des<br />

moyens de production, <strong>et</strong> que la formation des<br />

institutions qui garantiraient la pérennité des<br />

Evgueniï Yassine<br />

Sur les causes de la crise<br />

mondiale :<br />

« Les explications données<br />

jusqu’ici, limitées aux aspects<br />

fi nanciers <strong>et</strong> au constat certes<br />

juste de l’insuffi sance de régulation,<br />

n’ont pas saisi les deux<br />

facteurs structurels fondamentaux<br />

: l’entrée de l’économie<br />

mondiale dans une nouvelle<br />

phase de son développement<br />

dans les sphères agricole<br />

<strong>et</strong> industrielle, qui répond à<br />

des lois auxquelles nous ne<br />

sommes pas <strong>encore</strong> habitués<br />

à nous confronter ; le changement<br />

structurel en profondeur<br />

de l’économie mondiale,<br />

avec la montée des pays dits<br />

émergents, la Chine <strong>et</strong> l’Inde,<br />

<strong>et</strong> le changement radical des<br />

rapports de force sur l’arène<br />

mondiale. »<br />

« Deux phénomènes ont joué<br />

un rôle déterminant dans le<br />

déclenchement de la crise<br />

fi nancière mondiale : la<br />

entreprises suivrait sous sa pression…<br />

E. Y. : Du temps de Gaïdar, la situation était<br />

autre qu’on ne le dit, <strong>et</strong> la logique de développement<br />

des événements également. Il fallait mener<br />

une privatisation dans un pays où il n'y avait<br />

jamais eu de capital privé. Le gouvernement<br />

comprenait parfaitement qu’il devait trouver un<br />

soutien avant tout du côté des entrepreneurs privés.<br />

Or le business, alors, c’était principalement<br />

les p<strong>et</strong>its marchés <strong>et</strong> les p<strong>et</strong>ites banques, montés<br />

par des gens qui la veille <strong>encore</strong> ne possédaient<br />

rien. C’est pourquoi la première étape de la privatisation<br />

a consisté à ém<strong>et</strong>tre des vouchers <strong>et</strong> à<br />

distribuer les actifs, ou aux collectifs de travail,<br />

ou aux citoyens qui détenaient ces vouchers. Ces<br />

vouchers étaient de l’argent généré spécialement<br />

pour que les gens puissent acquérir des parts de<br />

ces actifs étatiques sous forme de propriété privée.<br />

Si vous investissez dans un secteur quelconque qui n’attire<br />

pas beaucoup l’attention des dirigeants de l’Etat russe, hors<br />

du pétrole, du gaz, des métaux, vous pourrez travailler dans<br />

la transparence, dans les limites que l’on peut attendre dans<br />

un pays comme la Russie.<br />

Ensuite, le gouvernement a voulu vendre<br />

plus cher, car il fallait stabiliser la situation, combattre<br />

l’infl ation, <strong>et</strong> l’Etat avait besoin d’argent<br />

pour boucler le budg<strong>et</strong>. La seconde phase, c’était<br />

une privatisation fi nancière, qui n’aurait pu réussir<br />

que si l’on avait pu vendre les actifs à des<br />

étrangers. Mais on avait peur des étrangers, qui<br />

avaient les moyens de tout ach<strong>et</strong>er <strong>et</strong> de contrôler<br />

ainsi la politique économique russe. D’autant<br />

plus que les étrangers en question étaient<br />

plutôt douteux, des sociétés dont le siège était<br />

soi-disant à Londres mais dont les propriétaires<br />

n’étaient pas des gens recommandables. La si-<br />

surabondance d’argent bon<br />

marché <strong>et</strong> le manque de sens<br />

de la responsabilité fi nancière<br />

des grandes puissances<br />

économiques mondiales,<br />

Etats-Unis en tête ; le système<br />

de gestion des risques<br />

commerciaux, qui perm<strong>et</strong> aux<br />

producteurs de s’affranchir<br />

des risques liés aux prix des<br />

matières premières en ach<strong>et</strong>ant<br />

des contrats « futures »<br />

que leurs contreparties ne<br />

sont pas, en fi n de cycle, en<br />

mesure d’assumer.<br />

Les entrepreneurs, c’est une<br />

catégorie de gens qui exercent<br />

une activité impliquant<br />

des risques. Si vous voulez<br />

vous débarrassez complètement<br />

du risque, vous devez<br />

aussi renoncer à la possibilité<br />

de dégager des bénéfi ces. »<br />

Christian de Boissieu<br />

Sur les remèdes de sortie de<br />

crise :<br />

« Le G20 s’est contenté, depuis<br />

l’automne 2008, de traiter<br />

Acteur<br />

Texte : Simon Roblin<br />

Le Haut collège d’économie fait monter sa cote<br />

Avec le « colloque scientifi que franco-russe » qui s’est tenu les 28 <strong>et</strong> 29 octobre, le Haut<br />

collège d’économie (Vyschaïa Chkola Ekonomiki en russe) s’était fi xé un programme<br />

ambitieux tant par le nombre <strong>et</strong> la qualité des intervenants que par la diversité des<br />

thèmes abordés.<br />

Moment fort de c<strong>et</strong>te matinée, Evgueniï Yassine, directeur scientifi que de l’EHESE, <strong>et</strong><br />

Christian de Boissieu, professeur d’économie à l’université Paris I Panthéon Sorbonne <strong>et</strong><br />

président du Conseil d’analyse économique auprès du président français, ont présenté<br />

leur « rapport scientifi que », dont Le Courrier de Russie vous propose quelques extraits.<br />

les problèmes de régulation<br />

fi nancière <strong>et</strong> bancaire. La<br />

France, soutenue par la Russie,<br />

propose aujourd'hui de<br />

m<strong>et</strong>tre en débat autour de la<br />

table du G20 la question des<br />

déséquilibres internationaux,<br />

celle des taux de change<br />

<strong>et</strong> celle des monnaies de<br />

réserve, suj<strong>et</strong>s qui ont joué un<br />

rôle important dans la crise<br />

mondiale depuis 2007, mais<br />

n’ont pas été traités par le<br />

G20 depuis deux ans. »<br />

« Face à la crise, il fallait être<br />

keynésien ; en phase de sortie<br />

de crise, il faut faire du Schump<strong>et</strong>er<br />

: il ne s’agit plus de réguler<br />

la demande à court terme<br />

par des politiques de relance<br />

par le défi cit budgétaire, mais<br />

de stimuler la compétitivité<br />

des entreprises <strong>et</strong> de l’offre <strong>et</strong><br />

m<strong>et</strong>tre le paqu<strong>et</strong> sur l’innovation,<br />

la recherche <strong>et</strong> développement<br />

<strong>et</strong> la compétitivité de<br />

nos systèmes d’enseignement<br />

<strong>et</strong> de recherche. » ڤ<br />

tuation était très dangereuse. C’est pourquoi le<br />

gouvernement s’est dit : mieux vaut vendre bon<br />

marché, mais aux nôtres. En outre, il y avait des<br />

conséquences politiques : les Russes sont très<br />

sensibles sur la question de savoir à qui on vend,<br />

<strong>et</strong> ils étaient contents de voir que l’on vendait à<br />

des nationaux.<br />

M<strong>et</strong>tez-vous à la place de Tchernomyrdine<br />

ou de Tchoubaïs, qui devaient résoudre ces problèmes,<br />

<strong>et</strong> trouver 1,5 milliards de dollars pour<br />

équilibrer le budg<strong>et</strong>. Ils ont fi nalement récolté<br />

07<br />

Le Courrier de Russie<br />

Du 12 au 26 novembre 2010<br />

www.lecourrierderussie.ru<br />

un milliard en vendant à Khodorkovskiï, Potanine,<br />

Berezovskiï <strong>et</strong> consorts, c’est-à-dire aux<br />

« nôtres ».<br />

LCDR : Et aujourd'hui, alors ?<br />

E. Y. : Aujourd'hui la situation est très diff érente.<br />

La moitié des actifs est <strong>encore</strong> dans les mains de<br />

l’Etat. Parmi les gens qui ont reçu des actifs autrefois,<br />

une bonne partie sont des gestionnaires<br />

effi caces. Qui peut dire que Potanine gère mal<br />

Norilsk Nickel ? Khodorkovskiï a managé Ioukos<br />

très effi cacement. Schwindler, le représentant<br />

d’Abramovitch à la tête de Sibneft, a été un excellent<br />

manager. Mais ces entreprises ont justement<br />

été nationalisées, ou peut-être faut-il parler d’expropriation.<br />

Appeler « nationalisation » ce qui<br />

s’est passé avec Ioukos, je n’oserais pas, parce<br />

qu’ils l’ont tout simplement récupérée. Juger une<br />

seconde fois Khodorkovskiï pour le vol qu’il aurait<br />

commis, c’est une honte.<br />

Il y a assez de bons chefs d’entreprise en Russie.<br />

Le problème, c’est que, quand ils se m<strong>et</strong>tent<br />

à gagner beaucoup d’argent, les fonctionnaires<br />

cherchent à tout accaparer. L’exemple suivant,<br />

après Khodorkovskiï, c’est celui de Tchitchvarkin :<br />

ce n’est pas du pétrole, juste des téléphones, mais<br />

il y avait beaucoup d’argent en jeu. Oui, peut-être<br />

qu’il a entrepris quelque chose de contraire à la<br />

loi, après qu’on lui a saisi un lot de téléphones<br />

importés à la douane <strong>et</strong> que l’on s’est mis à les<br />

vendre…<br />

Comment privatiser, à qui vendre dans ces<br />

conditions ? Je dirais : si les hommes d’aff aires<br />

russes ont de l’argent, on peut leur vendre, mais<br />

aujourd'hui il est possible de vendre aussi à des<br />

étrangers. Si vous ne voulez pas donner accès aux<br />

étrangers à un secteur ou une entreprise donnés,<br />

le concours ne sera ouvert qu’aux Russes, <strong>et</strong> le<br />

prix de vente chutera. Mais en tout cas il faudra<br />

des règles claires. Si vous voulez accomplir un<br />

miracle dans un domaine quelconque, alors il faut<br />

laisser entrer des étrangers. Aujourd'hui, je pense<br />

que l’on peut ouvrir les privatisations <strong>et</strong> aux uns <strong>et</strong><br />

aux autres. Cela dit, ce sont les étrangers qui sont<br />

dans la position la plus confortable. Les Russes<br />

ont de l’argent frais, mais ils ont exporté beaucoup<br />

de capitaux à l’étranger, qu’ils ne vont pas<br />

rapatrier, car ils ne font pas confi ance au pouvoir<br />

actuel. ڤ

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