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marta nascimento / rea<br />
L e p o u r q u o i d u c o m m e n t<br />
<strong>Le</strong> contrat<br />
« pas de chance »<br />
de Ségolène Royal<br />
<strong>Le</strong> « contrat première chance » sera<br />
enseigné dans les instituts de sciences<br />
politiques comme l’exemple de<br />
ce qu’il faut éviter dans une campagne<br />
électorale.<br />
1. La précipitation. Coincée dans un débat sur<br />
la sécurité, l’ordre et l’immigration, après<br />
les incidents de la gare du Nord, Ségolène<br />
Royal veut revenir sur le terrain social. Elle<br />
demande à son équipe, en l’occurrence la<br />
sociologue Dominique Méda, une « mesure<br />
ciblée sur les jeunes sans qualification ».<br />
Mais elle prend à peine le temps d’écouter<br />
son staff avant de livrer son nouveau bébé<br />
à la presse, le 30 mars : « Un contrat d’un<br />
an, pris en charge par les régions, qui peut<br />
déboucher sur un CDI. » Trop flou.<br />
2. <strong>Le</strong> manque de dialogue. Avant de se lancer,<br />
Ségolène Royal n’a contacté aucun syndicaliste,<br />
pas même ceux qui auraient pu être<br />
ouverts au dispositif. Elle ne le fera pas non<br />
plus après, même lorsque la droite tirera à<br />
vue en daubant, comme l’UMP Dominique<br />
Paillé, sur son « prêt de main-d’œuvre<br />
gratuite ». <strong>Le</strong> président de l’Unef, Bruno<br />
Julliard, dit avoir « attendu cinq jours, en<br />
vain, des éclaircissements » sur le contrat<br />
première chance.<br />
3. La concurrence. Excédé, Bruno Julliard<br />
lâche à la presse l’expression « CPE de<br />
PaR HeRvé NatHaN<br />
Formation à l’entretien téléphonique de demandeurs d’emploi.<br />
gauche », injure suprême. Aussitôt<br />
toute la gauche de la gauche, de Buffet<br />
à Laguiller, reprend en cœur l’expression,<br />
avec des variantes : « CPE new-look »,<br />
s’exclame Besancenot. Pour les Verts,<br />
Cécile Duflot pontifie : « Ce n’est pas un<br />
nouveau contrat dont la jeunesse a besoin,<br />
mais de toute sa place. » Toute la gauche<br />
de la gauche oublie son engagement<br />
de départ : « permettre la victoire sur la<br />
droite au second tour ». Au sein du PS,<br />
c’est presque pis : il y a plusieurs versions<br />
du « CPC », celle de Dominique Méda,<br />
celle de Gaëtan Gorce, celle de Dominique<br />
Strauss-Kahn, celle du président<br />
de la région Bourgogne…<br />
4. il aura fallu dix jours et les efforts et explications<br />
de dominique méda pour sortir du<br />
piège du cpe. <strong>Le</strong> contrat première chance,<br />
s’il coûte cher (1 milliard d’euros par an),<br />
ne créerait pas un nouveau statut, mais<br />
procurerait une chance de trouver un<br />
emploi aux 190 000 jeunes sans aucune<br />
qualification. Du moins est-ce l’avis de<br />
François Chérèque (CFDT) et de Jean<br />
Grosset (Unsa). La CGT demeure réservée,<br />
mais ne veut pas polémiquer avec le PS.<br />
Bruno Julliard, lui, est « satisfait des clarifications<br />
». L’extrême gauche s’est tue.<br />
L’alerte est passée. Mais le débat social<br />
est toujours au point mort.<br />
44 <strong>Marianne</strong> / 14 au 20 avril 2007<br />
r e p è r e s f r a n c e<br />
<strong>Le</strong> livre<br />
indispensable pour<br />
comprendre Royal<br />
rien de plus périlleux<br />
que d’écrire sur le<br />
livre d’un confrère. Rien<br />
de plus acrobatique que<br />
de rendre compte d’un<br />
ouvrage écrit par un journaliste-maison.<br />
Dans le<br />
cas de Daniel Bernard,<br />
journaliste au service<br />
France de <strong>Marianne</strong>,<br />
aucun problème : Madame Royal* est,<br />
de l’avis général, l’un des meilleurs livres<br />
politiques de la saison 2006-2007. Pour<br />
commencer à comprendre la candidate<br />
socialiste, une seule solution : lire Bernard.<br />
Pour décrypter ce qui pourrait se passer<br />
à l’Elysée au cas où, une obligation : lire<br />
et relire Bernard. Pourquoi ?<br />
<strong>Le</strong>s raisons sont à l’évidence multiples : la<br />
qualité de l’enquête puisque les scoops,<br />
les révélations, foisonnent ; le brio de<br />
l’écriture, à la fois précise et par instants<br />
étincelante. Mais, par-dessus tout, l’auteur<br />
ne se perd pas dans la fascination ou la<br />
détestation, deux faiblesses de la même<br />
espèce. Il nous fait comprendre qui est<br />
vraiment Ségolène Royal, ses ressorts,<br />
politiques et personnels. Une lecture<br />
indispensable.M.S.<br />
* Ed. Jacob-Duvernet, 270 p., 19,90 €.<br />
Mégret<br />
au prochain tour ?<br />
<strong>Le</strong> « félon », Bruno Mégret, n’a pas baissé<br />
les armes. Un échec de <strong>Le</strong> Pen (mais<br />
qu’est-ce qu’un échec de <strong>Le</strong> Pen ?) pourrait<br />
relancer les rêves que caressent certains<br />
d’un « congrès d’Epinay » de la droite<br />
nationale… sans Marine <strong>Le</strong> Pen, dont ses<br />
adversaires prétendent qu’elle n’a pas le<br />
rapport de force pour garder le contrôle<br />
du FN. Peut-être… Mais en 1999, quand<br />
Mégret a quitté avec cadres et fracas le<br />
FN, tous les médias et les « observateurs<br />
avertis » avaient déjà prédit la chute de la<br />
maison <strong>Le</strong> Pen. Puis, il y a eu 2002….<br />
i L a o S é L e d i r e<br />
François Hollande, pS.<br />
« <strong>Le</strong> charisme vient<br />
avec l’élection. »<br />
<strong>Le</strong> Monde, 11 avril 2007.<br />
remy de la mauvinière / ap / sipa<br />
<strong>Le</strong>s médias en campagne<br />
pour qui votent<br />
les journalistes ?<br />
L’Equipe Magazine l’avait fait<br />
pour les joueurs de football de<br />
1 re et de 2 e divisions. <strong>Marianne</strong><br />
a voulu le faire pour les journalistes<br />
: les interroger, de<br />
façon anonyme bien sûr, sur leurs<br />
intentions de vote. Après tout, nous<br />
avons bien publié les résultats de<br />
notre propre scrutin interne (lire<br />
<strong>Marianne</strong> n° 516). Las ! Notre opération<br />
s’est révélée un fiasco complet.<br />
Moins d’une dizaine de réponses…<br />
Nos confrères sont-ils débordés ? Ou<br />
considèrent-ils que leur profession<br />
doit se cantonner dans une stricte<br />
neutralité ?<br />
Par ailleurs, fort peu de rédactions<br />
ont eu la curiosité d’organiser<br />
« elle » l’a mise en une mais n’a pas fait sa campagne.<br />
un vote interne. Seuls le Nouvel<br />
Observateur et les Echos se sont<br />
livrés à l’exercice. A l’Obs, 63 % des<br />
journalistes se sont prononcés pour<br />
Ségolène Royal, François Bayrou ne<br />
recueillant que 10 % des suffrages.<br />
Derrière, on trouvait Dominique Voynet<br />
(8 %) et quelques rares voix pour<br />
<strong>Sarkozy</strong>. Ce dernier n’a obtenu que<br />
21,5 % aux Echos, comme François<br />
Bayrou, Ségolène Royal triomphant<br />
avec 47,3 % de voix. Ce résultat peut<br />
étonner de la part d’un quotidien aux<br />
options néolibérales, mais la gauche<br />
y était déjà en tête en 2002. Enfin, le<br />
vote de la rédaction de l’Expansion<br />
ne sera clos que dans les jours suivant<br />
la parution de <strong>Marianne</strong>.Ph.C.<br />
14 au 20 avril 2007 / <strong>Marianne</strong> 45<br />
Page coordonnée par Philippe Cohen<br />
<strong>Le</strong> flop de la netcampagne<br />
Election<br />
présidentielle<br />
2007<br />
contrairement à ce que proclame, entre<br />
autres, Télérama (« Comment Internet<br />
bouscule la campagne »), la révolution<br />
Internet n’a pas eu lieu. Sauf à considérer que<br />
le limogeage d’Alain Duhamel, « l’un des rares<br />
effets concrets de la netcampagne », constitue<br />
« un bouleversement politique », ironise André<br />
Gunther. Ce chercheur à l’Ecole des hautes<br />
études en sciences sociales (EHESS) note que<br />
« les clips les plus regardés affichent des taux<br />
de visite situés entre 3 000 et 5 000 clics par<br />
jour »*, soit beaucoup moins que n’importe<br />
quelle émission de radio. Pis, à ne relayer<br />
que les coups bas de cette netcampagne, les<br />
journalistes se sont pris les pieds dans la Toile.<br />
Ainsi ont-ils ignoré le seul vrai carton du Net :<br />
la vidéo « le <strong>Vrai</strong> <strong>Sarkozy</strong> », regardée deux<br />
millions et demi de fois depuis juillet 2006.<br />
Un clip anonymeau message simple : « <strong>Sarkozy</strong><br />
fait peur. » « A la mesure du Web » : un candidat<br />
qui véhicule une telle image « n’a aucune<br />
chance d’être élu », pronostique le chercheur.<br />
Octave Bonnaud<br />
www.arhv.lhivic.org<br />
L’« effet Ségo »<br />
a fait long feu<br />
dans les féminins<br />
ségolène Royal a-t-elle été<br />
boycottée par les journaux<br />
féminins, comme le suggère une<br />
lectrice de Libération ? Autant la<br />
candidate socialiste a suscité des<br />
articles dans la presse féminine<br />
avant le début de la campagne<br />
interne au PS, autant, depuis,<br />
elle n’a guère déclenché d’empressement,<br />
quand elle n’a pas<br />
été carrément boudée ! Pour<br />
Sophie de Heredia, rédactrice<br />
en chef adjointe de Cosmopolitan,<br />
« la politique politicienne<br />
n’a pas sa place dans un féminin<br />
». Chez Marie-Claire ou<br />
Glamour, on invoque les délais<br />
de bouclage. « Nous sommes un<br />
mensuel, nous travaillons avec<br />
plusieurs mois d’avance », affirme<br />
Aude Goullioud, rédactrice en<br />
chef à Glamour.<br />
Quand ils choisissent malgré<br />
tout de traiter le « sujet Ségo »,<br />
les féminins agissent avec une<br />
« extrême prudence », pour<br />
reprendre les termes de Gilles<br />
Denis, de Jasmin. « Se réjouir<br />
de la montée de Ségolène Royal<br />
simplement parce qu’elle est<br />
une femme est une forme de<br />
machisme. Du coup, chaque<br />
papier sur Royal a donné lieu<br />
à d’intenses débats interne »,<br />
raconte-t-il. En revanche, la<br />
campagne, le programme et la<br />
personnalité de Ségolène Royal<br />
ont été largement couverts dans<br />
Femme actuelle. « Nous sommes<br />
apolitiques, il n’a jamais été question<br />
d’encourager les lectrices à<br />
voter pour elle ! », précise toutefois<br />
la rédactrice en chef adjointe,<br />
Caroline Tancrède. Même prudence<br />
à Elle, qui a mis Ségolène<br />
Royal en une, tout en prenant<br />
soin de publier des articles sur<br />
les autres femmes de la campagne<br />
: « Ce n’est pas parce que la<br />
nature l’a faite femme que le journal<br />
doit faire campagne “pour”<br />
elle », souligne Valérie Toranian,<br />
la directrice de la publication.<br />
Anna Topaloff