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Marianne : Le Vrai Sarkozy - Free

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Au pays du consensus,<br />

du chômage heureux<br />

et de la croissance,<br />

tout n’est pas si rose :<br />

un gouvernement<br />

de centre droit,<br />

l’Alliance bourgeoise,<br />

privatise et taille dans<br />

la dépense publique.<br />

De notre envoyé spécial alain léauthier<br />

m o n d e<br />

Ségolène Royal s’en réclame, il fait rêver d’autres candidats<br />

<strong>Le</strong> modè <strong>Le</strong> suédois<br />

est-ce si form idable qUe cela ?<br />

Carl et silvia, le couple<br />

royal de suède,<br />

en visite dans l’usine de<br />

production de la vodka<br />

Absolut. Afin de réduire<br />

la dette publique,<br />

l’entreprise nationale<br />

va être privatisée.<br />

nous sommes le parti des gens<br />

qui travaillent. » Cela vous<br />

rappelle quelqu’un ? Nicolas<br />

<strong>Sarkozy</strong> ? Oui, mais, avant<br />

lui et lors d’une autre campagne,<br />

c’est Fredrik Reinfeldt,<br />

aujourd’hui Premier<br />

ministre suédois de centre droit, qui en<br />

avait fait son slogan. Agé d’à peine 41 ans,<br />

l’homme a été élu en septembre 2006 sur un<br />

programme promettant le retour au pleinemploi<br />

et, beaucoup plus discrètement, une<br />

baisse sensible des impôts. Du Reagan à la<br />

sauce nordique ? Pas du tout, protestent les<br />

dirigeants de l’Alliance bourgeoise désormais<br />

au pouvoir, juste une restauration du<br />

« vrai modèle suédois ». Soit, selon eux, la<br />

générosité mais pas l’assistanat que des<br />

décennies de « laxisme » social-démocrate<br />

auraient encouragé.<br />

Labellisé ou pas « 100 % d’origine », cet<br />

« inoxydable modèle suédois »* a transformé<br />

Stockholm en antichambre de la présidentielle<br />

française. Sur place, la mission<br />

économique de l’ambassade de France a<br />

œcuméniquement guidé les pas des experts<br />

mandatés par les partis. Ou ceux des candidats,<br />

telle Ségolène Royal, venue au mois<br />

de juillet, et dont le (faussement) candide<br />

« le pays où les patrons n’ont pas peur des<br />

syndicats » a régalé les caricaturistes.<br />

Aujourd’hui, parmi les douze lancés<br />

dans la course à l’Elysée, personne ne<br />

maîtrise mieux qu’elle le sabir inventé par<br />

les sociaux-démocrates du Grand Nord :<br />

« flexicurité » (concept danois en fait…),<br />

démocratie participative, valorisation des<br />

acquis, on en passe et des plus technos. Si<br />

l’aspect mode du phénomène peut agacer,<br />

l’existence d’une « troisième voie » entre le<br />

libéralisme anglo-saxon et les Etats-providences<br />

continentaux que l’on dit à bout<br />

de souffle explique l’affluence tricolore.<br />

« Seulement, que viennent-ils chercher au<br />

46 marianne / 14 au 20 avril 2007 14 au 20 avril 2007 / marianne 47<br />

smith / scanpix / sipa<br />

juste ? s’interroge Nils Karlson, le président<br />

de Ratio, un institut économique indépendant.<br />

<strong>Le</strong> modèle suédois, tout le monde<br />

l’adore, sauf qu’il n’est pas défini une bonne<br />

fois pour toutes et a beaucoup changé au<br />

fil du temps. » A l’image de l’Irlande avant<br />

sa récente prospérité, la Suède a d’abord<br />

pointé dans l’arrière-garde des nations<br />

de la grande Europe. « Au XIX e siècle, elle<br />

comptait même parmi les plus pauvres »,<br />

souligne Pär Nuder, ministre des Finances<br />

du précédent gouvernement de centre<br />

gauche de Göran Persson.<br />

Pär Nuder est un des piliers du Parti<br />

social-démocrate, le Sveriges Socialdemo-<br />

« Nous défendons les<br />

travailleurs, pas les emplois.<br />

C’est ce qui nous différencie. »<br />

Pär Nuder, Parti social-démocrate<br />

kratiska Arbetareparti (SAP), qui a gouverné<br />

quasiment sans interruption depuis 1928.<br />

Il aime aussi se présenter comme un partisan<br />

décomplexé du marché libre. « C’est<br />

parce que nous en avons adopté les règles<br />

tout en en corrigeant les excès que ce pays a<br />

décollé. Capitalisme et taxes élevées, industries<br />

concurrentielles et syndicats puissants,<br />

secteur privé rentable et secteur public de<br />

grande qualité. Efficacité économique et<br />

redistribution juste. Voilà notre recette du<br />

succès », aime-t-il répéter dans les conférences<br />

qu’il donne dans le monde entier.<br />

Pour ses compatriotes, le secret du<br />

« modèle » vient de l’association « librement<br />

consentie » entre travail et capital.<br />

Cet ingrédient de base date de l’avantguerre,<br />

plus précisément de 1931. La<br />

scène fondatrice de ce qui allait devenir le<br />

paritarisme à la suédoise, et le début du<br />

long règne des sociaux-démocrates, se tient<br />

cette année-là à Adalen, à 500 km au nord<br />

de la capitale. A l’issue d’une grève dure<br />

de plus de cent jours, l’armée tire sur un<br />

défilé organisé contre des « jaunes » et tue<br />

cinq manifestants.<br />

« C’est une date butoir dans l’imaginaire<br />

collectif des Suédois. La plupart des responsables<br />

se sont dit qu’ils ne voulaient plus<br />

jamais voir ça », explique Michel Wlodarczyk,<br />

le directeur de la Folkuniversitetet de<br />

Stockholm. En 1938, il en sortira l’accord dit<br />

de Saltsjöbaden, table de la loi de la concertation<br />

directe entre syndicats et patronat,<br />

l’Etat n’intervenant qu’en cas de réel blocage<br />

d’un conflit. Du donnant-donnant,<br />

ou « gagnant-gagnant » en somme, pour<br />

reprendre le jargon de la candidate socialiste.<br />

Grâce à un taux de syndicalisation<br />

de plus de 80 %, les premiers garantissent<br />

une paix sociale durable, un engagement<br />

en faveur de la flexibilité et de la mobilité.<br />

Mais les syndicats obtiennent en échange<br />

une amélioration régulière de la situation<br />

de leurs adhérents.<br />

Un système qui bat de l’aile<br />

Lors de sa visite chez Ericsson en juillet dernier,<br />

Ségolène Royal a pu constater avec un<br />

certain étonnement que la formule tenait<br />

toujours le cap. Interrogé sur les dizaines<br />

de milliers d’emplois supprimés en 2000<br />

par le géant de la téléphonie, Bengt Fogelberg,<br />

le délégué de Landsorganisationen i<br />

Sverige (LO), l’unique confédération syndicale,<br />

lui a tranquillement expliqué que<br />

rien ne servait de lancer des grèves contre<br />

des délocalisations inéluctables. La priorité<br />

consistait plutôt à obtenir le reclassement<br />

des licenciés. Ce qui semble avoir été le cas<br />

pour 90 % d’entre eux chez Ericsson.<br />

« Nous défendons les travailleurs, pas les<br />

emplois, surtout à l’heure de la mondialisation<br />

où ils évoluent sans cesse. C’est ce qui<br />

nous différencie des combats menés dans<br />

des nations comme la France », souligne Pär<br />

Nuder. Selon lui, ce pragmatisme solidement<br />

ancré dans les mentalités scandinaves<br />

a permis de surmonter les différentes crises<br />

du « modèle ». De « très capitaliste avec<br />

une faible imposition des revenus dans les<br />

années 50-60 », le pays a évolué vers une<br />

forte protection sociale financée par des<br />

impôts élevés, estime Nils Karlson.<br />

Membres reconnus des élites de la<br />

société suédoise, les économistes de LO ont<br />

pris une part décisive dans cette mutation.<br />

Et d’abord dans la définition des « fondamentaux<br />

» auxquels ses dirigeants font<br />

encore référence. « On ne peut protéger les<br />

salariés sans un marché du travail très actif,<br />

une forte productivité des entreprises et une<br />

faible inflation », résume <strong>Le</strong>na Westerberg,<br />

une des économistes de LO.<br />

La population a longtemps adhéré sans<br />

barguigner à cette conception du progrès,<br />

qui détermine l’approche de la question <br />

m o n d e

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