You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
a t t e n d e z - v o u s à a p p r e n d r e<br />
Algérie.<br />
Ce ne sont pas seulement des hommes<br />
et des femmes qui ont péri<br />
déchiquetés mercredi 11 avril dans<br />
les attentats d’Alger, mais, peutêtre,<br />
à un mois du premier tour<br />
des législatives, le processus de « concorde<br />
civile » lancé en 2000 par le président Boutlefika.<br />
Certes, en dépit de la loi d’amnistie,<br />
les embuscades et les attentats meurtriers<br />
n’ont jamais cessé dans un pays prétendument<br />
pacifié. En Kabylie mais aussi dans<br />
la proche banlieue de la capitale, comme<br />
le 5 juillet 2002, quand l’explosion d’une<br />
bombe fit 38 morts et<br />
80 blessés sur le marché<br />
de Larbâa.<br />
Jamais pourtant,<br />
depuis l’époque où le<br />
GIA commettait ses<br />
pires atrocités, le cœur d’Alger n’avait été<br />
directement frappé. Jamais une voiture<br />
piégée n’avait été lancée contre le palais<br />
du gouvernement qui abrite le Premier<br />
ministre, Abdelaziz Belkhadem. <strong>Le</strong> mode<br />
opératoire, la quasi-simultanéité des attaques<br />
rappellent à s’y méprendre les attentats<br />
de 2003 au Maroc et de Mombasa au<br />
Kenya, ou encore les grosses opérations<br />
menées quotidiennement à Bagdad et dans<br />
d’autres villes irakiennes.<br />
C’est pourquoi la signature Al-Qaida est<br />
si crédible. Au début de l’année, les services<br />
occidentaux estimaient que l’organisation<br />
avait retrouvé ses capacités d’action et de<br />
coordination. Al-Jazira, la télévision pan-<br />
PAr AlAIn léAuthIEr<br />
evacuation d’une victime des attentats d’alger, le 11 avril 2007.<br />
La signature Al-Qaida<br />
<strong>Le</strong> mode opératoire<br />
évoque les attentats de 2003<br />
au Maroc et au Kenya.<br />
arabique, affirme avoir reçu la revendication<br />
de sa branche régionale, l’Organisation<br />
Al-Qaida au Maghreb islamique, nouvelle<br />
« étiquette » du Groupe salafiste pour la<br />
prédication et le combat (GSPC). Seul mouvement<br />
clandestin à n’avoir jamais officiellement<br />
rendu les armes, ce dernier semble<br />
revigoré depuis son intégration proclamée<br />
au sein de la nébuleuse terroriste.<br />
En décembre 2006, il a revendiqué l’attaque<br />
d’un bus transportant les employés<br />
d’une filiale de la compagnie publique algérienne<br />
Sonatrach et de la société américaine<br />
Halliburton, connue<br />
pour ses liens avec le<br />
clan Bush.<br />
A un mois des<br />
élections législatives,<br />
la tuerie d’Alger donne<br />
une résonance étrange aux déclarations<br />
menaçantes de certains islamistes radicaux,<br />
libérés dans le cadre de la loi d’amnistie.<br />
Tels, en mars dernier, Abdelhak<br />
Layada, cofondateur du GIA, anciennement<br />
condamné à mort, ou Ali Benhadjar,<br />
ex-dirigeant de la Ligue pour Daâwa et<br />
Jihad. <strong>Le</strong>s deux promettent une nouvelle<br />
vague de violence faute d’un gouvernement<br />
appliquant strictement la loi islamique,<br />
voulue, paraît-il, par le peuple. Alors que<br />
l’abstention était à la hausse lors des derniers<br />
scrutins, les Algériens vont peut-être<br />
conjurer le danger dans les urnes. A moins<br />
que le désenchantement, partout perceptible,<br />
n’allume à nouveau la mèche.<br />
50 <strong>Marianne</strong> / 14 au 20 avril 2007<br />
R E p è R E s M o N d E<br />
Maroc. Génération<br />
kamikaze<br />
louafi larbi / reuters<br />
«J<br />
e les ai vus sauter à tour de rôle avec<br />
leur ceinture explosive ! » Dans le<br />
pauvre quartier de Hay el-Farah, littéralement<br />
« la joie » en arabe, le commissaire<br />
de police en est encore abasourdi. <strong>Le</strong> raid<br />
monté à l’aube du mardi 10 avril visait à<br />
cueillir dans leur planque des salafistes.<br />
Aucun d’eux n’a voulu se laisser prendre<br />
vivant. Bilan : quatre morts (les kamikazes)<br />
et plusieurs blessés.<br />
<strong>Le</strong>s policiers ont pu mesurer la détermination<br />
de leurs adversaires structurés en<br />
cellules autonomes au cœur des quartiers<br />
populaires et des bidonvilles comme celui<br />
de Sidi Moumen, d’où étaient partis, le<br />
16 mai 2003, les 13 kamikazes qui avaient<br />
semé la mort à Casablanca. Cette dernière<br />
génération de terroristes marocains est à<br />
l’image de l’un de leurs « martyrs ». Abdelfettah<br />
Raydi et sa famille faisaient partie<br />
des laissés-pour-compte du royaume.<br />
Arrêté à 19 ans dans la grande rafle antiterroriste<br />
qui a suivi les attentats de 2003,<br />
il est condamné à cinq ans de prison et<br />
grâcié deux ans plus tard, juste le temps de<br />
parfaire sa formation islamiste. Sa brève<br />
carrière s’est achevée à 23 ans en kamikaze,<br />
le 11 mars dernier, dans un cybercafé<br />
de la ville. Comme son frère Ayoub, qui<br />
figure parmi les morts de Hay el-Farah, il<br />
ne voulait pas être pris par la police.<br />
« Chaque interpellation risque désormais<br />
de tourner au carnage », constate l’un des<br />
hommes de la Sûreté nationale. En effet,<br />
les salafistes traqués préfèrent se faire<br />
sauter. « Ils ne veulent plus revivre l’enfer<br />
de Témara, le centre d’interrogatoire des<br />
services secrets où l’on torture », affirment<br />
leurs amis, qui font parvenir des lettres<br />
aux journalistes par l’intermédiaire d’une<br />
ONG proche des islamistes. <strong>Le</strong>s autorités<br />
se veulent rassurantes en excluant<br />
tout lien avec Al-Qaida du Maghreb. <strong>Le</strong><br />
lendemain, Casablanca, encore sous le<br />
choc, apprenait l’hécatombe d’Alger.<br />
Alex Panzani, à Casablanca<br />
i l a o s é l e d i r e<br />
saleh al-lahidan, président du<br />
Haut Conseil juridique saoudien.<br />
« Selon l’islam, il<br />
faut se méfier des<br />
voyages à l’étranger.<br />
<strong>Le</strong> tourisme n’est<br />
convenable qu’à des<br />
fins de prédication. »<br />
n o u v e l l e s d u f r o n t<br />
Ethiopie.<br />
<strong>Le</strong> trou noir de la CIA<br />
L<br />
’Ethiopie a officiellement admis détenir<br />
« 41 terroristes présumés » capturés en<br />
Somalie ou expulsés du Kenya. Quelques jours<br />
auparavant, une enquête d’Associated Press<br />
faisait état de centaines de personnes raflées<br />
par les services américains dans plusieurs<br />
pays de la Corne d’Afrique et emmenées pour<br />
interrogatoires dans les prisons secrètes de la<br />
CIA construites avec l’accord d’Addis-Abeba.<br />
Guantanamo.<br />
Nourris de force<br />
T reize<br />
détenus de Guantanamo sont nourris<br />
de force, dont deux sont en grève de la faim<br />
depuis… août 2005. Critiquée par des magistrats<br />
et des ONG, l’armée américaine se défend :<br />
le détenu est assis, ligoté, et des tuyaux enfoncés<br />
dans le nez atteignent l’estomac. « C’est la<br />
procédure normale, a expliqué le commandant<br />
Robert Durand. D’ailleurs, les détenus sont<br />
en bonne santé. » L’armée est contente des<br />
résultats : à un moment, 131 détenus étaient en<br />
grève de la faim. Ils refusent les nouvelles cellules<br />
de Guantanamo, non plus des cages mais un<br />
cube métallique individuel et sans fenêtre.<br />
Irak.<br />
Maudite Croix-Rouge<br />
L ’administration<br />
Bush l’explique depuis trois<br />
semaines. Son plan de sécurisation de Bagdad<br />
fonctionne, les violences baissent… <strong>Le</strong> Comité<br />
international de la Croix-Rouge (CICR), dans<br />
un rapport du 11 avril, note, au contraire, que la<br />
situation se dégrade, que l’hécatombe frappe les<br />
populations, que les infrastructures de base et<br />
le système de santé sont en voie de destruction.<br />
Mais le CICR reconnaît pouvoir se tromper : se<br />
déplacer est aujourd’hui si dangereux « que le<br />
CICR n’a pas d’image globale au jour le jour de<br />
tout ce qui se passe ».<br />
Iran.<br />
Et en plus c’est vrai !<br />
L e<br />
président Ahmadinejad a peu apprécié<br />
les doutes exprimés en Occident après son<br />
flamboyant discours annonçant que Téhéran<br />
était en capacité de produire de l’uranium<br />
enrichi à l’échelle industrielle. Du coup, deux<br />
inspecteurs de l’Agence internationale de<br />
l’énergie atomique vont être autorisés à visiter<br />
les installations nucléaires du site de Natanz.<br />
Dès le début février, Téhéran annonçait<br />
l’installation de 3 000 centrifugeuses destinées<br />
à enrichir l’uranium. Ce qui donne quelque<br />
crédit au dernier discours présidentiel.<br />
L ’Otan,<br />
l e d e s s i n d e l a s e m a i n e<br />
dessin de Bennet, paru dans « Christian science monitor », le 11 avril 2007.<br />
14 au 20 avril 2007 / <strong>Marianne</strong> 51<br />
Afghanistan. <strong>Le</strong>s otages<br />
d’un chaos généralisé<br />
qui a déployé 30 000 hommes<br />
en Afghanistan, l’avait<br />
annoncé il y a deux mois. <strong>Le</strong>s talibans,<br />
réorganisés et réarmés par<br />
l’argent de l’opium, allaient engager<br />
une vaste offensive ce printemps.<br />
Mais rien ne se passe comme prévu<br />
par les stratèges de l’Isaf, la force dite<br />
de stabilisation de l’Afghanistan. <strong>Le</strong>s<br />
talibans ont opté pour une guérilla<br />
à l’irakienne, avec attentats-suicides,<br />
voitures piégées (sept soldats<br />
canadiens tués dimanche 8 avril)<br />
et prises d’otages.<br />
<strong>Le</strong> sort des deux Français de l’ONG<br />
Terre d’enfance, capturés avec trois<br />
collaborateurs afghans le 3 avril<br />
dans le sud du pays, n’en est que<br />
plus inquiétant. A Paris, les autorités<br />
françaises et l’association se réfugient<br />
dans le silence, tant les fils de<br />
la négociation sont fragiles. La libération<br />
du journaliste italien Daniele<br />
Mastrogiacomo, contre 2 millions de<br />
dollars et cinq chefs talibans, s’est<br />
accompagnée des assassinats et<br />
décapitations de son chauffeur puis<br />
de son interprète. Hamid Karzaï ne<br />
veut plus entendre parler d’échange<br />
« otages contre prisonniers ». Dans ce<br />
chaos grandissant qui souligne l’absence<br />
de mandat précis des forces de<br />
l’Otan comme l’extrême faiblesse du<br />
pouvoir de Kaboul, les rares humanitaires<br />
encore présents sont des cibles<br />
toutes désignées.<br />
Grande-Bretagne. La libération<br />
des marins, c’est le pompon !<br />
La joie, puis le grand guignol. La libération des 15 marins britanniques par<br />
le régime iranien aura fait sombrer le gouvernement de Tony Blair dans le<br />
ridicule. Après avoir autorisé les « otages » à vendre leurs souvenirs aux médias,<br />
le ministère de la Défense a dû faire marche arrière. Trop tard. Faye Turney<br />
monnayait sa confession au Sun et à ITV pour environ 120 000 €, tandis qu’Arthur<br />
Batchelor faisait affaire avec le Daily Mirror. Ont-ils été aussi maltraités que<br />
raconté ? Turney a expliqué qu’un gardien avait pris ses mesures pour lui préparer<br />
un cercueil et le plus jeune des prisonniers – surnommé « Mr Bean » par ses<br />
gardiens – a reconnu avoir « crié comme un bébé ». Aussitôt, les Iraniens se sont<br />
fait un plaisir de rendre publiques des photos où l’on voit les marins jouer au<br />
ping-pong et regarder la télé. Téhéran a gagné la guerre de la communication.<br />
Tony Blair, lui, n’a pas gagné un point dans les sondages.F.B.