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Mesdames et messieurs, bonsoir. Dans trente secondes,<br />
il sera 20 heures et vous verrez apparaître<br />
les visages des deux candidats arrivés en tête<br />
au premier tour, qui se retrouveront face à face<br />
le 6 mai. Attention : 5, 4, 3, 2, 1… Gérard Schivardi<br />
et Frédéric Nihous sont les deux finalistes de l’élection<br />
présidentielle ! C’est une énorme surprise, personne ne s’y<br />
attendait, aucun institut de sondage ne l’avait pronostiqué !<br />
Vous découvrez les chiffres en même temps que moi : Gérard<br />
Schivardi 22 %, Frédéric Nihous 21,5 %. Loin derrière arrivent<br />
Ségolène Royal et Nicolas <strong>Sarkozy</strong> dans une parfaite égalité :<br />
15 % l’un et l’autre. Puis François Bayrou 12 %, Jean-Marie<br />
<strong>Le</strong> Pen 11 %. Et, enfin, tout en bas, Olivier Besancenot 5 %,<br />
Marie-George Buffet 2,5 %, Arlette Laguiller 1,5 %, Dominique<br />
Voynet 1 %, José Bové 0,5 % et Philippe de Villiers 0,0001 %.<br />
Tout au long de cette soirée, nous allons tenter de comprendre<br />
les raisons de ce véritable tremblement de terre, d’en mesurer<br />
l’ampleur, d’en évaluer les conséquences. Mais,<br />
d’abord, place aux réactions des deux vainqueurs<br />
inattendus de ce premier tour.<br />
On me dit que nous avons en ligne<br />
Frédéric Nihous, directement sur son portable.<br />
Allô, monsieur Nihous ? Vous êtes en direct<br />
sur… – Hein ? Quoi ? Chut ! Vous allez me faire<br />
manquer une touche ! – Euh… Désolé, monsieur<br />
Nihous, mais vous êtes arrivé deuxième avec<br />
21,5 % des voix et… – Si c’est pour me raconter<br />
des conneries que vous dérangez la ruralité,<br />
franchement je ne vous félicite pas. Je suis en<br />
train de pêcher, j’ai autre chose à faire que de vous écouter,<br />
alors s’il vous plaît laissez-moi tranquille… – Mais je vous<br />
assure, monsieur Nihous, les chiffres sont formels, ce n’est pas<br />
un poisson d’avril ! – C’est ça, c’est ça… Zut, j’ai loupé mon<br />
coup ! Tout ça par votre faute ! La ruralité ne vous remercie<br />
pas, monsieur ! Au revoir ! – Je… Eh bien nous essaierons une<br />
nouvelle fois de joindre Frédéric Nihous… En attendant, voici<br />
Gérard Schivardi qui pénètre dans le studio, laissons-lui le<br />
temps de s’installer, voilà… Alors, monsieur Schivardi, votre<br />
première réaction ? – Euh… Vous êtes sûrs de votre coup,<br />
là ? – Tout à fait, absolument, vous êtes en tête du premier<br />
tour, vous êtes en situation de devenir le prochain président<br />
de la République ! – Attendez, je ne joue plus, moi ! Pouce !<br />
Président de la République ! N’importe quoi ! Pourquoi pas<br />
pape, tant qu’on y est ? Bon, je me suis bien amusé, j’ai eu<br />
toutes les télés, toutes les radios, j’ai pu raconter tout ce que<br />
je voulais, mais président de la République, vous plaisantez !<br />
Je démissionne, moi ! J’abandonne la course ! Je donne tous<br />
mes pouvoirs à l’autre, là, Frédéric Nihous ! – Mais il est à la<br />
pêche… – Il a bien raison, tiens ! Je vais faire la même chose !<br />
Allez, bien le bonjour chez vous, je rentre chez moi ! – Mais<br />
vous ne pouvez pas partir comme ça, monsieur Schivardi ! Je<br />
vous rappelle que vous avez… Eh bien ça y est, il est parti…<br />
Bon. Bien. Très bien.<br />
N O T R E f aOu PT I Nv IO O INR Et les deux finalistes sont...<br />
Par alain rémond<br />
… Gérard<br />
Schivardi, à 22 %,<br />
et Frédéric Nihous,<br />
à 21,5 % ! Loin<br />
derrière arrivent<br />
Ségolène Royal et<br />
Nicolas <strong>Sarkozy</strong>.<br />
90 <strong>Marianne</strong> / 14 au 20 avril 2007<br />
Nous avons sur le plateau Jean-Marie Jesaistout, directeur<br />
de l’institut de sondage Ipsop, monsieur Jesaistout, bonsoir<br />
! – Bonsoir ! – Comment expliquez-vous ce résultat en<br />
contradiction totale avec tout ce que vous annoncez depuis<br />
des mois ? N’est-ce pas une fois de plus la faillite des sondages,<br />
sauf qu’il s’agit cette fois d’une erreur monumentale, je dirais<br />
même historique ? – Pas du tout ! Je m’inscris en faux contre<br />
vos allégations ! Nous avions parfaitement prédit ce scénario !<br />
– Mais, enfin, monsieur Jesaistout, vous n’avez jamais placé<br />
MM. Schivardi et Nihous en tête de la course ! – Je me permets<br />
de vous rappeler que, jusqu’au bout, nous avons mesuré le<br />
taux d’indécis à 43 %. Eh bien, ne cherchez pas : ce sont eux<br />
qui se sont finalement décidés pour MM. Schivardi et Nihous.<br />
Je vous rappelle les chiffres : 22 % plus 21,5 %. Soit, à quelques<br />
décimales près, le pourcentage d’indécis. <strong>Le</strong>s sondages avaient<br />
raison. <strong>Le</strong>s sondages ne se trompent jamais. – Excusez-moi de<br />
vous interrompre, on nous annonce une intervention de Nicolas<br />
<strong>Sarkozy</strong>, en direct de son QG de campagne, rue<br />
d’Enghien. Monsieur <strong>Sarkozy</strong>, vous avez la parole !<br />
– Françaises, Français, chers compatriotes ! Vous<br />
aviez vocation à vous prononcer pour l’élection<br />
présidentielle et vous l’avez fait. En ce qui me<br />
concerne, je suis parfaitement calme et serein, je<br />
viens tout juste de casser la gueule à ce connard<br />
d’Azouz Begag, ça m’a permis de me passer les<br />
nerfs, en attendant de faire leur fête à ces connards<br />
de sondeurs et de journalistes qui n’avaient pas<br />
vocation à me mener en bateau, je vous garantis<br />
qu’il va y avoir du sang sur les murs, dans le calme<br />
et la sérénité. Vive la République ! Vive Neuilly !<br />
– Merci, monsieur <strong>Sarkozy</strong>. J’en profite pour saluer l’arrivée<br />
de Jean-Marie <strong>Le</strong> Pen. Une première réaction, monsieur<br />
<strong>Le</strong> Pen ? – Schivardi ! Un Italien ! Un immigré ! Un trotskiste !<br />
Aaargh ! Au secours ! Au feu ! Aux armes ! A Bagdad ! – Buvez un<br />
verre d’eau, monsieur <strong>Le</strong> Pen, ça va passer. Mais voici que Ségolène<br />
Royal et François Bayrou font à leur tour une déclaration,<br />
le seul problème c’est qu’ils la font en même temps, mais place<br />
au direct, je vous laisse écouter ! – (Inaudible) – Apparemment<br />
nous avons un petit problème technique, nous reviendrons<br />
dans quelques instants à Mme Royal et M. Bayrou…<br />
Mais on me communique à l’instant une précision qui… Une<br />
précision que… J’aimerais être sûr d’avoir bien compris… On me<br />
parle dans l’oreillette, ne quittez pas… Oui… Ah bon ? Vous êtes<br />
sûrs ? <strong>Vrai</strong>ment sûrs ? Eh bien, mesdames et messieurs, voici ce<br />
que je viens d’apprendre : une gigantesque panne informatique<br />
a mélangé tous les sondages sortie des urnes et les premiers<br />
résultats. Tout ce que je vous ai annoncé est complètement<br />
faux, à l’heure où je vous parle tout ce qu’on sait c’est qu’on ne<br />
sait rien. Et, maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Non, c’est pas à<br />
vous que je parle, c’est à la régie. On attend la fin de la panne ?<br />
Bon, d’accord, on attend. Ne quittez surtout pas !<br />
Et n’oubliez pas : tant qu’on ne sait rien, tout est possible.<br />
Profitez-en !.