dossier 3 faire regner l'ordre colonial - le site d'Histoire Géographie
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<strong>le</strong>ur service, ils sont armés. Ce qui fait un gardien pour 30 prisonniers. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s caplans<br />
sont des auxiliaires choisis parmi <strong>le</strong>s détenus par l’administration, à la fois mouchard et<br />
surveillant. Enfin, une compagnie du 11 e régiment d’infanterie <strong>colonial</strong>e, une centaine<br />
d’hommes, est cantonnée sur l’î<strong>le</strong> principa<strong>le</strong>.<br />
Ce pénitencier véhicu<strong>le</strong> une vision d’enfer, même si <strong>le</strong> bagne de Cayenne demeure <strong>le</strong> plus<br />
terrib<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong> souligne Jean-Claude Demariaux lors de son séjour : « […] trois images<br />
heurtent parfois mon esprit : <strong>le</strong>s cachots des réclusionnaires remplis de désespoir, la<br />
décortiquerie avec ses bagnards tourneurs de meu<strong>le</strong>s, et <strong>le</strong> hideux dépotoir de la léproserie<br />
[…] » (op.cit., p. 16,).<br />
La vie quotidienne des bagnards s’organise selon un barème de bonne conduite qui<br />
reprend la classification métropolitaine en trois classes : l’organisation avec <strong>le</strong>s corvées,<br />
l’attribution des postes de travail et la formation des équipes (cf. doc. B). Ces dernières sont<br />
directement gérées par <strong>le</strong>s gardiens et surtout <strong>le</strong>s matas et <strong>le</strong>s caplans. Poulo Condore, à<br />
l’image des autres bagnes, a un fonctionnement semi-autarcique. Chaque jour, <strong>le</strong> bagnard doit<br />
produire son propre entretien mais aussi celui du personnel pour une rémunération très faib<strong>le</strong> :<br />
2 cents par jour en 1889, entre 3 et 4 en 1934. De cette somme sont retranchés <strong>le</strong>s deux tenues<br />
et <strong>le</strong>s deux nattes de couchage annuel<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> coût de son cercueil. Mais il existe une<br />
hiérarchie entre <strong>le</strong>s prisonniers. En effet, en principe, seuls <strong>le</strong>s droits communs du bagne n° 1<br />
sont soumis aux travaux forcés durant huit heures et demie par jour dans <strong>le</strong>s rizières et <strong>le</strong>s<br />
fermes, dans <strong>le</strong>s jardins, dans <strong>le</strong>s différents ateliers, à la pêcherie et à la décortiquerie.<br />
Cependant, <strong>le</strong>s prisonniers <strong>le</strong>s mieux notés par l’administration peuvent s’y soustraire en<br />
occupant des postes d’interprètes, de plantons, de boys,… Nombre de bagnards ont donc un<br />
emploi fixe et peuvent coucher hors du bagne (cf. doc. D). Les détenus des deux autres bagnes<br />
peuvent travail<strong>le</strong>r sous condition de volontariat et de non-dangerosité. Ainsi, certains<br />
« politiques » pour éviter l’ennui, n’hé<strong>site</strong>nt-ils pas à travail<strong>le</strong>r. La main d’œuvre du<br />
pénitencier est parfois réquisitionnée par <strong>le</strong>s administrations de la Cochinchine et du<br />
Cambodge et sur <strong>le</strong>s grands chantiers de travaux publics.<br />
Les conditions de réclusion sont particulièrement rudes avec des travaux souvent<br />
meurtriers comme <strong>le</strong> ramassage du corail qui est cassé pour construire des routes ou qui est<br />
brûlé dans des fours à chaux, pour en extraire du calcium. Plusieurs menaces sont<br />
omniprésentes comme <strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces des gardiens, notamment des caplans. Si <strong>le</strong>s moyens de<br />
punition prévus par <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment sont larges, de la chaîne simp<strong>le</strong> (cf. doc. C) à la mise aux fers<br />
en passant par la chaîne simp<strong>le</strong> avec bou<strong>le</strong>t (cf. doc. B) ou au cachot, progressivement<br />
perfectionné par <strong>le</strong>s Français avec la mise en place en 1940 de cellu<strong>le</strong>s sans porte ni toiture<br />
mais couvertes de gril<strong>le</strong>s avec une ga<strong>le</strong>rie de ronde, <strong>le</strong>s mauvais traitements sont répandus.<br />
Malgré <strong>le</strong>s interdictions officiel<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s prisonniers peuvent subir des coups et des brutalités<br />
physiques à l’aide des rotins, des nerfs de bœuf, de la cadouil<strong>le</strong> (os de queue de raie), des<br />
coups de crosse…<br />
Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong> sort des réclusionnaires s’apparente à une mort <strong>le</strong>nte avec une promenade<br />
seu<strong>le</strong>ment de deux heures dans la journée et une mise aux fers chaque nuit. Les prisonniers<br />
peuvent aussi être affectés aux chantiers et aux ateliers <strong>le</strong>s plus éprouvants comme <strong>le</strong><br />
ramassage du corail, la terrib<strong>le</strong> décortiquerie, où <strong>le</strong>s bagnards <strong>le</strong>s plus durs et <strong>le</strong>s plus rebel<strong>le</strong>s<br />
sont astreints à un travail particulièrement pénib<strong>le</strong> : ils doivent <strong>faire</strong> tourner une meu<strong>le</strong> pour<br />
décortiquer <strong>le</strong> paddy avec une ration alimentaire composée seu<strong>le</strong>ment d’une bou<strong>le</strong>tte de riz<br />
par jour et d’un peu de sel pour dix jours, la construction sans fin de la route circulaire. Ces<br />
mauvais traitements infligés aux détenus des prisons et des bagnes indochinois sont dénoncés<br />
régulièrement par <strong>le</strong>s inspecteurs des af<strong>faire</strong>s administratives, par des journalistes et par des<br />
hommes de gauche.