24.06.2013 Views

Sous le Haut Patronage du Ministère de la Santé - SFAP

Sous le Haut Patronage du Ministère de la Santé - SFAP

Sous le Haut Patronage du Ministère de la Santé - SFAP

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

ACTES <strong>SFAP</strong>.qxd 09/01/03 17:36 Page 6<br />

LE MALADE A LA FIN DE SA VIE : REGARDS CROISES<br />

Dr Philippe HUBAULT - Dr A PIGNON - Mr P LEYNIA -Dr M.P OMBREDANE - CHU - 4 rue Larrey - 49033 ANGERS Ce<strong>de</strong>x<br />

L'arrivée <strong>de</strong>s soins palliatifs témoigne d'une modification <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception <strong>de</strong>s soins, c'est-à-dire <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon <strong>de</strong> soigner.<br />

Pour en percevoir l'évolution, je vous propose d'en suivre l'historique.<br />

Autrefois soigner une personne était une démarche <strong>de</strong> savoir et <strong>de</strong> maîtrise <strong>du</strong> " soignant qui sait " sur <strong>le</strong> soigné, <strong>le</strong> patient, qui doit suivre<br />

l'ordonnance (j'ordonne). Il n'y avait pas <strong>de</strong> notion <strong>de</strong> choix, celui que l'on appel<strong>le</strong> aujourd'hui <strong>le</strong> " consentement au soin ".<br />

Ainsi en 1950, <strong>le</strong> Dr Louis PORTE, prési<strong>de</strong>nt <strong>du</strong> Conseil <strong>de</strong> l'Ordre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, écrivait que cette notion <strong>de</strong> consentement était mythique car<br />

à aucun moment un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> ne pouvait être conscient <strong>de</strong> l'état <strong>de</strong> sa misère.<br />

Il fal<strong>la</strong>it donc choisir pour lui et imposer <strong>de</strong> nombreux examens et traitements pour respecter <strong>la</strong> démarche <strong>de</strong> soins précisée dans <strong>le</strong> co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

déontologie médica<strong>le</strong> <strong>de</strong> cette époque.<br />

Ce véritab<strong>le</strong> " co<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> route <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins " nous imposait <strong>de</strong> mettre en œuvre tous <strong>le</strong>s moyens disponib<strong>le</strong>s pour préserver <strong>la</strong> vie.<br />

Mais l'apparition récente <strong>de</strong> traitements très efficaces et très uti<strong>le</strong>s au prix parfois d'effets secondaires redoutés et très pénib<strong>le</strong>s, a poussé <strong>de</strong>s<br />

ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s à s'opposer à <strong>le</strong>ur utilisation pour eux-mêmes.<br />

Pour exemp<strong>le</strong>, en 1982, Valérie, 14 ans, donc mineure, a décidé en accord avec sa mère d'arrêter sa chimiothérapie.<br />

A cette époque, c'est <strong>le</strong> mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> l'hôpital qui a porté p<strong>la</strong>inte contre <strong>la</strong> jeune fil<strong>le</strong> ! Craignait-il <strong>de</strong> ne pas tout essayer ? Craignait-il d'être accusé<br />

<strong>de</strong> non-assistance à personne en danger ? Ou tout simp<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> perdre <strong>de</strong> son pouvoir <strong>de</strong> décision. ?<br />

Pour <strong>la</strong> première fois, <strong>le</strong> tribunal a donné raison au ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.<br />

C'est à cette époque éga<strong>le</strong>ment que <strong>le</strong>s patients atteints <strong>du</strong> SIDA ont bou<strong>le</strong>versé <strong>le</strong>s repères <strong>de</strong>s soignants en réc<strong>la</strong>mant que <strong>le</strong>ur paro<strong>le</strong> soit prise<br />

en compte. Puis <strong>le</strong> changement <strong>de</strong>s lois a suivi <strong>le</strong> changement <strong>de</strong>s mentalités. C'est ainsi, que <strong>de</strong>s nouveaux artic<strong>le</strong>s sont apparus dans <strong>le</strong> co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

déontologie médica<strong>le</strong> modifié en1995 :<br />

- L'artic<strong>le</strong> 36 : <strong>le</strong> consentement <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous <strong>le</strong>s cas ; si <strong>le</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> n'est pas d'accord, <strong>le</strong><br />

mé<strong>de</strong>cin doit respecter ce refus.<br />

- L'artic<strong>le</strong> 35 : <strong>le</strong> mé<strong>de</strong>cin doit à <strong>la</strong> personne qu'il examine ou qu'il soigne, une information loya<strong>le</strong>, c<strong>la</strong>ire et appropriée, ce qui est indispensab<strong>le</strong><br />

pour qu'un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> puisse réel<strong>le</strong>ment choisir.<br />

C'est éga<strong>le</strong>ment vers 1985 qu'émergent <strong>le</strong>s soins palliatifs en France d'abord sur un modè<strong>le</strong> organisationnel comme chez <strong>le</strong>s Anglo-saxons qui ont<br />

cherché à répondre à <strong>la</strong> question suivante :<br />

" Quel<strong>le</strong> structure mettre en p<strong>la</strong>ce pour accueillir <strong>le</strong>s mourants ? "<br />

Aujourd'hui cette démarche s'est recentrée sur <strong>le</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>, comme <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> Juin 1999 qui stipu<strong>le</strong> que "toute personne a droit aux soins palliatifs. "<br />

Mais cette évolution, cette véritab<strong>le</strong> révolution <strong>de</strong>s rapports soignants/soignés suscite quelques réf<strong>le</strong>xions. Je vous en propose 5.<br />

1ère remarque :<br />

Cette évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception <strong>du</strong> soin nécessite une prise en compte globa<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne, tant sur <strong>le</strong> p<strong>la</strong>n organique, psychologique que<br />

socioculturel.<br />

Par exemp<strong>le</strong>, vis-à-vis d'un ma<strong>la</strong><strong>de</strong> il est nécessaire <strong>de</strong> prendre en compte ses interrogations, ses craintes mais aussi ce qui fait sens dans sa vie.<br />

Par exemp<strong>le</strong> " <strong>le</strong> cancer qui est perçu comme une " ma<strong>la</strong>die irrémédiab<strong>le</strong> qui vous ronge tout cru ", donc on en meurt et en plus dans <strong>la</strong> souffrance<br />

" Le cancer a souvent en plus une connotation <strong>de</strong> faute, entretenue par notre discours médical ; <strong>le</strong> cancer <strong>du</strong> poumon est <strong>le</strong> cancer <strong>du</strong> fumeur "<br />

c'est <strong>de</strong> votre faute ,vous avez trop fumé ".Le cancer <strong>de</strong>s voies aero-digestives supérieures est repéré comme <strong>le</strong> cancer <strong>de</strong>s alcooliques " vous avez<br />

trop bu "celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau aux profiteurs <strong>du</strong> so<strong>le</strong>il et celui <strong>du</strong> col utérin aux prostituées.<br />

Or il existe <strong>de</strong>s cancers <strong>du</strong> poumon chez <strong>de</strong>s personnes qui n'ont jamais fumé, <strong>de</strong>s cancer ORL chez <strong>de</strong>s buveurs d'eau… De plus, même si <strong>de</strong>s<br />

habitu<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong>s excès sont à l'origine d'une ma<strong>la</strong>die,c'est peut-être une erreur mais pas une FAUTE , " serait-ce notre rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> juger ? "<br />

D'ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ne disent-ils pas " mais qu'ai-je fait pour avoir ce<strong>la</strong> ? "<br />

Pour <strong>le</strong> SIDA, sa représentation symbolique est éga<strong>le</strong>ment souvent bien mauvaise ! Dans ce cas quel<strong>le</strong> faute pourraient avoir commise ces enfants<br />

hémophi<strong>le</strong>s qui ont contracté <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die lors d'une transfusion ?<br />

Dans cette démarche <strong>de</strong> soins et d'accompagnement il est nécessaire aussi, <strong>de</strong> resituer <strong>le</strong> patient dans son contexte historique, culturel et familial.<br />

Par exemp<strong>le</strong> l'importance <strong>de</strong> l'accueil <strong>de</strong> <strong>la</strong> famil<strong>le</strong>, surtout en milieu hospitalier. Quel<strong>le</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong>issons-nous aux re<strong>la</strong>tions intimes en<br />

institutions ? Alors qu'el<strong>le</strong>s sont bien naturel<strong>le</strong>s et qu'une chambre est considérée comme un domici<strong>le</strong>, même à l'hôpital.<br />

2ème remarque :<br />

Cette évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception <strong>de</strong>s soins concerne <strong>le</strong>s mé<strong>de</strong>cins ainsi que tous <strong>le</strong>s autres soignants. Par exemp<strong>le</strong> : pour une infirmière, il<br />

<strong>de</strong>viendra délicat d'effectuer un soin, une prise <strong>de</strong> sang… sans l'avoir expliqué et obtenu un accord.<br />

Pour <strong>le</strong>s ai<strong>de</strong>s-soignantes, compte tenu <strong>de</strong>s libertés évoquées et <strong>du</strong> fait qu'en institution, une chambre <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> doit être considérée comme son<br />

logement, il faudrait négocier l'heure <strong>de</strong>s toi<strong>le</strong>ttes et <strong>de</strong>s repas. " Pourquoi réveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s à 6 heures <strong>du</strong> matin, pourquoi <strong>le</strong>s faire dîner à<br />

17 h 30 si ce n'est pas indispensab<strong>le</strong>? "<br />

Mais l'accompagnement n'est pas qu'une affaire <strong>de</strong> soignants, el<strong>le</strong> concerne aussi <strong>la</strong> société civi<strong>le</strong>, famil<strong>le</strong>, bénévo<strong>le</strong>, c'est une réf<strong>le</strong>xion en cours<br />

au CHU <strong>de</strong> Nantes qui vient d'inclure un " jury citoyen " dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> son projet d'établissement.<br />

3ème remarque :<br />

Cette révolution peut semb<strong>le</strong>r un peu utopique aujourd'hui par <strong>le</strong> manque chronique <strong>de</strong> moyens et <strong>le</strong>s nécessités <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment.<br />

De plus, il faudra <strong>du</strong> temps pour apprendre à ne pas se substituer aux autres, apprendre à travail<strong>le</strong>r en coordination, car personne ne peut plus<br />

assurer tout ce<strong>la</strong> tout seul.<br />

4ème remarque :<br />

Ceci est incontournab<strong>le</strong> en soins palliatifs mais tout aussi va<strong>la</strong>b<strong>le</strong> en soins curatifs, l'une <strong>de</strong> nos collègues disait "pourquoi attendre <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> vie<br />

pour être considérée comme une personne ?" C'est une question d'humanité en somme.<br />

5ème remarque :<br />

Informer est <strong>de</strong>venu une obligation prévue par <strong>la</strong> loi, <strong>le</strong>s co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déontologies...Or l'important aujourd'hui, compte tenu <strong>de</strong> ces directives, est<br />

d'apprendre à informer, "que dire ? Faut-il tout dire ? Tout <strong>de</strong> suite? Comment <strong>le</strong> dire ?<br />

Il faut essayer aussi <strong>de</strong> percevoir ce que <strong>le</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong> entend et comprend, pouvoir ré-expliquer, accompagner une information surtout si el<strong>le</strong> est "<br />

mauvaise " et penser que <strong>le</strong>s mots n'ont pas forcement <strong>la</strong> même signification chez <strong>le</strong>s soignants ou chez <strong>le</strong>s ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s.<br />

Par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s marqueurs tumoraux dosés <strong>le</strong> vendredi avec un résultat donné <strong>le</strong> soir lorsque tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> est parti, or pour beaucoup <strong>de</strong> ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s<br />

atteints <strong>de</strong> cancer ils sont synonymes <strong>de</strong> vie ou <strong>de</strong> mort, surtout si on <strong>le</strong>ur a régulièrement dit "tout va bien votre A.C.E est normal", qu'en serat-il<br />

quand ce marqueur aura un peu augmenté ? Parfois sans signification pour nous <strong>le</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />

12

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!