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le livret de visite - Bondues

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c) Résister par l’humour<br />

Germaine Tillion [DOC 19], résistante, est déportée « Nacht und<br />

Nebel*» au camp <strong>de</strong> Ravensbrück <strong>le</strong> 23 août 1943. El<strong>le</strong> refuse <strong>de</strong><br />

travail<strong>le</strong>r pour <strong>le</strong>s entreprises al<strong>le</strong>man<strong>de</strong>s. El<strong>le</strong> <strong>de</strong>vient alors<br />

« Verfügbar » [DOC 20], disponib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s travaux du camp,<br />

véritab<strong>le</strong> sous-prolétaire, un <strong>de</strong>s pires statuts du camp. El<strong>le</strong> subit moult<br />

brima<strong>de</strong>s et répriman<strong>de</strong>s.<br />

C’est pourtant dans ce camp que Germaine Tillion écrit une opéretterevue<br />

pour divertir <strong>le</strong>s autres détenues : « Le Verfügbar aux enfers ».<br />

[DOC 21 et 22]. Le titre est inspiré d' « Orphée aux Enfers », l'opérabouffe<br />

d'Offenbach, lui-même parodie d'« Orphée et Eurydice » <strong>de</strong><br />

Gluck. Pour dire l'horreur tout en se moquant, pour dire la misère <strong>de</strong>s<br />

déportées tout en riant, Germaine Tillion a donc inventé <strong>le</strong> « Verfügbar<br />

», une « nouvel<strong>le</strong> espèce zoologique » que décrit un savant naturaliste,<br />

qui est <strong>le</strong> fil rouge <strong>de</strong> l'opérette. À travers l’humour et la lucidité <strong>de</strong> la<br />

résistante, on découvre l’histoire, <strong>le</strong> quotidien, l’espoir et <strong>le</strong> désespoir<br />

<strong>de</strong> ces prisonnières corvéab<strong>le</strong>s à merci. Une détenue chante ainsi :<br />

« J'irai dans un camp modè<strong>le</strong> avec tout confort, eau, gaz, é<strong>le</strong>ctricité »,<br />

<strong>le</strong> chœur répond alors : « gaz surtout »...<br />

Germaine Tillion y détourne <strong>de</strong>s airs d'opéra en en modifiant <strong>le</strong> texte.<br />

« J'ai perdu mon Eurydice », extrait « d'Orphée et Eurydice » <strong>de</strong> Gluck,<br />

<strong>de</strong>vient ainsi « J'ai perdu mon Innendienst » (« permis <strong>de</strong> repos »).<br />

Le Verfügbar est seu<strong>le</strong>ment dit et chantonné dans <strong>le</strong> groupe <strong>de</strong>s<br />

compagnes <strong>de</strong> Germaine Tillion ou <strong>de</strong>vant <strong>le</strong> Revier*.<br />

L’opérette-revue <strong>de</strong> Germaine Tillion montre que <strong>le</strong> refus <strong>de</strong> l’esprit <strong>de</strong><br />

sérieux pouvait être une technique <strong>de</strong> survie, que <strong>le</strong> rire pouvait servir<br />

<strong>de</strong> catharsis contre la peur. L’humour est ainsi conçu comme un moyen<br />

<strong>de</strong> lutter contre la déshumanisation programmée par <strong>le</strong>s nazis (« <strong>le</strong> rire<br />

est <strong>le</strong> propre <strong>de</strong> l’homme » écrivait Rabelais) : « J'ai écrit une opérette,<br />

une chose comique, parce que je pense que <strong>le</strong> rire, même dans <strong>le</strong>s<br />

situations <strong>le</strong>s plus tragiques, est un élément revivifiant. On peut rire<br />

jusqu'à la <strong>de</strong>rnière minute » (Germaine Tillion).<br />

21

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