26.06.2013 Views

Victor Hugo, l'éclat d'un siècle - Groupe Hugo

Victor Hugo, l'éclat d'un siècle - Groupe Hugo

Victor Hugo, l'éclat d'un siècle - Groupe Hugo

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

CHAPITRE III<br />

« Aimer, c’est plus que vivre. » 45<br />

La scène et ses coulisses<br />

<strong>Hugo</strong>, qui a plus d’un drame dans son sac, avait écrit, dans la foulée du Roi s’amuse, une<br />

pièce en prose : Lucrèce Borgia. Voyant son Roi flambé en décembre au Théâtre-Français, il<br />

monte, en janvier 1833, Lucrèce à la Porte Saint-Martin. Des acteurs prestigieux et populaires<br />

participent à l’entreprise : Frédérick Lemaitre, Mlle Georges, très impériale Ŕ elle avait été la<br />

maîtresse de Napoléon.<br />

Dans un coin du foyer où l’auteur lit sa pièce, une jeune et ravissante comédienne guette<br />

l’apparition de son rôle au troisième acte : deux lignes en tout et pour tout. Mais, dit-elle en<br />

souriant, « il n’y a point de petit rôle dans une pièce de M. <strong>Victor</strong> <strong>Hugo</strong> ». Elle s’appelle<br />

Juliette Drouet.<br />

Chaque fois que le poète lève les yeux pendant sa lecture, il rencontre un regard brillant. De<br />

la conversation muette qui s’échange entre eux ce soir-là, <strong>Victor</strong> devait dire, un an plus tard :<br />

« Le jour où ton regard a rencontré mon regard, pour la première fois, un rayon est allé de ton<br />

cœur au mien comme de l’aurore à la ruine. »<br />

La première a eu lieu le 2 février 1833. C’est un triomphe. Et si l’on siffle encore, c’est signe<br />

Ŕ explique <strong>Victor</strong> au directeur inquiet Ŕ « que la pièce est bien de moi ». La recette crève les<br />

plafonds. <strong>Hugo</strong> est enfin entendu et compris de « son » public.<br />

En fait, il rayonne depuis les répétitions. Moins aimé, sinon abandonné par Adèle, il s’était<br />

cru le cœur vide et l’avait disponible. Il accepta cette émotion avec une retenue et une gravité<br />

qui firent échapper cette rencontre à l’espionnage des coulisses. Laissant rire Frédérick<br />

Lemaitre qui s’écriait : « c’est à mourir de rire ! Voyez donc M. <strong>Victor</strong> <strong>Hugo</strong> qui, pour<br />

prendre congé, baise la main de Juliette », il s’abandonne à la griserie, nouvelle pour lui, du<br />

désir.<br />

<strong>Victor</strong> tombe donc, dira-t-on dans la banalité ? Il fait comme tout le monde, comme Vigny,<br />

comme Dumas et tant d’autres ! Il s’amourache d’une petite actrice de rien, plus célèbre pour<br />

sa beauté, ses dettes et le nombre de ses amants que pour son talent ? Certes, à vingt-six ans,<br />

Juliette Drouet Ŕ Julienne Gavain pour l’état civil Ŕ est une femme-objet dont une vie de<br />

hasards et la condition des actrices ont fait plutôt une courtisane de luxe qu’une vraie<br />

comédienne.<br />

Et pourtant, d’une liaison qu’on attendait ordinaire et passagère, le poète et l’actrice vont<br />

faire Ŕ ô scandale ! Ŕ une histoire d’amour de cinquante ans.<br />

« Baisez-moi, belle Juju ! » 46<br />

Le 16 février 1833, au soir du Mardi gras que l’on célébrait encore par des masques et des<br />

cortèges, <strong>Victor</strong> et Juliette devaient se rendre à un bal costumé. Il y eut ce billet de Juliette :<br />

« M. <strong>Victor</strong><br />

Viens me chercher ce soir chez Mme K…<br />

Je t’aimerai jusque là pour prendre patience.<br />

A ce soir. Oh ! ce soir, ce sera tout !<br />

Je me donnerai à toi toute entière. »<br />

Et ils n’allèrent pas au bal. Cette nuit-là fut pour <strong>Victor</strong> une seconde naissance.<br />

45 Lettre de <strong>Victor</strong> à Juliette<br />

46 Lettre de <strong>Victor</strong> à Juliette, 7 mars 1833<br />

28

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!