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Victor Hugo, l'éclat d'un siècle - Groupe Hugo

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un tel recul ? Paris n’est pas toute la France, et la Province, dont les notables et le clergé ont<br />

bien exploité la peur, se rallie à la forme républicaine à condition d’y maintenir l’ordre. La<br />

paysannerie, elle, n’a pas de sympathie pour les ouvriers « partageux ».<br />

Cette assemblée de droite, qui a pour mission d’établir une constitution, s’empresse de<br />

réduire la « pagaille » : il faut résoudre les difficultés économiques, rassurer le monde des<br />

affaires qui cache ses capitaux, et faire taire la rue qui prétend imposer sa politique aux<br />

députés. La répression violente d’une première manifestation, en mai, prépare l’opinion à<br />

admettre beaucoup plus grave. Le gouvernement provisoire, au lendemain de février, avait<br />

créé, sous l’impulsion du socialiste Louis Blanc, des Ateliers nationaux. Cette expérience<br />

devait permettre à la fois de donner un emploi aux chômeurs, et de promouvoir une<br />

conception nouvelle du travail, devenu pour tous un droit. Mais la crise avait accru le nombre<br />

d’ouvriers enrôlés : trente mille en mars, cent mille en mai. Le responsable des Ateliers,<br />

Marie, hostile à l’expérience, débordé, sabota délibérément l’entreprise. L’Assemblée estima<br />

donc que tous ces chômeurs payés à ne rien faire, coûtaient cher, n’étaient bons qu’à<br />

manifester et à mettre l’ordre en danger. Le 21 juin 1848, elle décida la fermeture des Ateliers<br />

nationaux. C’était une véritable provocation, car le pouvoir savait qu’il allait déclencher la<br />

guerre dans la rue. Elle dura quatre jours, du 22 au 26 juin. Du Panthéon au faubourg Saint-<br />

Antoine, Paris se couvrit de barricades. Décrétant l’état de sièges, l’Assemblée donna à<br />

Cavaignac la mission de liquider, une bonne fois, la canaille. Ce qu’il fit : des milliers<br />

d’insurgés tués, mille cinq cents fusillés sans jugement, plus de dix mille condamnés à la<br />

prison ou à la déportation.<br />

La bourgeoisie avait gagné cette première guerre sociale de notre histoire. Les conservateurs<br />

respirèrent. La Province et l’Europe applaudirent. Obsédés par le danger socialiste et la peur<br />

des pauvres, ces républicains tranquilles ne se doutaient pas qu’ils avaient tué leurs<br />

défenseurs.<br />

<strong>Hugo</strong> de droite à gauche<br />

Pendant que la République bascule dans la réaction, <strong>Hugo</strong> effectue, lentement, le trajet<br />

inverse.<br />

Fidèle à son engagement, il juge, en février, une monarchie libérable préférable à une<br />

république désordonnée : pourquoi ne pas mettre sur le trône le petit-fils de Louis-Philippe,<br />

âgé de neuf ans, et confier la régence à sa mère, la duchesse d’Orléans ? Les ministres Thiers,<br />

Barrot, etc., sont pour, mais Paris est déjà sur ses barricades. Plongeant avec courage dans<br />

l’océan des blouses et des fusils qui a envahi la place de la Bastille, <strong>Hugo</strong> tente de faire<br />

acclamer sa proposition, dans la journée du 24 février. Bravoure inutile Ŕ Lamartine a déjà<br />

proclamé la République Ŕ mais éclairante pour <strong>Hugo</strong> ; il est bouleversé de voir ce « Pauvre<br />

grand peuple, inconscient et aveugle » se précipiter vers une République sans contenu,<br />

inconnue, vers « la ruine, la misère, la guerre civile peut-être ». 68<br />

Le 25 février, <strong>Hugo</strong> va féliciter Lamartine à l’Hôtel de Ville. Occasion pour lui de soutenir<br />

et encourager son ami, sans pour autant endosser la veste retournée des « Républicains du<br />

lendemain ». « La République », dit-il à Lamartine, « est à mon avis le seul gouvernement<br />

rationnel, le seul digne des nations. La République universelle sera le dernier mot du progrès.<br />

Mais son heure est-elle venue en France ? C’est parce que je veux la République que je la<br />

veux viable, que je la veux définitive. » Regardant « les choses dans (sa) conscience », <strong>Hugo</strong><br />

refuse à Lamartine Ŕ qui le lui offre Ŕ le ministère de l’Instruction publique.<br />

Elu député début juin, lors d’une élection complémentaire, <strong>Hugo</strong> siège à droite, plus par<br />

résignation que par enthousiasme. Le spectacle des Ateliers nationaux l’afflige : « Jouer au<br />

bouchon, c’est un des travaux des Ateliers nationaux. Un autre, en blouse aussi, dormait<br />

68 Carnets de V. <strong>Hugo</strong>, mars 1848.<br />

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