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Victor Hugo, l'éclat d'un siècle - Groupe Hugo

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Louis Napoléon Bonaparte peut lui barrer la route. L’Evénement fait une campagne<br />

enthousiaste pour ce sauveur de la République. C’est un triomphe écrasant : cinq millions<br />

cinq cent mille voix pour Louis Napoléon Bonaparte, un million cinq cent mille pour<br />

Cavaignac. Les dix sept mille neuf cent quarante voix de Lamartine font sourire tout le<br />

monde. En fait, le prince-président a rallié les voix de tous bords : les campagnes ont<br />

massivement voté pour le « Neveu », la droite monarchiste a vu en lui un incapable facile à<br />

manipuler, la gauche modérée attend la paix civile et le progrès. Le premier président de la<br />

République est élu pour quatre ans et n’est pas rééligible : voilà qui écarte le risque du<br />

pouvoir personnel et de la dictature.<br />

La déception va être immédiate. Bientôt ce sera la colère, puis la lutte. Ni pantin, ni<br />

socialiste, Louis Napoléon Bonaparte s’engage vite et fermement dans une politique de la<br />

réaction. Prenant pour ministre ceux-là mêmes qui l’avaient condamné sous Louis-Philippe, il<br />

donne gage sur gage à la droite. En récompense, les élections législatives de mai 1849<br />

ramènent à la Chambre une moisson de députés encore plus réactionnaires que la précédente.<br />

Réélu par les conservateurs, <strong>Hugo</strong>, quoique homme d’ordre, voit se dessiner une droite<br />

déterminée et brutale, obscurantiste et cléricale. Outre divers assauts sur les libertés menacées<br />

de la presse, de l’art, des théâtres, <strong>Hugo</strong> lance, seul, deux batailles décisives, perdues sur le<br />

moment dans les ricanements majoritaires, gagnées devant l’Histoire : la première sur la<br />

misère, la seconde sur l’instruction.<br />

Le 9 juillet 1849, <strong>Hugo</strong> accuse carrément l’Assemblée de vouloir étouffer la question de la<br />

misère, de préférer « l’aumône qui dégrade » à l’ « assistance qui fortifie ». L’affirmation « on<br />

peut détruire la misère » soulève les épaules scandalisées de ces braves gens de députés pour<br />

qui mourir de faim est une fatalité qui n’arrive qu’aux autres. Décidément, <strong>Hugo</strong> ne peut plus<br />

douter qu’il s’est fourvoyé et ne va pas tarder à rompre, avec éclat, avec l’Elysée. 71 Les droits<br />

d’associations amputés, la presse réprimée, voilà pour le peuple. Le président, lui, exige de<br />

l’Assemblée des millions supplémentaires pour assurer son train de vie voyant et gâter ses<br />

maîtresses. Pas de crédits pour les malheureux, mais on en trouve pour recouvrir de macadam<br />

les pavés parisiens : plus de pavés, plus de barricades, et donc plus de révolution !<br />

C’est le 15 janvier 1850 que <strong>Hugo</strong> choisit définitivement de laisser parler, et avec quelle<br />

violence, sa conscience. La loi Falloux projetait de donner au clergé le monopole de<br />

l’enseignement, livrant instituteurs, professeurs et universitaires à la surveillance des curés et<br />

des évêques. C’était un recul de cinquante ans. Voyant ressusciter, dans l’ombre de cette loi<br />

cléricale, les spectres haïs des moines de Madrid, des faux prêtres de la pension Cordier, toute<br />

cette noire clique d’ignorants asservis aux riches et aux puissants, <strong>Hugo</strong> prononça un discours<br />

formidable. Le premier dans l’histoire, il proclama le « droit de l’enfant » à l’instruction<br />

primaire, obligatoire et gratuite, donnée par un « Etat laïque, purement laïque, exclusivement<br />

laïque ». Réclamant « l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui », <strong>Hugo</strong> fustigeait, non l’Eglise,<br />

mais ses parasites Tartuffes, jadis faiseurs d’inquisition et de bûchers, toujours assassins de<br />

l’esprit et du progrès.<br />

« Si le cerveau de l’humanité était là, devant vos yeux, à votre discrétion, ouvert comme la<br />

page d’un livre, vous y feriez des ratures ! »<br />

Des huées ininterrompues accompagnèrent le discours de <strong>Hugo</strong>. La loi, bien sûr, fut votée.<br />

Ce jour-là, alors que la République est vraiment trahie, bafouée, désertée, <strong>Hugo</strong> dit « j’en<br />

suis ». Et il y restera.<br />

Léonie se venge ou La lettre d’amour devient machine de guerre<br />

Le 26 février 1850, <strong>Hugo</strong> fête ses quarante-huit ans, en famille. La tribu n’est plus Place<br />

Royale, elle campe au bas des pentes de Montmartre, 37, rue de la Tour-d’Auvergne. Adèle,<br />

71 Résidence adoptée par Louis Napoléon Bonaparte, restée depuis celles des présidents de la République.<br />

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