Depuis deux ans Léopoldine est morte. 36
CHAPITRE V Chez les rois, mais dans la rue 1842 Ŕ Voilà <strong>Hugo</strong> « bien assis ». Quarante ans. Il lui pousse un estomac de bourgeois nanti. Juliette redoute, en lui baisant le front, de déranger le « rouleau » Louis-Philippard de sa coiffure. Le salon rouge ne désemplit pas. Adèle commande beaucoup de glaces et de bols de punch. <strong>Victor</strong> conduit Léopoldine à son premier bal. Où est donc l’orphelin qui Ŕ comme les pauvres Ŕ regardait de la rue danser les riches ? Le vicomte <strong>Hugo</strong> est un homme étrange. Du haut du pavé, il voit l’égout, le ruisseau, le bagne. Il écoute ce que disent, les soirs d’émeute, les ouvriers en blouse et capte, dans les prunelles d’un peuple anonyme, le regard « lugubre » de la misère. « L’écume du malheur » 56 Du peuple, on peut dire que, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, il n’existe que théoriquement. Muet : il ne vote pas ; invisible : il travaille. Sans doute, Stendhal, Balzac, Eugène Sue, Michelet désignent, par leurs œuvres, au pouvoir et aux assemblées une plèbe victime Ŕ parfois dangereuse Ŕ de l’injustice sociale. Le vote de quelques lois non suivies d’effet Ŕ pour interdire le travail des enfants de moins de huit ans, par exemple Ŕ, montre à quel point la question du peuple, même posée, reste abstraite. Périodiquement, une vague plus forte de misère le soulève : un ouvrier devient assassin, vingt fomentent une conspiration, deux mille dressent des barricades. Le bourgeois dit alors : « Gare à la canaille. » De 1830 à 1848, en dix-huit ans, quinze insurrections ou grèves violentes, quatre attentats, ratés, contre Louis-Philippe, cinq complots déjoués, trop d’assassins arrêtés pour qu’on puisse les compter, voilà le nouveau visage du peuple. En réponse, la mitraille et le couteau de la guillotine. Pas plus qu’en 1829, quand il écrivait Le Dernier Jour d’un condamné, <strong>Hugo</strong> ne supporte cette réponse-là. A l’inutile violence populaire, à l’inefficacité sanglante de sa répression, il cherche des causes et des remèdes. D’où Claude Gueux, bref roman publié en 1834. Les journaux du temps avaient commenté la sinistre histoire de ce malheureux dont le nom déjà était un ricanement du sort. Ayant faim, il avait volé. En prison, il avait tué son gardien. La guillotine avait tranché cette mauvaise tête. S’emparant de ce fait divers, <strong>Hugo</strong> dit : « Qui est réellement coupable ? Est-ce lui, est-ce nous ? » La société est malade, l’amputer de quelques têtes ne la guérira pas. Le vol, le meurtre, l’émeute, la prostitution, sont le produit de la faim, du froid, de l’ignorance. « Supprimez le bourreau… avec la solde de quatre-vingt bourreaux, vous paierez six cents maîtres d’école. » Faubourgs, forçats, filles publiques <strong>Hugo</strong>, en voyage, visite les bagnes de Toulon et de Brest. A Paris, il écoute et observe le faubourg Saint-Antoine, parcourt les franges douteuses des Barrières où, de masures en terrains vagues, Paris hésite entre ville et campagne. Lui, dont les enfants choyés place Royale jouent et étudient sagement, enregistre les joies stupéfiantes de la misère enfant. « Deux enfants du peuple, deux pauvres gamins, l’un ayant dix ans peut-être, l’autre sept, gais, frais, souriants, en guenilles, mais pleins de vie et de santé ; courant, riant, ayant le 56 L’Homme qui rit. 37
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Il n’y eut pas d’oraison, mais
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l’image populaire de Hugo s’ide
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plus aux interprètes qu’à l’a
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Comme Hugo aima remonter le Rhin en
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