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« <strong>Que</strong> <strong>tout</strong> s’arrange »<br />
la vocation s’est précisée. Deux ans après, en rhétorique (classe<br />
terminale, n.d.e.), j’ai dit à mes parents : « Je vous demande la permission<br />
d’entrer au noviciat, en septembre prochain. » Ils voulaient<br />
attendre la fin de la guerre. J’avais 16 ans. Pendant ma retraite<br />
de fin de rhétorique, je leur ai écrit une lettre qui les a fort<br />
touchés. Ils se sont dit : « Ce n’est pas possible ! » Ils ont demandé<br />
conseil au Père Abbé du Mont-César qui leur a répondu : « S’il a<br />
écrit cette lettre seul, il est mûr pour entrer. » Elle avait été écrite<br />
entre deux parties de bridge, pendant la retraite du père Fiévez.<br />
Je n’avais pas besoin de cette retraite, ma vocation était parfaitement<br />
claire. Une vocation, ça nous dépasse tellement…<br />
Je suis entré au noviciat. Très vite, j’ai prié pour être malade<br />
et rentrer à la maison ! Un ami novice avait eu cette chance.<br />
J’aurais pleuré pour l’avoir aussi. Mais je ne voulais pas paraître<br />
ridicule : partir à peine entré… ! Si j’avais été malade, j’aurais eu<br />
un bon motif pour sauver la face !<br />
Ce qui m’a sauvé ? La grande retraite de trente jours, où j’ai<br />
connu une relation vraie avec Jésus. <strong>Que</strong> me demandait le<br />
Seigneur : vivre chez mes parents ou le suivre dans l’aventure de<br />
l’Évangile ? Deux ans de noviciat m’ont aidé à choisir… et j’y suis<br />
toujours.<br />
—Votre père, comment a-t-il vécu ces événements ?<br />
—Avec mon père, comme pour beaucoup, ça n’a pas été facile.<br />
Mais il s’est révélé à moi le jour où je suis entré au noviciat.<br />
Il a craqué. Il m’a écrit six pages, comme un ami écrit à son ami,<br />
pour me dire qu’il ne m’avait pas assez témoigné son amour, qu’il<br />
ne m’avait pas assez dit qu’il m’aimait. Et dans ces six pages, il<br />
me l’a dit en relisant notre relation, en redisant ce qu’elle avait<br />
de privilégié, de beau, ce qu’il voulait qu’elle soit toujours. Mon<br />
père avait une affectivité qui ne s’exprimait pas, mais il m’aimait<br />
profondément. Ayant perdu sa maman à 14 ans, il se livrait autrement.<br />
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